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05/02/2011

Demandez le programme…

 

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Nul doute que vous jugerez  ma  tour un tantinet branlante… Et certainement incomplète. Je sais qu’il s’y glissera toujours une autre pièce, intruse  à l’urgence capricieuse, mais je n’ai pas résisté  bien longtemps en passant au jardin des Lettres… J’avais le plus beau des prétextes pour utiliser les bons de lecture que m’avait remis ma Douce.  De son côté, Simone a glissé également dans mon escarcelle quelques titres sortis de sa propre récolte…

À moi de suivre maintenant …

D'autant que je complexe. Le ralentissement de mes notes de lectures n'a pas  échappé à la perspicacité de ma fille, et il est grand temps que je m'y remette plus régulièrement. L'exercice n'a rien de rébarbatif, que le bouquin soit bon ou plus médiocre, il est toujours intéressant de s'octroyer un moment de retour. Ce qui revient à  clore cette conversation intime tenue au long de quelques soirées avec le livre… Précisément, ce n'est ni l'auteur, ni à fortiori l'ensemble des personnages (encore que…) avec lesquels le lien se tisse, mais il existe une perception particulière, une appropriation instantanée que l'on sait être appelées à disparaître… Quelquefois, la force d'un sujet et/ou  la manière de l'écrivain façonnent notre ressenti et notre pensée de telle sorte qu'on se sait changé. Ainsi je constate que certains bouquins imposent une reprise rapide, une réponse en quelque sorte par le truchement de cette note qui vous est alors adressée presque comme une supplique, une invitation pressante à le découvrir à votre tour… Parfois, il faut laisser couler quelques jours, quelques semaines avant de revenir sur un sentiment confus, une impression mitigée qu'il est agréable alors de sortir de ses propres limbes pour mieux maîtriser avec nos propres mots les idées et les perceptions rencontrées. À ce moment, je n'ai jamais envie d'aller voir ce que d'autres ont écrit sur le sujet. Mais après publication ici,  ou (sur son alias odelectures) ou sur Lecture/Ecriture, qui fourmille de notes intéressantes, j'ai plaisir à confronter les différents points de vue…Et il se trouve toujours quelqu'un qui a déniché un angle inattendu, invisible à mon approche, et c'est comme une partie de ping-pong qui s'engage.

 

04/02/2011

Un coeur gros comme ça

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Une salle en transe clame son nom avant même que le ténor ait poussé la première note…

Ce lundi à Marseille, le public de l’Opéra s’est  réjoui d’un spectacle à la hauteur de son attente.
Et pourtant, la barre pouvait lui  paraître bien difficile à atteindre, si l’on imagine le jeune ténor attentif à la rumeur bourdonnante de l’arène pleine, à l’heure de franchir le rideau des coulisses et de se glisser jusqu’au piano trônant solitaire au milieu de la scène …
Des applaudissements tonitruants saluent sa première apparition, et quelques voix clament déjà son prénom, comme si le chanteur avait déjà donné le meilleur de lui-même.
Coite sur mon strapontin du parterre, je m’amuse de cette ferveur à l’égard d’un ténor à peine sorti du sérail, dont la mine juvénile révèle la fulgurance d’une carrière débutante… Si l’on songe aux difficultés de ce métier exigeant et sélectif, la gloire parvient rarement avant une maturité affirmée. Et pourtant…

Après les notes timides du premier morceau mozartien, Se all’ impero, extrait de la clémence de Titus, Florès est à nouveau applaudi avec un enthousiasme que pour ma modeste  part, je trouve un tantinet exagéré.  Mais les airs suivants,  quatre fragments d’ œuvres de Rossini,  permettent de réviser cette impression initiale. La voix de Juan Diego Flores s’empare des trilles et les offre à nos oreilles avec une pureté cristalline, un son franc et une diction méticuleuse… Au point que la gaucherie des attitudes contraintes s’oublie totalement.   À l’entracte, je conserve juste une petite réserve concernant l’éclat des souliers vernis des deux hommes, chaussures toutes neuves sans doute que les spots lumineux frappent d’éclairs  agressifs attirant nos regards malgré nous.

La seconde partie du récital tient les promesses entrevues et la ferveur du public s’en trouve pleinement justifiée. Plus détendu semble-t-il,  Juan Diego Flores commence à mimer  les émotions des  trois Canzones   avec lesquelles il ouvre cette seconde partie : un programme léger de chants espagnols dont le célèbre Adios Granada de Saavedra.  Un enchantement  pour nos oreilles, d’autant que  le programme s’élargit avec Verdi. On sait le public marseillais très attaché au Bel Canto… Comme il est  arrivé conquis, la fièvre monte encore d’un cran. Derrière moi, les voix enflent au cours des applaudissements : ce sont surtout des spectateurs qui expriment leur enthousiasme en lançant des Diego, Bravo,Brav-vo, Brav-vissimoooo,  Die-go, Die-go… Pour un peu, ces stances pourraient passer pour des déclarations… Attention, Messieurs, retenez vos ardeurs, vous êtes en public !!!


Nullement troublé par ces  transports énamourés , notre ténor et son  pianiste accompagnateur répondent  d’abord par un bis, puis deux, puis trois…et encore, et encore… je n’ai plus décompté, mais il me semble bien que le jeune homme a offert à son public au moins six airs supplémentaires, soit une troisième partie de récital, où il a glissé avec humour un extrait de la fille du régiment, livret en français ce  qui permet d’illustrer la perfection de sa diction.  


Vous avouerai-je qu’une telle générosité à l’égard du public ne laisse pas de marbre ? Outre son talent et son travail , ce jeune chanteur possède un cœur gros comme ça et plus, un charisme étonnant et pas si fréquent, qui me donne la chair de poule et m’émeut, me renvoyant à une autre personnalité flamboyante de la scène lyrique, que nous étions allés entendre à plusieurs reprises , à l’époque des Lundis de l’Athénée, dans les années 80. La Prima Donna incomparable de l’époque,  Montserrat Caballe s’y donnait avec une jubilation communicative. Il nous semblait qu’elle n’était jamais fatiguée, toujours prête à enchaîner les airs et les rires qu’elle partageait avec nous, son public  de fans ratatinés entre les rangs serrés du petit théâtre parisien.

Un grand merci donc à Simone qui m'a offert cette nouvelle soirée musicale, découverte et partage, prolongée par une  balade romantique sur la corniche, sous la clarté des étoiles. En cette dernière nuit de Janvier, la douceur relative de l'air nous permet de goûter pleinement le rythme paisible du ressac en contrebas… La dentelle d'écume fine joue autour de l'ombre des rochers à quelques brasses de la grève; Marseille scintille de milliers de points lumineux de part et d'autre, on devine cette côte citadine qui semble n'avoir aucune limite, et nous nous réjouissons toutes deux d'être (presque) seules à profiter de ce spectacle et à jouir de ce sentiment de liberté bien employée…

 

19/12/2010

Le moulin des contes

Nichée dans une ruelle minuscule, au sommet du centre historique d’Hyères, il faut bien chercher pour débusquer la librairie intitulée le moulin des contes.
  L’affaire n’a  pas été simple : frigorifiés,   nous avons erré une bonne demi-heure dans les ruelles glacées de la cité, que nous ne connaissions ni l’un ni l’autre. Même  le fidèle Tom Tom, héros de la technologie itinérante, n’avait pu nous mener  à bon port dans ce dédale de rues piétonnes. Il nous a donc fallu franchir un véritable labyrinthe  de rues étroites, pentues et serpentines, dessinant une spirale ascendante jusqu'au cœur de la vieille ville. Enfin  nous parvenons devant  la porte du lieu, où un mail de Catherine Brutinel nous avait conviés, en ce vendredi 17 décembre.  La  discrète rue du puits existe bel et bien, et nous y découvrons une  accueillante vitrine à l’ancienne, aux panneaux abondamment recouverts  de posters divers…

La porte franchie, nous sommes accueillis par le maître de céans, qui nous convie à nous fondre dans l’assemblée déjà réunie. La pièce où nous venons d’entrer paraît exiguë en regard du nombre d’invités qui bavardent entre les étals. Mon regard est  immédiatement attiré par les superbes marionnettes mises en scène sur toute la longueur du mur de droite… Deux ou trois alcôves ont été aménagées pour favoriser leur mise en valeur; leurs atours chatoyants, les faces maquillées des poupées de bois, les attitudes dans lesquelles elles ont été figées m’évoquent irrésistiblement le Marionnettentheater de Schönbrunn, découvert en septembre dernier.
Le centre de la pièce est occupé par de larges tables offrant aux visiteurs les couvertures aguichantes de livres, dont la plupart sont destinés à un public d’enfants. Je comprends pourquoi la seule personne capable de nous aiguiller un peu au cours de notre pérégrination était une jeune maman…

   Mais les contes de ce moulin ne s’adressent pas aux seuls enfants.
   Christian et Catherine Brutinel ont  à peine modifié cet  ancien moulin à huile, désireux d’en préserver les traces de vie antérieure, et tant pis pour la gêne relative occasionnée par une rigole creusée dans le pavement autour de la dalle de meulage.  Ainsi  aménagé, l’endroit semble hors du temps, et perd sa mine de commerce pour se métamorphoser en antre de la culture. D’ailleurs, je m’aperçois rapidement que d’incertaines piles de confitures voisinent aimablement avec des carnets de notes, des agendas aux couvertures régionales, des éditions de volumes qui n’apparaîtront jamais dans les rayons librairie des supermarchés. 

Éloigné des artères commerçantes de la ville, le couple a choisi d’offrir un centre de rencontre aux amoureux des livres et de la lecture, sans limite d’âge ou de centre d’intérêt, si ce n’est le désir de communiquer à l’unisson autour des mots, en échangeant des histoires et des mythes, en partageant le plaisir de la lecture avec ceux et celles qui rêvent d’écrire.


Depuis des années,   Christian et Catherine Brutinel consacrent leur énergie à la transmission des contes, ainsi qu'ils le définissent sur leur site au lien ci-dessous.
http://contes-actes83.monsite-orange.fr/index.html

 Soutenus notamment  par le parrainage du Lions club, ils ont en outre étendu cette noble ambition à l’association culturelle Lire à Hyères  aux objectifs  exposés sur la page d’accueil du site référencé ici :  http://lireahyeres.monsite-orange.fr/.
Parmi ces activités, l'annonce du concours annuel de nouvelles thématiques a semblé m' adresser un clin d’œil proprement irrésistible…



Au printemps dernier, je me suis donc  lancée dans l’aventure qui me tient à cœur depuis des lustres.
Lecteurs et lectrices anonymes mais fidèles,vous n’êtes pas sans avoir remarqué que de temps à autre, je publie sur ces pages  des textes fictionnels ou de menus poèmes plus ou moins sérieux. Sans ouvrir ici un bureau des plaintes, il est honnête de constater que mes petites histoires, plus ou moins fignolées, n’ont guère suscité d’échos.… Par  modestie, manque d’intérêt, ou indifférence totale de mes souris-lectrices, je ne sais, mais  face à un tel désert, immense est mon sentiment de solitude…
  À l’automne 2009, décidée à prendre mon destin en main, je vous contais comment j’avais résolu d’envoyer un premier texte au Hangar, site proposant  alors un challenge de nouvelles. Ma mésaventure, relatée alors ici : http://gouttesdo.hautetfort.com/archive/2009/12/20/mesave...
m’a tout de même permis d’entamer avec ce site communautaire un partage de notes de lecture qui se poursuit encore à ce jour, malgré les aléas des parcours de chacun… 

Mais l’idée était en germe et j’ai poursuivi ma démarche, jusqu’à débusquer cette occasion  radicale  de me frotter aux regards de lecteurs volontaires.  Sans me vanter ni me bercer d’illusions, j’ai donc adressé  en juin dernier à Lire à Hyères deux nouvelles peaufinées par mes soins.

 Cette démarche suppose la gestion d'une légitime impatience. Nos écrits voyagent,  et il faut accepter de les perdre de vue…  Silence accepté pendant tout l’été,   silence persistant en ce début d’automne.
 Indubitablement  convaincue que mes talents ne devaient pas être reconnus en ce bas et vil monde, j’ai fini par publier ici la seconde des nouvelles en jeux, La dauphine et le baby-foot *, en priant le ciel qu’un lecteur au moins manifeste un début d’intérêt… Las !
Jusqu’au 1er novembre dernier… Un mail cordial de Catherine Brutinel m’informait que ma nouvelle Retour**  était retenue pour la publication du recueil des prix 2010.  Je n’avais pas décroché de distinction particulière, mais un de mes textes serait dorénavant couché sur le papier … Un grand calme se fit en moi… Enfin !

 Est-ce dû au gène sceptique de mon caractère, avant de vous confier mes émotions, il me fallait être sûre et certaine  que je pourrais voir de mes yeux ces quelques lignes imprimées. C’est chose faite depuis vendredi, et mieux que ça… j’ai entendu deux ou trois petites notes célestes arpégeant  la poésie de mon écriture… Mais chut ! J’ai bien trop peur  qu’un manque brutal de modestie de ma part n’étouffe définitivement les flammèches à peine allumées  de la renommée…

Pour références et avec mes remerciements:

Éditions du Moulin des Contes

3bis rue du puits

83400 Hyères

 Tel 04 94 35 79 28

 

* http://gouttesdo.hautetfort.com/archive/2010/10/30/la-dau...

** http://gouttesdo.hautetfort.com/archive/2009/01/30/retour...

03/12/2010

Un cri dans la forêt… des éditeurs

Petit retour à la destination première de ces gouttesd’o,  petites notes plus ou moins anodines qui s’écoulent à mon gré  depuis un peu plus de  3 ans maintenant. Initialement, gouttesd’o est né pour concrétiser un besoin d’échange au sujet de mes découvertes littéraires.  Lectrice  impénitente je suis, et même si j’ai choisi de présenter majoritairement mes notes de lecture en marge, ce qui vous prive de commentaires*, il se trouve que certaines oeuvres posent question et nécessitent l’ouverture de débats.


Au printemps dernier,   j’ai rencontré un écrivain local qui vendait ces œuvres  dans un lieu inhabituel : la cave Saint Jean, l’une des nombreuses caves dont s’honore notre petite cité viticole. Ce n’est d’ailleurs  pas la première fois que je rencontre, au détour des commerces les plus divers, des écrivains édités à compte d’auteur, et je me sens mal à l’aise en face de ces créateurs obligés d’endosser le rôle de commercial. Par empathie autant que par curiosité, j’ai donc acheté à Pierre Bertho les deux volumes  de sa saga  J’en fais le serment suivi d’Un cri dans la forêt.  La quatrième de couverture et un  petit entretien  sympathique avec l’auteur m’avait permis d’entrevoir une lecture d’été, agréable et légère, accordée à la période estivale imminente, période durant laquelle nous allions être  moins concentrés en raison des partages avec nos invités.

En brodant son intrigue sur le thème de la descendance supposée de Marie- Madeleine, Pierre Bertho s’appuie sur un moteur d’intrigue déjà connu.  On pourrait lui reprocher cette facilité, mais puisqu’il implante son histoire à Saint Maximin la Sainte Baume et dans le massif  éponyme qui lui fait face, comment ne pas trouver naturelle sa démarche ? La fameuse grotte qui servit d’ermitage à la Sainte femme appartient au patrimoine de la région et son intérêt n’est certes pas seulement touristique. Au- delà de la survivance du rite  dans le site, l’hôtellerie  de la Sainte Baume, animée par les frères Dominicains s’inscrit comme un lieu de réflexion théologique et spirituelle recherché.  Toutefois Pierre Bertho préfère de loin tricoter son énigme à partir de la légende, ou plutôt des  légendes  bâties autour de  l’Histoire du catholicisme et de ses dérives. On y retrouve les mêmes ingrédients que dans le fameux Da Vinci Code, et nul lecteur ne peut prétendre ne pas l’avoir vu venir.  Ouvrir le roman revient à accepter d’emblée le genre et tant pis pour les redites.


Au fil des deux tomes, nous suivons les investigations contrariées du personnage principal, Pierre Soubeyran, qui reprend contact accidentellement avec son cercle familial après une absence  volontaire de plusieurs décennies. Le temps passé n’a pas effacé l’amour qu’il éprouvait alors pour sa voisine, Madeleine, devenue après sa fuite  inexpliquée la femme de  son propre frère.  Rapidement veuve, Madeleine a élevé  sa fille Marie Sarah, entourée de sa mère et son beau-père, alliant les deux exploitations viticoles. Ses retrouvailles avec Madeleine se réalisent d’abord grâce à Marie- Sarah, jeune femme volontaire et aventureuse. Mais en renouant  avec l’entourage de ses jeunes années, Pierre perçoit rapidement une terrible ambiguïté dans ses rapports avec les anciens amis. Chaleureusement accueilli, il lui est cependant difficile de se réconcilier sans éclaircir les points de litiges anciens qui l’ont heurté jadis. Des événements brutaux, enlèvement,   agressions violentes, effractions, serviront peu à peu de verrous ouvrant les portes d’énigmes  de plus en plus oppressantes … Comme toujours quand on aborde le résumé d’un roman de ce genre, il n’y a aucun intérêt à dresser le tableau des divers éléments de l’intrigue. Si vous êtes tentés, sachez simplement que vous entrez dans un univers ésotérique où les survivants de lointaines confréries poursuivent sans relâche, mais avec une férocité toujours vivace des idéaux oubliés…

Amateurs d’énigmes occultes, vous pouvez consacrer sans remords quelques soirées de cet hiver précoce à la famille Soubeyran et notre belle région de Provence Verte…

En réalité, je me suis bien amusée à suivre les personnages de Pierre Bertho dans les lieux qui constituent mon cadre de vie. Sous l’identité des  différents protagonistes, le roman offre des éléments qui relient les personnages à leurs doubles de chair, au moins dans leur fonction, leur habitat, les paysages parcourus. A cet égard, le personnage d’Amandine, dernière ermite de la forêt de la sainte Baume offre l’occasion de pénétrer  dans ce sombre et majestueux massif .  Reconnaître ces sentiers et y calquer les événements romanesques constitue un plaisir particulier,    mais pas indispensable : il n’est pas nécessaire d’être parisien pour suivre les Malaussène dans le vingtième arrondissement  de Pennac, ou d’être New Yorkais pour s’intéresser aux  angoisses des personnages de Paul Auster. 


Le point qui cependant me chiffonne n’est pas lié à l’aspect romanesque de l’ouvrage. Je reconnais qu’il est même tout à fait sympathique que l’auteur, ancien membre de la police scientifique, utilise ses connaissances pour nouer  ses intrigues et  promener ses lecteurs dans le champ des indices vraisemblables…Avant de les rouler dans la farine du fantasme.

 Cependant, pour être tout à fait honnête, il m’est  arrivé  d’éprouver une réelle gêne au cours de ma lecture, sans rapport avec  la nature de l’histoire, vous l’avez compris: le sentiment d'un embarras éprouvé au détour d’une phrase,  à tel point qu’il m’est arrivé de lire à nouveau le passage pour m’en assurer, et m’en désoler. Écrire est un travail véritable, lent,  solitaire et rigoureux, dévorant, demandant à son auteur une concentration énorme, relative au sens de son histoire, à la construction psychologique et physique des personnages, à la menée des moments clés qui bâtissent le suspense, au choix des mots, à la qualité des descriptions,   à la tournure de la syntaxe utilisée.  Mais quiconque a déjà un peu écrit, je veux dire s’est impliqué dans la transcription d’idées ou de fantasmagories, sait qu’il faut se lire, se relire et faire relire sans concessions à d’autres, des témoins qui traquent les erreurs, cernent les maladresses, soumettent  la nécessité de modification … Cette lecture  critique préalable, qui requiert la confiance de l’auteur,   c’est  en bout de course le travail de l’éditeur.

Or,   pour étayer mon reproche  je me bornerai à ne citer que deux exemples, relevés au cours de ma lecture, et qui m’ont désagréablement impressionnée: Page 18 d’Un cri dans la nuit, cette déformation inopportune du passé simple :
«  Une énorme dalle plate servant de porte n’offra que peu de résistance… »
Page 207 du même ouvrage, mes yeux refusent la construction  ci-dessous :
«  Profitant de placer un plat sur la table, elle posa une main… »
Sans aucun désir d’accabler l’auteur, il me paraît honnête de souligner ce défaut, que le travail  d’édition aurait dû corriger. Mais leur occurrence tout au long des pages de ces deux livres finit par gâcher le plaisir de lire…  Je ne lis plus pour corriger et « faire ma prof’ , même s’il m’est arrivé aussi de relever des coquilles  dans certains ouvrages édités par des maisons incontournables. 


Les deux ouvrages de Pierre Bertho sont édités par les éditions AMLO. Impossible de trouver les références de cette maison, sur le Net. Dommage…
Voilà une mésaventure dont l’auteur, et avec lui tout écrivain, se passerait volontiers, j’imagine, en dehors de l’obligation de se muer en camelot. Rappelons quand même que l’édition à compte d’auteur revient fort cher à celui qui ne voit que ce moyen pour transmettre ses créations. Si au moins la qualité de l’impression lui était assurée …

 

 

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* À ce sujet le manque de commentaires m’a poussé à redoubler les publications de mes notes sur   http://odelectures.canalblog.com/  où vous êtes toujours les bienvenus, même s’il en manque toujours beaucoup…

Et si le coeur vous en dit, Pierre Bertho tient son propre site, pratrique pour vous procurer ses divers ouvrages: http://pierre.bertho.free.fr

11/11/2010

Villa de rêve ( 2)

Villa Kerylos

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Certains destins semblent couler de source.
Les talents, les dons révélés à la source jaillissent et coulent d’une étape à la suivante sans heurt, dispensant la fraîcheur et le pétillement d’une intelligence  vive et profonde.
 Quelquefois, c’en est presque agaçant…
Nul doute que les frères Reinach ont produit cet effet, quand ils rayonnaient tous trois sur les Lettres Françaises et la vie intellectuelle de notre  IIIème République, par ailleurs  tellement conformiste.

Mais tant de talents se paient parfois au prix fort, et je vous conterai tout à l’heure les détours qu’une dynastie endosse parfois… Laissez-moi vous conduire d’abord vers cette seconde villa de rêve, pour tenir mes engagements du précédent bulletin…

***



Souvenez-vous, nous sommes encore à Saint Jean Cap Ferrat, dans les somptueux jardins de la Villa Éphrussi

De ce belvédère, la vue s’étend sur la côte, avec pour seule limite la montagne qui prend pied dans la Grande Bleue.  L’agglomération voisine est  Beaulieu, la bien  nommée… Elle abrite sur sa côte sinueuse, la Pointe des fourmis.  

Par-delà les arbustes qui bordent l’ Eden, au bout  de cette avancée, il est aisé de repérer une villa toute blanche …

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À vol d’oiseau, quelques centaines de mètres nous séparent de Kerylos,  lhirondelle de mer, née de l’imagination érudite de Théodore Reinach, au début du XXème siècle. Mais avant de vous inviter à pénétrer cette maison extraordinaire, revenons sur la personnalité de ce grand humaniste bâtisseur …

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Vue depuis  la mer
 
***

 


Théodore Reinach naquit en  1860, troisième fils d’une famille originaire d’Allemagne, appartenant à la Grande Finance internationale. Comme ses frères Joseph et Salomon, Théodore reçut une éducation soignée et rigoureuse. L’intelligence érudite des membres de la fratrie devînt vite légendaire, de sorte qu’ils furent surnommés les JST, « Je Sais Tout », en référence aux initiales de leurs prénoms.

Joseph, l’aîné, s’illustra rapidement dans les milieux politiques et , député, devint même un collaborateur éclairé de Gambetta.

Salomon, le cadet ,préférait l’Étude à l’action politique : l’Institut  de France lui offrit le cadre rêvé pour ses chères recherches et très naturellement, il fut nommé Conservateur du musée national des Antiquités.

Le benjamin,  Théodore,  s’affranchit de ses deux frères en empruntant à l’un  et à l’autre, et conjuguant à loisirs tous les talents,  docteur en droit et en Lettres, il fut successivement juriste, enseignant spécialiste de l’Histoire Grecque Ancienne… S’affirmant en tant qu’ archéologue,  spécialiste du déchiffrage des papyrus, numismate, musicologue, il fut reçu à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, et obtient même, quatre ans avant son décès, la Chaire de Numismatique au Collège de France  … Cependant sa belle énergie l’inclinait également vers la Chose Publique et à l’instar de Joseph, la députation lui tendait les bras.  Il établit d’abord son fief en Savoie, de 1906 à 1914. Veuf de sa première femme, dont il eut deux filles, il épousa en secondes noces la nièce d’un certain …Maurice Éphrussi, tiens tiens, voilà qui nous ramène à la Riviera.  Quatre fils naquirent de cette union, dont  Léon, époux de Béatrice de Camondo, fille du célèbre collectionneur Moise Camondo, déportés tous deux en 1943 avec leurs deux enfants.

Avant d’entreprendre le projet Kérylos, Théodore avait acquis  dès  1901 à La Motte-Servolex en Savoie un château du XVIIIème siècle qu’il avait entrepris de rénover entièrement dans l’Esprit du style Louis XIII. L’expérience lui plut, de sorte que l’achat du domaine de Beaulieu lui semblât l’opportunité de renouveler le défi . Cette fois, il  imagina et  fit réaliser une Villa sur le modèle de la Grèce Hellénistique, sujet qu’il connaissait parfaitement.
Dans cette optique, il requît les talents d’un architecte dont la renommée reste attachée à la villa, bien qu’en son temps, il fut déjà reconnu et honoré de ses pairs : Emmanuel Pontremoli, grand prix de Rome en 1890, à qui on doit notamment l’Institut de Paléontologie humaine à Paris ou encore la grande synagogue de Boulogne Billancourt. Sa réputation lui valut la nomination à la direction  de la section architecture aux Beaux Arts.

 



***

 


Revenons maintenant aux  magnifiques années de la Belle Époque : la révolution des technologies, l’amélioration des communications, les voyages et la mode des séjours balnéaires ont lancé la Riviera.  Essayons d’imaginer le panorama de la côte d’Azur vierge de toutes les constructions  actuelles, serrées sur les flancs de la montagne : Ne conservez au fond des yeux que  l’azur du ciel, le  bleu profond de la mer, le vert sombre des pins, la pierre blanche des parois rocheuses :

 

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À deux pas de Monte Carlo, les entrepreneurs se régalent… Sans les actuelles grues qui tournoient sans relâche dans nos cieux tropéziens, les belles et majestueuses demeurent s’élaborent pour loger la bonne société aux finances florissantes. Les grands hôtels n’y suffisent plus, il faut construire. Théodore Reinach a encore les pieds dans sa circonscription savoyarde, mais il est avisé et sait qu’il réalise une belle affaire en se portant acquéreur d’un terrain de 2000 mètres carrés au bout de la Pointe des Fourmis, sur la commune de Beaulieu. Nous sommes au tout début du XXème siècle, ce qui n’empêche pas notre Humaniste de projeter ses désirs vers le passé, au cœur de l’Histoire qu’il admire. Il choisit de faire  ériger sur ce bout de terre méditerranéenne une demeure intemporelle, telle que les Anciens l’auraient bâtie.
 Il ne s’agit pas de construire une bâtisse à la manière  de…, en ajoutant une colonnade en guise de Péristyle pour  porche d’entrée. Le cahier des charges précise qu’il faut réinventer les techniques, les arts, le mode de vie  d’une famille comme si elle coulait ses jours heureux à Délos, au II ème siècle avant Jésus Christ.

Il faut  six ans à Emmanuel Pontremoli pour mener à bien son chantier, de 1902 à 1908, mais l’ingéniosité, la rigueur  et …Les moyens mis à sa disposition  lui permettent de livrer enfin la Villa Kérylos à son propriétaire, qui baptise chaque pièce du nom de sa fonction : Andron pour le grand  salon où se réunissent ces messieurs,  ou balaneions pour les thermes, le triklinos désigne la salle à manger …
Marbre de carrare, bois exotique rare, citronnier blond composent les matériaux utilisés. Outre l’organisation de l’espace déterminé selon le mode de vie, la décoration reçoit un soin particulier : fresques peintes et mosaïques imposent aux visiteurs un respect qui laisse coi.
Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par ces mosaïques saisissantes de vie et de relief :

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Tout de suite à gauche, le balanéions offre aux hôtes  la piscine  de marbre et mosaïque aux fins de relaxation :

 

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Cœur de l’édifice , le pérystyle central gouverne l’accès à toutes les pièces privées, nous en admirons les fresques murales :

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   En relation avec la fonction des salles, sols et murs constituent les supports aux illustrations de scènes mythologiques :

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Ces derniers  bas-reliefs identifient les salles de bain privées de Madame et Monsieur Reinach.
La personnalité des habitants des lieux est traduite par la décoration :

La tonalité bleue des fresques murales et la  rigueur sobre  du mobilier caractérise l'univers de la maîtresse de maison:

 

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 Le domaine privé de Théodore Reinach  apparaît bien différent:  Une chambre très claire, éclairée sur trois côtés , réchauffée par le rouge dominant des murs.  

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À ces choix décoratifs personnalisés s'ajoute un raffinement de détails permettant de juxtaposer discrètement les pratiques  modernes du confort au style de référence:

PICT0121.JPGdes éclairages subtilement évocateurs

 

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aux robinets des installations sanitaires.

 

 



 Passant par L' Andron, salon réservé aux réunions entre hommes, et la bibliothèque, vous relèverez certainement une ambiance propice à la méditation et la réflexion.

 

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L'andron donne à droite sur le péristyle

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Au fond, derrière les deux colonnes, la bibliothèque, ce qui suggère, n'est-ce pas mes soeurs, que l'accès est plutôt réservé …

 

 

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Au delà de la conception de cette Villa peu ordinaire, et pour tout dire, le visiteur lambda peine sans doute un peu à se projeter dans son schéma habituel, l'intérêt des objets collectionnés et présentés en situation est saisissant. Je ne peux abonder en clichés, mais je vous livre quelques exemples d'objets ou de la statuaire :

 

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  bronze Faune

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Léda , terre cuite

 

 

Une visite d'une telle richesse ne saurait s'achever sans mentionner les jardins.

 

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Au mileu des plates-bandes d'arbustes typiquement méditérranéens, nous contournons la bâtisse pour découvrir  la galerie des statues, situés en contre-bas , au niveau de la mer.

Au raz des flots, les reproductions les plus élégantes et les plus représentatives de l'Art Sculptural nous attendent. Au long de cette galerie circulaire, de nombreux panneaux exposent l'expansion du monde grec par la mer, l'importance et la stratégie portuaire sur le pourtour méditérranéen, la compréhension d'une circum navigation au fil des mythes et de la réalité économique d'une civilisation qui ne pourra jamais mourir tout à fait…

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02/11/2010

Villa de rêve ( 1)

 La Villa Ephrussi de Rothschild

En ce long  week-end pluvieux, je vous propose la visite virtuelle de deux minuscules royaumes de rêve ouverts sur la Méditerranée, deux Villas  au sens romain du terme, où nous avons pu pénétrer début octobre, à l’invitation d’Edmond.

Nichées toutes deux entre Villefranche et Beaulieu, elles occupent chacune un promontoire, et il faut être esthète et curieux comme notre mentor de ce jour pour dénicher de tels sites. La morale de l’Histoire soulignera que parfois la fortune est bien dispensée, entre les mains de mécènes avisés et pertinents, capables de concevoir et d’ériger des édifices prodigieux, pour leur plaisir d’abord, pour la pérennité d'un raffinement offert à tous, la conservation des lieux étant depuis assurée par l'investissement d'associations culturelles dédiées.*

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  Quittant Nice vers l'est, la balade s'initie d'abord sur la moyenne corniche où nous  marquons une halte pour capturer ce panorama époustouflant :

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En abordant le Cap-Ferrat, notre guide reste vigilant car les indications qui mènent à la Villa Éphrussi de Rothschild sont discrètes, dissimulées en plein virage, comme pour préserver le mystère du paradis conçu  par  Béatrice de Rothschild, au début du XXème siècle.

Richement dotée par sa naissance (1864) autant que par son mariage avec Maurice Éphrussi (1883), Béatrice de Rothschild a mis à profit son éducation et ses dons d’esthète, confiant  à Jacques Marcel Auburtin, entre autres, la réalisation de ce petit palais particulier au milieu d’un immense jardin de sept hectares,  qu'elle acquiert en 1905 sur la presqu’île de Saint Jean Cap-Ferrat. Il faudra cinq ans (1907-1912)pour finaliser ce projet  hors pair, et la légende veut que la baronne Éphrussi en personne ait trié sur le quai de la gare de Beaulieu les  chef-d’œuvres acquis à travers l’Europe pour enjoliver sa réalisation. Bien que peu connu sous ce nom, la luxueuse villa  de Béatrice est baptisée Île de France,  elle s’amuse en effet  à comparer la forme de son terrain au pont d’un navire; elle pousse d'ailleurs la métaphore en obligeant ses jardiniers  à porter des bérets semblables à ceux des marins, anecdotes révélatrices d'un esprit original et indifférent aux qu'en dira-t-on.

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Les visiteurs découvrent  l’entrée du bâtiment  après avoir gravi une longue allée bordée de luxuriante végétation, que les regards des curieux dominent pour admirer la côte en dessous.

PICT0015.JPG  Un  véritable petit palais Toscan, tel qu'il  apparaît  au détour de la cour ornée d'un faux puits… Au fond à droite, la rotonde qui abrite la salle à manger du restaurant…

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À ce moment de l’année, le soleil est encore ardent et le déjeuner**  dans les jardins permet de goûter l’ambiance du lieu, le raffinement délicat des extérieurs autant que l’élégance de l’architecture, illustrée par les teintes  roses des murs soulignées d’embrasures et de colonnades blanches. 

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Béatrice de Rothschild tenait tout particulièrement à cette palette de couleurs, à laquelle elle identifiait si bien ses états d'âme que ses amis la taquinaient parfois sur les constantes de sa garde-robe personnelle.

 

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Le génie de l’architecte a dessiné un écrin de végétation original pour mettre en valeur l’édifice

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La visite des appartements révèlent bien d'autres découvertes, nous sommes sidérés par la richesse des collections réunies par la baronne Béatrice, des porcelaines de Sèvres au mobilier créés par les ébénistes les plus réputés du XVIIIème siècle. Ses détracteurs lui  ont reproché un art de vivre à la Marie-Antoinette,  mais les admirateurs  actuels des objets exposés  ne peuvent que se féliciter de la création de collections aussi somptueuses dont voici quelques exemples:

 les porcelaines  :

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 le mobilier magnifique et la garde-robe d’apparat, dans une mise en scène qui illustre parfaitement le mot boudoir, tel qu'il se rencontre dans les récits de Dumas…

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  quelques tapisseries délicates, broderies ou décors muraux,

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Les architectes ont veillé à permettre un large panorama sur la mer depuis les larges baies vitrées des salons de réception autant que de la chambre et le boudoir de la Baronne.

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L’atmosphère de la chambre de la maîtresse des lieux comblerait d’aise plus d’un visiteur, tandis que le Patio intérieur, véritable reproduction des Palais italiens de la Renaissance, outre l'élégance de sa structure,  offre une galerie de peinture sans pareille, exposant des oeuvres du XVème siècle dignes des plus grandes collections. :

 

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Notre visite se poursuit dans les jardins étagés sur le promontoire. Nous sommes accueillis justement par la bande sonore d’une valse viennoise, dont les accents entraînants commandent le jeu des jets d’eau…

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 Tandis que les tortues s’offrent une pause bain de soleil, notre valeureux photographe s'entraîne à marcher sur l'eau, question de foi, n'est-ce pas?

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 Petite halte bien méritée, avant de gagner  la Joliette aménagée,  où nous tombons sous le charme  de la femme au bain :

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Nous quittons ces lieux enchantés, jetant un dernier regard sur le pavillon qui garde l’entrée de ce petit royaume issu d’un conte de fées moderne :

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* Depuis 1991, la Villa Ephrussi de Rothschild est restaurée et mise  en valeur par l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut de France, qui l'a achetée et gère ce patrimoine.  De plus amples renseignements sur le site:

http://www.villa-ephrussi.com/fr/ephrussi/


** il est en effet possible de se restaurer à la villa Ephrussi, soit dans la vaste salle à manger en forme de rotonde, largement éclairée de hautes baies vitrées, soit dans les jardins, à l'ombre de pergolas charmantes. Les mets proposés sont simples mais exquis, et la cave peut attirer les amateurs de dégustation sans pièges: les bordeaux sont livrés de Gironde et proposés à des prix sans concurrence pour ce genre de crus… Inutile de préciser que nous n'avons pas boudé notre plaisir…

22/08/2010

De la fiction à la réalité…



Parmi les découvertes littéraires de l’hiver passé,  j’ai éprouvé un réel plaisir à la lecture de  la double vie d’Anna Song de Minh Tran Huy, (cf note ci-contre ou ci-dessous).
Outre la personnalité réelle de l’auteure, son habileté reconnue à manipuler et jouer des mots pour composer sa propre musique, le sujet du roman signalait une inspiration originale et singulière.
Singulière ?
Pas si sûr.
Sans dévaloriser le moins du monde la créativité de  Min Tran Huy, il est piquant de réaliser que son personnage a bel et bien vécu à nos côtés, une existence de chair et de douleurs,  d'efforts et d'espoirs, de joie, d’amour et de frustrations.
L’Anna Song créée par Min Tran Huy est le clone  romanesque d’une pianiste méconnue, à la gloire aussi éphémère que son destin. Mais sous la tristesse et le désenchantement d’un tel parcours, sourd le romantisme absolu d’un amour transcendant, magnifiant jusqu’au génie les dons de l’épouse adorée.
Eh oui, ami lecteur, notre XXIème siècle débutant recèle encore la nostalgie du Romantisme le plus pur, le plus inventif et… le plus cynique qui soit .

Anna Song s’appelait dans la réalité Joyce Hatto. Comme son alias, elle fut d’abord une musicienne promise à un avenir brillant, puis une soliste négligée de la critique, abandonnée au seuil de la gloire. Les élus sont si peu nombreux, Joyce n’a pas trouvé sa place. Alors, quand la maladie sournoise l’a enserrée entre ses griffes cancéreuses, son chevalier servant, William Barrington-Coupe,  époux toujours ébloui, a décidé de donner le coup de pouce refusé par le destin.
À lui seul, à l’abri de  son studio personnel, il a confectionné une discographie étourdissante comme un enchanteur malaxe ses mixtures à l’aide de vieux grimoires.
Les ingrédients de cette magie musicale ? Les productions antérieures de confrères rayonnants des feux du succès.
Les formules  ésotériques ? La clef technologique du mixage, un peu de ce pianiste russe ici, une larme de ce virtuose italien là, un ralentissement léger, imperceptible du rythme pour apporter une touche plus sensible, plus féminine à ce phrasé de Brahms, de Chopin ou de Scarlatti.
Car William n’a pas fait dans le mesquin ! Sa belle méritait la possession et la jouissance du répertoire musical mondial. Foin des complexes et des retenues pudiques. Joyce Hatto, galvanisée par l’imminence de sa propre mort , ne pouvait rien céder à la fatigue et à la  maladie. En plus de ses dons artistiques, sa volonté et sa puissance de travail l’ont portée jusqu’aux Champs-Élysées de l'Interprétation, aux portes de l’Olympe des Virtuoses.


Une légende vivante que Wiliam Barrington-Coupe a brillamment vendue, exactement comme l’a relaté Min Tran Huy. L’intrigue aurait pu parfaitement réussir, si…la Fée Technologie n’avait fait œuvre de justice, balançant le glaive d’abord en faveur du mari épris (…et commercialement opportuniste) avant de retourner le sort… En 2007, un  auditeur conquis n’a-t-il pas eu l’idée malheureuse d’intégrer l’un des CD à sa discothèque itunes…Pour découvrir avec une surprise sans égale que l’odieux logiciel reconnaissait implacablement  l’interprétation d’un hongrois,  Laszlo  Simon, pianiste jouissant d’une renommée encore confidentielle .
Surpris, notre mélomane a aussitôt entamé d’autres recherches comparatives…et fait voler en éclat une si belle histoire…

Que son modèle ait réellement existé n’enlève évidemment rien au talent de Min Tran Huy.  Un écrivain bénéficie à mon sens de toutes les sources d’inspiration à sa disposition. Son talent réside dans l'art de traiter le fait. Mais que la réalité du destin de son modèle soit aussi romanesque ( au sens littéraire) que celui du personnage  créé me laisse songeuse…
Combien nos vies semblent ordinaires, banales, en comparaison.
En matière de création littéraire, l’excès d’événements, la concomitance de faits dans les fictions  sont acceptés comme moyens nécessaires de renforcement de l’intrigue, de  la portée du message. Pour une fois, il me semble bien que la vie se moque ironiquement des efforts d’imagination de nos pauvres forçats  écrivains…

 

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Pour aller plus loin, voir l'article du nouvel Obs en date du 29 Juillet 2010 dans la série consacrée aux grands mystificateurs ou encore  sur classicsnews.com du 1er mars 2007

 

28/06/2010

Les chaussures italiennes

les chaussures italienne490.jpgLes Chaussures italiennes
Henning Mankel

Seuil  Octobre 2009
ISBN : 978-2-02-094465-6

Des chaussures qui ne livreront le sens de  leur existence énigmatique qu'à la méditation des événements  savamment contés: où il apparaît que toute vie mérite réflexion et correction, tant que subsiste  une once de bonne volonté au fond du coeur de l'Homme.

Le cours d’une vie bascule à la suite d’une erreur, qu’il est parfois très  difficile d’accepter ou d’assumer. C’est le cas de Fredrik Welin, chirurgien renommé, qui a rompu net sa carrière à la suite d’« une faute » …  Cet homme brisé, qui a choisi pour punition la solitude d’un  
ermitage sur l’île héritée de ses grands-parents,   est le narrateur d’une longue confession. Au cours de ce voyage intérieur sur les rives de sa vie, il s’efforce de  remettre en place et de recoudre ensemble  les pièces du puzzle intime négligées au cours de son parcours.

Fredrik Welin se reconnaît comme un vieil ours de soixante-dix ans reclus sur une île offerte aux tempêtes et aux rigueurs des vents de la mer. «  J’ai organisé ma maison comme une forteresse imprenable, sur cet îlot dont j’ai hérité. Quand je grimpe en haut du rocher qui est derrière la maison, je vois la mer. Il n’y a rien d’autre, de ce côté, à part des îlots, de gros cailloux en réalité, dont le dos noir et luisant hérisse à peine la surface de l’eau ou la couverture de glace. Si je me retourne, sur mon rocher, je vois l’archipel intérieur, qui est nettement plus dense. Mais nulle part je n’aperçois d’autre maison que la mienne.

Bien entendu, ce n’est pas ainsi que j’avais imaginé les choses.
Cet endroit était censé devenir ma maison de campagne. Pas cette espèce d’ultime bastion où je vis reclus. Chaque matin, après m’être trempé dans mon trou – ou l’été, dans la mer-,   je m’interroge. Comment ai-je pu en arriver là ?
Je sais ce qui est arrivé. J’ai commis une faute. Et j’ai refusé d’en assumer  les conséquences. Si j’avais su ce que je sais aujourd’hui, qu’aurai-je fait ? Aucune idée. Mais une chose est sûre : je ne serais pas forcé de rester ici comme un prisonnier du bout du bout de l’archipel. »
( Extrait p 14)

Avant de découvrir qu’il n’est pas aussi prisonnier qu’il se l’imagine, Fredrik Welin va devoir affronter le regard des êtres qu’il a blessés au cours de sa vie.  Ce retour aux sources représente un parcours inimaginable et insurmontable pour cet homme aigri et sauvage, qui s’inflige une immersion quotidienne dans les eaux glacés comme un rituel exorcisant sa solitude autant que ses erreurs.
Très rapidement, nous suivons Fredrik sur les fondements de sa vie, son rapport à un père réservé mais généreux,   sa revanche sur la modestie de sa condition de serveur, le voyage quasi initiatique  qui les a menés tous deux à une baignade mystique dans les eaux sombres d’un lac forestier, l’été de ses quinze ans.  Il n’omet pas de restituer le malaise que lui a procuré dans sa jeunesse la dépression permanente de sa mère,   dont les larmes au goût sucré ont inondé son enfance et scellé une méfiance viscérale envers l’univers féminin.

Le seul et dernier contact de Fredrik Welin avec le reste du monde s’établit au cours des visites régulières de Jansson, le facteur- coursier qui lui apporte son rare courrier et l’approvisionnement commandé. Jansson est un original hypocondriaque, les deux hommes entretiennent un curieux rapport de force.

Jusqu’au jour où surgit une silhouette inattendue, sur la glace derrière le rocher. Une vieille femme accrochée à son déambulateur, déposée sur la banquise comme par enchantement. Il s’avère qu’il s’agit d’un fantôme du passé de Fredrik, son amour de jeunesse lâchement abandonné au profit des  ambitions  carriéristes de l’étudiant qu’il était alors. Culpabilité et sentiment refoulés lui sautent au visage, tandis qu’il lui porte secours et l’héberge malgré lui dans sa demeure rustique, la pièce abandonnée à une immense fourmilière. Harriett a accompli ce périlleux voyage pour l’obliger à tenir une promesse faite au temps de leurs amours, mais bien sûr, ce caprice de moribonde recèle des détours inattendus qui vont permettre au vieux misanthrope de reprendre pas à pas les traces d’une vie éludée …


Il faut suivre le périple du vieux couple reconstitué sur les terres froides du pays, car pour tenir sa promesse, Fredrik accepte de l’emmener sur les lieux de son initiation adolescente. Dans le froid, l’aventure s’avère périlleuse,  mais Harriett tient le coup, s’accroche remarquablement au fil ténu de sa vie en déliquescence, moralement soutenue par l’alcool autant que par un objectif secret. Piégé, Fredrik découvre enfin qu’il possède plus de racines qu’il ne le supposait. Seconde révolution de son existence, les faits l’obligent à revoir encore une fois sa ligne de conduite.
Inutile d’en raconter davantage sans déflorer les péripéties de ce roman à la fois intimiste et plus optimiste qu’il n’y paraît.  En se retournant sur son passé et ses propres erreurs, l’homme découvre qu’il a en main les atouts pour réparer… Encore faut-il savoir le reconnaître, l’accepter, et se bousculer soi-même pour accepter la part de l’autre, rude combat pour la fierté de l’ermite volontaire :
«    - Combien de temps comptes-tu être partie ? Si tu ne reviens pas, je veux que tu embarques ta caravane. Elle n’a rien à faire sur mon île.
-    Pourquoi te mets-tu en colère ?
-    Je suis triste parce que tu t’en vas et que tu ne vas sans doute pas revenir.
Elle s’est levée brutalement.
-    Moi, a-t-elle dit, je ne suis pas comme toi. Moi, je reviens. Et en plus, je te préviens avant de m’en aller. (…) »
Extrait page 289

Si la rédemption de Fredrik passe par de surprenantes  relations féminines, celles qu’il a fuies toute sa vie, l’univers que décrit Henning Mankell n’est ni tendre ni compassionnel. Les femmes rencontrées sont des battantes, des blessées en lutte contre l’ordre d’une société injuste. L’auteur ne s’apitoie pas sur les faiblesses et les désarrois, il décrit les états d’âme comme des faits, non des jugements. Ses personnages se battent parfois avec maladresse, une rudesse qui touche le lecteur et leur  donne du relief  et de la véracité.