Gran Torino (24/03/2009)

Depuis un bon moment, nous avions oublié   d’honorer nos lundis ou mardis-ciné. Et puis en réalisant que c’était à nouveau le printemps du cinéma, nous nous sommes dit que c’était trop bête !
Chacun à son ordi, nous divaguons dans la longue liste des films que nous n’avons pas vus… Évidemment, nos goûts sont un peu différents, voire divergents. GéO aime les films virils, il faut que ça bouge, avec une réelle prédilection pour les promesses de castagne, et les dialogues percutants, style Audiard. À défaut,   une réalisation musclée, des personnages toniques et battants, et surtout une histoire fondée sur une morale positive. Le mal-être, l’ambiguïté , les fins entre-deux eaux, cette manie nouvelle d’abandonner le récit sur une lancée indéterminée, où le spectateur devra se prendre en main pour achever le parcours de personnages à la dérive, non, trois fois non,   GéO n’accepte pas le genre de scénario qui tend à démoraliser son public. C’est un réflexe de survie, la vie est une affaire dont la fin est tellement triste qu’on ne peut pas laisser la porte ouverte au défaitisme.

De mon côté, je furète à la recherche d’histoires sensibles.  Ce qui m’intéresse, c’est qu’on me parle de la vraie vie des vraies gens, de vous et de moi, de nos parcours et de nos accidents, nos bosses, nos cicatrices. Nos enthousiasmes aussi, bien sûr, les pourquoi et les comment, les chemins de traverse et la petite touche cachée, au fond de la cour, de la chambre, accrochée au bout de cœur et qui fera  rebondir.  Si l’intrigue s’appuie sur un fait de société, si elle permet de percevoir une réalité qui n’est pas la mienne, si elle dévoile l’âme et les ressorts de mes "co-humains", qu’ils habitent Brive-la-Gaillarde ou la Tanzanie, le Brésil ou le Bush australien, l’Afrique du Sud ou la Finlande…Du moment qu’il est question de mes frères  humains, de leurs rapports et leurs défis, il suffit ensuite que l’histoire soit bien contée, la mise en  scène cohérente, le scénario vraisemblable, les dialogues travaillés avec un minimum de  psychologie… Que les images ravissent mon  sens de l’esthétisme et ma curiosité, que la musique accompagne et valorise les émotions… Je ne suis pas vraiment une spectatrice difficile…

Et le gagnant a été… Gran Torino, de et avec Clint Eastwood.
D’abord, parce que GéO est un inconditionnel de Clint Eastwood, que j’apprécie mieux depuis ses réalisations plus récentes comme  Mystic River et   Million dollars baby, que dans les productions des années 70-80, mais il faut reconnaître que ce vieux jeune homme a la pêche et dispose surtout d’un talent appréciable dans l’art de dévider la pelote du récit… 
Seconde raison, tout aussi valable : sur l’échelle des étoiles d’Allociné, spectateurs et critiques ont administré généreusement 4 étoiles…Les critiques, on se méfie, les spectateurs, ça rassure.

De Gran Torino, qui est conçu comme un thriller, il ne faut pas dévoiler toute l’affaire. Mais on peut situer le thème dans la grande tradition des rencontres entre personnages que tout oppose…Et que des événements  involontaires associent pour  transformer leur point de vue. Le grognon de service, interprété par  Clint soi-même, veuf misanthrope, aigri, insupportable et cracheur invétéré, invective ses voisins, famille d’émigrés asiatiques, représentée par ses deux adolescents, joués par  Bee Vang et Ahney Her. Ce qui devient plus original et sensible au fil de la narration, c’est le parcours  d’initiateur que choisit le personnage acariâtre et la forme de sa rédemption. Les poncifs sur l’Américain moyen, macho, bagarreur, raciste, râleur, le constat des communautés noyautées par les gangs, les difficultés de communication inter générationnelle, émaillent le propos et laissent sourdre une vision amère de la société. On le sait,   Clint Eastwood appartient à la génération des créateurs américains qui portent un regard rétrospectif critique sur les comportements de la société à laquelle ils appartiennent. Il n’ignore pas qu’une majeure partie des films auxquels il a participé a contribué à créer cette image de conquérants insupportables, dominateurs et violents. Cette brutalité dont Cronenberg dénonçait   les effets incontournables dans son excellent History of violence, et qui est distillée partout, dans les livres bien sûr, mais surtout dans les « divertissements » : films, séries télévisées, musique, exposition picturale, débats... 

Gran Torino raconte donc aussi une histoire de violence, une montée des atrocités dans les rues "dépolicées" d’une cité du mid west, et les différentes issues entrevues par les personnages pour casser la domination de la sauvagerie. Pour forcer le message, point n’est besoin d’être trop moralisateur, et Eastwood  sait parfaitement que l’angélisme nuirait à son propos. Il se sert donc des armes qu’il connaît bien pour étayer sa démonstration, et la peaufine à merveille avec son dénouement… Que vous ne pourrez apprécier qu’en assistant à la projection…
À noter encore la partition musicale d’un certain Kyle Eastwood… Le cinéma devient décidément une affaire de famille sur tous les continents…

À propos, savez-vous à quoi fait référence le titre du film ?

Comme je suis bonne fille, je vous donne quelques indices…

Songez aux attributs de la virilité dans la mythologie hollywoodienne:  le pistolet, la cigarette, le cheval au galop et/ou…

Je ne vous  le donnerais pas  en mille, mais je sais qu’Aurel avait la réponse…

17:33 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, clint eastwood, critique, récit, violence | |  del.icio.us |  Facebook | |  Imprimer