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05/12/2012

L'appétit de Mademoiselle Lê

Comme d’habitude, l’enfant s’est planté devant la fenêtre pour avaler le dernier gâteau de son goûter. Mademoiselle Lê ne s’en contrarie plus.  Il y a longtemps que Mademoiselle Lê ne lutte plus contre ce qu’elle ne peut changer.

Manu, son élève,   ne sera jamais musicienne. L’enseignante a honnêtement essayé d’expliquer le fait à ses parents, choisissant des mots  précautionneux pour ne pas  les peiner.   La révélation de l’inaptitude de leur fille ne les a pas froissés. Ils ont cependant insisté pour que le professeur persiste dans l’éducation à la pratique de  son Art.  Touchée par leur modestie candide, Mademoiselle Lê a accepté de poursuivre sa mission. Par reconnaissance, la fillette apporte  désormais quelques pâtisseries  provenant de  la boutique de ses parents.

Ce goûter imposé en prolongement des séances  l’a d’abord offusquée. Endurer le pilonnage des touches de son clavier par les maladresses enfantines, c’était déjà douloureux pour sa dignité d’ancienne virtuose!  Mais la colère de Mademoiselle Lê a fondu quand elle a compris le sens des remerciements parentaux. Conscients que leur voisine vit du fruit de ses études musicales, ils offrent en retour le meilleur de leurs talents : des religieuses, des Paris-brest  et des petits-fours  sortis tout chauds du fournil. 

 La bouche pleine et les mains constellées des miettes du mille-feuille qu’elle dévore avec  application, Manu ne quittent pas des yeux les mésanges charbonnières qui virevoltent inlassablement sur la terrasse près du petit refuge en bois. Les oiseaux ont déjà perçu l’imminence des premières gelées et sont revenus vers l’abri. Occasionnellement, Mademoiselle Lê s’octroie une pause pour admirer la chorégraphie harmonieuse qui régit leur conquête du territoire. Parfois, elle imagine quelques notes, joue  une suite d’arpèges illustrant leur manège. Les mésanges ont l’oreille plus musicale et attentive que  bien des humains…

— Chais pas, mais là ch’crois bien qu’elles zaiemeraient goûter aussi mon gâteau…

Et Manu pose sur la crémone ses doigts collants de crème et de sucre. Mademoiselle Lê réprime un frisson. Paradoxalement, la spontanéité maladroite de la fillette lui apparaît comme une revanche sur son propre parcours. Ses nuits sont encore habitées de  cauchemars remontés des limbes du passé: elle revit indéfiniment son apprentissage précoce du piano et la sévérité de l’éducation dans la Chine des années Mao, la terreur et la faim éprouvées pendant la longue période en exil pénitentiaire sous  le joug de la Révolution Culturelle. Et puis, à son arrivée en Europe, l’outrance des excès alimentaires pour effacer  les manques.  Elle a alors supporté des troubles de l’appétit déstabilisants jusqu’à l’abandon de la carrière de  soliste qui lui était promise.

Aujourd’hui, Mademoiselle Lê apprécie chaque jour de sa vie frugale.   Elle a trouvé son chemin de paix en acceptant les contradictions du monde. Sa solitude est comblée par son chat et les merveilles dont son minuscule jardin  lui offre la jouissance: les fleurs des plates-bandes, les jeux d’ombres et de lumière sous le tilleul, et les trilles des rossignols qui  font vibrer la chaleur des nuits d’été. Alors, les rêves oppressants se diluent parce que le chant de l’oiseau amoureux célèbre sa plus grande victoire sur les bourreaux d’hier. Privée  de nourriture mais aussi de partition et d’instrument, elle a  maintes fois vaincu la famine rendue plus pénible par l’inactivité nocturne : durant ses années d’interdits, elle s’endormait en jouant mentalement,  immobile sur sa paillasse, les morceaux difficiles que sa mémoire restituait fidèlement. Cette  musique  clandestine la nourrissait alors,   lui permettait d’oublier sa souffrance,   de surmonter ses manques. Elle avait cessé de dépérir comme ses compagnes.

Aujourd’hui, Il n’y a plus de Gardes Rouges pour l’empêcher de goûter à satiété Schumann et Brahms. Elle puise dans l’écoute et le travail de ces musiciens plus de vitalité que ne lui en procurent les repas ascétiques que seuls son estomac supporte.

Alors, Mademoiselle Lê regarde Manu éparpiller les miettes grasses du gâteau sur la terrasse. Elle lui tend la boîte de carton souillée de résidus chocolatés.

— Ne t’inquiète pas Manu, lui sourit-elle, ici chacun peut manger à sa faim…

 

 

 

 

02/12/2012

Donizetti à Marseille

 

…  ou les enchantements du public marseillais. 

Un Mistral sec glace les rues de la ville mais le public  est resté chaleureux à l’écoute de cette version concertante du martyre de Polyeucte, livret fondé sur la pièce de Corneille.

De la tragédie à l'Opéra  deux siècles se sont écoulés, mais la reprise du thème par le librettiste  paraît inconsistante ô combien. On se dit souvent que les thèmes développés dans les oeuvres lyriques témoignent de leur époque. Et de fait, le choix du héros de Corneille semble largement dépassé, surtout dans la version du livret de Salvatore Cammarano, tel qu’il nous a été donné de l’entendre jeudi dernier à Marseille. Pas une once de psychologie, pas de pause amoureuse entre Paolina et Poliuto, hormis l’aria de la  jalousie que Massimiliano Pisapia rend magistralement. Pour saisir l’ampleur du drame, la finesse du déchirement du personnage, entre l’amour trahi et  la ferveur du nouveau converti, Donizetti a donné des accents intimes et poignants aux instruments, cordes et vents de l’orchestre. 

Peut-être faut-il y voir la raison pour monter l’œuvre de Gaetano Donizetti dans la simplicité de la version concertante. Pas de mouvements de scènes pour prolonger l’émotion, pas d’effets de costumes et de décor pour  mettre en valeur le manque de subtilité de  l’intrigue.   Les faiblesses du « scénario » sont ainsi englobées dans la fluidité musicale de la représentation.  Et c’est tant mieux, car comme le public, j’ai pleinement savouré la musique et la fusion entre les chanteurs et les instrumentistes.

Le génie du compositeur s’impose d’ailleurs dès l’introduction : le premier violoncelle énonce le thème, solitaire, et l’on entre dans l’intimité du discours…  La réponse progressive des vents et la reprise des cordes apportent tour à tour l’épaisseur et la variété des couleurs à la partition qui prend corps pour le plaisir de nos  yeux autant que de nos oreilles.   Qu’y a-t-il alors de plus beau qu’un orchestre en action ?

Le public s’est enthousiasmé pour Massimiliano Pisapia, le ténor interprétant Poliuto, mais il a surtout réservé un juste triomphe à Vittorio Vitelli, en Severo et Wojtek Smilek servant Callistène. Quant à Daniela Dessi, seule femme de la partie, elle semblait tout d’abord un peu hésitante à exprimer les tourments amoureux de Paolina, partagée entre sa fidélité envers Poliuto son époux et le retour de son amour premier, Severo, survivant d’une bataille où il était réputé péri. Curieusement, c’est dans la seconde partie du spectacle qu’elle s’implique davantage à défendre son rôle, alors même que le livret n’offre aucune prise pour le faire. Comme la vie des héroïnes tragiques est compliquée! Mais comme il est difficile au spectateur actuel de comprendre comment elle décide brutalement de se sacrifier au Dieu de son époux !

 À moins que…

J’écrivais  en introduction que les œuvres sont ancrées dans l’époque où elles naissent. Pardon pour ce qui semble un lieu commun du dimanche ou une planche savonnée pour lycéen en mal d’inspiration. Je ne suis pas  (encore) retournée à l’œuvre initiale. Il me vient toutefois une réflexion glaçante  à  ce propos: ne relève-t-on pas  ici et là quelques vocations de martyr sacrifié à l’autel d’une  confusion entre foi et politique ? Le fourmillement social de notre époque a fait émerger  certains conflits et   drames appuyés sur des fondements d’apparence religieuse. Toute société charnière  présente ce genre de blessures, vrais et faux débats qui cachent notre absence de vision.   Alors, dépassé notre Corneille et son sens du devoir, son éloge de la vertu, son appel à l’abnégation, amoureuse ou religieuse ? 

Donizetti, opéra, musique, Marseille, Corneille, Polyeucte, poliuto, religion conversion, martyre

Gaetano Donizetti

1797-1848

16/07/2012

Les feux de l'été

feux d'artifice, vacances, Provence, 14 Juillet

 

On y est ! Le  week-end du 14 Juillet marque le début de l’Été, le vrai…

 

Quelques soient les préoccupations des uns ou des autres, la mi Juillet ouvre une période particulière: mêmes les besogneux qui repoussent à d’autres temps leurs vacances  ont à l’esprit le changement qui s’est organisé le temps d’un samedi migratoire : les rues des villes se sont vidées d’une partie des véhicules, les rames des transports en commun offrent des sièges vides, et du coup l’humeur des travailleurs s’allège…

 

Mais a contrario, ce sont nos côtes qui se sont retrouvées  tout à coup envahies d’une foule pressée de profiter du soleil et de la chaleur.

 

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 Cassis

 

Alors les municipalités s’organisent pour amuser les vacanciers. Ici, les jouteurs de cassis s’exercent encore une fois dans la lumière de cette fin d’après-midi.

 

feux d'artifice, vacances, Provence, 14 Juillet

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Et les feux d’artifice du 14 Juillet fêtent autant la Nation que l’éclosion soudaine de la manne estivale.

 

feux d'artifice, vacances, Provence, 14 Juillet la ville dans l’obscurité attend l’explosion des lumières et des pétarades qui vont résonner dans le port. Les hauts parleurs diffusent la musique pour  attirer les touristes hors des restaurants et terrasses fraîchement investies.

 Nous avons la chance d'être conviés au spectacle par Catherine et Kim qui nous offrent l'hospitalité d'une soirée exceptionnelle.

  Après le  dîner agréable  qui permet de profiter longuement de la vue magnifique sur la cité et la muraille gigantesque du Cap Canaille, nous nous installons sur le balcon qui domine le port. Le spectacle commence, la magie opère…

 

feux d'artifice, vacances, Provence, 14 Juillet


 

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      L’ambiance ne serait pas parfaite sans les retrouvailles musicales.

      Hier, c’était pique-nique Jazz au château de Bernes, superbe domaine vinicole des environs de Lorgues. Dégustation des rosés gouleyants et des rouges fruités assortis d’un buffet tout à fait honorable. L’orchestre des Ticco’s jazz  abreuve aussi  nos oreilles des rythmes New Orleans, un duo de batteurs fait le bœuf, quelques  convives craquent et se mêlent aux musiciens pour une participation vocale ou au bandjo,  sous l’immense chapiteau la fête est décontractée, chaleureuse, et le vent n’y change rien.

 

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L’été 2012 est bien là, oyez oyez, nobles voyageurs saisonniers, la belle Provence a revêtu ses atours  estivaux pour mieux vous séduire…

 

14/02/2011

Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent

 

Eric emmanuel Schmitt, littérature, musique, essai, BeethovenAlbin Michel

ISBN : 978-2-226-21520-8
Septembre 2010

 

 Il nous arrive à tous d’associer viscéralement une musique à un moment de notre vie.
Les arts du spectacle nous ont familiarisés à l’intensification des émotions transmises par l’accompagnement sonore :  À nos oreilles contemporaines, le cinéma  y a tant excellé que n’importe quel cinéphile associera à tout jamais les images de l’Orange mécanique  de Stanley Kubrick à la neuvième symphonie de Beethoven.  Lors de mon premier mariage, il me souvient de moments très complices où nous jouions à apparier les œuvres picturales découvertes dans nos balades aux musées avec les morceaux de musique des compositeurs de notre discothèque… Il ne s’agissait pas de trouver les correspondances chronologiques,   mais plutôt de tisser des liens entre les ressentis… Ce jeu nous a souvent permis d’ouvrir des portes étonnantes, voies royales d’appropriation ou chemin  de traverses débouchant sur d’autres filiations…

Telles sont nées mes attentes quand j’ai remarqué et acheté l’essai qu’Éric Emmanuel Schmitt consacre à ses ressentis d’auditeur Beethovénien. Avec l’humour fin qui le caractérise, il s’appuie sur une remarque attribuée à sa professeure  de piano pour mieux souligner combien il souhaite dégager son propos des jugements standards et des opinions convenues …
Partant du constat que ce héraut du romantisme musical est de plus en plus rarement au centre des programmations de concert, il nous propose de le suivre dans sa rétrospective personnelle avant de dégager  les  apports particuliers que le compositeur a légués à notre humanité.

N’ayez aucune crainte d’aborder ici un ouvrage  trop savant, une nomenclature intégrale du répertoire ou une hagiographie lénifiante du Maître. À sa manière  délicate, habillant sa  sensibilité des atours de la simplicité, É.E Schmitt confie aux mots qu’il choisit la transposition de ses découvertes, émotions ou agacements, peurs ou rejets d’un trop plein d’émois.
 En cela, la musique délivre davantage un message spirituel – affects, intensité, valeurs- qu’un message intellectuel. Ce qui explique sans doute notre difficulté, voire notre réticence, à traduire un concert en mots, car, toujours, la musique précède les phrases. ( P 34)
 (Page 91) :
La musique touche, insinue. Elle fouille, tourneboule et modifie l’humain, l’atteignant au plus profond.
(Page 92) :
Le sens de la musique, c’est de ne pas avoir un sens précis mais d’être la métaphore de nombreux sens. Sinon, autant employer les mots.


Bâtis au long de l’écoute de six œuvres représentatives des talents de Beethoven,   ÉE  Schmitt  ouvre nos réflexions sur la manière d’accepter, d’intégrer, de grandir à l’ombre ou en lumière des facettes musicales de ce génie particulier :
  Des chocs, des silences, la mélodie qui gronde aux basses, qui hésite, qui se lance, qui s’étoffe, qui module. De source, le filet thématique devient fleuve, notre piano s’enfle aux dimensions d’un orchestre entier. Mon cœur bat à tout rompre. J’ai les oreilles rouges et gonflées d’émotion, je transpire avec peine, je m’enfonce dans l’harmonie, je fonds en musique, je suis heureux.
Derniers accords ! Nous laissons prospérer le silence. Nous tentons de reprendre notre souffle.
- Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent !
Madame Vo Than Loc  avait lancé cette phrase farouche. 
(Chapitre Ouverture de Coriolan, page 19)
Successivement, l’auteur nous livre les clefs de son écoute personnelle, révélant la fraîcheur d’une oreille attentive, exercée mais abandonnée volontairement au flux musical :
  Au début, c’est un conflit. Deux entités  s’opposent : les cordes violentes, dramatiques, et le piano doux. Celles-là fument, raclent, menacent,grondent ; celui-ci murmure. Leur antagonisme de timbre est poussé au paroxysme. (…)  La lourde masse des cordes aux sons musclés, tenus, tendus, tente d’assommer le grêle et solitaire piano.
Entre leurs interventions, du silence.
Un silence double : le silence où quelque chose naît.
Le silence où s’évapore le fracas des cordes ; le silence où apparaît, fragile, le chant du piano.
Je commence à comprendre…
Choc d’énergies contradictoires. Goliath contre David. Le géant contre l’enfant. À première vue- ou à première oreille- on connaît le résultat. Or quoique les cordes cherchent à l’intimider, le piano ne hausse pas le ton, reste d’une étonnante sérénité, persiste.
Progressivement, le rapport des adversaires se modifie. (…)
(Page 85-86  quatrième concerto pour piano et orchestre, 2ème mouvement.)
Page 98 , à propos du quatuor n°15, EE poursuit:
 Austères quatuors… Remisant sa palette symphonique, à mille lieux des gigantesques contrastes sonores, Beethoven renonce aux couleurs, à la variété des timbres, leurs oppositions, leur séduction. On a presque l’impression qu’il renonce aussi à la mélodie, qu’il y préfère de longues tenues de cordes, des frémissements, des attaques. C’est une méditation. Il se dépouille de ce qui charpentait son langage antérieur.


Bien évidemment, le mélomane est toujours tenté d’établir des choix, de dresser une table de comparaisons entre les différents compositeurs qu’il est amené à apprécier. Il se sent souvent alors obligé de situer la nature des œuvres dont il s’abreuve :

 Lorsqu’on écoute du Mozart, on n’assiste pas à une besogne, on assiste à l’épiphanie de la grâce.
Inexplicable, la grâce. Ça descend, ça s’impose. C’est une aube, une naissance.
(Page 26)

La comparaison s’impose de fait et Schmitt, se souvenant qu’il est philosophe, développe les attributs supposés de ces deux génies fondateurs :

 Mozart entend, Beethoven fabrique.
Chez les deux, le métier est ferme, supérieur, rigoureux, virtuose. Chez les deux, l’art triomphe.
Cependant, si Mozart efface son geste, Beethoven le met en avant. Mozart nous  propose le produit  de l’esprit, Beethoven l’esprit du produit.
Beethoven cherche, Mozart a trouvé.
Beethoven reste présent dans son œuvre, Mozart s’en absente.
Beethoven nous laisse avec sa musique, Mozart nous laisse avec la musique.
Dans la création, Beethoven se comporte en homme, Mozart en Dieu. L’un parade, l’autre s’écarte. Homme immanent, dieu caché.


Schmitt  ne saurait cependant cantonner l’universalité de la musique à ce tableau comparatif. En réalité, ce qu’apporte un compositeur à la conscience de notre Histoire et de notre Humanité, ce qui établit Beethoven et les compositeurs dans l’Intemporalité, c’est l’essence de leur art, la musique (Page 36) :
Bach, c’est la musique que Dieu écrit.
Mozart, c’est la musique que Dieu écoute.
Beethoven, c’est la musique qui convainc  Dieu de prendre un congé car il constate que l’homme envahit désormais la place.
(Page 40) :
Un souffle existe qui va s’épanouir, se tonifier, s’enchanter de lui-même, se développer en volutes infinies. Beethoven, de façon poignante, nous présente l’homme fragile, originellement convalescent. Quelle est sa faiblesse ? Sa force, c’est-à-dire la pensée. Débordant de tendresse et de compassion, Ludwig van souligne combien il aime cette bête inquiète, traversée de peurs, de questions, mais aussi tendue par l’idéal. Aussi pur que dans un de ses quatuors intimes, mais plus ample grâce à l’orchestre, il célèbre la condition humaine.

Ou encore ce développement pages 44-45 :
Quoique Beethoven accorde à Dieu le premier mot, il ne lui confie pas le dernier : cela se remet à foisonner, à grouiller, à fuser, à tambouriner, la joie s’ensauve, vire à la transe, c’est une danse dionysiaque, une explosion finale, une orgie cosmique.

Par la magie de la prose de Schmitt, j’entends pour ma part cette dernière phrase portée par le souffle enthousiaste d’un Fabrice Lucchini et je me dis que décidément, la Grâce accompagne en effet quelques rares élus et que nous sommes, quant à nous pauvres récipiendaires de leurs lumières, bien reconnaissants et bien heureux d’en recevoir le rayonnement.

 Sous cet éclairage objectif, É E Schmitt s’attaque alors à démonter nos réflexes grégaires, nos références apprises par nos cheminements, la pression du temps, nos erreurs critiques. L’homme honnête nous invite à nous défaire d’idées préconçues et à retrouver la clarté d’une écoute rénovée.  Sans fausse pudeur, il nous rapporte son expérience  personnelle  d’une représentation de Fidélio, où entré dans le théâtre engoncé dans ses préjugés, il s’est confronté à sa propre erreur…

 Cédant à la prévention des philosophes qui estiment – à tort- que penser nécessite d’éloigner les affects, je me transformai en pur intellectuel. Dès lors, Beethoven m’apparut confus, brouillon, émotif, hystérique ; pas uniquement Beethoven d’ailleurs, car pendant ces années-là, je boudais aussi Mozart, Schubert, Chopin ; je ne m’intéressais plus qu’aux grammairiens de la musique, Schönberg, Webern, Berg ou Boulez dont j’allais suivre les cours au collège de France.
Pour l’intellectuel neuf que j’étais, tout sentiment relevait de la fièvre.  ( Page 48)
(…)
Et alors, je commence à comprendre ce qui arrive… En me privant de la vue, je vois enfin le théâtre : il réside dans la musique.  L’action a quitté la scène pour gagner la fosse. L’orchestre est le lieu où le drame s’élabore, chaque instrument y tient un rôle, et les voix qui en sortent à leur tour y participent. Les sentiments, les aspirations, les mouvements, les lumières, ils sont là, écrits par B. Au fond, il a raison : pas besoin de décor, un noir de fumée suffit ; au diable les attributs traditionnels du show, le vrai spectacle est celui des cœurs tourmentés. »( Page 55 chapitre Fidélio)

Cet essai d’une centaine de pages regorge de réflexions destinées à raviver nos propres ressentis. Quels que soient les sons dont nous colorons nos vies, chacun pourra entendre  au fil de ce discours un écho à sa résonance personnelle. II ne m’appartient pas de rapporter l’intégralité du cheminement de l’auteur (É E Schmitt n’a nul besoin de moi !!!) mais je suis fort tentée de relayer ce point du discours qui apostrophe justement les préjugés dont souffre aussi la littérature :
 En France, on répète à satiété la sentence : “  Ce n’est pas avec de bons sentiments qu’on fait de la bonne littérature“,   une saillie amusante d’André Gide qui se pétrifia malheureusement en critère littéraire. Chez les petits marquis soumis aux diktats du cynisme ou du nihilisme ambiant, l’aphorisme vira à : “ les bons sentiments fabriquent de la mauvaise littérature.“  Adieu donc, Corneille, Goethe, Rousseau, Dickens, et tant d’autres – à coup sûr Gide lui-même, intellectuel militant ! À la trappe Bach ! Farewell Beethoven ! Dans les poubelles de la morale ! Certains amateurs de fausses fenêtres pour la symétrie, vont encore plus loin, arguant que “ les mauvais sentiments engendrent la bonne littérature “ ou que “ les mauvais sentiments améliorent la littérature“, comme si les sentiments, quels qu’ils soient, donnaient l’aptitude à écrire une phrase valable, à organiser une histoire, à créer une cohérence entre une pensée et son expression. Faut-il que notre époque soit désespérée pour qu’un simple trait d’esprit fonde un catéchisme, nous fournisse des repères. Quel naufrage… Pauvre Gide à qui l’on prête cette sottise, car la bêtise ne réside pas dans la boutade de cet homme intelligent, mais dans l’usage qu’en tirent les imbéciles.
Et avant de voir Fidélio, je lui appartenais à cette bande d’imbéciles, puisque j’avais débarqué lardé de préjugés à l’Opéra suisse.

Cette remarque n’a rien de gratuit dans l’organisation de l’essai. Concernant, non plus seulement  Beethoven justement  réhabilité dans l’urgence et l’Humanisme de son art, mais la perception et le flux de l’oeuvre de notre auteur, nous débouchons avec lui sur ce qui me touche à travers l’ensemble de ses compositions romanesques et théâtrales : Éric Emmanuel Schmitt développe, au grand dam de certains intellectuels cyniques, le positivisme volontariste. Il refuse que nous acceptions la laideur du monde et les calculs mesquins des Machiavels-au petit-pied sans opposer la chaleur de la compassion et la douceur du partage, la clarté de la compréhension et de la tolérance. Ce sont les leitmotivs qui traversent son Œuvre et réchauffent mon âme et mes convictions.
 Se réjouir et jouir, telle s’avère la joie. Elle ne demande rien, elle ne déplore rien, elle ne se plaint de rien. Elle célèbre. Elle remercie. La joie est gratitude.
(Page 102)



Ce qui Schmitt tire de la fréquentation des musiciens (et j’attends avec l’impatience que vous devinez son essai promis à propos de  Schubert) et  qu’il nous transmet à son tour dans cette chaîne miraculeuse qui tisse un lien intergénérationnel et interplanétaire. Laissons –lui encore la parole pour conclure : ( Extrait page 46)
 Plutôt que l’Hymne à la Joie, j’aurais envie d’appeler cette œuvre La Rédemption par le Joie car la musique de Beethoven offre une leçon. Nos vies sont dramatiques, tragiques, douloureuses, mais le drame ne constitue pas le but du drame, le tragique doit être accepté, la douleur surmontée. Libérons-nous ! Parce que nous subissons la tristesse, l’inévitable tristesse, nous ne devons pas la cultiver. Mieux vaut cultiver la joie. Que la liesse domine ! Beethoven nous emmène à l’école de l’énergie.  Soyons enthousiastes au sens grec, c’est-à-dire laissons descendre les dieux en nous, délivrons-nous du négatif. La bacchanale plutôt que l’apocalypse.


L’ouvrage est complété dans cette édition attrayante par un texte originellement conçu comme un monologue destiné à la scène, mais qui se dévore comme une longue nouvelle. Il s’agit évidemment de Kiki von Beethoven* qu’Éric Emmanuel Schmitt avait déjà écrit avant son essai. Un CD comprenant un enregistrement des 6 morceaux analysés dans l’ouvrage illustre musicalement le propos, de sorte que l’acquisition du «  package » constitue un cadeau très sympathique. Avis aux amateurs. 

 

*La pièce se joue toujours à Paris en ce moment.

22/08/2010

De la fiction à la réalité…



Parmi les découvertes littéraires de l’hiver passé,  j’ai éprouvé un réel plaisir à la lecture de  la double vie d’Anna Song de Minh Tran Huy, (cf note ci-contre ou ci-dessous).
Outre la personnalité réelle de l’auteure, son habileté reconnue à manipuler et jouer des mots pour composer sa propre musique, le sujet du roman signalait une inspiration originale et singulière.
Singulière ?
Pas si sûr.
Sans dévaloriser le moins du monde la créativité de  Min Tran Huy, il est piquant de réaliser que son personnage a bel et bien vécu à nos côtés, une existence de chair et de douleurs,  d'efforts et d'espoirs, de joie, d’amour et de frustrations.
L’Anna Song créée par Min Tran Huy est le clone  romanesque d’une pianiste méconnue, à la gloire aussi éphémère que son destin. Mais sous la tristesse et le désenchantement d’un tel parcours, sourd le romantisme absolu d’un amour transcendant, magnifiant jusqu’au génie les dons de l’épouse adorée.
Eh oui, ami lecteur, notre XXIème siècle débutant recèle encore la nostalgie du Romantisme le plus pur, le plus inventif et… le plus cynique qui soit .

Anna Song s’appelait dans la réalité Joyce Hatto. Comme son alias, elle fut d’abord une musicienne promise à un avenir brillant, puis une soliste négligée de la critique, abandonnée au seuil de la gloire. Les élus sont si peu nombreux, Joyce n’a pas trouvé sa place. Alors, quand la maladie sournoise l’a enserrée entre ses griffes cancéreuses, son chevalier servant, William Barrington-Coupe,  époux toujours ébloui, a décidé de donner le coup de pouce refusé par le destin.
À lui seul, à l’abri de  son studio personnel, il a confectionné une discographie étourdissante comme un enchanteur malaxe ses mixtures à l’aide de vieux grimoires.
Les ingrédients de cette magie musicale ? Les productions antérieures de confrères rayonnants des feux du succès.
Les formules  ésotériques ? La clef technologique du mixage, un peu de ce pianiste russe ici, une larme de ce virtuose italien là, un ralentissement léger, imperceptible du rythme pour apporter une touche plus sensible, plus féminine à ce phrasé de Brahms, de Chopin ou de Scarlatti.
Car William n’a pas fait dans le mesquin ! Sa belle méritait la possession et la jouissance du répertoire musical mondial. Foin des complexes et des retenues pudiques. Joyce Hatto, galvanisée par l’imminence de sa propre mort , ne pouvait rien céder à la fatigue et à la  maladie. En plus de ses dons artistiques, sa volonté et sa puissance de travail l’ont portée jusqu’aux Champs-Élysées de l'Interprétation, aux portes de l’Olympe des Virtuoses.


Une légende vivante que Wiliam Barrington-Coupe a brillamment vendue, exactement comme l’a relaté Min Tran Huy. L’intrigue aurait pu parfaitement réussir, si…la Fée Technologie n’avait fait œuvre de justice, balançant le glaive d’abord en faveur du mari épris (…et commercialement opportuniste) avant de retourner le sort… En 2007, un  auditeur conquis n’a-t-il pas eu l’idée malheureuse d’intégrer l’un des CD à sa discothèque itunes…Pour découvrir avec une surprise sans égale que l’odieux logiciel reconnaissait implacablement  l’interprétation d’un hongrois,  Laszlo  Simon, pianiste jouissant d’une renommée encore confidentielle .
Surpris, notre mélomane a aussitôt entamé d’autres recherches comparatives…et fait voler en éclat une si belle histoire…

Que son modèle ait réellement existé n’enlève évidemment rien au talent de Min Tran Huy.  Un écrivain bénéficie à mon sens de toutes les sources d’inspiration à sa disposition. Son talent réside dans l'art de traiter le fait. Mais que la réalité du destin de son modèle soit aussi romanesque ( au sens littéraire) que celui du personnage  créé me laisse songeuse…
Combien nos vies semblent ordinaires, banales, en comparaison.
En matière de création littéraire, l’excès d’événements, la concomitance de faits dans les fictions  sont acceptés comme moyens nécessaires de renforcement de l’intrigue, de  la portée du message. Pour une fois, il me semble bien que la vie se moque ironiquement des efforts d’imagination de nos pauvres forçats  écrivains…

 

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Pour aller plus loin, voir l'article du nouvel Obs en date du 29 Juillet 2010 dans la série consacrée aux grands mystificateurs ou encore  sur classicsnews.com du 1er mars 2007

 

27/03/2010

Donner de la Voix…

Partage et complicité, deux piliers de l'Amitié qui tissent mon lien avec Simone.

Petit hommage à la curiosité et l'ouverture d'esprit de mon amie, puisque c'est à elle que je dois cette rencontre musicale que j'aimerais bien vous communiquer aujourd'hui.


podcast

* Grieg, la chanson de Solvieg, Karen Vourc'h soprano, Susan Manoff au piano


Depuis son retour à Marseille, Simone fréquente assidument l'Opéra, et s'applique comme elle le fait en tous domaines, à  se pénétrer de l'essence de l'art… Convertie à la musique lyrique, elle ne rate pas une occasion de tirer profit des opportunités offertes: Grâce à son abonnement annuel à l'opéra, elle suit l'ensemble de la programmation, ce qui lui a permis quelques savoureuses découvertes… En l'occurence, la programmation de La sainte de Bleeker Street, de Gian Carlo Menotti, représentée à Marseille en février lui a permis de repérer la  très jeune Soprano dont la voix accompagne cette note.

Enchantée par la découverte de l'artiste, Simone s'est procuré le CD dont j'extrais quelques moments, afin de contribuer à mon tour à faire connaître cette voix qui m'a également touchée. J'espère exciter votre curiosité et votre envie de découvrir plus avant Karen Vourc'h, jeune soprano franco-norvégienne.


podcast
**Jean Sibelius, Roses noires, ( Svarta Rosor), Karen Vourc'h, Susan Manoff


Pour composer le CD qui me sert de support, elle a choisi justement de revenir à sa source en interprétant en norvégien les chansons  de Grieg, de Sibelius, auxquelles elle adjoint quelques mélodies de Debussy où elle exerce avec subtilité les richesses des sonorités de son timbre… À vous de juger sur pièce, grâce à ces quelques extraits …


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***Claude Debussy, beau soir, karen Vourc'h et Susan Manoff


 

photo412.jpg Karen Vourc'h a été élue Révélation artiste lyrique lors des Victoires de la musique     classique en 2009.

Ancienne normalienne en Physique, elle a commencé sa formation de chant à Zurich, et sa jeune carrière est jalonnée de quelques récompenses prestigieuses… Elle s'est déjà produite dans le rôle de Pamina de la Flûte enchantée, et d'autres grands rôles mozartiens, mais aussi  dans la Quatrième symphonie de Mahler… À bon entendeur!

 

***extraits du CD  Tll Solveig chez APARTÉ little Tribecca


Site officiel de Karen Vourc'h: http://www.karenvourch.com/


 


07/08/2009

Nuit étoilée

Une magnifique  nuit étoilée, dans la chaleur enveloppante de ce 5 août 2009, dévolue à l'écoute émerveillée d'une prestation brillantissime.

Ce sont deux étoiles qui s'installent aux claviers des pianos , et tirent des instruments embrassés des volutes musicales éblouissantes.

Martha Argerich et Nelson Freire se jouent des difficultés des oeuvres choisies.

Au milieu du parc du château de Florans, la scène installée sur un plan d'eau dresse un décor mirifique. Alentour, les platanes séculaires et les séquoïas gigantesques déterminent un rempart naturel de verdure. Les visiteurs se délassent à l'ombre afin de mieux se préparer à la soirée sublime qu'ils attendent.

 

La première pièce du répertoire est un opus de Johannes Brahms, "variations sur un thème de Haydn". Les premières notes disputent l'espace sonore à l'armée de cigales qui stridulent encore dans la chaleur de ce début de soirée. Le jour est à peine tombé, le ciel prend lentement des couleurs d'azur foncé, les papillons s'affolent dans le rayonnement des projecteurs, et les auditeurs attentifs se détendent à mesure que s'atténue la chaleur. Haydn versus cigales, on pourrait s'imaginer parasité par le rythme des insectes, mais l'oreille s'habitue rapidement et l'amalgame improbable s' accepte finalement. D'autant  que les deux virtuoses enchaînent le programme avec les danses symphoniques de Serge Rachmaninov, arrangées pour deux pianos. L'oeuvre est complexe, riche de sonorités résolument modernes, et le public se laisse envahir par l'extrême brillance de l'interprétation. Cette première partie s'achève sous les bravos enthousiastes et déjà le public manifeste sa gratitude .

 

L'atmosphère se rafraîchit à peine tandis que nous arpentons les allées majestueuses du parc durant l'entracte. Simone trouve son bonheur en se procurant un enregistrement de Beethoven et Schuman à prix d'amis, qu'elle se promet de faire dédicacer à la fin du spectacle.

 

La seconde partie s'ouvre avec le concertino pour deux pianos de Dimitri Chostakovitch que j'ai beaucoup apprécié. Je me promets de chercher l'oeuvre pour l'écouter à nouveau à mon rythme. Le grand rondo en la majeur de Schubert me déçoit un peu.  Mais Franz Schubert n'est décidément pas le compositeur des démonstrations extravagantes. Il est le musicien de l'âme, celui qui murmure à nos oreilles son infinie compassion, sa joie intime, ses partages feutrés des émotions aussi vives que secrètes. Mon Schubert s'accommode mal d'une brillance Litztiennes, et je le reconnais mal dans cette version trop clinquante. En revanche, la Valse de Maurice Ravel achève brillamment la prestation.

 

Le duo Martha Argerich et  Nelson Freire  fonctionne avec humour et légèreté, comme si la tendresse qui les unit déterminait l'harmonie des touchés, la grâce des échanges, comme une suite de clins d'oeil complices qui enrobent les difficultés inouïes des oeuvres interprêtées. La magie opère et nous sommes sous le charme, il me semble que cette superbe soirée est passée en un éclair, le temps nécessaire aux comètes pour illuminer le ciel de nos nuits provençales.

Un  moment sacré, le souvenir d' une nuit étoilée de musique et d' amitié.

 

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03/02/2009

Lynda Lemay

Samedi soir,  c'était  encore Noël.

En compagnie de  Simone,  nous sommes allés à Marseille assister au concert de Lynda Lemay.

Si vous suivez un peu mes notes, vous n'avez pas été sans remarquer que j'éprouve  une  réelle admiration pour la demoiselle et son merveilleux franc-parler, sa faconde et sa spontanéité.  Mais c'était la première fois que nous assistions  en chair et en os, à un concert de l'Artiste. Et comme dirait la Ravie:

- C'est quand même mieux dans la vraie vie!.

- Et en plus, ajoute GéO, "qu'est-ce qu'elle est belle!"

Il est saisissant de constater combien son énergie est communicative. Le public lui est manifestement tout acquis, la salle du palais des Congrès pleine à craquer, les applaudissements généreux , en réponse à la fougue de notre troubadour, non pas en jupon, mais chat-bottée de cuissardes,  auréolée du voile de ses cheveux, déversant sa verve mélodieuse dans nos tympans.…Jusqu'à la limite de l'assourdissement. On peut noter  en effet une toute petite fausse note dans le réglage de la sonorisation, qui nuit parfois  à la clarté des paroles . Vous avouerez que c'est dommage, s'agissant d'une diseuse de textes tellement concis et imagés.

Lynda présente son dernier album, Allo c'est moi, mais nous avons retrouvé avec grand plaisir les titres qui ont forgé son univers,  de la mésaventure amoureuse illustrée par les inénarrables souliers verts aux abysses de la  tragédie traduite par Les Canards, que je ne peux écouter sans avoir mal aux tripes. Les nouveaux titres ne déparent pas cette galerie d'humanité, avec Juste un bébé, dont le regret flétrit cette femme vieillissante, trop vertueuse et trop raisonnable, la faiblesse amoureuse  ( Depuis tes doigts sur moi) , l'Amitié qui vaut amour       ( Mon Gérard), le lyrisme poétique du portrait  Bleu dessiné pour son pays, sans omettre le miroir de la dérision par lequel elle dépeint l'éternel des relations féminines/masculines: écoutez  le dard pour retrouver le piquant de la nature humaine, version humour et causticité, clin d'oeil aux bandes de dégonflées /dégonflantes des Lettres rouges. Inoubliable, bien sûr!

Si d'aventure vous repérez le passage de Lynda  Lemay dans votre sphère, n'hésitez surtout pas , elle vous accueillera comme si vous osiez lui rendre  visite, quoiqu'elle  prétende, elle vous servira en guise de petits gâteaux  son humour et sa tendresse, charme et sarcasme mêlés, un vrai Grand Moment à partager sans modération.