L'entreprise des Indes
Auteur : Erik Orsenna
Éditeur : livre de poche ( 2011)
Année : 2010
L’Entreprise des Indes, c’est le rêve de Christophe Colomb, le découvreur des Amériques. Erik Orsenna, dont on connaît le goût pour les grandes aventures maritimes, ne nous embarque pas cependant sur la Niña, la Pinta ou la Santa Maria. C’est par un angle de vue fort différent qu’il entreprend de raconter les élans fondateurs des grandes découvertes qui augurent le temps des conquêtes.
Le récit se déroule par la voix du frère cadet de Christophe, Bartolomé. Au terme de sa vie, réfugié dans le palais d’Hispaniola, qui deviendra plus tard Saint Domingue et Haïti, le vieil homme dicte ses mémoires à deux dominicains, frère Jérôme et Las Casas. Le subterfuge n’est pas neuf, mais il permet à l’auteur de mettre en évidence combien les grands moments de l’Histoire peuvent coûter de désillusions et de peines aux héros qui les vivent.
Bartolomé sait que sa mort approche. Il revient donc volontiers sur les différentes étapes de son existence, depuis les rêveries d’enfance des deux frères à Gênes, port ouvert sur la Méditerranée, point de départ de leurs visions d’ailleurs. Ce besoin d’horizon passe forcément par la mer, ils choisissent donc le Portugal et ses côtes atlantiques pour repousser leurs perspectives. En cette fin du XVème siècle, Lisbonne accueille les bateaux en provenance des côtes lointaines; elle devient rapidement, sous l’impulsion de ses souverains, la capitale du premier royaume colonisateur de l’Europe.
Le récit de Bartolomé s’attache à son implantation dans ce port aux ambitions exploratrices. Tandis que Christophe navigue toujours plus loin, vers les confins connus du Nord au Sud de l’Océan, Bartolomé devient cartographe. C’est un magnifique prétexte pour mettre en valeur l’importance de cette activité, s’appuyant autant sur les rapports des marins en escale que les techniques balbutiantes de la cartographie. Malgré leur hardiesse à défier les éléments, les marins d’alors longent toujours les côtes, soucieux de ne pas aller se perdre dans l’immensité océane, le grand inconnu. Le rêve de Christophe, sa folie, est de s’entêter à partir plein ouest, là où les repères n’existent pas… Sauf dans un recueil géographique extraordinaire, l’Ymago mundi que Bartolomé est chargé d’aller débusquer jusqu’à Louvain, ce qui représente un voyage terrestre considérable. Orsenna s’amuse dans ces pages à distiller une ambiance de ville universitaire, avec son fourmillement estudiantin et ses tavernes de bière , en contrepoint des activités commerciales et cartographiques du port d’attache de Bartolomé. Mais quand celui-ci revient enfin de son dangereux périple, il découvre que Christophe a changé d’avis en prenant femme. Ce sont ces atermoiements familiaux qui permettent de comprendre comme les hommes les plus déterminés à vivre de grands destins sont aussi des humains soumis aux lois de leur genre…
C’est ainsi que l’intérêt majeur de ce roman ne repose pas sur l’épopée de la Découverte, mais sur l’éclairage des difficultés auxquelles se heurtent les hommes résolus. Un intérêt subsidiaire, et peut-être un peu négligés à mon sens, est exposé lorsque Bartolomé aborde brièvement le chapitre de ses remords d’avoir cédé à la folie du pouvoir et à sa cruauté quand il s’est d’abord vu confier le poste de vice-roi de l’île d’Hispaniola.
Sans être un récit essentiel, cette Entreprise des Indes est un roman agréable et très bien documenté pour le lecteur fasciné par l’histoire de l’Histoire. Pour ma part, j’ai éprouvé quelques longueurs dans la menée du récit, même si mon intérêt s’est accru dans la seconde partie de l’ouvrage.
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