La valse lente des tortues
Auteur : Katherine Pancol
Éditeur : Albin Michel
Année : 2008
J’ai quitté hier soir Jo et ses filles, son univers devenu familier depuis « les yeux jaunes des crocodiles », sa manière timide et obstinée d’avancer droit dans ses bottes malgré sa foultitude de scrupules. Bref, quelqu’un qui pourrait être une amie, quelqu’un que j’aimerais bien croiser dans ma vie, ou mieux encore, comme me l’avait soufflé gentiment Audrey, et ça m’avait beaucoup touchée : « dans le personnage de Jo, c’est un peu toi que j’ai reconnue. «
C’est dire que Katherine Pancol sait admirablement construire un univers cohérent et familier, où évoluent des personnages humains, qui offrent aux lecteurs une présence charnelle.
Du moins est-ce ainsi que je ressens les personnages centraux du récit : Joséphine, dite Jo, ses filles Hortense et Zoé.… Et quelques autres figures secondaires sur lesquelles il n’est pas intéressant de s’arrêter quand on dresse simplement une fiche de lecture.
La valse lente des tortues, dont le titre énigmatique trouve sa pleine justification dans la toute dernière partie du roman, est donc la suite des Yeux jaunes des crocodiles. Nous avions beaucoup apprécié le premier volet, paru en 2006, cf. la fiche de lecture qui figure dans cette même liste. Katherine Pancol reprend la vie de ses personnages là où nous les quittions alors : Joséphine a pu bénéficier de la « paternité » de son roman, grâce à l’audace de sa fille aînée Hortense. Lucide et ambitieuse, l’adolescente n’avait pas supporté l’usurpation de sa tante Iris, sœur aînée de Jo, superbe créature égoïste et calculatrice, partie à la recherche d’une notoriété intellectuelle pour chasser son ennui de femme trop gâtée.
Joséphine, si modeste et inquiète, est donc financièrement tirée d’affaire, malgré l’échec de sa vie conjugale, et un veuvage irréel… Nous la retrouvons aux prises avec deux attirances amoureuses contradictoires, vouées l’une et l’autre aux difficultés de communication. Qui gagnera du beau ténébreux Lucas, très distant, ou de son beau-frère Philippe, tendre et prévenant, mais toujours marié à Iris ?
Iris, qui justement, ne va pas bien du tout. Elle n’a pas supporté l’humiliation de la découverte de son imposture, et puisqu’elle en a les moyens, elle s’est réfugiée dans la dépression, nichée dans une clinique de luxe, d’où elle repousse toutes les mains tendues… Jusqu’au jour où l’horrible, froide et machiavélique Henriette, la mère des deux sœurs, vient l’extirper de son exil médicalisé.
La situation de Joséphine se corse cependant d’événements extrêmement inquiétants : elle est agressée un soir dans le parc du quartier luxueux où elle habite désormais. Attaque violente à l’arme blanche d’où elle réchappe par miracle, grâce au fait qu’elle sert sur sa poitrine une boîte contenant une chaussure d’Antoine, son mari mort dans la gueule d’un crocodile ! Jo, dans sa simplicité naïve, y voit encore une intervention des petites étoiles qui veillent là-haut, mais elle croise peu après dans le métro un homme qui ressemble à s’y méprendre à son ex-mari défunt…Le trouble commence à tarauder sa conscience, d’autant que le beau Lucas se montre de moins en moins cernable, et que son agresseur récidive sur d’autres victimes. Celles-ci ne bénéficient pas d’une protection transcendantale aussi efficace… Joséphine se débat avec ses doutes, ses soupçons, mais aussi avec Zoé, la cadette. Aux portes de l’adolescence, Zoé hésite entre son besoin de croire aux miracles, avec le retour annoncé d’Antoine, qu’elle personnifie par un mannequin cartonné, et les tentations de transgressions pour intégrer un groupe de copains…
Ses chères études parviennent à peine à occulter ses peines, d’autant que les obstacles à la sérénité ne cessent de s’accumuler : pour une dispute idiote, Philippe joue aux abonnés absents, Lucas réapparaît sous un jour menaçant, Iris s’installe chez elle…Zoé se rebelle et la boude, Hortense étudie à Londres, et Joséphine perd ses repères…
Je ne dévoilerai pas plus avant les tourments auxquels s’affronte encore notre médiévaliste.
À vous de découvrir toutes les péripéties de ce bel ouvrage de quelques 672 pages quand même, richement documenté comme on peut le constater en découvrant l’abondante bibliographie citée en fin d’opus.
il me reste l’envie de citer certains éléments de la fiction qui éclairent ce que j’aime bien dans cet univers apparemment « bobo-gentil » : ce sont des personnages, secondaires mais emblématiques, comme Josiane et Marcel, un peu BOF mais tellement positifs, ainsi que l’apparition du chien Du Guesclin…Il est moche, mais Jo l’aime sans condition, et ça, que voulez-vous, mon cœur de Fanchette n’y résiste pas.
Côté affectif, une petite citation extraite de la fin de l’ouvrage, page 666 :
(…)« Cette femme, sa mère, avait la toute puissance de la tuer chaque fois. On ne guérit pas d’avoir une mère qui ne vous aime pas. Ça creuse un grand trou dans le cœur et il en faut, de l’amour et de l’amour pour le remplir ! On n’en a jamais assez, on doute toujours de soi, on se dit qu’on n’est pas aimable, qu’on ne vaut pas tripette. « (…)
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