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Ritournelle de la faim

Ritournelle de la faim

Auteur : JM G Le Clézio

Éditeur : Gallimard

Année : 2008

Jean-Marie Gustave Le Clézio, attention, « c’est du lourd ! »
Un Monsieur de la Littérature, coté, réputé…et même Nobellisé, maintenant. C’en est presque intimidant, des références pareilles.
Tellement que je m’étais gardée de m’y aventurer, l’impression d’un mauvais souvenir, genre lecture imposée, voilà qui favorise toujours l’orbite tangentielle. Aussi, quand Simone est arrivée à l’automne avec l’exemplaire qu’elle venait d’acquérir, « pour voir…mais toi d’abord ! »…
Et puis je m’y suis collée, un soir, parce qu’il était revenu en faîte de pile, à côté de mon lit.
En toute simplicité, j’ai passé de bons moments. Pour rester vraiment honnête, je ne saisis pas tout à fait ce qui fait de JM G le Clézio ce parangon des lettres françaises, mais après avoir relu l’interview qu’il avait consentie au magazine LIRE en 1994, je salue son humble lucidité. Attention, l’homme ne se méjuge pas, il reconnaît simplement écrire par besoin, par instinct et se méfie des encensements… Bon, plutôt sympathique et ouvert. Donc, les a priori négatifs remisés, je vais carrément m’autoriser à parler d’un bon roman, d’une langue agréable et dénuée d’emphase, d’un ressenti sensible de la période où se situe l’essentiel de l’intrigue, puisque nous sommes dans le registre romanesque, malgré le propos biographique.

Le récit se situe dans les années trente, à Paris, à l’intérieur d’une famille bourgeoise peu ordinaire puisqu’il s’agit de français rapatriés des Îles Maurice. Autour de son héroïne, qui est aussi sa mère adolescente, Le Clézio met en scène ses grands-parents et le grand-oncle de sa mère, personnages excentriques et décalés dans cette France de l’avant-guerre. Au milieu des tourmentes sociales et politiques, la famille élargie qui réside en clan, dans l’appartement du grand-oncle Soliman, vit en dehors des réalités, sur des rentes qui s’évanouissent lentement, par insouciance, incompétence, mode de vie suranné. La petite Ethel entre en relation avec le monde réel, sa misère et ses contournements à travers l’amitié qui la lie à son amie de lycée, Xénia Chavirov. Xénia est elle-même fille d’émigrés, et initie peu à peu Ethel à ses propres références. L’amitié des deux jeunes filles se construit sur leurs différences, et Ethel étaie sa personnalité sur l’opposition de leurs deux mondes. Ce sont ces réflexions qui lui permettent peu à peu de sonder l’inaptitude à la limite de la malhonnêteté d 'Alexandre, son propre père, autorisé par les lois alors en cours à gérer l’héritage que le grand-oncle Soliman avait légué à Ethel, justement pour la protéger de son père. Inévitablement, Alexandre mène sa famille à la faillite alors même qu’éclate la seconde guerre mondiale. Avec l’exode, commence pour Ethel l’apprentissage de la vraie misère, la famine telle qu’elle l’avait entrevue chez son amie Xénia. Réfugiée à Nice, elle assiste sa mère auprès de son père anéanti, puis organise leur sauvegarde, jusqu’à la libération et le retour de Laurent, le seul ami sincère fréquentant leur salon du temps de la splendeur d’Alexandre.
À mon sens, la description de la misère reste tellement pudique que je ne suis pas certaine d’avoir senti la famine charnelle d’Ethel, ou de sa mère. De même le contexte de la guerre semble anecdotique, prétexte à l’exposition de la déchéance familiale et l’asservissement à la misère et son cortège de parasites. JM G Le Clézio laisse le contexte historique en marge, préférant inciter ses lecteurs à magnifier les forces intérieures qui permettent à la jeune femme de résister au repli sur soi.
De l’admiration du fils pour la jeune femme qui a fondé son propre avenir sur son autonomie, voilà le thème de l’ouvrage. C’est une bonne intention, mais on a assez disserté sur la littérature et les bonnes intentions pour sentir … Il y manque ce petit quelque chose qui sublime les mots.

Publié dans Sources Vives | Lien permanent