15/12/2008
La relève
Ce tout petit billet du soir pour souligner qu’un talent réel se signale quand il peut toucher tout le monde, et que la reconnaissance d’un talent ne tient pas qu’à la promotion convenue des milieux branchés.
J’ai écouté le slam d’un chouchou actuel des radios, et j’ai plaisir à reconnaître l’émotion qui m’a saisie en entendant ces mots--là, lyriquement orchestrés par sa voix aux sonorités claires et profondes.
Il chantait comme Jacques Brel, quand le poète parlait de ces gens-là ou des chagrins de Jeff.
Il m’a semblé alors entendre à nouveau cet accent universel qui est une véritable expression artistique. Et puis un peu par hasard puisque je ne suis pas vraiment fan des émissions variétés, à la télévision, je l’ai vu, cet homme magnifique, au regard direct, aux traits de Prince Éthiopien, ce qu’il n’est pas, mais il m’a paru si beau ce tout jeune homme, qu’il en a la noblesse telle qu’on l’imagine à la lecture de Pierre Loti.
Alors, évidemment, je me suis renseignée : Abd Al-Malik n’est pas un débutant, il sort déjà son troisième album et n’a pas besoin de mes gouttes d’O pour assurer son succès. Mais il me plaît de saluer le talent de la relève et dire mon plaisir à constater que toujours quelque chose émerge, la Création est une force vive à toutes les époques, les contextes les plus divers peuvent être source de créativité, d’inventivité. Tant qu’il y aura des talents variés pour dire la Vie, la chanter ou la danser, transmettre les émotions et les espoirs, la civilisation n’est pas fichue.
Écouter Abd Al-Malik impulser tant de forces vives à ses contemporains, « Ça c’est du lourd » !
Un autre jeune homme, à la poésie plus douce, plus taquine, plus tendre, ce qui n’exclut pas une pointe d’ironie pour piment de ses rimes, c’est Renan Luce. À suivre et à écouter avec attention, celui-là aussi, même si GéO relègue dans le même sac les « susurreurs » de mots tranquilles. À nous, « les vieux de la feuille », de lutter contre la tentation de remiser les jeunes talents dans un agglomérat inconsistant, comme si seuls les souvenirs de nos jeunes années valaient la compagnie de nos retraites douillettes. Il y a dans le renouveau des jeunes talents plus d’inventivité et d’humanisme que dans les rengaines éclusées des vingt années révolues. Franchement, quoi de plus tarte que les chansons des années 80?
Un jour, je vous parlerai aussi des émois que je dois à Lynda Lemay. La force de ses chansons qui résonnent comme autant de Nouvelles fortes où elle témoigne de mille vies vécues, de déchirures si tragiques, en corollaire d’un regard renouvelé par son humour corrosif. Je suis amoureuse de ses expressions si neuves qui accompagnent et allègent mes sempiternelles corvées ménagères que toute femme est censée accomplir naturellement, simplement parce que le sort (et surtout le poids des traditions qui arrangent bien nos hommes, hélas !) ) l’a dotée du syndrome VMLR, le gène Vaisselle-Ménage-Lessive-Repassage. Et je souhaite tant que nos filles y échappent, à écouter la relève, il me semble parfois que ce doux rêve progresse…à pas comptés.
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20/11/2008
Marseille
Nous étions ce dimanche en virée tourisme à Marseille…
Point de départ de notre balade, la visite, en compagnie de Simone, de l’exposition consacrée à Van Gogh et Monticelli.
C’est apparemment le thème à la mode cette année, la mise en parallèle d’œuvres picturales… Pourquoi pas, le concept est intéressant, souligner les influences que les artistes se choisissent, j’y trouve matière à réflexion et honnêteté intellectuelle, car à tout prendre, les fameux critères d’originalité et de création ex-nihilo sont absurdes. Personne n’est vierge d’éducation, tout apprentissage passe par l’imprégnation. Cessons d’enfoncer les portes ouvertes…
Donc à Marseille, au sein de la Vieille Charité, monument illustre et admirable, comme vous allez en juger sur les photos ci-jointes, nous pouvons profiter jusqu’au 11 janvier 2009 de la confrontation entre certaines œuvres de Van Gogh et les toiles d’un Maître marseillais quasi inconnu, Adolphe Monticelli. Van Gogh, tout le monde connaît ou croit connaître, le peintre maudit, ses tournesols et l’autoportrait de l’homme à l’oreille coupée… C’est un peu court, chacun le reconnaîtra, mais parfois, il faut faire bref.
Adolphe Monticelli était son aîné, en âge comme en peinture. Pourquoi n’est-il pas davantage apprécié ? Peut-être parce qu’il a eu l’heur et le malheur de ne pas entrer dans la catégorie des artistes maudits, condamnés à l’alcool, la misère, les scandales et les affaires de mœurs… Allez savoir. Toujours est-il que l’œuvre mérite d’être redécouverte et appréciée et je vous invite, heureux méridionaux ou touristes de passage à porter vos pas dans le Panier, ce quartier de l'illustre cité qui domine le vieux Port.
C'est par la correspondance échangée entre Théo et Vincent Van Gogh que le lien avec les oeuvres de Monticelli est établi. Vincent a maintes fois souligné son intérêt et son admiration pour la matière généreuse et la lumière qui émane des sujets traités par le peintre marseillais, élevé sur le plateau de Ganagobie où il s'est imprégné des couleurs éclatantes et contrastées des paysages de Haute Provence. Il semblerait que cette fascination ait poussé Vincent à s'établir dans le sud, afin de puiser à cette source lumineuse.
Monticelli( 1824-1886), de son côté, s'était préalablement enrichi au contact de confrères inspirés par la nature et avait fréquenté les tenants de l'école de Barbizon adeptes des chevalets plantés en pleine nature… Arrivé à Paris en 1849, il a été élève de Delaroche, avant de rencontrer Ricard, Corot, Troyon, Daubigny, Manet, Courbet ou encore Guigou. Ce qui permet d'imaginer le foisonnement créatif de cette période, la recherche de l'expression non pas seulement figurative mais émotive de la nature et la naissance d'une vision picturale plus imprégnée de matière au service du relief et de couleurs contrastées au service de la luminosité. En 1870, Adolphe rencontre également Cézanne, et le traitement de leurs palettes ne manque pas d'intérêt.
Théo est le premier des frères Van Gogh à s'intéresser aux toiles de Monticelli. Il en achète très vite six d'entre elles, dont la remarquable femme au puits qui figure à l'exposition actuelle. Sans en dévoiler le charme, je soulignerais simplement que le traitement des contours est exemplaire dans ce tableau…Comme s'il était myope, Monticelli néglige le trait pour privilégier une touche déjà impressionniste. Tout autre est l'impression qui se dégage de ses nombreux bouquets chatoyants, aux contrastes rutilants. Les marines témoignent de son exploitation des touches fortes, au relief accentué. Pour ce travail admirable, je ne saurais trop vous engager à vous rendre sur place, ou à découvrir ce qui peut l'être sur les sites accessibles:
http://www.associationmonticelli.com/artiste/artiste.html
Il existe également un article wikipédia consacré à Adolphe Monticelli:wikipedia.org/wiki/Adolphe_Joseph_Thomas_Monticelli
et naturellement le site de la mairie et son service culturel:www.marseille-tourisme.com/fr/a-marseille/que-faire/van-gogh-monticelli/
Comme il ne saurait être question de photos des tableaux, vous en comprendrez la raison, je ne suis pas chienne et vous offre en contrepartie quelques vues du dôme de la vieille Charité, ancien hôpital, hospice disait-on à l’époque où il fallait être religieuses pour prendre en charge les misères de la condition humaine…
Au coeur d'une cour rectangulaire bordée d'arcades sur trois étages se niche une curieuse coupole de forme oblongue, dont je vous livre ce soir quelques clichés.
Vous voilà alléchés, je n'en doute pas, par cette merveille architecturale due à l'architecte Pierre Puget, réalisée à partir de 1671 et achevé en 1749. C'est plus long qu'une vie d'homme et je ne sais si Puget a pu contempler l'ensemble de la réalisation, dont la destination était de "renfermer dans un lieu propre et choisi les pauvres natifs de Marseille". L'énoncé du projet date de…1640, le croiriez-vous? Ce XVIIème siècle nous épatera toujours, on y trouve aujourd'hui ce germe de logement social, comme on dirait aujourd'hui. Enfin, il y est question d'enfermement, la gestion d'antan est pudique, on cache .
"Faut voir quand même la gueule du HLM" , aurait dit le regretté Coluche…
Plus de renseignement sur la Vieille Charité et le quartier du Panier sur :
www.marseille-tourisme.com/fr/a-marseille/que-faire/marseille-ville-d-art/la- vieille-charite/
19:25 Publié dans Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marseille, architecture, peinture, monticelli, van gogh | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
13/10/2008
L'empire des Larmes
Je reviens un instant sur une des lectures de l’été, une parenthèse Saga, plaisir lyrique qu’il faut savoir savourer à son heure…
Il s'agit d'un ouvrage en deux volumes, regroupés sous le titre commun de L’Empire des Larmes.
Cet empire, au sens propre c’est celui du Milieu, la Chine du XIXe siècle, où l’auteur José Frèches nous emmène à la découverte de la colonisation économique du pays par un autre empire, celui de la Couronne Britannique. En considérant la seconde partie du titre, le lecteur prendra la mesure des ravages engendrés par l’asservissement des chinois à une oppression d'un genre très particulier...
l’impérialisme britannique passe par l’introduction massive de l’opium sur le territoire chinois, en provenance des Indes le plus souvent, et revendu massivement à un peuple misérable, dans une Chine ravagée par la corruption et la déliquescence du régime impérial. L’action se déroule sur presque trente ans, c’est le principe d’une Saga, et nous permet de suivre les destinés de personnages très divers.
Le premier tome de l'ouvrage, la guerre de l'opium, commence en 1847 et dresse le tableau de cette page d'Histoire. La première intrigue se noue autour d'une famille anglaise expatriée en Chine pour faire fortune dans le commerce de pianos, et se venger d’un sort difficile. Mais l’Eldorado s’avère pourri et les chinois définitivement imperméables à la musique occidentale. Premier fil à dévider, nous suivons la descente aux enfers de cette famille, la mort du père, la contrition de la mère et son ultime sacrifice, le courage et la vertu de la fille Laura, qui prend en charge son frère trisomique en dépit des difficultés où la fratrie se trouve engluée. C’est le destin de Laura qui dévide la pelote, en rencontrant La Pierre de Lune, fils caché de l’Empereur Mandchou Daoguang. Le jeune homme est menacé de mort par de cupides conseillers mais ignore le péril qui le guette. La Pierre de Lune et Laura s’aiment et leur lien dessine la trajectoire de l’intrigue : bien sûr leur amour est contrarié, les amants se perdent et se cherchent jusqu’au dénouement du second volet. En parallèle se noue une autre idylle hors norme, celle du Prince Tang avec une jeune paysanne contorsionniste qu’il sauve du Gynécée impérial. D’abord rallié au pouvoir par confort, ce personnage change son système de valeurs en rencontrant l’Amour en la personne de Jasmin Éthéré, se déclare félon au pouvoir et entre en résistance. Mais pas plus que la jeune Anglaise et le Bâtard Impérial, le prince ne pourra conserver près de lui sa paysanne. Car ces amours-là reposent sur des mésalliances, la pureté de leurs liens s’affranchit des tabous victoriens et impériaux, sur fond d’évangélisation forcée, de manipulations politiques, de détournements d’objets précieux. José Frèches observe un schéma romanesque assez classique : ses personnages « purs » évoluent parmi les représentants de la lie morale. Le portrait de l’Angleterre victorienne est peu flatteur : à travers la Compagnie des Indes et les corporations marchandes, les représentants diplomatiques de la Couronne, les ordres religieux plus affidés aux trafics de Biens qu’à la transmission de leur foi, l’Europe civilisée apparaît plus dépravée encore que le pouvoir impérial chinois, pourtant roulé dans la fange de la décadence absolue. Isolé de tous et tout, l’empereur n’est plus que la marionnette de ses conseillers cupides qui s’affrontent par clans. Au point de ne plus se souvenir d’avoir abandonné son fils…
Le second volet de l’ouvrage, le sac du palais d’été, nous permet de suivre les épisodes d’une guerre interne, la rébellion contre le pouvoir Mandchou menée par Hong, un curieux illuminé passé par la case évangélisation avant de s’investir en Christ rédempteur. Dans ce contexte de guerre civile Laura se retrouve mêlée à ce groupe de partisan qui la protège plus ou moins, elle, son frère débile et l’enfant qu’elle a eu de La Pierre de Lune. Tandis que les péripéties des combats se succèdent, le destin du fils caché de l'Empereur connaît de sinistres rebondissements, sa mère,concubine "libre", réapparaît pour le sauver, mais elle meurt victime des eunuques, qui craignent que cet héritier improbable ne contrecarre leur influence. Violence et passion constituent la toile de fond de ce second roman, folie meurtrière et destructrice, Laura est contrainte de fuir la société des rebelles, rencontre des pirates japonais, manque périr dans un naufrage, tandis que la Pierre de Lune est victime à son tour de brigands rebelles… Voilà pour l'essentiel des péripéties et la menée d'un suspense à rebondissements multiples. Les personnages sont dessinés à grands traits, ils s'apparentent aux archétypes romanesques monoblocs: héroïsme, droiture , félonie ou cupidité . Peu donc de psychologie dans les déchirements que vivent les personnages, mais de nombreuses figures secondaires emblématiques du genre. Du jésuite affairiste au barbare chef de la rébellion, celui-ci étant par ailleurs le personnage secondaire le plus original et le plus fascinant.
Le sac du Palais d’été dessine la fin d’une dynastie, l’achèvement d’une civilisation usée de l’intérieur, ce qui l’affaiblit contre les dangers venus d’ailleurs. Rongé de misère, miné par l’opium et la veulerie, courbé sous les caprices de la corruption, L’Empire du Milieu sombre sous les coups de l’autre Empire, celui des Britanniques représentant un monde tout aussi sournois, cupide et vain. José Frèches construit de ces deux sociétés un portrait cruel qui nous éclaire peut-être sur le fossé qui persiste entre Asie et Occident.
José Frèches a écrit d’autres ouvrages sur la Chine et son histoire, ce roman, manifestement très documenté, apporte un éclairage particulier sur un pan de notre propre passé, guère glorieux. Voilà un intérêt qui n’est pas des moindres. La Saga romanesque convient à merveille aux séances de lecture cocoonage, petite gourmandise que les soirées fraîchissantes autorisent autant que les siestes- lecture à l’ombre de la piscine… Ne boudons pas ce plaisir.
L'empire des Larmes, de José Frèches , tome 1: la guerre de l'opium, tome 2: le sac du palais d'été, édition XO, année 2006.
Lien avec le site de l'auteur pour apprécier sa culture asiatique:http://www.josefreches.com/ouvrages.php
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06/10/2008
Entre les murs
Attendu depuis le prestigieux palmarès de Cannes 2008 , Entre les murs qualifié d »’amazing film » par Sean Penn lui-même, le film de Laurent Cantet connaît donc un beau succès et c’est tant mieux.
J’étais pour ma part assez curieuse de découvrir enfin l’opus abondamment commenté et critiqué depuis mai dernier. Où n’a-t-on pas lu des débats contradictoires à son propos ? Aussi, fidèles à nos habitudes, nous nous sommes offert une toile mardi dernier, à l’heure où nombre d’entre vous travaillent encore tandis que d’autres s’activent à la préparation du dîner.
La salle n’était pas bondée, le public plutôt trentenaire, quelques couples nettement plus grisonnants, les familles se pressaient plutôt dans la salle voisine où les attendait Wall-e.
De Laurent Cantet, nous avions revu la semaine précédente Ressources Humaines, magnifiquement interprété par Jalil Lespert et une grande brochette de comédiens amateurs, remarquablement véridiques dans l’interprétation de rôles proches de leur propres destins. Nous ne sommes donc pas surpris par le long plan séquence du petit café que le prof Bégaudeau/Marin s’accorde avant d’entrer dans la fosse aux lions. La présentation des profs et la description des rituels de prérentrée constituent une introduction rapide des personnages qui auront à participer au dénouement de la crise finale, une mise en place efficace. Laurent Cantet cerne toujours la sobriété pour décrire un milieu, l’usine dans Ressources Humaines, ici le collège et ses trois axes, lieux où l’action s’enracine, se noue, se dramatise ou se dégonfle : la classe, la salle des profs, la cour de récréation.
Les vues de la classe sont situées à hauteur de regard, gros plans de visages , professeur comme élèves sont filmés de manière serrée : les mimiques faciales, les éclairs de tension dans les yeux, la revendication provocante des regards et des attitudes, les stratégies du professeur pour recentrer l'intérêt de ses élèves sur l'apprentissage, rien n’échappe à la caméra et donc à notre ressenti.
En salle des professeurs, les plans s'élargissent davantage, laissant aux personnages la latitude de leurs mouvements, leurs entrées et sorties, leurs participations volontaristes aux incidents et anecdotes de la vie courante. Ce n’est qu’au moment d’une crise, ras le bol du "prof de techno" chahuté par ses 4ème 3, que le plan se resserre sur l’expression de sa frustration et de sa révolte face à l’inanité de ses efforts. Ouverture de l'objectif, recul sur ses collègues qui se figent, assistant muets à la scène, concernés, touchés, solidaires mais tout aussi impuissants à résoudre cette éternelle lutte quotidienne, où il suffit d’un rien pour faire déraper un équilibre fragile. Ce jeu d'opposition plans serrés contre plans larges traduit à merveille les contradictions des émotions dont se forge le quotidien : plan rapproché sur le visage de la personne qui rapporte l'arrestation d'une mère d'élève sans papiers, élargissement sur la collègue qui rebondit en annonçant sa grossesse. Émoi et lutte sociale contre joie et construction individuelle, va et vient vital. Et quand le soir venu, le professeur arpente d’interminables couloirs déserts, la caméra suit son cheminement solitaire dans ce labyrinthe où se devine toute sa lutte intérieure contre le découragement.
La cour de récréation est pratiquement toujours filmée du dessus, de sorte qu’on y voit les élèves se déplacer comme des pions sur un échiquier très encombré. Les groupes se côtoient, se heurtent, s’éloignent ou se resserrent comme les boules d’un flipper. Le spectateur perçoit alors avec acuité combien cette étrange chorégraphie traduit les épisodes successifs de nombreux drames et d'intrigues sans concessions. C’est là que les tensions peuvent atteindre leur apogée ou se diluer comme un château de sable sous l’effet de la marée montante.
Le thème du film ne repose pas sur un scénario compliqué, c’est une fiction qui reconstitue l’essentiel de la vie d’une classe d’adolescents dans un collège. Chronique synthétique d'une année en quatrième, dans un collège parisien presque banal. Pas question de milieu privilégié ou porteur, mais pas la Zep non plus, nous fait-on remarquer d’emblée. N’empêche que les visages des élèves constituent une jolie mosaïque et leurs propos s’enveloppent d’accents faubouriens plus ensoleillés que nordiques. C’est le reflet de la société qui vit dehors, dans la ville, mais le huis clos du collège en révèle et exacerbe les difficultés.
Ce sera donc une sorte de constat sociétal, cette classe devenant un laboratoire permettant d’observer les débats des élèves face aux apprentissages. Fascinant, n’est-ce pas, la patience du professeur de français obligé de reprendre à nouveau l’étude des conjugaisons, de rectifier inlassablement la syntaxe la plus élémentaire, de débroussailler l’énigme des mots inconnus pour donner un sens au texte lu sans enthousiasme. Travail de Sisyphe, et ce n’est là qu’un mince aspect des tâches à assumer face au groupe d’adolescents. Car ceux-là vivent d'abord des conflits entre eux, des frictions familiales qui transpercent ces fameux murs et parasitent leur accès aux apprentissages. Je ne peux m’empêcher de faire ici référence au chapitre de Pennac relatif à « l’enfant pelure d’oignon » (chap. 10 de Chagrin d’école). C’est tellement évident, surtout quand on assiste en aparté à la réunion de parents et leur cortège de bonne et mauvaise foi. Soumis à tant de tensions, l’élève se rebelle et l’ado qu’il devient ne supporte plus cette montagne de contradictions qui le submerge comme une immense vague. Au lieu de sentir le soutien de son professeur, Khoumba perçoit un acharnement contre elle, au lieu d’exprimer ses difficultés familiales Souleymane s’enferre dans une provocation sans limites. Même la sage Julie se range aux côtés de la bagarreuse Esméralda, en adhésion avec le groupe, soucieuse de ne pas écorner la solidarité du corps social de la classe. Et survient forcément l’insolence de trop, la provocation ultime qui « tombe mal », moins facile à gérer ce jour-là et s’enclenche une spirale de violence où tous les protagonistes perdent prise.
Pour GéO, le film est négatif car il aboutit à un constat d’échec. Pour moi, c’est un formidable miroir du Travail et du Métier de Prof. Quelques applaudissements en fin de séance témoignent du reflet fidèle à la réalité vécue par nombre d’entre eux. Même si je n’ai pas été confrontée à des cas aussi extrêmes, j’ai reconnu des chapitres entiers de ma vie professionnelle et leurs conséquences. Un cocktail détonnant de fébrilité et d’abnégation, de volontarisme et d’écoute, de sensibilité et de rigueur, une pensée de tête chercheuse pour comprendre la situation et proposer des solutions, jamais de remède miracle mais pas ou peu d’abandon…
Je voudrais que les spectateurs du film savourent ce document comme un chef d'œuvre, car il y a le réel talent de Laurent Cantet à dresser ce tableau d’un fait social. La direction des comédiens improvisés subjugue par la véracité de leur jeu, la mise en scène colle aux joutes présentées et leur confère une valeur symbolique.Toutes ces qualités justifient amplement l'octroi de la Palme d'Or au printemps dernier.
Mais j’aimerais que les spectateurs perçoivent également dans leurs entrailles comme dans leur esprit cette volonté ténue et obstinée d’une profession parfois décriée et mal- aimée, qu’il ne faudrait pas trop dévaloriser car ils vont finir par devenir rares, nos profs. Quant à l'échec de notre système scolaire, il est latent, probant, mais il est évident que la solution ne réside pas entre les murs. C'est bien en amont, dans notre société que s'est forgé l'abandon de la rigueur et de la cohérence éducative qui donnaient une structure mentale à la majorité de notre progéniture. Ce n'est pas tant l'insolence des élèves actuels qu'il convient évidemment de blâmer. C'est le constat des échecs successifs des rustines collées ici et là par la succession de ministres plus désireux de marquer de leur nom un pouvoir éphémère, que d'analyser les causes des malaises et d'envisager l'adoption de mesures fondamentales et ( sûrement) impopulaires. Démagogie des dernières décennies du XXème siècle, angélisme et défaitisme ont sapé les fondations de l'Éducation Nationale et assis les professeurs sur des piedestaux en sable. Ah! Ségolène qui transforme les maternelles en crèches gratuites… Ah! les profs toujours coupables d'autoritarisme et sanctionnés à tort et à travers par les tribunaux auxquels on a recours comme si c'était une démarche banale… Ah! les devoirs et les leçons supprimés parce que les parents rentrent trop tard à la maison… Ah! les admissions au baccalauréat prédéfinies par quota pour caser les jeunes en faculté,faire la place aux suivants et prolonger la dépendance des néo-bacheliers plutôt que leur garantir un niveau d'étude valorisant… Jusqu'où va-t-on tirer sur cette corde-là, casser par négligence et manque d'audace les générations montantes qui ne ressentent plus de respect pour le Savoir de leurs mentors mais ne voient dans leur présence obligée à l'École que le lieu d'un entraînement aux luttes existentielles.
Bref, voilà le débat auquel il conviendrait de participer plutôt que de s'insurger contre la part de l'affect dans la pédagogie de François Bégaudeau. Et à tous ceux qui comme lui ont conscience d'exercer un métier humain et charismatique, pour qui les élèves sont d'abord des Êtres Humains à part entière, je tire ma révérence et leur dis "chapeau bas! "
15:33 Publié dans Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, école, éducation, professeurs, société | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
27/07/2008
En attendant les enfants…
J’ai terminé hier soir un roman dont j’avais entamé la lecture sans enthousiasme, un peu par devoir, alors que c’était un achat coup de cœur, dans une station- service autoroutière, autant dire une rencontre de hasard.
Le titre m’avait accroché pour son clin d’œil à une situation familière : On attend les enfants.
Aujourd’hui je vis encore cette situation. On attend les enfants, c’est le constat commun aux exilés de leur progéniture, le signe particulier de nombreux cinquantenaires et plus, qui ont vu leurs rejetons adultes quitter le nid, fonder leur famille ou ancrer leur territoire aux antipodes. Ils se confrontent alors à l’éloignement géographique et affectif de ceux qui ont été leur principal moteur durant plusieurs décennies. D’étés en fêtes de Noël, ils goûtent cette attente particulière d’un rendez-vous affectif éloigné. Ce que ne peuvent ressentir les tribus groupées qui, de dimanches autour de la table familiale en substitutions de nourrice, n’ont pas l’occasion de se créer ces espaces imaginés d’affection. Comme l’absence, voulue ou subie, développe ce sens subtil de l’accompagnement mental, que l’un d’eux vive un grand moment ou se heurte à un tracas, nos neurones se mobilisent en sourdine pour soutenir et accompagner la situation. Et, parce qu’On sait fort bien qu’il faut les laisser vivre et assumer leur choix, On s’abstient de téléphoner tous les soirs, sauf en cas de crises graves avouées, On veille à ne pas s’introduire dans le mitan de leur intimité, On se garde d’imposer notre regard trop compatissant qui alourdirait encore le souci. De sorte que c’est la spontanéité du rapport qui pâtit de la discrétion volontaire de ce On qui voudrait si bien faire !
Au début du roman, c’est la forme de l’écriture, volontairement dépouillée et linéaire, qui m’a un peu gênée et justifié ce peu d’intérêt pour les deux ou trois premiers chapitres. Madeleine Chapsal s’emploie à créer un rapport intimiste, sans construire un journal, elle cherche à nous introduire dans le déroulement mental de son personnage. Il faut donc franchir ces premières pages pour apprécier le suc de ses pensées, et ressentir comme l’écoute d’une conversation intérieure ce souci de préserver le positif de toutes les situations alors que l’on frôle à chaque instant la fragilité des rapports humains, le risque de la mauvaise compréhension, la déception ouverte ou la défaillance de la vieillesse. Cette femme solitaire se bat contre elle-même en se forgeant un alibi fragile : elle s’occupe de son père âgé en projetant sur lui ses propres attentes. Ça, Madeleine Chapsal se garde de trop le montrer, mais l’évolution de son héroïne renverse heureusement la dérive : Margot comprend qu’elle doit se détacher de ses amarres hautes et basses, pour mener sa propre barque vers Son bonheur personnel, cheminement philosophique pour lequel elle a sous-titré son roman Une réflexion sur le bonheur.…
Voilà l’intérêt de ce livre, que je quitte comme on raccroche le téléphone après une longue conversation amicale entre ami(e)s. Il en reste un lien ténu mais persistant, qui accompagne notre humeur et donne le sentiment d’être en phase, compris par quelqu’un, là-bas, pas si loin, quelqu’un dont On attend le prochain appel, la visite annoncée, la note dans un blog, la bouteille à la mer qui trouvera son écho quelque part…
On attend notre Audrey et Sébastien, ce ciel lumineux et implacable traduit notre joie anticipée de les retrouver, sans inquiétude, dans la sérénité de cet après-midi estival. Ma grande hâte se niche dans l'imaginaire des jeux à partager avec Copain et de la sortie projetée en mer…
Références: On attend les enfants de Madeleine Chapsal, édité chez Arthème Fayard en 1991, nouvelle édition chez Succès du Livre éditions
17:34 Publié dans Sources | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lecture, littérature, livres, seniors, écriture, famille, madeleine chapsal | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
19/03/2008
Paris promis, pari tenu
Sur les conseils avisés de Nucie et de Mireille, nous avions projeté de voir Paris lundi dernier. Nous aimons bien réserver nos soirées de Lundi ou Mardi au cinéma, car ce sont des jours où le public est clairsemé, les salles moins chaudes et nauséabondes, petits avantages qui contribuent au confort de la séance… mais en ce moment, le Mardi, c'est… Maupassant!
Nous voici donc à Aix ce lundi. Le Cézanne se situe près de la Place de La Rotonde, dans une petite rue habituellement déserte. Quelle ne fut pas notre surprise de déboucher sur la ruelle pour slalomer entre les badauds; Les trottoirs encombrés, les files d'attente déjà fort longues nous intriguent. Un panneau retient notre attention:
"Pour le film Bienvenue chez les Ch'tis, réservez à l'avance…" Nous n'en revenons pas, ce film rencontre un succès phénoménal, et nous avons bien apprécié, mais quand même!
Nous arrivons à nous glisser jusqu'à la caisse,et là, surprise: 7 € seulement pour nos deux places! Nous n'en revenons pas, mais la caissière sourit… et ça nous revient, le petit encart annexé à la couverture de Télérama: le Printemps du cinéma, quelle heureuse initiative! Dire que nous avons failli le louper, après s'être évidemment promis d'en profiter. Quelle négligence coupable eussions-nous commise!
Petit apparté socio- économique: À Aix, la place de cinéma plein tarif est à 7,5€, voire 8€ pour certaines productions. Il existe un tarif senior dont je ne peux pas bénéficier pour quelques années encore… Le tarif étudiant, c'est râpé depuis longtemps… ce qui signifie que le budget cinéma d'un couple au revenu moyen est soumis à rude épreuve, puisqu'il faut ajouter environ 3 € de parking. Si l'on opte pour le cinéma du centre commercial le plus proche, le parking sera gratuit, mais la place couramment à 9 €, sans pratique de réduction, autre que les cartes de fidélité , lesquelles ne deviennent intéressantes qu'au bout de 6 à 8 séances, ce qui veut dire qu'on ne choisit plus le cinéma en fonction des films ou des horaires, mais du lieu… Liberté chérie…
Bravo donc pour cette opportunité offerte de profiter davantage des ressources du cinéma… J'ai lu récemment qu'en région parisienne, la municipalité de Bagnolet subventionnait une salle pour permettre au jeune public désargenté de bénéficier de séances à tout petit prix, tant mieux, même si les gros producteurs ( MK2 si ma mémoire est bonne) s'insurge et menace de procès pour concurrence déloyale…
Revenons quand même à Paris de Cédric Klapisch, que nous avons vu dans une salle bondée…
C'est un vrai régal, ce film choral où tous les comédiens sont remarquables, même dans des prestations brèves. Saluons d'abord Karin Viard, extraordinaire condensé de commère commerçante. C'est truculent! Albert Dupontel excelle à la nostalgie, ses yeux se perdent dans les brumes internes de sa mélancolie, il est touchant et très humain. Je ne peux pas citer tous les comédiens, mais retenez qu'il n'y a pas une seule fausse note dans le casting. Même Lucchini fait du Lucchini en mode mineur, ça l'améliore… Romain Duris, grand habitué de Klapisch est très crédible en équilibre entre vie et mort et la répartie adressée à sa soeur ( Juliette Binoche, très crédible elle aussi en femme saturée de difficultés ) touche juste:
" Ne te plains pas, profite… T'as quoi, t'as pas mal, t'as deux jambes, deux bras qui fonctionnent, tu bouges comme tu veux, profite, profite de la vie…".
Tout le thème du film est ainsi résumé et il ne nous reste qu'à adopter le point de vue du personnage, prenant notre part des pages de vie tournées par les différents protagonistes. Certains se rencontrent, se croisent, leurs destins interfèrent ou pas, nous passons tous les jours à côté de situations identiques, dont nous n'apprécions pas assez le sel, faute de recul.
Ce fut donc un beau lundi soir, que nous aimerions vous faire partager…
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17/03/2008
La Passe dangereuse
Somerset Maugham
La passe dangereuse
À priori, en me saisissant de l’ouvrage, je savais que je passerai un bon moment, souvenir lointain des aventures de Mr Ashenden, agent secret. Mais je n’en attendais pas d’enthousiasme particulier, certaine que le temps avait relégué l’intérêt de l’intrigue à un divertissement un peu kitsch, comme les polars d’Agatha Christie : on les lit et relit avec plaisir, mais on ne s’y reconnaît pas, tant les personnages évoluent dans un contexte social et psychologique dépassé.
De fait la passe dangereuse, The painted Veil, a été porté deux fois au cinéma, en 1934 par Richard Boleslawski, avec Greta Garbo, George Brent, et Herbert Marshall; en 2006, très récemment donc, par John Curran, avec Naomi Watts, Edward Norton et Liev Schreiber. Je n’ai vu aucun de ces deux films, mais je comprends, après l’avoir lu, que ce roman inspire les scénaristes pour une adaptation cinématographique, tant il est riche et bien construit.
L’intrigue initiale est simple, et dès son exposition, il apparaît que le mariage de l’héroïne, Kitty, est une erreur induite par le conformisme social. Cette décision hâtive et mal fondée est assortie d’une expatriation partielle, puisque son scientifique de mari, Walter Lane, est en poste à Hong Kong. Appartenant à la société anglaise de la colonie Britannique, Kitty n’est en rien sauvée des griffes du conformisme et trouve une issue à l’étouffement d’un mariage sans amour : elle devient la maîtresse ardente de Charles Townsend, personnage snob et ambitieux . L’habileté de Somerset Maugham, c’est de ne pas nous laisser une seconde dupes du nouveau piège dans lequel son personnage féminin s’est englué. Dès le chapitre où l’auteur nous décrit l’inquiétude des amants qui se savent découverts, nous savons que Kitty se fait des illusions sur la force des sentiments de son acolyte, et que la déconvenue est inévitable.
La suite de l’histoire est plus originale. Le froid et distant Walter n’est pas forcément le cocu magnifique que l’on pourrait croire et le marché qu’il propose à son épouse volage entraîne un intéressant rebondissement de l’intrigue… Divorcer et déchoir du peu qu’elle a construit, ou bien… Accompagner son époux dans une province lointaine où sévit une épidémie de Choléra…Mort sociale ou mort certaine ?
Évidemment, je l’ai déjà noté, le caractère de l’amant, Charles Townsend est vite cerné, et restera un peu abrupt. En revanche la psychologie de Kitty évolue, de la provinciale affolée, elle mûrit par les épreuves de la vie. Nous avons l’occasion d’une belle rencontre également avec le personnage secondaire de Waddington tandis que le portrait des dévouées religieuses de Mei tan Fu est plus conformiste. La seconde partie du roman devient vraiment prenante et justifie le choix de conserver toujours une petite place à la littérature anglo-saxonne du début XXe.
17:43 Publié dans Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, somerset maugham, roman, écriture, lecture, littérature anglaise | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
11/03/2008
Improbables hasards de nos lectures
À propos de L’ombre du vent
de Carlos Ruiz Zafon qui est un roman encore récent, puisqu'il date seulement de cette décenie, j'ai envie de vous faire partager une petite digression.
Cette fois, je dois bien avouer que je n’avais jusqu’alors jamais entendu le nom de cet auteur et à ma grande honte, j’ai dû ainsi prendre conscience de l’indigence extrême de mon approche de la littérature hispanique. Les derniers romans de ma brève culture date de mon époque « censier, Sorbonne nouvelle Paris III» UV de littérature comparée. Je m’étais alors régalée de la découverte du splendide Vaste est le monde de Ciro Alegria (Gallimard nrf) , ouvrage prolifique et marquant que je n’ai jamais oublié, alors même que je l’ai très parcimonieusement prêté. D’ailleurs les rares lecteurs auxquels je l’ai confié n’ont pas paru en percevoir le suc dont j’avais conservé le souvenir, et du coup, je l’ai peu diffusé.
Et bien en fait, si mon livre à adopter, à sauver n’était autre que celui-ci ?
En exhumant Vaste est le monde de ma bibliothèque pour qu’il m’accompagne dans la rédaction de cette note, je me sens émue et compatissante en regard de son état : sa couverture jaune racornie, son dos scotché sur les deux angles, une barre d’adhésif renforçant la couverture d’une large diagonale, mon livre porte la marque de l’intérêt qu’il a suscité dans les années 70. J’ouvre précautionneusement la couverture, et tombe sur un minuscule encart proprement découpé dans un journal de l’époque, scotché sur la page de garde. À la main, j’ai simplement reporté à l’encre rouge la date : 22 avril 1970. Intitulé Un convoi d’esclaves est intercepté par la police, l’article mérite d’être recopié ici, vous allez en juger :
« Recife (AFP., UPI) La police de l’état de Pernambouc a libéré, mardi, deux cent dix paysans destinés à êtres vendus, dix-huit dollars chacun, à des propriétaires ruraux de l’état de Minas-Gerais.
Les paysans, originaires des États de Paraïba et de Rio Grande do Rio Grande Do Norte étaient transportés par des camions. L’organisateur de ce trafic d’esclaves a réussi à s’enfuir. Au début de ce mois, les autorités avaient déjà arrêté à Recife les dirigeants d’un réseau analogue, qui vendaient des paysans aux grands propriétaires du centre et du sud du brésil. »
C’est bref, vous en conviendrez, et l’épisode est totalement oublié. Pourtant, cet article n’est probablement pas là par hasard… Que d’émotions, de révoltes, de prise à parti me reviennent d’un coup en mémoire. Ce livre à-ne-pas-oublier me renvoie tout à coup à ma propre perte de cohérence, mon inconstance en quelque sorte…
Vaste est le monde, immense est l’enterrement inconstant de nos idéaux…
Traduit en français par Maurice Serrat et Michel Ferté, dans la collection la croix du sud en 1960, l’épais roman de Ciro Alegria relate un long épisode de la conquête des terres péruviennes par les Hacendados, propriétaires terriens qui achètent à bas prix grâce à des collusions politiques, les terres que cultivent en communautés des paysans dépourvus de tout. Vaste fresque humaine, composée de personnages attachants et émouvants par leur dignité et leur simplicité, ce fut pour moi l’ouverture sur une page d’histoire inconnue. Or les faits relatés dans le récit et sur ce petit article découpé sont autant de témoignages d’une situation qui perdure, je me souviens avoir lu durant l’été 2006, je crois, un dossier sérieux constitué sur cet état de fait au Brésil du cher Lulla. L’ouvrage de Ciro Alegria est donc toujours d’actualité, preuve s’il en est que l’artiste-écrivain traverse les âges et les époques et que son œuvre doit nous aider à nous tenir debout , vigilant et attentif.
Ce retour aux sources inattendu, cette madeleine littéraire qui provoque un téléscopage passé-présent, j’imagine sans peine que je ne suis pas seule à l’avoir expérimenté ce soir… Expérience à partager et à faire partager…
19:27 Publié dans Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lecture, culture, roman, littérature hispanique, histoire, monde paysan, mondialisation littéraire | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer