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Chagrin d'école

Chagrin d'école

Auteur : Daniel Pennac

Éditeur : Gallimard ( nrf)

Année : 2007

Entre autobiographie et constat, « Chagrin d’école » est conçu comme une longue conversation entre l’auteur et son vécu. Son vécu subi et son vécu induit par l’expérience. Point de départ, sa scolarité douloureuse, Daniel Pennac parle de réelle souffrance, noyautant la conception de son devoir de Professeur. Il n’y a rien de complaisant dans la démarche, ce n’est pas un bilan d’autosatisfaction que le lecteur découvre, mais plutôt une longue réflexion motivée par le désir de trouver la bonne clef. Le moyen d’être chaque jour présent à soi-même dans l’exercice de sa profession, d’être aussi présent à chaque élève dont il a la double charge, celle de lui donner les armes pour construire sa vie, et celle de lui apprendre à surpasser les difficultés accumulées par ses conditions de vie. Car Daniel Pennac, malgré son trajet d’écrivain, n’a pas exercé ses talents de professeur dans les beaux quartiers auprès d’élèves triés sur le volet, non, il s’est acharné chaque jour à donner du sens, du beau et du bon à des élèves de cités réputées délicates, pas plus bêtes que d’autres, mais plus fragilisés par leurs situations sociales et familiales. Encore que… Pour avoir enseigné successivement à des élèves issus de famille très favorisées matériellement parlant, puis à d’autres nés dans des familles nettement moins à l’aise, je ne suis pas si certaine que les enfants de la Haute comme on disait autrefois reçoivent tous un ticket pour le bonheur, mais ça c’est une autre histoire.
Il ressort de ce livre généreux un discours qui ne s’adresse pas qu’à la profession. Ce n’est pas un livre slogan, genre le Prof parle aux Profs. La réflexion menée concerne surtout La Vie et rattache l’École (au sens large) à ce qu’elle doit être, non pas un lieu clos de savoir ou de torture intellectuelle, creuset d’humiliation s’il le faut, mais tout au contraire, un endroit de passage où se construit la foi en lui que chacun de nous a le droit et le devoir de développer pour se construire une vie.
Quelques passages m’ont particulièrement touchée, comme cet aveu pudique d’un désarroi tragique, page 75, où l’auteur évoque la tentation suicidaire, heureusement désamorcée par un père remarquablement fin et aimant.
Le cours chapitre précédent également où Daniel Pennac rappelle que « nos mauvais élèves (…) ne viennent jamais seuls à l’école. C’est un oignon qui entre dans la classe : quelques couches de chagrin, de peur, d’inquiétude, de rancœur, de colère, d’envies inassouvies, de renoncement furieux, accumulées sur fond de passé honteux, de présent menaçant, de futur condamné »
Extraite de la dernière partie, intitulée si judicieusement « Ce qu’aimer veut dire », cette phrase-clé : « la sagesse pédagogique devrait nous représenter le cancre comme l’élève le plus normal qui soit : celui qui justifie pleinement la fonction de professeur puisque nous avons tout (mot en italique) à lui apprendre, à commencer par la nécessité même d’apprendre ! » et la conclusion extraordinairement positive, qui commence en ces termes :
« C’est vrai, chez nous, il est malvenu de parler d’amour en matière d’enseignement. Essayez pour voir. Autant parler de corde dans la maison d’un pendu. » Cette phrase, loin d’être anodine, montre à quel point l’Institution Scolaire s’est fourvoyée depuis des lustres, à confondre hypocritement décence et indifférence, de peur que… Alors qu’il suffirait d’attention et de respect mutuels pour élaborer le climat de confiance et d’estime de soi indispensable à l’épanouissement de tous.
Chagrin d’école est un livre positif à garder près du cœur et des yeux, histoire de retourner aisément prendre de petites piqûres de rappel quand les rebellions adolescentes nous déconcertent ou qu’un regrettable fait divers socio scolaire échauffe les esprits.

Publié dans Sources Vives | Lien permanent