21/04/2009
Dans la brume électrique
Chez nous, le lundi, ce n’est jamais ravioli, mais volontiers cinéma.
Hier, nous nous sommes donc offert la petite toile du début de semaine et nous avions choisi avec délectation le dernier film que sort Bertrand Tavernier : Dans la brume électrique.
Avec une délectation anticipée pour plusieurs raisons:
D’abord, un nouvel opus de Bertrand Tavernier, c’est la promesse d’un film intéressant, où la finesse des intentions rejoint le savoir faire indéniable qui concourt à tous ses succès : de L’horloger de Saint Paul, son 1er grand succès populaire, puis le juge et l’assassin, qui ne cesse d’impressionner à chaque nouvelle diffusion, en passant par Coup de torchon, Un dimanche à la campagne, Autour de minuit, la passion Béatrice, l’Appât… La liste est trop importante pour citer tous les films, dont quelques documentaires. Mais le rappel de ceux-là, que vous avez certainement vu déjà, permet de situer l’événement que constitue la sortie d’un nouvel ouvrage.
Seconde très bonne raison pour sélectionner ce film : le rôle principal est porté par Tommy Lee Jones. Inutile de m’étendre sur les louanges qui lui reviennent, il représente exactement la figure de ce Dave Robicheaux, avec ses parts d’ombre et de détermination loyale… L’acteur correspond exactement à la fibre noire de l’œuvre, comme Humphrey Bogart est indissociable des polars noirs des années 50… si vous avez profité de son film Trois enterrements l’année dernière, vous ne serez pas déçu.
Le troisième attrait, c’est la Louisiane… La magie des Bayous, où je n’ai, il est vrai, jamais mis les pieds, mais que j’aimerais bien avoir un jour la chance d’arpenter…malgré les moustiques! Région spectaculaire, par sa nature indomptable et par son histoire atypique, la musique, la culture cajun, l’architecture des villes, la cuisine… Un ensemble particulier dans la grande mosaïque américaine, un état où les drames et les duretés, le racisme omniprésent, aussi naturel que l’air respiré, constituent une entité spéciale.
C’est que justement, ce Sud apparaît dans le récit de James Lee Burke, l’auteur du roman éponyme, comme un personnage à part entière, animé de son histoire insoluble dans les brouillards marécageux. Les oubliés de la guerre de sécession se réveillent et font surface, dans ces marais malsains, pour accompagner les méditations et les gamberges de Dave Robicheaux, le détective tourmenté qui enquête sur les meurtres commis à l’encontre de jeunes prostituées.
Ce contexte trouble ne doit pas faire peur aux rationalistes effrénés. Vous n’assisterez pas à une de ces représentations macabres où les morts vivants viennent sucer la vie de malchanceux adolescents égarés … Non, il s’agit plutôt d’une métaphore historiée et pertinente qui illustre les méandres mentaux du personnage, à l’image des méandres aquatiques du paysage. C’est l’ambiance, nature sauvage et inhospitalière que les hommes investissent malgré tout. Tavernier n’exclut d’ailleurs pas de son propos le rappel de ces risques: le décor s’attarde parfois sur les maisons effondrées, les restes de logis abandonnés après le passage de Katrina, aussi marquants pour les habitants que l’autre catastrophe américaine… Clin d’œil aux organisations caritatives qui essaient de redresser la barre d’un état abandonné à lui-même.
Dans la brume électrique est un film à suspense, un thriller comme on dit maintenant. Impossible donc de narrer le sujet, si ce n’est évidemment que tout part de la découverte du corps mutilé d’une jeune femme, dans ce bayou, justement… Or, c’est le décor précis d’un autre meurtre auquel notre détective a assisté involontairement des décennies auparavant. Et voilà que cette réminiscence actionnée par un curieux hasard, une rencontre inattendue avec un jeune comédien alcoolique qui permet au détective de relier les fils de cette mémoire enfouie.…et d’entendre les fantômes du passé, proche ou plus lointain. Car on admet que cette brume enveloppe et conserve les traces des drames aussi bien que la glace.
Les images du film sont accompagnées d’une bande son remarquable, même si l’on n’est pas tous fans de musique country.
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10/04/2009
Erreur de la banque en votre faveur…
Chronique cinéma vu depuis le Rébubéou.
Hier soir, nous nous sommes extirpés de notre colline et ses senteurs de romarin en fleurs, nous avons faussé compagnie à notre Petit Peuple pourtant bien énamouré, et nous avons mis le cap sur une petite comédie, histoire de lâcher nos zygomatiques et de lutter contre les montagnes de nouvelles négatives qui pleuvent dans nos oreilles, pèsent sur nos consciences, engourdissent les volontés, même les plus résistantes et déterminées …
Peu friands à priori des pitreries kitsch de Gad Elmaleh et son Coco, méfiants à l’égard des vantardises chasseresses de Safari, nous avons tout simplement choisi une petite comédie dans l’air du temps, servie par Gérard Lanvin et Jean Pierre Darroussin : Erreur de la banque en votre faveur, de Michel Munz et Gérard Bitton.
Bien nous en a pris.
Nous avons bien ri, peut-être pas de ce rire innocent et revigorant de la comédie culte type Bienvenue chez les Ch’tis… Mais d’une manière réjouissante et perfide, les deux compères, qui ont réalisé autrefois La Vérité si je mens (1 et 2), décortiquent pour un public justement interpellé, les arcanes des délits d’initiés. Oh pas façon vengeresse comme l’a fait Chabrol dans l’ivresse du pouvoir, non plutôt farce et attrape du genre "tel est pris qui croyait prendre."
Julien Foucault ( Gérard Lanvin), maître d’hôtel au service d’une grande et vénérable institution bancaire privée deux fois centenaire, a reçu son préavis de mise à l’écart, sèche, malgré ses dix-sept ans de loyaux services…La banque d’affaires se modernise et envisage d’externaliser les somptueux repas au cours desquels se trame le sort des grandes entreprises qui gèrent la marche du monde. La course contre un malheureux cafard met tout à coup Julien, en position d’entendre les secrets de ceux qui tirent les ficelles. Aussi, quand il constate, malgré son zèle, l’incommensurable dédain dans lequel le tient son futur ex-employeur Espinasse (Philippe Magnan), arrogant à souhait, il cède à la tentation bien naturelle d’utiliser les informations qu’il a été amenées à entendre. Julien a l’heurt d’être l’ami du délicieux Étienne (Jean Pierre Darroussin), adolescent de 45 ans, qui perd son talent de grand chef dans la cuisine d’un gargotier populaire. Le hasard, il en faut dans les scénarii, leur permet de rencontrer l’homme de la situation, ce qui les amène à mettre à profit les secrets boursiers qu’ils détiennent. Mais quand on est issu de la classe laborieuse, comment rester insensible aux difficultés des voisins et connaissances ?… Peu à peu le cercle des bénéficiaires s’agrandit…Et donne l’occasion de scènes savoureuses, où la morale et les faiblesses humaines sont justement croquées, sans jugement de valeur, mais avec une finesse réjouissante. Chacun en prend pour son grade, sans charge excessive, par un jeu de petites touches faussement innocentes.
Ajoutez à ces portraits deux intrigues amoureuses pour assaisonner la vie perturbée de nos deux acolytes, et vous obtenez un délicieux moment de cinéma. À recommander en cas de crise de morosité ou si votre banquier vous chatouille trop méchamment pour quelques euros manquant à votre crédit. Au fait, le banquier…n’a-t-il pas commis une erreur en votre faveur ? Voilà une petite phrase qu’on aimerait bien entendre plus souvent.
19:38 Publié dans Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, comédie, darroussin, lanvin, michel munz, gérard bitton | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
29/03/2009
Slumdog millionaire
(Suite de la chronique cinéma de notre colline…)
Notre second choix s’étant porté sur Slumdog millionaire, du britannique Danny Boyle, nous avons enfin pu accéder à la séance promise vendredi dernier…
Le film est sorti depuis janvier dernier en France, où il connaît le même succès que partout ailleurs dans le monde. Mardi dernier, il s’est avéré impossible d’assister à la séance requise, tant les fameux 8 oscars décrochés en février à Hollywood ont conforté son audience. Inutile de préciser à quel point je tenais à profiter à mon tour de la projection promise.
Eh bien ce vendredi, la salle du Pathé plan de campagne dévolue à ce programme est loin d’être pleine. Après la foule agglutinée pendant les 3 jours de Printemps du cinéma, nous sommes tout au plus une cinquantaine de spectateurs à s’égailler dans les rangées de sièges déjà bien fatigués du complexe cinématographique. Les habituelles odeurs de pop corn ranci empoisonnent l’atmosphère, mais je suis tellement ravie de tenir enfin le plaisir attendu que je décide de ne pas y prêter plus d’attention. Le son beaucoup trop puissant nous gênera en revanche de manière continue et je profite de ce billet pour signaler aux projectionnistes que cet abus sonore dessert le film par le désagrément occasionné. …
Danny Boyle, l’auteur du film, s’est déjà imposé depuis lurette parmi les réalisateurs intéressants. Dès 1994 où il a produit le premier volet de sa trilogie consacrée au thème de l’avidité financière et les dérives de la recherche d’argent facile, avec Petits meurtres entre amis, puis le dérangeant Transpotting, deux ans plus tard, que j’avais trouvé si glauque que je me suis abstenue de visionner le dernier volet Une vie moins ordinaire.
Néanmoins, Danny Boyle demeure un cinéaste attendu, d’autant que ce dernier opus a mérité la consécration rappelée au début de l’article.
Le récit commence au moment où un jeune homme, Jamal, candidat très heureux du jeu Qui veut gagner des millions, version Bombay, est sur le point d’emporter le Jackpot le plus fabuleux de l’histoire … Sans que nous en saisissions la raison, le voici emprisonné dans de sordides conditions au commissariat local où les méthodes d’interrogatoire qui lui sont appliquées sont franchement barbares. Le jeune homme résiste d’abord à cette torture et puis, vaincu, entreprend de dévoiler à son tortionnaire les conditions particulières qui l’ont conduit à fournir miraculeusement les bonnes réponses.… Le film se déroule alors selon le procédé de flashes-back successifs pour reprendre le déroulement du destin de ce gamin trop tôt orphelin, livré à lui-même dans les ruelles inextricables de son bidonville, exposé aux rencontres sordides qui guettent les innombrables victimes de Mumbai.
Haut en couleurs et en sonorités, le monde du bidonville est dépeint comme une grande fresque, un déferlement d’agitation humaine, un imbroglio de courses poursuites entre enfants bataillant pour leur survie et adultes animés d’intentions douteuses. Malgré l’humour et la malice des deux protagonistes, Jamal et Salim, merveilleux de naturel dans toutes ces scènes d’enfance, la rencontre romanesque avec Latika, l’univers décrit est dur, brutal, d’un réalisme qui anéantit tout optimisme angélique. Ce sont des conditions de vie qui ne peuvent laisser indifférent et la force du réalisateur consiste justement à nous faire passer du sadisme des exploiteurs à la fraîcheur de la tendresse qui lie Jamal à Latika. Sans omettre de développer la palette des sentiments humains, la jalousie de Salim, aîné de Jamal, incapable d’imposer son autorité légitime face à la détermination innée de son cadet, l’âpreté du gain, justifiée par le contexte, la corruption, le banditisme, les rivalités de bandes… Une société dépeinte par ses rouages cruels, où les rencontres idylliques apparaissent comme des oasis bienfaisantes et inattendues.
Comment Jamal se tirera-t-il de ce guêpier abject ?
Le film prend à ce moment un tour de fable, et la magie opère toujours. La simplicité naïve de Jamal l ‘emportera-t-elle sur la jalousie cupide de l’animateur, au demeurant aussi antipathique et boursouflé d’orgueil que ses homologues occidentaux…
Nos pudiques amoureux seront-ils à jamais séparés par le cruel chef de gang?
Salim, traître fraternel, saura-t-il racheter ses erreurs ?
Courez donc à votre tour et plongez-vous dans les ruelles malodorantes, grouillantes et chamarrées de ce conte de fée sauce Bollywood, car Danny Boyle vous réserve un bouquet final en forme de clin d’œil local, histoire d’effacer, à l’instant de les quitter, les cruautés évoquées.
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27/03/2009
mots pour mots
Prolongement du sujet abordé hier, j'ai trouvé ce matin dans le blablablog de Katherine Pancol deux très jolies phrases, qu'elle attribue d'ailleurs à des correspondantes inspirées.
Je ne crois pas malhonnête de les relever pour les transmettre à mon tour, tant ces phrases sonnent juste et généreuses.
Dans ce monde âpre et desséché par l'égocentrisme et l'égoïsme, il est bon de se fourbir des armes contre l' amertume et les frustrations, j'espère que ces citations trouveront en vous le même écho qui m'a touchée, des mots qui abolissent les distances et tissent tant de liens.
"Les mots sont comme les gens. Leur manière de venir à nous en dit long sur leurs intentions."
Et encore:
"Une bibliothèque est une chambre d'amis."
Et comme mon auteure de référence transmet également de bons conseils à ses correspondants avides d'échanges et d'encouragements, elle enrichit le message de cette autre citation:
« Essayez. Ratez. Peu importe. Essayez encore. Ratez encore. Ratez mieux." Conseil de Samuel Beckett à un écrivain débutant.
Ratez mieux…
Mais essayez toujours…
Car le bonheur de faire est au bout.
Propos tirés du billet du 26/03/09 dans http://www.katherine-pancol.com/
Bonne journée à vous, lecteurs et lectrices inconnus et discrets.
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24/03/2009
Gran Torino
Depuis un bon moment, nous avions oublié d’honorer nos lundis ou mardis-ciné. Et puis en réalisant que c’était à nouveau le printemps du cinéma, nous nous sommes dit que c’était trop bête !
Chacun à son ordi, nous divaguons dans la longue liste des films que nous n’avons pas vus… Évidemment, nos goûts sont un peu différents, voire divergents. GéO aime les films virils, il faut que ça bouge, avec une réelle prédilection pour les promesses de castagne, et les dialogues percutants, style Audiard. À défaut, une réalisation musclée, des personnages toniques et battants, et surtout une histoire fondée sur une morale positive. Le mal-être, l’ambiguïté , les fins entre-deux eaux, cette manie nouvelle d’abandonner le récit sur une lancée indéterminée, où le spectateur devra se prendre en main pour achever le parcours de personnages à la dérive, non, trois fois non, GéO n’accepte pas le genre de scénario qui tend à démoraliser son public. C’est un réflexe de survie, la vie est une affaire dont la fin est tellement triste qu’on ne peut pas laisser la porte ouverte au défaitisme.
De mon côté, je furète à la recherche d’histoires sensibles. Ce qui m’intéresse, c’est qu’on me parle de la vraie vie des vraies gens, de vous et de moi, de nos parcours et de nos accidents, nos bosses, nos cicatrices. Nos enthousiasmes aussi, bien sûr, les pourquoi et les comment, les chemins de traverse et la petite touche cachée, au fond de la cour, de la chambre, accrochée au bout de cœur et qui fera rebondir. Si l’intrigue s’appuie sur un fait de société, si elle permet de percevoir une réalité qui n’est pas la mienne, si elle dévoile l’âme et les ressorts de mes "co-humains", qu’ils habitent Brive-la-Gaillarde ou la Tanzanie, le Brésil ou le Bush australien, l’Afrique du Sud ou la Finlande…Du moment qu’il est question de mes frères humains, de leurs rapports et leurs défis, il suffit ensuite que l’histoire soit bien contée, la mise en scène cohérente, le scénario vraisemblable, les dialogues travaillés avec un minimum de psychologie… Que les images ravissent mon sens de l’esthétisme et ma curiosité, que la musique accompagne et valorise les émotions… Je ne suis pas vraiment une spectatrice difficile…
Et le gagnant a été… Gran Torino, de et avec Clint Eastwood.
D’abord, parce que GéO est un inconditionnel de Clint Eastwood, que j’apprécie mieux depuis ses réalisations plus récentes comme Mystic River et Million dollars baby, que dans les productions des années 70-80, mais il faut reconnaître que ce vieux jeune homme a la pêche et dispose surtout d’un talent appréciable dans l’art de dévider la pelote du récit…
Seconde raison, tout aussi valable : sur l’échelle des étoiles d’Allociné, spectateurs et critiques ont administré généreusement 4 étoiles…Les critiques, on se méfie, les spectateurs, ça rassure.
De Gran Torino, qui est conçu comme un thriller, il ne faut pas dévoiler toute l’affaire. Mais on peut situer le thème dans la grande tradition des rencontres entre personnages que tout oppose…Et que des événements involontaires associent pour transformer leur point de vue. Le grognon de service, interprété par Clint soi-même, veuf misanthrope, aigri, insupportable et cracheur invétéré, invective ses voisins, famille d’émigrés asiatiques, représentée par ses deux adolescents, joués par Bee Vang et Ahney Her. Ce qui devient plus original et sensible au fil de la narration, c’est le parcours d’initiateur que choisit le personnage acariâtre et la forme de sa rédemption. Les poncifs sur l’Américain moyen, macho, bagarreur, raciste, râleur, le constat des communautés noyautées par les gangs, les difficultés de communication inter générationnelle, émaillent le propos et laissent sourdre une vision amère de la société. On le sait, Clint Eastwood appartient à la génération des créateurs américains qui portent un regard rétrospectif critique sur les comportements de la société à laquelle ils appartiennent. Il n’ignore pas qu’une majeure partie des films auxquels il a participé a contribué à créer cette image de conquérants insupportables, dominateurs et violents. Cette brutalité dont Cronenberg dénonçait les effets incontournables dans son excellent History of violence, et qui est distillée partout, dans les livres bien sûr, mais surtout dans les « divertissements » : films, séries télévisées, musique, exposition picturale, débats...
Gran Torino raconte donc aussi une histoire de violence, une montée des atrocités dans les rues "dépolicées" d’une cité du mid west, et les différentes issues entrevues par les personnages pour casser la domination de la sauvagerie. Pour forcer le message, point n’est besoin d’être trop moralisateur, et Eastwood sait parfaitement que l’angélisme nuirait à son propos. Il se sert donc des armes qu’il connaît bien pour étayer sa démonstration, et la peaufine à merveille avec son dénouement… Que vous ne pourrez apprécier qu’en assistant à la projection…
À noter encore la partition musicale d’un certain Kyle Eastwood… Le cinéma devient décidément une affaire de famille sur tous les continents…
À propos, savez-vous à quoi fait référence le titre du film ?
Comme je suis bonne fille, je vous donne quelques indices…
Songez aux attributs de la virilité dans la mythologie hollywoodienne: le pistolet, la cigarette, le cheval au galop et/ou…
Je ne vous le donnerais pas en mille, mais je sais qu’Aurel avait la réponse…
17:33 Publié dans Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, clint eastwood, critique, récit, violence | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
21/01/2009
Silence, tabou et cinéma
Comme beaucoup d’entre vous, sans doute, nous avons regardé hier soir le film qu’Amos Gitaï vient de consacrer au malaise des descendants de juifs tués par la Shoah, Plus tard tu comprendras…, qui sort aujourd’hui sur les écrans.
- Un film de plus sur les juifs, bon, bof, après l’excellent La liste de Schindler dimanche soir, la télé n’en finit pas de revenir sur un sujet porteur d’audience… Mémoire oui, mais attention au risque de rabâchage quand même … commence-t-on à soupirer in petto dans les chaumières.
En réalité, le film vu hier soir ouvre un débat différent, beaucoup plus large et touchant par l’universalité du malaise évoqué. Ce n’est plus la dénonciation d’un fait de guerre avéré, le Crime contre l’Humanité du génocide commis par les nazis, mais plutôt le combat d’un homme pour secouer un tabou familial concernant la disparition de ses grands-parents. Le nœud de l’intrigue n’est pas la découverte de la déportation du couple, mais le malaise pesant de l’occultation de ce malheur. En effet, le personnage principal n’a pas connu ses grands-parents, parce qu’il est né après leur arrestation. En revanche il a le souvenir précis d’être allé avec sa mère dans leur appartement qu’un mystérieux tour de passe-passe a déposé dans le patrimoine de ses autres grands-parents. Ce que l’enfant accepte comme un fait naturel vient heurter la conscience de l’homme parvenu à son âge mûr, d’autant que le contexte du procès de Klaus Barbie ravive la mémoire collective par la parole enfin donnée aux victimes.
À partir de ce moment, le fils joué par Hyppolite Girardot ressent une pression interne dont il ne pourrait se soulager que par la mise au grand jour des circonstances du drame, voire par la levée de l’ambiguïté relative au rôle des beaux-parents de sa mère. Telle est la thèse du film et nous suivons les efforts du fils pour obliger sa mère à expliquer, justifier, nommer le drame. À son questionnement angoissé, la mère (Jeanne Moreau,) oppose une fuite permanente qu’il ne parvient pas à casser, par respect pour sa douleur présumée, par crainte de ce qu’il pourrait être obligé de nommer.… Et tout le débat est là.
Quoi de plus douloureux en effet que le secret, le non-dit, le respect obligé du silence qui prend alors la forme d’une culpabilité. Ce qu’exprimait très justement et subtilement Simone Veil dans son autobiographie Une Vie, parue je crois en 2007.
Même quand le fond de l’affaire n’a rien de honteux, le fait d’en être le dépositaire confidentiel pèse d’un poids particulier qui peut devenir étouffant. Tous ceux qui ont vécu ce genre d’expérience se sentiront touchés par le film d’Amos Gitaï, comme ils ont pu l’être s’ils ont lu le témoignage de Jérôme Clément, que le film transpose.
La qualité essentielle du film repose sur cette quête. Je trouve intéressant que la mère parvienne à se délivrer d’une partie de son secret auprès de ses petits-enfants, les confrontant ainsi ex-abrupto à leurs racines, plutôt qu’à son fils tellement demandeur.
Les acteurs du film sont à leurs places, Jeanne Moreau incarne à merveille cette femme forte dans sa détermination, maîtresse d’un secret indispensable à la menée de sa vie. En ce qui concerne les autres comédiens, je suppose qu’Amos Gitaï a tenu à leur donner une distanciation qui entrave notre empathie. De même le parti pris de plans panoramiques très longs, balayant l’enfilade des pièces de l’appartement, tandis que nous entendons le fil d’une conversation en voix-off, ce décalage correspondant au jeu de Dominique Blanc, Emmanuelle Devos ou Hyppolite Girardot finit par lasser. Trop de naturel tue le naturel. Ou encore l’évocation de l’arrestation des réfugiés dans l’hôtel est infiniment trop longue, voire incongrue, inutile. Mais j’imagine que ces scènes devenaient nécessaires au cinéaste afin de donner corps et matière aux malaises des protagonistes. De la difficulté de monter l’indicible, d’imager l’intime et la souffrance psychologique.
Enfin la musique joue un rôle de premier plan et il me semble que ces notes soutenues transmettent alors mieux que les images l’émotion et la mémoire ciselée des événements.
18:43 Publié dans Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tabou, secret, cinéma, amos gitaï, écriture | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
19/01/2009
Le Mystère des Dieux
Voici donc le dernier volet de la trilogie de Bernard Werber sur les Dieux.
Pour mémoire, et afin que le déroulement reste clair pour tous, lecteur et futur lecteur, rappelons les trois étapes du cycle :
Nous les Dieux, paru en 2004
Le souffle des Dieux, paru en 2005
Le mystère des Dieux, paru en 2007
En réalité la trilogie appartient à un cycle plus vaste, puisque bon nombre des personnages que nous retrouvons sont déjà associés à la série des Thanatonautes, paru à partir de 1994. Certains, comme Aurélien, ont découvert et suivi l’auteur depuis leur pré-adolescence avec Les Fourmis (1991) et le Jour des Fourmis (1992). Enthousiasmé alors par l’aspect entomologiste de l’ouvrage, mon fils, âgé de 12 ans à l’époque, avait déposé le bouquin sur mon oreiller, assorti d’une recommandation impérative :
- Tiens, lis ça, c’est vachement intéressant. D’ailleurs, je vais d’abord t’faire passer un test…
Sans plus attendre, il était revenu dans ma chambre, muni d’une boîte d’allumettes afin de faire plancher sa mère sur une construction géométrique où il fallait créer une figure composée de triangles juxtaposés avec un nombre restreint d’allumettes.
Vous vous étonnez de la digression ? Eh bien je crois que nous sommes ainsi au cœur du sujet, dans un univers à tiroirs qui peuvent s’explorer dans l’ordre ou bien en parfaite anarchie chronologique.
Le procédé narratif de Bernard Werber consiste à relier toutes ses histoires, par la thématique et par les destins successifs de ses créatures. Ainsi, d’un volume à l’autre, le lecteur retrouve ses repères, ce qui participe à la fois du rassurant et du familier, système récurrent dont nos esprits médusés sont friands. En outre, le principe veut que le lecteur attende impatiemment la suite, appâté par l’abîme mystérieux où les dernières pages de l’ouvrage précédent ont mené le héros … C’est malin, lectorat fidélisé, éditeur comblé je suppose. C’est dire que les aficionados de Bernard Werber ont pu suivre de loin les expérimentations du personnage principal, Michael Pinson.
Michael Pinson est donc passé du statut de mortel à celui d’immortel. Les lecteurs assidus de Bernard Werber ont suivi le personnage humain, donc mortel, en explorateur du monde des morts dans les Thanatonautes. Malgré son décès prématuré, les habitués ont retrouvé leur héros en apprenti ange, ce qui révèle la bonne nature du personnage, dans l’Empire des Anges, paru en 2000. Avec le cycle des Dieux, Michaël reçoit une jolie promotion et se rend dans la case…Olympe !
Le voici donc élève dieu, dans un Panthéon mythologique fortement inspiré de l’Antiquité hellène. Seul Zeus est difficile à fréquenter, mais Michaël est rapidement remarqué, à son corps défendant, par Aphrodite en personne. Pas très assidu aux cours d’Apothéose, Michaël a retrouvé ses amis du monde terrestre, dont Edmond Wells, Freddy Meyer et Raoul Razorbak, il doit par ailleurs composer avec de nouveaux venus pas vraiment incognito…Simone Signoret, Edith Piaf, Marilyn Monroe quand même… Bref, un joyeux méli-mélo assez fantaisiste de personnages tirés de l’histoire et des légendes du monde terrestre.
Au long des trois tomes cités en début d’article, Michaël et ses coreligionnaires vont pister les mystères de la dimension divine, tenter d’aborder au sommet de l’Olympe, pour découvrir ce qu’est l’essence même de la divinité et au-delà du Principe Créateur… Vaste question qu’il est hors de question de dévoiler, sous peine d’anéantir l’intérêt du feuilleton. Évidemment, pour avancer dans le récit, il faut accepter le principe de cette reconstruction, foin donc de vraisemblance et de rationalité, nous sommes dans La dimension werberienne par excellence, ce qui aboutit à un divertissement bon enfant comme le souligne l’Aurélien d’aujourd’hui, un rien désabusé malgré son amusement :
- En fait, c’est de la littérature pour adolescent, et encore, bien moins gore que beaucoup d’ouvrages étiquetés jeunesse.
Il n’empêche, comme il existe des chaînes de télévision, des films et des spectacles dédiés aux familles, pourquoi bouder le plaisir d’une lecture agréable, parfois piquante intellectuellement par une combinaison de petites notes techniques ou érudites émaillant le cours du récit. Je confesse que les extraits de L ‘Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu d’Edmond Wells, parodie de l’Encyclopédie, la grande, celle des Lumières, m’amusent et apportent un petit souffle particulier au récit. Sans se prendre la tête, ce genre romanesque offre donc de bons moments à partager avec vos ados.
Les trois volumes du cycle des Dieux parus chez Albin Michel.
Les ouvrages antérieurs sont disponibles en poche.
20:04 Publié dans Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lecture, plaisir, bernard werber | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
06/01/2009
Promesses…
Annoncez le programme!!!
Noël, c'est donc la crèche …et la pile!
Réjouissant comme tout ce programme concocté par tous les chéris qui occupent mon coeur et ma tête…
Je n'ai même pas envie d'établir de priorité, ça passera comme ça vient, comme toujours.
Ah, et puis il en manque un , dans cette tour prometteuse, et celui-ci ne manque pas de piquant, si je vous donne son titre:
Les femmes qui lisent sont dangereuses!*
Denis s'esclaffait en m'offrant sa trouvaille, mais à tout prendre, entre un livre et un verre de champagne, le choix est fait. J'assume, je suis droguée à la lecture depuis que je suis toute petite, et je me souviens même de l'ouvrage qui a tout déclenché: un Rouge et Or, Garnier Flammarion (???) intitulé le rêve d'Isabelle, offert à la remise des prix de mon CE1. Il s'agissait du délire d'une petite fille** victime d'une chute au cours d'une exploration des ramures hautes. La narration rapportait le rêve vécu durant son inconscience avec tant de vivacité . J'ai été immédiatement séduite,et ça ne m'a plus quitté. Il m'arrive parfois de fouiller dans les stocks sur les brocantes, à la recherche d'un exemplaire miraculé depuis tout ce temps; j'en ignore même le nom de l'auteur, qu'importe, la poésie, c'est d'imaginer et de reconnaître la tranche si particulière de cette collection disparue.
Qu'il gèle, pleuve, neige tout ce que le ciel voudra déverser, je suis parée…
*De Laure Adler et Stefan Bollmann, chez Flammarion, texte pertinent et humoristique, formidablement illustré d'une multitude de reproductions essentiellement picturales.
La quatrième de couverture annonce la couleur:
" Les livres ne sont pas des objets comme les autres pour les femmes; depuis l'aube du christianisme jusqu'à aujourd'hui, entre nous et eux, circule un courant chaud, une affinité secrète, une relation étrange et singulière tissée d'interdits, d'appropriations, de réincorporations."
…et encore ce début de §, intitulé "Lire au lit"
"S'il n'y a plus de lieu véritablement privilégié pour la lecture, il subsiste tout de même encore certaines possibilités de retrait qui s'accorde bien à son usage immodéré et joyeux. L'une d'entre elles est le lit, qui jouait déjà, dans la description de la chambre de Bettina Von Arnim, un rôle de premier ordre. En tant que lieu où l'on vient chercher nuit après nuit le repos, mais où l'on vient aimer et mourir(.…)Depuis le milieu du XVIIIème siècle, on rencontre de plus en plus de tableaux qui nous font voir la lecture au lit comme une nouvelle habitude, typiquement féminine."
J'ajoute immédiatement que la lecture au lit est la représentation de la dimension intime de la lecture, le lit, la chambre à coucher, le lieu de l'échange intime et chaleureux par excellence. On ne couche pas dans son lit n'importe qui, on choisit de même le transport vers l'intime de nos rêves. Cependant, n'en déplaise à Denis, j'ai partagé avec certains lecteurs pourtant, cette complicité presque charnelle au sujet de lectures échangées…
** Pour que la première rencontre de lecture fonctionne, je suppose qu'il doit y avoir appropriation du sujet par le postulant lecteur . Dans le cas de cette Isabelle, sa chute de l'arbre a sans doute reçu un écho immédiat de mes jeux dans le cerisier "bigarreaux "du fond du jardin, refuge fréquent de nos jeux, pour mon frère et moi. Le problème était qu'il en tombait plus souvent , plus audacieux , plus maladroit ou moins chanceux… Et je n'ai jamais su quel rêve j'aurais pu vivre, si à mon tour, j'avais connu l'expérience délicieuse et redoutée de la chute…
18:55 Publié dans Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lecture, plaisir, cadeaux | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer