Un lieu incertain
Auteur : Fred Vargas
Éditeur : Viviane Hamy
Année : 2008
Un lieu incertain mais un plaisir réel et confirmé, comme à chaque lecture d’un Polar de Fred Vargas.
Voilà une auteure (orthographe actuelle qui gêne encore un peu) qui sait créer rapidement un univers à elle, où le lecteur se laisse volontiers entraîner, ravi de prendre des nouvelles de personnages qu’il commence à bien connaître, comme des voisins, ou des amis d’amis, dont on s’enquiert plus par intérêt que par stricte politesse.
D’un livre à l’autre, les différents personnages récurrents du monde d’Adamsberg ont fini par exister d’une vie autonome. On se demandait par exemple ce qui pouvait advenir à Veyrenc, l’homme à la tignasse bigarrée, rival pugnace du commissaire, mais somme toute sympathique avec ses manières de Gascon et son don de versification… Eh bien le revoilà, comme un magicien, et on se rend compte qu’on l’aime bien, malgré ses rudesses. Comme on éprouve une sympathie mêlée d’indulgence pour l’indécrottable naïf, Estalère, une vraie tendresse pour Danglard, son érudition, son amitié paternelle à l’égard de son patron, une admiration sans faille pour l’incontournable salvatrice Retancourt, etc.… Ce petit monde virtuel a pris existence sous la plume de Fred Vargas et elle mène son monde avec humanité et inventivité. Petite remarque amusante : de la part d’un auteur féminin, avez-vous remarqué qu’elle utilise usuellement les patronymes de ses personnages, rarement leur prénom qui introduirait un peu d’intimité, de douceur dans leurs relations. Comme dans tout bon Polar, il y a toujours du noir et de la méchanceté dans les intrigues de Fred Vargas, mais l’intrigue nous tient d’autant plus en haleine qu’elle recourt toujours à la résurgence de mythes qui appartiennent à nos Fantasmes autant qu’à notre Histoire : la peste, les loups-garous, cette fois les Vampires, rien de moins. Mais jamais rien d’ésotérique chez Fred Vargas, elle titille nos neurones avec des curiosités ancestrales, et à l’instar de son héros, elle avance son sujet sans céder un pouce de terrain à la superstition. Du sang, et des inquiétudes, mais pas d’ésotérisme, voilà qui est clair et sans malaise. C’est un monde noir, avec des crimes horribles, ici les cadavres sont écrabouillés, ruinés, méconnaissables, pas même reconstituables, mais … Ce n’est pas glauque et douteux comme certaines séries malsaines qui nous viennent d’Outre- Atlantique. C’est en effet tout un art, et celui de Fred Vargas, de décrire des situations invraisemblables avec des mots simples, un style clair malgré les errements intellectuels d’Adamsberg, et de donner vie aux personnages, ceux que nous connaissons comme les nouveaux intervenants.
Comme il s’agit d’un polar, je ne vous en dirai pas davantage sur l’intrigue, commencée en Angleterre, où Adamsberg démontre humoristiquement ses difficultés linguistiques, (inénarrable Higegatte, dont je retrouve l’équivalent chez nous grâce au bien nommé Poulous!), pour nous emmener tambour battant jusqu ‘aux confins de la civilisation, en Serbie profonde, où Jean-Baptiste recharge ses batteries affectives en adhérant au lexique de là-bas, Plog ! Aussi je vous invite à participer à ce voyage imaginaire avec décontraction et bonne humeur, histoire d’entretenir un lien d’amitié avec ce petit monde marginal et fantaisiste.
Dans la série du même auteur, tous édités chez Viviane Hamy :
L’homme à l’envers (1999)
Pars vite et reviens tard (2001)
Sous les vents de Neptune (2004)
Dans les bois éternels (2006),
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