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Un chasseur de lions

Un chasseur de lions

Auteur : Olivier Rolin

Éditeur : Seuil ( fiction & Cie)

Année : août 2008

Un chasseur de lions, d’Olivier Rolin, m’avait tenté dans la longue liste des romans sortis pour la rentrée littéraire fin 2008, parce que son point de départ me semblait original.

Qui se souvient du Tartarin de Tarascon d’Alphonse Daudet, parmi ses lectures d’enfance ? Enfin, il n’est pas si certain que Tartarin s’adresse aux enfants, après tout, bien que l’exemplaire dont je me souviens portait la livrée de la bibliothèque verte… J’avais relu bien des années plus tard l’ouvrage, dans l’idée de le proposer en lecture à mes CM1 de la 8ème bleue, que j’ai investie quelques années. Le fait est que les enfants doivent être déjà bons lecteurs pour adhérer à l’univers excentrique et au personnage démesuré dépeints par Daudet. Tous ceux d’entre vous qui essaient de varier les entrées et les horizons des lecteurs en conviendront : il y a une réelle difficulté à intéresser les jeunes aux témoignages du passé : soit leurs lectures sont intemporelles, comme dans Harry Potter, où les mondes se côtoient sans porter de marques de temps définis par les accessoires et l’environnement historique. Soit leurs histoires se situent dans le temps qui est le leur, avec leurs préoccupations spécifiques. Mais leur demander de pénétrer dans l’univers du XIXe siècle par exemple est devenu ardu, comme si l’émancipation imaginaire ne pouvait pas fonctionner dans ce sens-là.

Cette longue digression pour cerner ce qui m’a attiré dans l’énoncé publicitaire concernant le roman d’Olivier Rolin. Il pourrait appartenir en effet au genre docu-fiction, très prisé pour les scénarii de télévision par exemple. Olivier Rolin est donc parti d’une rencontre littéraire qui s’est produite pour ce grand voyageur, en Patagonie. Le hasard lui permet de dénicher au bout du monde la trace d’un véritable aventurier à la carrière multiforme et au destin troublant. D’autant que le véritable personnage a laissé trace de ses amitiés étonnantes avec certains artistes des cercles parisiens du second empire. Il aurait même tenté d’obtenir aide et subsides auprès de l’empereur !

De ces informations glanées sur de nombreuses années, Olivier Rolin s’est amusé à reconstituer le parcours invraisemblable d’Eugène Pertuiset, et nous livre ici une biographie romancée, mais fondée sur des traces réelles. Le ton du récit se dédouble par ailleurs, puisqu’une partie des évocations de sa démarche est élaborée comme un récit intime où le narrateur se tutoie et s’invective, tandis que la narration centré autour du personnage du marchand d’armes- pseudo diplomate, aventurier chasseur de lions et autres chimères, suit les pistes qui mènent de l’atelier de Manet, à Paris jusqu’aux confins du monde, de l’Amérique latine et ses révolutionnaires d’opérettes à la Terre de Feu et ses supposés sauvages. Les paradoxes du personnage sont évidents, de même que la carrière et la personnalité du peintre qui offre justement une référence à l’excentricité de Pertuiset. Le dandy et le rustre évoluent dans la période trouble du règne de Napoléon III, sans que l’on saisisse vraiment ce qui a séduit le premier dans le personnage du second. Au passage, je me suis amusée à découvrir le Manet Communard, et l’esprit des fêtes délirantes des milieux artistiques mondains…

Le récit débute donc par la description détaillée du tableau mettant en scène le matamore Pertuiset, avant que Rolin ne s’interroge :
Pourquoi Manet, « ce riant, ce blond Manet/ De qui la grâce émanait », a-t-il peint ce gros lard ? Un peintre forme tout de même une espèce de couple curieux avec son modèle, il faut qu’il y ait entre eux une séduction, une connivence : comment Manet si spirituel, en est-il arrivé à faire le portrait de ce balourd au regard éteint ?(…) Il était, ce massif, l’aventurier qu’il avait un moment rêvé d’être, lui, quand il s’était embarqué, à seize ans, sur un navire école ? Il avait connu, alors, les cieux crevant en éclairs et en trombes, les grandes vagues glauques qui font fermer les yeux, l’enrouement énorme du vent. Dans ses tableaux plus tard, la mer monterait jusqu’au ciel…

Note : 7/10

Publié dans Sources Vives | Lien permanent