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28/12/2007

Don du Sang

Nous vivons décidément dans un merveilleux pays.

Comme la plupart des Français moyens, Citoyens Appellation Solidarité Moyenne (ASM pour les accros aux sigles), nous avons prêté une oreille attentive aux campagnes récurrentes concernant les dons : don d’organes, en cas de grand malheur; don du sang, en cas fréquents de pénurie; dons de sous… De moins en moins, il devient lassant d’être ponctionné à tout bout de champ…

Bref, en payant récemment nos emplettes au supermarché local, je repère une petite pancarte placardée sur le montant de la caisse, avertissant d’une prochaine collecte de sang, ce vendredi 28 décembre. J’appartiens au groupe B-, groupe rare qui m’a valu d’être toujours bien accueillie dans les centres de collecte. Du moins jusqu’à aujourd’hui.

En fait, je me suis présentée deux fois au camion stationné sur le parking du centre commercial. Une première fois, en toute fin de matinée. Deux personnes assises à côté du réceptionniste patientent en remplissant les formulaires de renseignements habituels. D’autres volontaires engagés dans le sas derrière une petite cloison, attendent le médecin qui doit confirmer leur aptitude au prélèvement. Une forte odeur de café trop sucré flotte dans l’atmosphère confinée et le réceptionniste sourit vaguement en direction d’un responsable caché derrière mon dos. Me retournant, je découvre un homme en blouse blanche, dûment badgé « docteur », qui me regarde comme on observe un objet dont on envisage l’achat. Satisfait de son examen sans doute, il s’enquiert simplement :
- Vous êtes du coin ? Vous travaillez ici ?
- Non, non, je suis de passage, entre Nantes et Amsterdam, à cette heure-ci, je postule pour une pause-café…
- Ne le prenez pas mal, mais en fait, y’a beaucoup plus de monde que prévu, alors, comme il est bientôt midi, là les gens en ont bien pour une heure, le temps que je les vois, puis la prise de sang, ça fait trois quarts d’heure minimum. Pour vous, ça va pousser jusqu’à une heure…
J’ai conservé de mon éducation le complexe du dérangement. Enfants, nous étions systématiquement briefés avant chaque déplacement sur notre comportement :
- Vous ne parlez que si on vous adresse la parole, vous ne vous servez pas deux fois, vous ne vous faites pas remarquer…
Vous voyez le genre, il nous en est resté une vraie inhibition, une peur insurmontable de se montrer en surnombre, d’être importun, d'abuser… Et pourtant, nous nous soignons vigoureusement, faute de quoi, nous serions déjà engloutis dans l’épidémie d’égocentrisme ambiant. De sorte que par crainte de gêner, j’ai proposé de repasser dans l’après-midi, à la satisfaction manifeste de l’équipe.

Quinze heures trente, voilà qui nous paraît raisonnable pour opérer le retour. En effet, à part une jolie jeune femme qui papote avec le nouveau réceptionniste, personne n’encombre l’espace étroit du camion. À la teneur des propos échangés, j’en comprends aussitôt la raison. Le jeune homme explique à la gentille membre du personnel à ses côtés qu’il ne veut que des O.
- Le reste, c’est du gâchis, on en a trop.
Sceptique, je me glisse dans la conversation.
- Attendez, vous êtes en train de dire que vous avez trop de sang ? Mais j’appartiens à un groupe rare, il me semble qu’il est nécessaire de donner …
- Oh vous savez, on se complique plus comme ça. Maintenant, on prend du O, ça va pour tout le monde. Autrement, il faut trier, et ce n’est jamais le bon groupe qu’on a en réserve… Alors pour simplifier, on prend les O, les + et les -, et puis on est tranquille, parce que le sang, ça se périme, ça nous oblige à jeter… D’autant que ce matin, l’équipe a eu trop de monde, ils n’en pouvaient plus, on est au top des réserves, alors ça sert à rien de vous en prendre pour le jeter dans quelques mois.

Frustrée, je suis sortie de ce camion FRUSTRÉE !

Sans doute, j’admets que le public ignore les difficultés de gestion d’une denrée qu’on nous dit rare et précieuse. Mais les coûteuses campagnes d’appel aux dons ne devraient-elles pas faire état de la restriction énoncée par le courageux jeune homme du camion ?

17/12/2007

Ma Crèche

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Samedi matin, j’ai monté ma crèche.
Seule dans la maison, je me suis décidée à passer à l’action… La mi-décembre est arrivée et nous n’avons commencé aucun préparatif, honte à nous !
Pourtant, les listes des petits-enfants de GéO sont complètes, voilà une jolie motivation…
Manque encore quelques souhaits de proches, manque aussi les nôtres. Que pourrions-nous bien désirer pour Noël ? Nous sommes ensemble, nous sommes heureux, nos enfants semblent tous bien se porter, et mieux que ça… Il y a du Bonheur dans l’air, et ça, c’est Le Cadeau.
Pourtant, côté magasin, rien ne vient. … Aucune envie particulière de rouler nos bosses dans les rayons surchargés, et mes doigts ne décident pas davantage de pianoter vers les pages des sites spécialisés. Panne de Noël. C’est certainement la première fois que ça m’arrive…
Et justement, ce matin en feuilletant l’un de nos multiples magazines hebdomadaires, il me saute aux yeux que la chronique de Philippe Mérieux, vilipendant les dépenses superficielles et inutiles de la période, voisine, par un bien curieux hasard, avec la page des cadeaux recommandés ! Bizarre cynisme de la part de la rédaction, c’est marrant… Bon, ces journalistes ont une bonne excuse, certains articles plébiscités sont produits sous le label « commerce équitable », ouf, ça justifie la dépense…
Parce que cette dépense, elle est incontournable…
Essayez, pour voir, de vous dire que vous n’allez rien offrir à votre cher et tendre ou aux prunelles de vos yeux… Vous tenez cinq secondes, puis vous les imaginez les mains vides au moment de se souhaiter Bon Noël, et là, franchement, non, ça ne le fait pas…, Et oui, nous irons remplir notre hotte, demain…

Ce samedi matin aurait dû être neigeux, il n’est que pluvieux, ce qui tient déjà du miracle, enfin, plutôt du phénoménal…
Décidée à mettre tous les atouts de concentration et d’allégresse de mon côté, j’installe dans la chaîne les CD qui me tentent : Orphée et Eurydice, oratorio génial de Monsieur Gluck, œuvre subtile et dynamique, ( tiens- tiens , je sens revenir une petite période baroque …) servie dans ma version par Shirley Verret, Judith Raskin et Anna Moffo, excusez du peu… Ce n’est certes pas récent, mais quelles voix !
L’ouverture tonitrue dans le séjour tandis que je découpe les rubans adhésifs qui ferment ma boîte… Je dispose délicatement les sujets retrouvés sur la grande table et installe sur le confiturier le support en bois que GéO a assemblé, voilà quelques années. Le papier qui sert de décor est encore impeccable, l’opération en est simplifiée. Me reste à aller chercher ma Provende de mousse et petits morceaux de végétation pour planter mon décor. Sous la pluie, c’est moins charmant, certes, mais encapuchonnée sous ma doudoune et munie du sécateur et d’une pelle plate, me voilà le cœur léger dans le jardin… J’ai abandonné Orphée à son deuil, mais qu’importe, je ferai marche arrière sur le programmateur… Ce moment de cueillette procure un contentement puéril, une vraie bouffée de fraîcheur retrouvée… Il est là, ce sens de Noël qui me manquait tant ! Ces préparatifs réactivent des émotions oubliées depuis que nos noëls sont devenus des fêtes d’adultes…
GéO est résolument athée, méfiant en diable de toute incursion du religieux dans sa vie. La dimension spirituelle de Noël n’existe définitivement pas dans sa sphère. De plus, depuis que nous préparons des festivités ensemble, j’ai remarqué qu’il se prête sans enthousiasme à la chasse aux cadeaux, exprimant souvent une désaffection qui va bien au-delà d’une simple phobie shopping assez masculine… . Pour ma part, j’ai conservé malgré les aléas cette vivifiante envie que quelque part, quelque chose de BEAU et BON nous accompagne et nous attire. Une croyance enfantine mais structurante, fortifiante comme des vitamines spirituelles, un phare pour traverser les orages et dépasser les mesquineries et emmerdements de la vie ordinaire. Notre différence de vue n’empêche nullement GéO de participer à la réalisation technique de ma mise en scène, je crois même qu’il s’en amuse.

Revenons à nos Santons. Ma récolte est propice, j’ai détaché dans le sous-bois de petits pavés de mousse drue, brillante et chatoyante. Reconstruire comme une mosaïque mes parterres de verdure s’annonce facile. Quelques rameaux de thuyas ramassés après la taille de la semaine passée, une extrémité de branche prélevée sur un olivier figureront une forêt, à tout le moins des bosquets, fichés dans la terre dont j’ai empli deux verres à liqueur. L’Amour, par la tonicité de Judith Raskin encourage Orphée à chercher son Eurydice jusqu'aux enfers , je me laisse transporter par l’éternité de cette quête… Voilà, Noël arrive sur ces harmonies retentissantes, et mon humeur s’illumine à cette résonance…
Reste la mise en scène de mes personnages : J’ai limité ma scène à treize Santons, plus trois moutons, un lapin, le bœuf et l’âne, ces derniers comptant presque pour des personnes…
À cet instant, je m’amuse comme une gamine dans une maison de poupée et mon divertissement me ramène à ces fantaisies déistes qui font le nid d’une littérature imaginative. Je décide de l’ordre de mes figurines emblématiques que sont les Santons provençaux… Je tire les ficelles d’une mini-société que j’organise en fonction de critères capricieux.
Pour ce matin, je n’irai pas plus loin dans le destin des personnages… Je ne remodèlerai pas toute l’histoire…

Oui, ce matin, ma crèche m’a réconciliée avec l’esprit de Noël, loin des mélopées figées des cantiques, du rythme alourdi d’un rituel sectaire, détachée du cérémonial mercantile racoleur et vain des magasins.
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15/12/2007

Bonne fête !

En ces temps lointains, j’avais un poste de CM1 dans une grande école privée parisienne, aussi cotée que conformiste, et malgré les cinq classes par niveaux, nous avions des effectifs systématiques de trente-six élèves. Personne n’y trouvait à redire, et bien que l’élitisme en soit un critère drastique, nous bénéficions à l’époque d’une réelle confiance de notre direction et des parents d’élèves, de sorte que nous enseignions avec plaisir et enthousiasme. Ce qui n’excluait ni la rigueur ni la méthodologie, fort heureusement.
Cette année-là, j’avais institué un temps d’auto-évaluation critique de fin de semaine, afin que les élèves apprennent à cerner leurs points forts et leurs points faibles, et organisent le plan de travail qui leur était remis, pour travailler d’abord et surtout les éléments du programme qui leur semblaient plus ardus. Évidemment cette démarche nécessitait l’aide de l’adulte. Nous étions arrivés à la mi-décembre, les contrôles du 1er trimestre achevés et l’approche des vacances jointe à l’excitation de la préparation de Noël avaient eu pour conséquence un net relâchement des efforts. Il me fallait pratiquer une bonne remontée de moral, ce que j’avais entrepris avec énergie et volontarisme. Le mot effort, à l’époque, n’était pas encore une incongruité de nature à angoisser et générer des cauchemars comme il m’a été donné de l’entendre plus récemment…
Donc, en ce début de matinée, mes élèves avaient reçu leurs cahiers des devoirs de la semaine, commentés de ma plume rouge et je me tenais plantée devant eux, au plus près des bureaux où ils étaient assis pour déverser sur leurs consciences encore endormies, ou déjà en week-end, les fruits de mes réflexions et mes exhortations à se reprendre. Ma propre fatigue combattue par le sens du devoir, je m'étais sans doute laissé emporter par mes propres arguments, et je réalisai soudain que ma diatribe durait plus qu’il n’était raisonnable de l’infliger à ces enfants. Concluant rapidement, je me retournai et posai un pied sur le bord de l’estrade, fort haute. À ce moment, dans le silence encore établi, j’entendis la voix un peu rauque de Jean qui m’interpelait :
- Madame , on sait que c’est pas le bon moment, mais on voulait vous souhaiter.…
Et sans me laisser achever mon demi-tour, le coeur des trente-six voix résonna:
- BONNE FÊTE !!!
De sous les bureaux surgirent alors plusieurs paquets insolites que je n’avais pas remarqués: d’abord, un immense sac à l’effigie d’un grand magasin de jouet, d’où émergeait un impressionnant bisounours de près d’un mètre. Puis divers petits présents, bagues et colifichets, échantillon de parfum, bandana…C’était, c’était…Inouï…

Vous imaginez le tourbillon de mes sentiments.

C’était il y a vingt ans…
Ces enfants avaient l’âge des miens, certains en étaient les camarades. Dans cette école si rigoureuse, appeler un enseignant par son prénom serait passé pour une véritable insolence . Je venais juste de leur administrer« un savon » correct pour « remettre les pendules à l’heure » et j’avais immédiatement été impressionnée par le courage de Jean, dont je conserve un souvenir très précis, pas à cause de l’anecdote citée, mais grâce à sa joie de vivre, son air coquin et ses ardeurs footballistiques qui enrouaient sa voix de Septembre à Mai.
C’était une magnifique surprise, complète… Dès le lundi, nous baptisions la peluche Benjamin III, parce qu’il y avait en classe un Benjamin bon camarade, et qu' un petit frère né la semaine précédente venait de recevoir ce joli prénom. Les élèves avaient voté dans la bonne humeur et l’avaient élu troisième du nom. À la suite, Benjamin III était allé chaque semaine en famille témoigner des efforts des récipiendaires et des photos affichées rendaient compte de l’ambiance studieuse et gaie de ma Huitième Bleue.


L’anecdote me revient en mémoire parce que j’ai entendu cette semaine un reportage concernant les enfants angoissés par l’école. Je n’arrive pas à admettre que l’ensemble des lieux d’apprentissages soit si générateur de malaise. Il me semble au contraire que les années d’angélisme et de laxisme ont permis l'installation d' un rapport de force absurde. Non seulement l’autorité nécessaire de l’enseignant est sapée, mais l’enfant perd ses repères. Soutenu par des parents qui pensent bien faire en se montrant tellement attentifs aux besoins de leur progéniture qu’ils risquent de leur inventer involontairement un mal-être, l’enfant a besoin de connaître ses limites et d’accepter la vigilance de ceux qui se consacrent à cette tâche… Mon historiette vaut exemple de cette complicité induite entre un groupe (36 élèves tout de même) et l’enseignant. Je sais que je leur demandais beaucoup d’efforts mais je ne ménageais pas ma peine pour considérer chacun d’entre eux, et valoriser leurs progrès individuels. Je crois tout simplement que ces élèves ont su intuitivement dire merci de l’intérêt qui leur était témoigné, même à travers ces réprimandes occasionnelles .

Bon, c’est vrai, je vous le concède, généraliser revient à faire un mauvais procès. Il existe de bons et de regrettables enseignants, et même un professeur honorable connaît ses bons et ses mauvais jours… Et les parents, entité collective indéfinie, sont vous, moi, mon prochain et ma voisine, des Humains motivés par les meilleures raisons du monde, et l’Amour de nos enfants…

Et si… Imaginons qu’on puisse remettre tout à plat et arranger d’un petit coup de baguette de Noël cette guéguerre du c’est-pas-moi-qu’a-commencé…
Si mettre un enfant au monde et lui donner tout l’Amour possible ne consistait pas à lui ériger un piédestal d’où il craint de tomber et doit s’agripper au premier leurre venu. Si on pouvait accepter comme un Bonheur tout avenir que l’enfant se forgerait par ses goûts et ses désirs propres, certes pour se mettre à l’abri du besoin, et non pas pour réaliser l’ambition parentale et corriger d’éventuels rêves inaccomplis, ou répondre aux normes de son clan ? Si donc on arrivait à se fourrer dans nos têtes trop pleines de parents que la réussite ne se quantifie pas seulement sur le compte en banque et l’aura d’une étiquette professionnelle… Ah j’en demande beaucoup, mais c’est bientôt Noël, et je remplis ma liste de cadeaux…

04/12/2007

Communication

- Chérie, tu nous ferais pas plutôt un p’tit café ?

L’interjection me hèle alors que je traverse la cuisine, munie de ma trousse à couture, le gilet et son bouton perdu sur les bras. Pas franchement une attitude de loisir, tant la couture est une activité hautement allergène pour mon équilibre psychique…
Sentir mon élan abnégationel * ainsi coupé me porte à réfléchir, car dès que j’obtempère et pose mon matériel sur la table pour préparer le plateau, GéO, qui avait commencé un timide « si tu préfères, c’est moi qui vais le préparer », suivi d’un intense effort pour rester assis, GéO donc, mon bienheureux mari, éminemment occupé à feuilleter son magazine, me regarde opérer, les yeux pétillant d’attendrissement, avant de soupirer d’aise :
- Chérie, je t’aime…
- Ce que tu aimes surtout, c’est que je t’apporte ton café…

Évidemment, nous ne sommes dupes ni l’un ni l’autre de cette boutade banale qui n’a rien d’une violence conjugale. Ce serait plutôt ce matin la suite de la discussion matinale du premier café. L’objet de la conversation est qu’au fond, pour qu’une relation humaine solide s’établisse, il ne faut pas se leurrer sur la qualité de relation d’interdépendance qu’elle suppose. Ainsi, GéO soutient qu’un couple ne peut se constituer et perdurer que si les deux personnes sont et restent en phase autour de besoins intellectuels et matériels similaires. Porte ouverte évidemment, mais de mon point de vue féminin, je défends la complémentarité et la fascination de l’altérité qui en résulte. Ces deux paramètres nourrissent la qualité de l’échange, l’enrichissent et prémunissent de la routine… Encore faut-il dialoguer, écouter, réagir, comprendre, et s’exposer en défendant son opinion. Le danger, dans un couple, c’est que l’un des deux se taise parce que l’autre, consciemment ou non, impose unilatéralement sa conception …

Mystère des associations d’idées, c’est à ce point-là que me revient en mémoire cet échange parcouru hier soir sur la Lettrine,www.latettrine.com/, et son article très intéressant sur les réseaux relationnels du monde de l’édition. Les commentaires greffés sur ce judicieux clin d’œil soulignent au fond la difficulté que nous éprouvons tous à nous sentir reconnus. J’écris bien reconnus, et pas nécessairement appréciés. Je souligne une fois encore mon admiration et ma reconnaissance pour la technologie qui a permis l’existence de la blogoshère. Fantastique outil de communication, et d’échanges réels, car totalement libres. En effet, qui vous oblige à rendre compte ou commenter un article lu ici ou là ? Vous ne connaissez pas les personnes qui exposent leurs idées, leurs espoirs ou leurs revendications, qui franchissent la barrière de la pudeur pour traduire leurs émotions. Tous ceux qui ont confié des manuscrits à la lecture d’amis me comprendront… Ce n’est pas l’amitié qui est en cause, mais l’authenticité de la communication. Alors que le biais du blog affranchit de cette gêne. Si le thème et son expression vous laissent indifférent, vous passez votre chemin, point barre. Si vous vous sentez en empathie, vous pouvez en témoigner ou prolonger le raisonnement, l’assouplir, le contredire… À chacun de respecter l’autre, et je dois reconnaître que depuis quatre ou cinq ans que je me promène sur la toile, bon nombre d’émetteurs et de réacteurs, s’ils se sentent libérés des règles orthographiques, n’en demeurent pas moins assez attentifs aux différents intervenants. On écrit vite sur Internet, on réagit prestement et la forme en pâtit parfois, mais pas le fond…

Mais j’en reviens à un propos émis par un fidèle de la lettrine, Marco je crois. À partir du moment où l’on écrit, on pose des mots, on construit des phrases et du sens, on transpose ses émotions pour leur conférer une existence réelle, et ça ne peut fonctionner longtemps seul dans son coin… Si vous décidez de porter votre plus belle tenue et que vous vous apprêtez, comment passer la journée ou la soirée en tête-à-tête avec un bouquin, le canapé, l’ordi ou la télé ? Quand vous avez trituré les phrases et les mots pour vous sentir VIVANT, percevoir l’indifférence des autres devient une vraie blessure, comme l’est celle d’un être humain que le silence ou la surdité sélective de son compagnon renvoie à la négation de soi. Alors les lettres des éditeurs, c’est encore pis que les jurés des examens, engoncés dans la roideur de leur supériorité face à l’impétrant, veillant à gommer de leurs regards tout encouragement aux malheureux candidats.

En fin de compte, j’en reviens à ce sentiment de satisfaction sur l’époque formidable que nous vivons : beaucoup de choses vont mal dans notre société, mais on a le droit de le dire, et ça soulage. Quand en supplément du dimanche, on se sent compris, ça va encore mieux. Cela dit, si je pouvais projeter le fantasme d' un quidam en train de manipuler un bouquin, genre poche ou folio, et confier l’objet un peu défraîchi à un ami en lui disant :
- Tiens, je te le passe, tu me diras ce que tu en penses…
Et sur la couverture du bouquin usagé, il y aurait mon nom…

* (Pardon pour le néologisme)

01/12/2007

L'évier de la Saint jamais

La Saint Jamais existe, si si, c’était cette semaine!

Depuis mon arrivée dans la maison, voilà un petit paquet d’années maintenant, ce malheureux évier nous a procuré bien du tracas… Une fêlure d’abord sur l’égouttoir, rejointe par une seconde faille parallèle bien plus longue et large… Mais ces blessures n’étaient rien du tout, en regard du goutte-à-goutte persistant produit par le robinet… Un robinet vieillissant, au chrome terni, manifestement digne de bénéficier de sa retraite, ayant assuré son service depuis des lustres, quelques décennies plus tôt, comment savoir ?

Mais vous connaissez mon GéO. Pas question de céder si facilement aux sirènes de la nouveauté quand son génie peut encore soutirer un restant d’effort à un objet. Malgré les remarques inquiètes de nos visiteurs, qui, à tour de rôle, ont compati et exprimé leurs conseils judicieux :
- Dis donc, tu ne devrais peut-être pas poser ta cocotte chaude sur l’égouttoir…
- Pourquoi tu ne fermes jamais ton robinet d’eau froide ?
Parfois, croyant bien faire, l’invité se chargeait de visser lui-même la poignée concernée. Et GéO de rappeler alors fermement son axiome premier :
- IL NE FAUT JAMAIS FORCER !!!
Avant d’expliquer, plus ou moins patiemment, à force, que « oui, le joint a été changé, mais c’est le siège de la tête du robinet qui est fendu… Je l’ai déjà réparé au moins dix fois, vingt fois, trente fois… »
Chaque fois, le goutte à goutte se faisait plus insistant, passant de la larme isolée, émettant un tintement presque suave dans la chaleur des après-midi torrides de Provence, au rythme obsédant du métronome, tic-tic, tic-tic, tic-tic-tic, de plus en plus rapide, montant crescendo, jusqu’au filet continu, nous reprenions la même antienne :
- Dès que les invités seront partis, je changerai les joints, je réparerai le siège du robinet d’eau froide, je déboucherai les canalisations (ah oui, ça aussi c’est un problème quand on est nombreux !), je réparerai…
Parfois, la liste varie… Et puis il y a toujours les réparations qui ne peuvent pas attendre comme le support de la bâche de piscine, ou les tuyaux crevés, n’est-ce pas, mais chaque chose en son temps, patience…
Bref, été après été, et la ronde des saisons apportant son lot d’occupations et de plaisirs, l’évier, devenu par la force des choses MON évier, a vu son état s’aggraver…

Août 2007 a été bien chargé en visites successives, et forcément, nous avons beaucoup demandé aux installations de la maison pour faire face à une surcharge réelle des utilisateurs. Nous avons même établi fin août un décompte provisoire des nuitées, petits-déjeuners et repas servis, et nous arrivions à des nombres à 3 chiffres, un vrai tournis! La cuisine tient le premier rôle dans ce tourbillon et forcément, mon évier…a trinqué et souffert comme jamais.
De sorte que j’ai résolu de fermer tout simplement le robinet d’arrêt au fond du meuble évier, à chaque utilisation, économie d’eau oblige. Mais imaginez simplement la gymnastique occasionnée, dix, vingt, trente fois par jour, fléchir les genoux, ouvrir la porte du meuble, reculer d’un pas, accentuer le fléchissement jusqu ’à l’accroupissement, lancer le bras droit (pas le bon pour moi), à l’aveuglette jusqu’à la manette en bas le long des tuyaux, ramener la tige à l’horizontale et … Forcer sur les quadriceps pour engager la remontée. Bon encore, comme ça, je le raconte positif, style entraînement sportif, histoire de lutter contre l’ostéoporose, « il faut bouger, dans votre cas, Madame… » Mais à la longue, la répétition de l’effort en efface le charme.

Donc, dès Octobre, rendus à notre intimité, nous avons pris LA DÉCISION.
En Novembre, nous avons couru les magasins de bricolage, de Toulon à Plan de Campagne, pour finir par trouver à Saint Max, au point de départ, un évier adéquat, et…Ô luxe, un robinet mitigeur à douchette !
Un matin, je suis réveillée par l’arrivée du petit café rituel que le premier levé apporte à l’autre… Mais, ouvrant difficilement les yeux car je sens bien que je n’ai pas eu mon compte de sommeil, je constate qu’il fait encore nuit noire, six heures du mat, un café crème et l’angoissante question perce le brouillard de mon retour à la vie consciente :
- Tu sais, je crois que ça ne va pas marcher pour Ton robinet…
Je mugis : - Quoi ? Quel Robinet ?
Mon tendre GéO prend le temps de positionner l’anse de ma tasse sur le plateau, avant de m’expliquer calmement :
- Oui, quand je dors, tu sais, il y a toujours une partie de mon cerveau qui travaille aux problèmes à résoudre… Et d’un coup, je me suis rendu compte que nous n’avions pas vérifié que le bec verseur devait tourner pour alimenter les deux bacs de l’évier. Chez Marie- Geneviève, il n’y a qu’un bac, donc ça ne va pas marcher chez nous.
CQFD…
- Mais si, il tourne, le robinet de Marie-Geneviève, je m’en suis servie, ça tourne très bien !
-T ‘es sûre ?
Vous le croyez si vous voulez, mais nous sommes retournés dans le magasin pour vérifier…


Le chantier a débuté lundi matin.
La semaine précédente, Géo avait méthodiquement percé l’évier dans son atelier, préparé les écoulements, monté le robinet tournant, et par agrandissement photocopié de la notice de montage, effectué toutes les mises en place possibles. Les emplacements de la tuyauterie sous le meuble ont été photographiés puis les clichés travaillés sur le Mac pour calculer les longueurs et préparer les coupes…
Plus moyen de tergiverser, il faut attaquer … Le démontage de l’appareil s’est déroulé plus aisément que nous l’avions craint et nous étions assez contents de nous : pas un seul carreau du plan cassé…
Bonne arpète, je me suis attelée au nettoyage des carreaux à récupérer, et cela m’a tenue en haleine jusqu’au mardi après-midi, où j’ai lâchement abandonné GéO pour courir à l’Opéra de Marseille. Je l’ai bien mérité, le décrassage aigu des vingt-six carreaux concernés effectué à la pince, au petit marteau, à l’huile de coude, j’en ai quelques crampes au biceps, mais nous sommes heureux de travailler ensemble. GéO siffle à son habitude, je chantonne l’ouverture de Tannhauser dans ma tête, le travail avance sans problème.
Au moment de préparer mon escapade musicale, GéO revient du garage avec un plein carton de carreaux tout neufs ! Eh oui, il y a des jours comme ça, on se demande pourquoi les choses se présentent toujours en chronologie inversée…Il n’y a vraiment rien de plus réconfortant au monde, après un tel déploiement de patience et de minutie…
À mon retour, mercredi midi, le décor a bien changé dans la cuisine. Les carreaux, neufs et vieux alternés, sont collés, jointés, l’évier en place, il ne manque que les raccords. Mais il est plus urgent de fêter nos retrouvailles autour d’un bon plateau d’huîtres …
Quelques heures plus tard, et les dernières contorsions sous le meuble, nous sommes à même d’admirer l’œuvre dans son intégralité !
Oyez donc, parents et amis, qui projetez déjà votre prochain séjour, inutile de bourrer vos bagages de joints ou de seaux pour récupérer l’eau perdue, nous sommes définitivement entrés dans l’ère moderne de l’évier entier et du robinet dompté…



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