La rêveuse d'Ostende
Auteur : Éric Emmanuel Schmitt
Éditeur : Albin Michel
Année : 2007
Des cinq nouvelles qui composent le recueil La rêveuse d’Ostende est incontestablement l’histoire la plus impressionnante et déconcertante, mais il ne faudrait surtout pas négliger Crime parfait ou mauvaises lectures, tant le thème récurrent de tous ces récits s’y trouve remarquablement exploité.
À travers ces cinq histoires, Éric Emmanuel Schmitt nous propose un jeu de confrontation entre apparence et vérité intérieure. De manière bien distincte, sans lien entre elles, ces nouvelles établissent une faille incontournable entre le regard social du personnage, ce qu’il semble être aux yeux de tous, et son parcours intime, où les drames se nouent. Sauf dans La guérison, récit fondé sur un point de vue décalé et étonnant, où une infirmière se guérit de ses inhibitions par le regard amoureux que pose sur elle un patient aveugle. Paradoxe et ressenti exploités plus cruellement dans Crime parfait, crime passionnel et parfaitement prémédité, commis froidement pour une bien mauvaise raison. Le lecteur n’est pas dupé, il est retourné par l’absurdité du processus. Quant à Maurice, l’intellectuel supérieur et snob, il suffit de piquer sa curiosité pour qu’il succombe fatalement à l’emprise des mauvaises lectures qu’il a toujours dédaignées, il paie très cher son manque de lucidité …
Revenons à la plus belle histoire, celle qui donne son titre au recueil.
La rêveuse d’Ostende est une vieille dame, contrainte d’ouvrir sa belle et vénérable demeure au voyageur en peine. Tout devrait opposer cette personne réfugiée dans son passé, qui se refuse même à lire un ouvrage contemporain, se défendant du monde dans la forteresse d’une bibliothèque surannée constituée par son père. Le narrateur, écrivain et malheureux (pas de paradoxe ici) se pique de curiosité pour cette vieille dame trop solitaire. Au fil de son séjour, il parvient à lui extirper des confidences révélant un destin tellement romanesque qu’un doute sévère brise la confiance à peine établie…Jusqu’au dénouement où vraisemblance et bon sens reçoivent un démenti théâtral. Et nous nous apercevons, en achevant notre lecture, qu’Éric Emmanuel Schmitt nous ramène une nouvelle fois avec la dame au bouquet à cette dimension de l’existence où ce sont les rêves qui constituent notre vérité et que le regard des autres n’est jamais qu’un leurre.
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