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19/02/2011

Nihao

Dans ma bulle, aujourd’hui, il est  dix-neuf  heures** à Wuhan
- Où ça ?
- À Wuhan, chef lieu de la province de Hubei, Chine, juste là

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C’est  bien là que sont partis nos tourtereaux depuis dix jours maintenant. Aurélien visite la famille de Jing.
Beau voyage aux antipodes (presque) de notre façon de vivre. Et comme la technologie nous y autorise, de temps à autre, il partage par mail ses impressions. Je m’autorise à vous en livrer quelques-unes, en attendant les photos et les clips que nous ne verrons pas avant leur retour.

Nihao* nous dit Aurel, en parfait Mandarin dans le texte, bien sûr…
En quelques lignes, notre voyageur dresse un tableau rapide de la ville, de son extension tentaculaire, et des excursions dominicales…
« La ville de Wu Han est extrêmement grande. Les rues sont des 4 voies comme nos autoroutes, et la ville s'étend à l'infini: Hier, après deux heures de route, j'ai demandé où on était:
- "À Wu Han"!
Et pourtant ça roulait bien. Contrairement à ce que j'imaginais, le trafic n'est pas très dense, mais il n'y a aucune règle sur la route, et malheureusement la plupart des voitures sont dépourvues de ceintures de sécurité. Assez flippant, car ils pilotent  vraiment n'importe comment. Ceci  dit, les conducteurs roulent plutôt lentement, ce qui leur permet d'éviter les accidents, qui seraient inévitables autrement. Je filmerai la prochaine fois que je serai en voiture, c'est un spectacle à voir au moins une fois dans sa vie... »

 Nous sommes passés aux choses sérieuses en escaladant le mont Mulan, en fait un pèlerinage bouddhiste où l'on va de temple en temple afin de faire des voeux auprès de différentes divinités, dont certaines sont spécialisées (pour les études, pour l'argent, l'amour etc.) tandis que les autres sont généralistes. Plutot Marrant. Cela dit, aller quémander la bienveillance de Mulan se mérite, car c'est tout en haut de la montagne.
 
Ce matin, la boîte mail nous délivre un nouveau reportage de son carnet  de voyage.
 Cette fois, Aurélien s’amuse des activités de bienvenue dans sa belle-famille, où tout le monde se montre accueillant. Je vous offre un résumé  succinct, après avoir pris soin d’accentuer le texte écrit de là-bas sur un clavier qwerty, ce qui est déjà plus confortable que le clavier à caractères locaux !
"Comme prévu nous voyons beaucoup de monde, heureusement tous se montrent très gentils. J'ai appris un peu à jouer au Mah-Jong. J'ai même gagné plusieurs parties (avec un peu d'aide...) Nous avons aussi fêté le nouvel an. Ici, pas de feu d'artifice officiel de la part des autorités, ce sont les gens qui achètent les leurs et les allument devant chez eux. Une ambiance unique...
 
Je n'ai toujours pas croisé un autre occidental en près de dix jours! C'est une des grosses différences avec l'occident: Chez nous on croise toutes les ethnies dans nos rues, mais ici tout le monde est chinois (sauf moi). Ça me fait drôle d'être dévisagé dans la rue tout le temps, mais je m'habitue. "
 
Imaginez-vous que je voyage moi aussi à la suite de mon messager intercontinental … J’enfourche témérairement ma souris telle une amazone high tech, et d’un preste clic, cap au Levant,  me voici survolant nos contrées  européennes, puis le Moyen Orient, enfin les vastes  étendues asiatiques,  avant d’effectuer un atterrissage impeccable sur les rives du  Chang Jiang,  l'immense fleuve boueux dont les  méandres sont visibles ci-dessus sur le troisième cliché extrait de Google earth  ...  

L’agglomération est en effet reconnue comme la douzième plus grande ville de la Chine, dédiée aux activités industrielles et universitaires. Si Aurélien n’a pas l’occasion d’y croiser des Européens, c’est sans doute qu’il est totalement immergé  dans  la bulle de la famille de Jing.
Leur séjour durera jusqu’à la fin du mois, j’aurai donc encore quelques informations piquantes à vous transmettre…

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Tandis que ma bulle affective se gondole et migre aussi vers Sèvres, que j’ai quitté  il y a maintenant une bonne semaine.  Je m’y étais octroyée un petit séjour en célibataire, histoire de profiter des derniers jours du congé maternité de ma Douce et d’aller emplir mon cœur des mines de Mathis. De ces moments chaleureux volés à mon quotidien maximinois, je vous raconterai volontiers mes souvenirs mirobolants de l’exposition Cranach célébrant la réouverture du musée du Luxembourg…et l’anecdote du club des grands-mères, ayant partagé un bout de wagon avec certains  écoliers parisiens en route pour les vacances chez Papy-Mamy, en l’occurrence Papé et Poupette, s’ils se reconnaissent…

En attendant, Mathis jouit de sa dernière conquête, la chaise haute puisqu’il s’adonne maintenant au goûter compote de fruits… Quelle étape ! Il ne lui a pas fallu longtemps pour se familiariser avec la cuillère et le goût un peu étrange de la pomme cuite vapeur et sans sucre… encore un petit convive envers qui il ne faudra pas se contenter de belles paroles pour le tenir à table ! 

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* Nihao= bonjour en Mandarin, langue courante dans cette Province.
**décalage horaire  par rapport à la France: + 8 heures.

 

 

 

13/10/2008

L'empire des Larmes

Je reviens un instant sur une des lectures de l’été, une parenthèse Saga, plaisir lyrique qu’il faut savoir savourer à son heure…

Il s'agit d'un ouvrage en deux volumes, regroupés sous le titre commun de L’Empire des Larmes.
Cet empire, au sens propre c’est celui du Milieu, la Chine du XIXe siècle, où l’auteur José Frèches nous emmène à la découverte de la colonisation économique du pays par un autre empire, celui de la Couronne Britannique. En considérant la seconde partie du titre, le lecteur prendra la mesure des ravages engendrés par l’asservissement des chinois à une oppression d'un genre très particulier...
l’impérialisme britannique passe par l’introduction massive de l’opium sur le territoire chinois, en provenance des Indes le plus souvent, et revendu massivement à un peuple misérable, dans une Chine ravagée par la corruption et la déliquescence du régime impérial. L’action se déroule sur presque trente ans, c’est le principe d’une Saga, et nous permet de suivre les destinés de personnages très divers.

Le premier tome de l'ouvrage, la guerre de l'opium, commence en 1847 et dresse le tableau de cette page d'Histoire. La première intrigue se noue autour d'une famille anglaise expatriée en Chine pour faire fortune dans le commerce de pianos, et se venger d’un sort difficile. Mais l’Eldorado s’avère pourri et les chinois définitivement imperméables à la musique occidentale. Premier fil à dévider, nous suivons la descente aux enfers de cette famille, la mort du père, la contrition de la mère et son ultime sacrifice, le courage et la vertu de la fille Laura, qui prend en charge son frère trisomique en dépit des difficultés où la fratrie se trouve engluée. C’est le destin de Laura qui dévide la pelote, en rencontrant La Pierre de Lune, fils caché de l’Empereur Mandchou Daoguang. Le jeune homme est menacé de mort par de cupides conseillers mais ignore le péril qui le guette. La Pierre de Lune et Laura s’aiment et leur lien dessine la trajectoire de l’intrigue : bien sûr leur amour est contrarié, les amants se perdent et se cherchent jusqu’au dénouement du second volet. En parallèle se noue une autre idylle hors norme, celle du Prince Tang avec une jeune paysanne contorsionniste qu’il sauve du Gynécée impérial. D’abord rallié au pouvoir par confort, ce personnage change son système de valeurs en rencontrant l’Amour en la personne de Jasmin Éthéré, se déclare félon au pouvoir et entre en résistance. Mais pas plus que la jeune Anglaise et le Bâtard Impérial, le prince ne pourra conserver près de lui sa paysanne. Car ces amours-là reposent sur des mésalliances, la pureté de leurs liens s’affranchit des tabous victoriens et impériaux, sur fond d’évangélisation forcée, de manipulations politiques, de détournements d’objets précieux. José Frèches observe un schéma romanesque assez classique : ses personnages « purs » évoluent parmi les représentants de la lie morale. Le portrait de l’Angleterre victorienne est peu flatteur : à travers la Compagnie des Indes et les corporations marchandes, les représentants diplomatiques de la Couronne, les ordres religieux plus affidés aux trafics de Biens qu’à la transmission de leur foi, l’Europe civilisée apparaît plus dépravée encore que le pouvoir impérial chinois, pourtant roulé dans la fange de la décadence absolue. Isolé de tous et tout, l’empereur n’est plus que la marionnette de ses conseillers cupides qui s’affrontent par clans. Au point de ne plus se souvenir d’avoir abandonné son fils…

Le second volet de l’ouvrage, le sac du palais d’été, nous permet de suivre les épisodes d’une guerre interne, la rébellion contre le pouvoir Mandchou menée par Hong, un curieux illuminé passé par la case évangélisation avant de s’investir en Christ rédempteur. Dans ce contexte de guerre civile Laura se retrouve mêlée à ce groupe de partisan qui la protège plus ou moins, elle, son frère débile et l’enfant qu’elle a eu de La Pierre de Lune. Tandis que les péripéties des combats se succèdent, le destin du fils caché de l'Empereur connaît de sinistres rebondissements, sa mère,concubine "libre", réapparaît pour le sauver, mais elle meurt victime des eunuques, qui craignent que cet héritier improbable ne contrecarre leur influence. Violence et passion constituent la toile de fond de ce second roman, folie meurtrière et destructrice, Laura est contrainte de fuir la société des rebelles, rencontre des pirates japonais, manque périr dans un naufrage, tandis que la Pierre de Lune est victime à son tour de brigands rebelles… Voilà pour l'essentiel des péripéties et la menée d'un suspense à rebondissements multiples. Les personnages sont dessinés à grands traits, ils s'apparentent aux archétypes romanesques monoblocs: héroïsme, droiture , félonie ou cupidité . Peu donc de psychologie dans les déchirements que vivent les personnages, mais de nombreuses figures secondaires emblématiques du genre. Du jésuite affairiste au barbare chef de la rébellion, celui-ci étant par ailleurs le personnage secondaire le plus original et le plus fascinant.
Le sac du Palais d’été dessine la fin d’une dynastie, l’achèvement d’une civilisation usée de l’intérieur, ce qui l’affaiblit contre les dangers venus d’ailleurs. Rongé de misère, miné par l’opium et la veulerie, courbé sous les caprices de la corruption, L’Empire du Milieu sombre sous les coups de l’autre Empire, celui des Britanniques représentant un monde tout aussi sournois, cupide et vain. José Frèches construit de ces deux sociétés un portrait cruel qui nous éclaire peut-être sur le fossé qui persiste entre Asie et Occident.

José Frèches a écrit d’autres ouvrages sur la Chine et son histoire, ce roman, manifestement très documenté, apporte un éclairage particulier sur un pan de notre propre passé, guère glorieux. Voilà un intérêt qui n’est pas des moindres. La Saga romanesque convient à merveille aux séances de lecture cocoonage, petite gourmandise que les soirées fraîchissantes autorisent autant que les siestes- lecture à l’ombre de la piscine… Ne boudons pas ce plaisir.

L'empire des Larmes, de José Frèches , tome 1: la guerre de l'opium, tome 2: le sac du palais d'été, édition XO, année 2006.
Lien avec le site de l'auteur pour apprécier sa culture asiatique:http://www.josefreches.com/ouvrages.php