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La Reine des lectrices

La Reine des lectrices

Auteur : Alan Bennett

Éditeur : Folio ( Denoël)

Année : 2010

Quelques heures à perdre dans un trajet en train ou en avion ? Embarquez donc avec vous ce petit joyau de la couronne … Il nous a été concocté par Alan Bennett, joyeux drille émérite qui ne se sert de son immense culture que pour mieux amuser son public.

Habitué des scénarii télévisés, Alan Bennett sait comment faire mouche en écrivant de manière très directe et en émaillant le récit de remarques et de dialogues légèrement décalés. Sous ce titre plus juste en anglais qu’en français, n’attendez pas une satire acide du régime ou de la souveraine britannique, à la façon du film The Queen de Stephen Frears. Alan Bennett n’est pas en quête de crédibilité, il s’amuse juste à détourner l’image immuable et sérieuse que la monarchie présente avec une constance remarquable depuis l’avènement d’Élisabeth II.

Le ton est donné dès le début de l’ouvrage. Alan Bennett imagine un dialogue entre la souveraine anglaise et le président de la république française.Personne n’est expressément cité, cependant la scène imaginée vaut son pesant de sourires connivents:

« - Maintenant que nous sommes en tête à tête, dit la reine en adressant des sourires de droite à gauche à l’imposante assemblée, je vais pouvoir vous poser les questions qui me tracassent au sujet de Jean Genet.
(…)
Sa Majesté se tourna vers le président et reprit :
- Il était homosexuel et il a fait de la prison, mais était-ce vraiment un mauvais garçon ? Ne pensez-vous pas qu’il avait bon fond, au contraire ? ajouta-t-elle en soulevant sa cuillère.
N’ayant pas été briefé au sujet du dramaturge chauve, le président chercha désespérément des yeux sa ministre de la Culture, mais celle-ci était en grande conversation avec l’archevêque de Canterbury.
- Jean Genet, répéta la reine pour lui venir en aide. Vous le connaissez ?
- Bien sûr, répondit le président.
- Il m’intéresse, dit la reine.
- Vraiment ?
Le président reposa sa cuillère. La soirée promettait d’être longue. »

Nous allons découvrir sans tarder où se niche le hasard qui a permis à la souveraine de développer son goût irraisonné pour la lecture, et son corollaire la Culture. La reine, en véritable autodidacte, gravit tous les échelons de la pratique, du simple roman populaire aux essais philosophiques et scientifiques de toutes les époques. C’est dire que sa passion, pour être récente, n’en est pas moins dévorante. De sorte que, toute entière adonnée à son emprise et à celle de son étrange mentor, elle en vient à négliger les fonctions qu’elle a jusqu’alors exercées avec tant de professionnalisme. Une occasion en or pour l’auteur de dresser à l’envi l’opposition entre le protocole rigide et la fantaisie liée au cheminement erratique des découvertes royales. Alan Bennett en profite pour égratigner les rivalités de cour, la tendance obstinée du régime à refuser les changements, la difficulté à exister quand on n’est pas issu du moule.
Je vous le disais en préambule, rien de bien sérieux ni de novateur dans ce petit ouvrage, mais comme il n’est pas bien lourd (122 pages), glissez-le dans votre sac à main ou dans la poche de votre veste, il peut être souverain lors d’un voyage pour lutter contre un voisin importun.





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