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10/11/2012

Sous les étoiles de Néoules

 

Sous les étoiles de Néoules

Vous doutez-vous qu’il y a foule ?

La nuit d’ici ouvre la voie aux rêves

Qu’ Émile le conteur cueille sans trêve.

Ce soir,  il offre à l’auditoire sa chanson brève

 

Mais la nuit, la nuit noire de Néoules

N’est pas fille servile au conteur malhabile

Largant  son récit  au hasard versatile

 

 

« Sur le miroir glacé du lac, Camille pêche les comètes

              Qui s’y reflètent, vacillantes sous les risées nocturnes.

            À la pointe de la nuit, il accroche les lucioles célestes.

            Dans sa sacoche de brume, il amasse sa  parure d’étoiles.

 

  Camille destine sa pêche joaillière

            À Ludivine la Mutine,

             La gamine orpheline a touché son cœur solitaire.

             L’infante réfugiée au faîte d’une ruine fantasmée

             Par la grâce de songes patiemment semés

            A   campé la tour crénelée

   elle enjolive  son destin imaginaire.

 

   Autrefois, l‘homme logeait aux marges du village.

  Il ne songeait jamais  à la douceur  des mots anodins.

  Mais l’innocence  insolente a   chassé son  chagrin.

  La force de l’enfance a consolé ses larmes.

  Ludivine la Mutine dessine à force de charme 

 Sur les joues burinées  l’offrande souriante de doux  présages.

 

 

Mais l'héroïne s’ennuie en attendant son pêcheur de lune.

À force de guet  sur la margelle  fictive

Elle s’endort en oubliant sa veillée attentive.

Le pêcheur s’obstine à sa quête  de fortune

Aux éclats si fragiles que le point du jour assassine.

Là-haut, sur son parapet futile

Ludivine assoupie   frissonne et vacille

Son corps flexible tremble et penche vers l’infortune… »

 

 

—Émile, réveille-toi, romps là tes bavardages

            Alarme ton ami Camille

Car le sort est cruel pour la Mutine en péril

 

Oh la nuit, la nuit noire de Néoules

N’est pas tranquille pour les rêveurs puérils,

Insensibles aux  dangers des rêves abandonnés

 

             Captive de ses songes, Ludivine bascule dans le vide.

 La chute de l’Infante provoque un choc brutal

 Dans l’assemblée pétrifiée. La foule se presse  avide

Autour du petit corps éclaté, privé de souffle vital…

 

— Qu’as-tu donc en tête, sinistre conteur,

 Colporteur d’horreur ?

Repoussant  vivement les participants  impuissants,

Anéantis par le sort fatal de leur princesse endormie

Et l’absence coupable  de son  pêcheur  d’astres luisants,

Sur ce cri, la Gitane a surgi au milieu du public ébahi.

Sa longue silhouette se dresse auréolée de  jupons

Virevoltants, flammes de voiles vives  comme un blason.

 

Estella,  Estella, la foule murmure,

Estella diseuse de bonne aventure 

— Enfin, elle est revenue.  Que n’est-elle plus tôt survenue!

À défaut d’autres blâmes, la bohémienne magicienne

Se penche au sol et ramasse la poupée de chiffons.

En gestes tendres et précis,  elle caresse le pantin, restitue sa tenue

Le pose alangui sur  son cœur,  et  lance à l’adresse du conteur confondu

— Allons, Émile, faut-il encore  répéter ce message qui t’oblige

À éviter les cimes,  les marionnettes sont sujettes au vertige!

 

Oh la nuit, la nuit noire de Néoules

N’est pas limpide pour les rêveurs puérils,

Insensibles aux  dangers des rêves malmenés

Sous le firmament étincelant des étés étoilés.

 

 

 PS: Ce petit conte concocté pour l'atelier de Néoules, j'en ai remanié la chute, grâce à l'astuce de Christophe. Ce qui  m' a paru amusant, c'est l'attitude face à notre propre texte, où le regard collectif nous engage à modifier l'angle de vue. Comme la plupart des assistants, je crois, notre fin improvisée est bien meilleure que l'originale, simplement parce qu'alors, nous avions du recul par rapport au travail initial. 

 

15/12/2008

La relève

Ce tout petit billet du soir pour souligner qu’un talent réel se signale quand il peut toucher tout le monde, et que la reconnaissance d’un talent ne tient pas qu’à la promotion convenue des milieux branchés.

J’ai écouté le slam d’un chouchou actuel des radios, et j’ai plaisir à reconnaître l’émotion qui m’a saisie en entendant ces mots--là, lyriquement orchestrés par sa voix aux sonorités claires et profondes.

Il chantait comme Jacques Brel, quand le poète parlait de ces gens-là ou des chagrins de Jeff.
Il m’a semblé alors entendre à nouveau cet accent universel qui est une véritable expression artistique. Et puis un peu par hasard puisque je ne suis pas vraiment fan des émissions variétés, à la télévision, je l’ai vu, cet homme magnifique, au regard direct, aux traits de Prince Éthiopien, ce qu’il n’est pas, mais il m’a paru si beau ce tout jeune homme, qu’il en a la noblesse telle qu’on l’imagine à la lecture de Pierre Loti.

Alors, évidemment, je me suis renseignée : Abd Al-Malik n’est pas un débutant, il sort déjà son troisième album et n’a pas besoin de mes gouttes d’O pour assurer son succès. Mais il me plaît de saluer le talent de la relève et dire mon plaisir à constater que toujours quelque chose émerge, la Création est une force vive à toutes les époques, les contextes les plus divers peuvent être source de créativité, d’inventivité. Tant qu’il y aura des talents variés pour dire la Vie, la chanter ou la danser, transmettre les émotions et les espoirs, la civilisation n’est pas fichue.
Écouter Abd Al-Malik impulser tant de forces vives à ses contemporains, « Ça c’est du lourd » !

Un autre jeune homme, à la poésie plus douce, plus taquine, plus tendre, ce qui n’exclut pas une pointe d’ironie pour piment de ses rimes, c’est Renan Luce. À suivre et à écouter avec attention, celui-là aussi, même si GéO relègue dans le même sac les « susurreurs » de mots tranquilles. À nous, « les vieux de la feuille », de lutter contre la tentation de remiser les jeunes talents dans un agglomérat inconsistant, comme si seuls les souvenirs de nos jeunes années valaient la compagnie de nos retraites douillettes. Il y a dans le renouveau des jeunes talents plus d’inventivité et d’humanisme que dans les rengaines éclusées des vingt années révolues. Franchement, quoi de plus tarte que les chansons des années 80?

Un jour, je vous parlerai aussi des émois que je dois à Lynda Lemay. La force de ses chansons qui résonnent comme autant de Nouvelles fortes où elle témoigne de mille vies vécues, de déchirures si tragiques, en corollaire d’un regard renouvelé par son humour corrosif. Je suis amoureuse de ses expressions si neuves qui accompagnent et allègent mes sempiternelles corvées ménagères que toute femme est censée accomplir naturellement, simplement parce que le sort (et surtout le poids des traditions qui arrangent bien nos hommes, hélas !) ) l’a dotée du syndrome VMLR, le gène Vaisselle-Ménage-Lessive-Repassage. Et je souhaite tant que nos filles y échappent, à écouter la relève, il me semble parfois que ce doux rêve progresse…à pas comptés.