Un brin de verdure
Auteur : Barbara Pym
Éditeur : Christian Biourgois collection Titres
Année : 2007
C’est encore à mon ami John que je dois cette pépite de la littérature anglo-saxonne.
Je n’avais même jamais entendu parler de Barbara Pym, aussi n’ai-je pas été surprise en découvrant son triste parcours à la lecture de la préface signée René de Ceccaty. Née en 1913, elle devient rapidement une romancière dont le succès culmine au cours des années 1950. Son éditeur fidèle, Jonathan Cape, la désavoue brusquement en 1963 et n’acceptera plus aucun manuscrit, la laissant désemparée mais pas découragée, puisqu’elle continue d’écrire malgré l’isolement du silence autour d’elle. René de Ceccatty résume ainsi sa situation : à partir de 1965, il y a désormais deux écrivains : l’un en pleine activité et maudit ; l’autre reconnu mais rejeté dans un passé vaguement désuet… (…) Elle persiste(…)pour le plus grand bonheur de ses lecteurs… Rares sont les exemples d’une telle ténacité, que l’on pourrait appeler fidélité à soi-même.
Après la lecture de ce roman, j’avoue que je suis satisfaite de l’éclairage apporté par cette préface. Non que l’écriture en paraisse si absconse, au contraire. L’art de Barbara Pym est de dérouler son histoire avec la simplicité d’une conversation entre amies d’enfance, sans façon… Car là est tout son sujet. Nous entrons dans l’intimité de la perception d’une héroïne, Emma, dont les caractéristiques s’affichent comme une sorte de double de l’auteure.
Emma est en effet, malgré sa trentaine engagée, toujours célibataire, plus préoccupée de ses analyses d’anthropologue que de mondanités. Ressentant un besoin d’isolement afin d’écrire sa dernière parution à venir, elle se réfugie dans la maison de sa mère, au cœur d’un village perdu dans le Shropshire, région natale de Barbara Pym.
À côtoyer les habitants de ce village hors du temps, nous entrons progressivement dans une micro-société plus proche de l’univers de Jane Austen que des turbulences des années 1970. Si parfois on apprend qu’Emma peut conduire une voiture, si les liaisons téléphoniques et la télévision existent bel et bien dans l’univers d’Emma, l‘intérêt que celle-ci manifeste pour les habitants du coin, constitue la trame du récit. Les relations établies autour de la paroisse anglicane tenue par Tom, le pasteur veuf et bel homme solitaire, secondé par sa sœur Daphné vieille fille frustrée cherchant désespérément une porte de sortie, les rituels conviviaux établis par les deux bigotes de service miss Lee et miss Grundy, ou les excentricités d’Adam Prince, prêtre défroqué reconverti en guide gastronomique finissent par devenir la trame du récit.…toutes ses observations et ses remarques, qui deviennent son nouveau sujet d’études tissent le canevas de ce roman où il ne se passe rien… Si ce n’est justement toute la vie de ces personnages ordinaires.
Il n’y a effectivement pas là matière à créer des succès populaires, pas de brillance intellectuelle ni de paillettes, pas d’exotisme dépaysant ni d’intrigues haletantes pour lecture de plage. Ce qui peut expliquer la désaffection dont Barbara Pym a souffert. Mais à tous les lecteurs qui recherchent le tissage d’un lien intime et discret à établir avec le livre qu’ils ont entre les mains, ceux d’entre –vous qui apprécient d’y reconnaître un sentiment éprouvé, la solitude, l’attente vaine d’un événement majeur, le désir de reconnaissance… Ce roman s’adresse à vous. En quelques soirées, une après-midi pluvieuse, il se révélera un compagnon discret mais sincère, un de ces condisciples, confident du temps du pensionnat à qui l’on consacre une visite de nostalgie.
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