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21/04/2009

Dans la brume électrique

Chez nous, le lundi, ce n’est jamais ravioli, mais volontiers cinéma.
Hier, nous nous sommes donc offert la petite toile du début de semaine et nous avions choisi avec délectation le dernier film que sort Bertrand Tavernier : Dans la brume électrique.


Avec une  délectation anticipée pour plusieurs raisons:
D’abord, un nouvel opus de  Bertrand Tavernier,  c’est la promesse d’un film intéressant, où la finesse des intentions rejoint le savoir faire indéniable qui concourt à tous ses succès : de L’horloger de Saint Paul, son 1er grand succès populaire,  puis  le juge et l’assassin, qui ne cesse d’impressionner à chaque nouvelle diffusion, en passant par Coup de torchon, Un dimanche à la campagne, Autour de minuit, la passion Béatrice, l’Appât… La liste est trop importante pour citer tous les films, dont quelques documentaires. Mais le rappel de ceux-là, que vous avez certainement vu déjà, permet de situer l’événement que constitue la sortie d’un nouvel ouvrage.

Seconde très bonne raison pour   sélectionner ce film : le rôle principal est porté par Tommy Lee Jones. Inutile de m’étendre sur les louanges qui lui reviennent,  il représente exactement la figure de ce Dave Robicheaux,   avec ses parts d’ombre et  de détermination loyale… L’acteur correspond exactement à la fibre noire de l’œuvre, comme Humphrey Bogart est indissociable des polars noirs des années 50… si vous avez profité de son film Trois enterrements l’année dernière, vous ne serez pas déçu.

Le troisième attrait, c’est la Louisiane… La magie des Bayous, où je n’ai, il est vrai,  jamais mis les pieds, mais que j’aimerais bien avoir un jour la chance d’arpenter…malgré les moustiques!  Région spectaculaire, par sa nature indomptable et par son histoire atypique, la musique, la culture cajun, l’architecture des villes, la cuisine… Un ensemble particulier dans la grande mosaïque américaine, un état où les drames et les duretés, le racisme omniprésent, aussi naturel que l’air respiré, constituent une entité spéciale.

C’est que justement, ce Sud apparaît dans le récit de  James Lee Burke, l’auteur du roman éponyme, comme un personnage à part entière, animé de son histoire insoluble dans les brouillards marécageux. Les oubliés de la guerre de sécession se réveillent et font surface, dans ces marais malsains, pour accompagner les méditations et les gamberges de Dave Robicheaux, le détective tourmenté qui enquête sur les meurtres commis à l’encontre de jeunes prostituées. 

Ce contexte trouble ne doit pas faire peur aux rationalistes effrénés. Vous n’assisterez pas à une de ces représentations macabres où les morts vivants viennent sucer la vie de malchanceux adolescents égarés … Non, il s’agit plutôt d’une métaphore historiée et pertinente qui illustre les méandres mentaux du personnage, à l’image des méandres aquatiques du paysage. C’est l’ambiance, nature sauvage et  inhospitalière que les hommes investissent malgré tout. Tavernier n’exclut d’ailleurs pas de son propos le rappel de ces risques: le décor s’attarde parfois sur les maisons effondrées, les restes de logis abandonnés après le passage de Katrina, aussi marquants pour les habitants que l’autre catastrophe américaine… Clin d’œil  aux organisations caritatives qui essaient de redresser la barre d’un état abandonné à lui-même.

Dans la brume électrique est un film à suspense, un thriller comme on dit maintenant. Impossible donc de narrer le sujet,  si ce n’est évidemment que tout part de la découverte du corps mutilé d’une jeune femme, dans ce bayou, justement… Or, c’est le décor précis d’un autre meurtre auquel notre  détective a assisté involontairement des décennies auparavant. Et voilà que cette réminiscence actionnée par un curieux hasard, une rencontre inattendue avec un jeune comédien  alcoolique qui permet  au détective de relier les fils de cette mémoire enfouie.…et d’entendre les fantômes du passé, proche ou plus lointain. Car on admet que cette brume enveloppe et conserve les traces des drames aussi bien que la glace.
Les images du film sont accompagnées d’une bande son remarquable, même si l’on n’est pas tous fans de musique country.

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