Nuit étoilée (07/08/2009)
Une magnifique nuit étoilée, dans la chaleur enveloppante de ce 5 août 2009, dévolue à l'écoute émerveillée d'une prestation brillantissime.
Ce sont deux étoiles qui s'installent aux claviers des pianos , et tirent des instruments embrassés des volutes musicales éblouissantes.
Martha Argerich et Nelson Freire se jouent des difficultés des oeuvres choisies.
Au milieu du parc du château de Florans, la scène installée sur un plan d'eau dresse un décor mirifique. Alentour, les platanes séculaires et les séquoïas gigantesques déterminent un rempart naturel de verdure. Les visiteurs se délassent à l'ombre afin de mieux se préparer à la soirée sublime qu'ils attendent.
La première pièce du répertoire est un opus de Johannes Brahms, "variations sur un thème de Haydn". Les premières notes disputent l'espace sonore à l'armée de cigales qui stridulent encore dans la chaleur de ce début de soirée. Le jour est à peine tombé, le ciel prend lentement des couleurs d'azur foncé, les papillons s'affolent dans le rayonnement des projecteurs, et les auditeurs attentifs se détendent à mesure que s'atténue la chaleur. Haydn versus cigales, on pourrait s'imaginer parasité par le rythme des insectes, mais l'oreille s'habitue rapidement et l'amalgame improbable s' accepte finalement. D'autant que les deux virtuoses enchaînent le programme avec les danses symphoniques de Serge Rachmaninov, arrangées pour deux pianos. L'oeuvre est complexe, riche de sonorités résolument modernes, et le public se laisse envahir par l'extrême brillance de l'interprétation. Cette première partie s'achève sous les bravos enthousiastes et déjà le public manifeste sa gratitude .
L'atmosphère se rafraîchit à peine tandis que nous arpentons les allées majestueuses du parc durant l'entracte. Simone trouve son bonheur en se procurant un enregistrement de Beethoven et Schuman à prix d'amis, qu'elle se promet de faire dédicacer à la fin du spectacle.
La seconde partie s'ouvre avec le concertino pour deux pianos de Dimitri Chostakovitch que j'ai beaucoup apprécié. Je me promets de chercher l'oeuvre pour l'écouter à nouveau à mon rythme. Le grand rondo en la majeur de Schubert me déçoit un peu. Mais Franz Schubert n'est décidément pas le compositeur des démonstrations extravagantes. Il est le musicien de l'âme, celui qui murmure à nos oreilles son infinie compassion, sa joie intime, ses partages feutrés des émotions aussi vives que secrètes. Mon Schubert s'accommode mal d'une brillance Litztiennes, et je le reconnais mal dans cette version trop clinquante. En revanche, la Valse de Maurice Ravel achève brillamment la prestation.
Le duo Martha Argerich et Nelson Freire fonctionne avec humour et légèreté, comme si la tendresse qui les unit déterminait l'harmonie des touchés, la grâce des échanges, comme une suite de clins d'oeil complices qui enrobent les difficultés inouïes des oeuvres interprêtées. La magie opère et nous sommes sous le charme, il me semble que cette superbe soirée est passée en un éclair, le temps nécessaire aux comètes pour illuminer le ciel de nos nuits provençales.
Un moment sacré, le souvenir d' une nuit étoilée de musique et d' amitié.
19:08 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, journal, musique, la roque d'anthéron, martha argerich, nelson freire | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer