Le cri de la mouette
Auteur : Emmanuelle Laborit
Éditeur : Pocket ( Robert Laffont)
Année : 1994
Le cri que lançait Emmanuelle Laborit en ce printemps 1994 n’est pas prêt de s’éteindre. Il semble même d’une actualité brûlante si j’en juge par l’appel que la comédienne a adressé sur la toile en septembre dernier (http://www.ffsb.be/?q=node/3433). Qui peut rester indifférent ?
Je n’ai pas pu me rendre à la médiathèque de ma petite ville le soir où ce récit a été débattu par le club des lecteurs. Et c’est vraiment dommage, car il m’a été rapporté que la discussion autour du thème principal y a été très vive, voire houleuse, tant il semble que les thèses en faveur ou contre la langue des signes restent des sujets passionnels !
À l’époque ( 1994), cette toute jeune femme a entrepris d’écrire sa courte biographie pour expliquer posément son combat. Elle rebondissait sur l’ immense victoire que représentait le Molière du meilleur espoir féminin ! Une consécration pour une comédienne qui débutait, une conquête inouïe pour une jeune fille en révolte contre la « surdité » de la société face aux difficultés des sourds.
Ce récit ressemble à une biographie, puisqu’ Emmanuelle Laborit s’appuie sur son expérience personnelle pour dresser le constat et la problématique rencontrés par toutes les familles confrontées à ce handicap. D’abord, elle évacue le vocabulaire et les métaphores ridicules qui prétendent adoucir la réalité; Pour elle, il sera question des sourds et des entendants. Point.
Le lecteur sera donc immédiatement mis au fait de difficultés insoupçonnables pour qui n est pas en situation. Comment mémoriser un mot aussi basique que le mot « maman » quand il n’est lié à aucune résonance ? Emmanuelle décrit longuement les efforts de la petite fille et de son entourage pour stimuler sa compréhension à partir de méthode fondée sur l’apprentissage de mimique ne correspondant à aucune stimulation mémorielle. Jusqu’au jour où l’attention de son père est éveillée à propos de la méthode des signes, née et développée aux USA. Dès lors, l’enfant en colère, la Mouette qui crie pour attirer l’attention a trouvé un moyen pour communiquer…
Il faut lire et relire ce témoignage terrible. Je dis terrible parce qu’il nous oppose à notre propre insensibilité collective face à une discrimination sournoise. Pourquoi ne pratique-t-on pas cette langue dès la maternelle ? Pourquoi tant de passion encore dans le refus de cette pratique ? Pourquoi ce regard distancié et craintif face aux personnes différentes ?
Dans sa conclusion , Emmanuelle Laborit écrit :
« J’ai encore beaucoup à apprendre, je me pose encore beaucoup de questions. Apprendre, il faut le faire toute sa vie. Si l’on arrête d’apprendre, on est fichu… » ( page 218) Même si l’auteur considère le Français comme sa deuxième langue, ce qu’elle écrit en toute simplicité nous renvoie à une vérité universelle imparable. Celui qui estime en savoir assez est déjà mort. À bon entendeur…
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