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Seventeen

Seventeen

Auteur : Kenzaburô ÔÉ

Éditeur : folio ( Denoël)

Année : 1961- 2011

Entre la nouvelle et le roman, ce récit d’une centaine de pages n’est en apparence qu’une boule de haine qui atteint le lecteur au plexus. Quelle que soit la qualité de la traduction, due à Ryôji Nakamura et René de Ceccatty dont les compétences ne sont pas en cause, la répétition du mot colère résonne comme le leitmotiv de ce long monologue.

Un jeune homme de dix-sept ans tout juste constate avec amertume l’indifférence familiale qui préside à son anniversaire … Il compense par une magistrale séance de masturbatoire où l’on prend conscience de la somme des complexes et frustrations qui accompagnent ce moment de son adolescence. Comme la plupart d’entre nous, il est à l’âge du jugement de ses parents, de sa fratrie. Le constat se durcit par l’absence d’amitiés, soupapes du lien social. Après avoir agressé sa sœur sans réelle raison, notre narrateur s’enferme dans un réduit au fond du jardin pour y ressasser ses colères et ses détestations de la société. Nous sommes dans un Japon qui se relève avec peine des désastres de la seconde guerre mondiale et cherche désespérément le chemin de la modernité politique et sociale.

Dans cet état d’esprit, le narrateur se comporte comme une boule de billard, rejeté d’un bord à l’autre du cadre social en tourneboulant sur lui-même, ses complexes et sa culpabilité à l’égard de ses pulsions sexuelles. Sa solitude morale est telle qu’il ne peut saisir qu’il s’est enfermé tout seul dans ce carcan d’humiliations.
« Certes, je suis un seventeen pitoyable et laid, mais le monde d’autrui m’a tout de même infligé un sort cruel, trop cruel. Maintenant je vais cesser de me raccrocher à leur monde réel en espérant y trouver un peu de bonté : j’en ai décidé ainsi, plongé dans un abîme de honte et d’épuisement, et avec ça j’éternuais à cause de la moiteur glacé de la culotte. Peut-être que si je n’avais pas alimenté la haine et n’avais pas redoublé d’exécration, j’aurais éclaté en sanglot. » ( page 58)

Mais ce jour-là, un camarade de cours glisse une incroyable ouverture:
« Dis-moi, ça ne te dirait pas de faire la claque pour la droite ? »
À partir de cette étrange proposition, ce jeune homme, qui se revendiquait de gauche à contrario du libéralisme paternel, se trouve confronté à un raisonnement paradoxal. Tout à coup, parce qu’il se sent reconnu, enfin considéré, il gagne une nouvelle confiance en lui et adopte les idéaux qu’il rejetait la veille.
Ce retournement est exemplaire. Malgré la brièveté du récit, on y reconnaît bien des situations réelles et des faits avérés, en politique comme en religion. La vulnérabilité du jeune homme tient à son isolement affectif et le piège est évident. Ce qui confère à ce petit livre un aspect universel et toujours d’actualité.


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