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Le voyage d'hiver

Le voyage d'hiver

Auteur : Amélie Nothomb

Éditeur : Albin Michel

Année : août 2009

Dernière livraison en date des productions régulières d’Amélie Nothomb, « Le voyage d’hiver » m’a été prêté par Audrey avec ces quelques mots pour tout commentaire :
- Tu verras, c’est vite lu. Ça n’a même pas duré tout le voyage.
C’était à sa descente du TGV le mois dernier. Amélie Nothomb n’occupe même pas le voyageur sur un trajet Gare de Lyon –Marseille.

De Nothomb, je vous confiais naguère ma réticence, avant que mes yeux ne tombent sur "Stupeur et tremblements" version cinéma ( servi en outre par la délicieuse Sylvie Testud). Ce qui avait encouragé Audrey à me souffler" Ni d’Ève ni d’Adam" l’année dernière et je n’avais alors pas boudé mon plaisir… La cocasserie des situations, l’humour teinté de cynisme, la pratique usuelle de l’auto-dérision, une pincée de provocation, ces ingrédients de la prose Nothombienne m’avait séduite et amusée. ( cf la fiche de lecture de ma liste sources )
Mon impression générale sur le présent roman est tout autre.
Certes, ce petit opus se lit vite. Est-ce vraiment la qualité première que recherche le lecteur ? En l’occurrence la lectrice que je suis ne tient vraiment pas à se débarrasser rapidement d’un univers romanesque qui lui plaît. Ce qui est bon dans la lecture, c’est aussi la possibilité de se baigner dans l’atmosphère concoctée par l’écrivain, se frotter l’imagination aux images inventées par les mots choisis et la syntaxe soignée. Un bon roman se déguste à loisir et se quitte à regret. Il n’est pas rare d’éprouver la gourmandise de reprendre une page par ci, un paragraphe par là, histoire de retrouver cette symbiose énergisante entre les lignes parcourues et son propre cheminement.

Le voyage d’hiver n’est pas un roman inoubliable.
Le voyage d’hiver peut être un compagnon de train, le temps d’un Paris Lyon. Soit.

Le point de départ de cette histoire aurait pu se prêter cependant à cette touche particulière qu’Amélie Nothomb sait si bien traduire, entre dérision et étonnement. Elle connaît parfaitement l’alchimie des mots pour créer des images saisissantes, elle est habile aux associations lexicales délicieusement surprenantes , elle n’alourdit jamais son phrasé de tournures trop alambiquées.
Aussi le lecteur qui vient de s’installer confortablement sur son lit ou dans un fauteuil, voire même sur son siège de TGV, commence –t-il à savourer les premiers paragraphes, en s’amusant par avance du saugrenu de la situation initiale :
« Dans les aéroports, quand je passe à la fouille, je m’énerve, comme tout le monde. Il n’est jamais arrivé que je ne déclenche pas le fameux bip. Du coup, j’ai toujours droit au grand jeu, des mains d’hommes me palpent de la tête aux pieds . Un jour, je n’ai pas pu m’empêcher de leur dire : « vous croyez vraiment que je vais faire exploser l’avion ? »
Mauvaise idée : ils m’ont forcé à me déshabiller. Ces gens n’ont pas d’humour. »
Voilà un début attractif, direct, enlevé.

Dommage, la suite ne tient pas cette promesse. Allez savoir pourquoi, est-ce parce que l’auteure prête sa plume à un homme ? Le discours s’empèse rapidement à l ‘énoncé des ingrédients de cette histoire d’amour. Un sentiment auquel il m’a paru difficile d’adhérer au fil des confidences du narrateur. Cet homme résolu, à qui mademoiselle Nothomb a donné l’improbable prénom de Zoïle, entreprend sa confession pour combler son attente avant le passage à l’acte qu’il a prémédité.
Le procédé évoque les ficelles des romans épistolaires du XVIII ème siècle, ce n’est pas dénué de charme…Sauf que la narration manque de répondant , le monologue s’enlise dans d’inutiles détails. Zoïle décrit sa rencontre avec un curieux couple de femmes, la « jolie » et l’autre, qualifié d’ »anormale légère ». Les deux femmes ont emménagé dans un appartement dont elle n’ont pas les moyens de payer les factures et Zoïle est censé représenter le bon ange d’ EDF pour pallier à leurs insuffisances budgétaires. Naturellement, Zoïle devient amoureux de la belle Astrolabe, et souffre de la dévotion de celle-ci à l’étrange Aliénor. Amélie Nothomb ne résiste pas au plaisir du quiproquo dans la présentation de ses personnages, on reconnaît son goût indubitable du cocasse et de l’inattendu. Donc, j’en resterai sur ce point afin de laisser à votre imagination sa plage de virginité …

De ce « voyage « immobile dans l’appartement glacé des demoiselles, il est possible de conserver quelques scènes délirantes, à la sauce champignons hallucinogènes, servis par un amoureux transi mais imaginatif. En revanche, personne ne peut adhérer aux sentiments narrés, ni aux situations présentées. Il y a quelque chose qui refuse de fonctionner dans ce conte qui se voudrait surréaliste. De sorte qu’on ne peut éviter de se demander s’il n’a pas été écrit encore plus vite qu’il ne se lit.

Dommage pour ce cru Nothomb 2009.

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