Un héros
Auteur : Félicité Herzog
Éditeur : Bernard Grasset
Année : 2012
En quatrième de couverture, l’éditeur indique que l’ouvrage est le premier roman de Félicité Herzog. Or il ne faut pas se méprendre, si cet ouvrage est une fiction, il ressemble pour le coup fichtrement à un règlement de compte. C’est un sentiment de frustration et de haine qui imprègne le récit du début à la fin. L’auteur déverse dans ces pages toute sa rancune comme une obsession tout au long de ces pages. Félicité Herzog se sent-elle mieux, parvient-elle à accepter l’état des lieux d’une famille en déliquescence ? J’ai terminé la lecture de cet ouvrage quelques jours avant que le décès de Maurice Herzog ne soit annoncé, et je me suis dit en entendant cette nouvelle que ce décès en écho à son livre ne serait pas un cadeau offert par son père : mourir en réponse à une telle déclaration de guerre ne peut qu’alourdir leur passif…
Personnellement, je n’adhère pas tellement aux autofictions, je ne suis pas demandeuse de ces confidences aigrelettes étalées sur la place publique, sans recours pudique à la distance fictionnelle. J’entends bien que l’auteur n’est jamais vierge de son affectivité, il se nourrit de son vécu et de ses observations. Mais son travail consiste justement à transposer cette matière parfois douloureuse, à la travailler comme un joaillier triture ses matériaux précieux, les tord et les enchâsse de pierreries précieuses, pour en modeler un objet destiné à l’Inconnu… Alors, le récit, pour personnel qu’il soit, sera à même d’acquérir son caractère unique et universel qui touchera au plus profond le lecteur qui lui ouvre l’intimité de sa conversation.
Ce phénomène subtil n’a pas cours ici, même si les mots de Félicité Herzog n’ont rien de vulgaire. Elle sait même éviter la plupart du temps le pathos quand elle évoque le versant douloureux de ses relations fraternelles. Le reproche est lourd cependant à l’égard de ses parents, de son père surtout. La presse s’en est d’ailleurs tout de suite emparé, de cette figure paternelle dure et égocentrique.
Voilà donc tout d’abord une descente en flèche du Grand Homme, opportuniste et égoïste, séducteur forcément inconstant, Narcisse manipulateur et oublieux de ses responsabilités. Habillé pour un hiver qu’il a eu la bonne idée de déserter. En bonne fille, les reproches adressés à sa mère sont plus modérés, l’inconscience évaporée de cette femme en quête d’affranchissement de son milieu lui paraît plus compréhensible sans doute.
Mais voilà deux enfants, le frère aîné Laurent et la cadette en la personne de l’auteure, livrés à eux-mêmes, avec pour toutes limites les vacances chez leurs grands-parents maternels dans les ors rescapés d’une fin de règne. Félicité Herzog se veut lucide et décortique à plaisir les petits secrets mal enfouis d’un passé collabo assis sur la prévalence de la fortune familiale.
Elle en dresse un portrait où les apparences l’emportent toujours sur le fond des choses, l’Annapurna de sa mère se projetant dans la reconquête de sa place au sein de la famille après une première mésalliance conjugale douteuse. On le voit, le chemin de vie de Félicité Herzog est tapissé de fruits amers et il serait miraculeux qu’elle éclate de joie… En fin de compte, ce livre devrait lui permettre de refermer les blessures à vif, dont la plus brûlante reste sans doute la maladie de son frère, admiré, adoré, redouté…Comme s’il avait concentré la déraison des membres de ses familles, porté à son paroxysme. Douloureux et sans issue.
Publié dans source livresque | Lien permanent