06/03/2011
Oscars, Césars, Ciné-fête-arts
- C’est maintenant que tu te réveilles ? La grande distribution des étoiles, c’était la semaine dernière … Ce qui est fait a été bien fait, aujourd’hui, il faut passer à autre chose
- L’esprit d’escaliers, vous répondrai-je…
Inévitable me concernant… La première fois que j’ai lu cette expression, vers mes 15 ans, je crois, noyée dans les Confessions de l’ami Jean-Jacques si je ne me trompe, j’avais été frappée par la justesse de l’image : c’est toujours après coup que vient la bonne réplique, le juste argument…Et concernant le Net, à l’aune des médias contemporains, la réactivité est impérieuse : rapidité, efficacité… Inanité. Plus l’information brille, plus elle est éphémère. Alors pour le sujet du jour…
D’abord, la semaine dernière, nous avions d’autres chats personnels à fêter.
Et puis, si les récompenses distribuées l’ont justement été, si elles sont vraiment méritées, pourraient-elles s’évanouir de nos mémoires en une semaine à peine ?
Certes non, d’autant que pour une fois, nous avions vu les films gagnants et les choix des professionnels nous réjouissent, tant il est vrai que la programmation de ce début d’année recèle d’oeuvres ordinaires, banales, bancales.
Je ne reviens pas ici sur les Césars, concernant des films plus anciens, qui ne sont plus à l’affiche.
En revanche, sur la dizaine de films que nous avons vus en janvier –février, incontestablement, le discours d’un roi a retenu mon attention et mon admiration. Ce n’est pourtant pas un film très facile, mais il est intelligemment construit, et recèle des valeurs auxquelles on ne s’attarde plus guère dans la majorité des productions grand public. Black Swan pour sa part paraît plus brillant et fascinant, mais l’interprétation de Natalie Portman nous emporte dans un vertige halluciné qui ébranle fortement nos imaginations.
Alors, si d’aventure, vous avez loupé la séance, sans négliger le petit avant-goût des bandes-annonces disponibles où vous savez, je vous ai préparé un encas à ma façon, histoire de définir quelques bonnes raisons de fréquenter les salles obscures.
Black swan
La fêlure du visage de l’actrice ne cache aucune ambiguïté. Le film pourrait être sous-titré: choisir de perdre l’innocence ou la vie. L’écrin du synopsis est le ballet, écrin magnifiant et amplificateur de la Beauté, du dépassement de soi, et son revers, le monde de la scène fourmillant de rivalités sordides, de désillusions cruelles, la férocité de l’âge, la tolérance zéro en réponse à tout pas de travers. La danse classique, rêve de toutes les petites filles et cauchemar de nombre d’entre elles quand elles ne comptent pas dans le cercle restreint des élues. Avec cynisme, Darren Aronofsky construit pour son héroïne Nina (Natalie Portman) un univers feutré, entre les cours du New York City ballet et l’appartement que Nina partage avec sa mère (incroyable Barbara Hershey). Celle-ci projette sur sa fille ses ambitions déçues, et naturellement nous devinons rapidement que Nina n’a pas eu de choix. La jeune femme doit à tout prix obtenir enfin un premier rôle, avant que l’âge ne la condamne irrémédiablement à l’anonymat du corps de ballet.
Quand le chorégraphe Thomas Leroy ( Vincent Cassel) décide à la fois d’évincer Beth Mac Intyre ( Winona Ryder), la danseuse étoile tellement admirée mais vieillissante, et de monter Sa version du lac des cygnes, la troupe frémit et bruisse. Toutes les postulantes se jaugent et s’évaluent. La rivalité se lit sur les visages juvéniles, la jalousie se devine aux regards croisés dans les interminables couloirs de l’institut. Nina est toujours seule, oppressée par la nécessité d’être la meilleure, elle n’a pas d’amies. Par une pirouette du destin, voilà que le Maître Thomas, après bien des hésitations, lui confie le double rôle de la princesse ensorcelée en cygne. La gageure est redoutable ; si le chorégraphe ne nourrit aucun doute sur le talent de Nina à incarner le cygne blanc, il craint qu’elle ne parvienne à exprimer la sensualité perverse de son double noir. Dès lors Nina doit louvoyer sur un terrain miné de toutes parts: dépourvue de confiance en elle, oppressée par l’exigence maternelle, la perversité ambiguë de Thomas, elle vit mal la perfidie de Lily (Mila Kunis). Mais la meilleure ennemie de Nina, c’est elle-même. Nous suivons alors de miroirs en vitres réfléchissantes le cheminement de la ballerine vers l’accomplissement de son rôle.
Darren Aronofsky possède un talent fou pour disséquer et exposer les troubles de l’âme. L’année précédente, il nous montrait le sulfureux Mickey Rourke en lutte pour sa réhabilitation dans the Wrestler. Cette fois, il utilise la terrible discipline de l’art de la danse pour décortiquer minutieusement la lente aspiration de la jeune femme par son rôle. Il émane une telle tension des scènes que le spectateur perd, aux côtés de Nina, le fil de la réalité. Des images aux effets redoutables, obscurité, grisé, éclairage glaçant, miroirs à l’infini où les reflets deviennent autonomes, blessures aux mains, aux pieds, transformations physiques, hallucinations envoûtantes, le spectateur halète avec elle, tremble pour elle, espère qu’elle parvienne à reprendre pied…
Le ballet final nous étourdit. L’émergence du Cygne noir, royal par l’expression de sa souveraineté sensuelle suffira-t-il à vaincre les démons de Nina ?
À vous d’aller vous perdre dans les dédales du sortilège, mais à coup sûrs ce film appartient à la catégorie des films à voir et à revoir, ne serait-ce que pour la fabuleuse métamorphose de Natalie Portman.
19:46 Publié dans Blog, goutte à goutte, Loisirs, Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, oscars 2011, black swan, natalie portman, darren aronofsky | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
04/03/2011
Ânodineries
Parce que , ce matin, l'air pétillait légèrement
Comme pour annoncer l'ébullition du printemps
J'ai chaussé mes pouces verts et sans décompte,
Rempoté les plantes à l'étroit dans leur pot d'origine.…
Évidemment, pour tout un chacun, l'activité est anodine
Et ne mérite pas une publication en grandes pompes!
Mais quand vous aurez pris le temps de contempler mes beautés,
Quand vos mirettes se seront chaviré sur leurs robes de fées,
Quand la délicatesse des pétales épanouis aura ciselé votre regard,
Alors, vos neurones fatigués par l'agitation de la semaine écoulée
Marqueront la pause: vendredi soir, il n'est pas trop tard,
Profitez de mes Damoiselles qui pour nous se sont troussées.
19:40 Publié dans Blog, goutte à goutte, Loisirs | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : écriture, photos, fleurs, orchidées, nature | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
21/02/2011
Lucas Cranach l'Ancien et son temps…
Portrait de Jeune Femme
1530, huile sur bois
Le hasard fait parfois si bien les choses… Ma petite escapade chez Audrey début février a coïncidé avec la réouverture du musée du Luxembourg, offrant aux Parisiens une exposition remarquable consacrée à Lucas Cranach l'Ancien et son temps.
Les souris-lectrices qui me connaissent savent que je nourris une ferveur toute particulière pour la peinture de ceux que l’on appelle encore souvent les Primitifs flamands : du XVème au XVIème siècles ce sont les peintres-chantres d’une époque mouvante et mystérieuse, charnière entre deux mondes, équilibristes raffinés évoluant entre les certitudes strictement codifiées du Moyen-Âge et l’éclosion de la pensée moderne. Nourris d’échanges intenses, ces humanistes ne connaissaient pas alors les revendications individualistes et fonctionnaient en école, en ateliers, par la pratique d’un compagnonnage parfois itinérant. Mais chez tous( Rogier Van der Weyden, Jan Van Eyck, Hans Memling…), nous pouvons admirer une finesse graphique, la délicatesse des traits, la densité des couleurs, le traitement des matières et des fonds. Chez les peintres du Nord de l’Europe, les fonds sont d’abord unicolores et sombres comme un écrin dont le velouté rehausse la pâleur du teint de la jeune femme ci-dessus. Progressivement, et Cranach( malgré son appartenance plus marquée à l'école germanique) en constitue un exemple magnifique, ces artistes s’imprègnent des techniques différentes : les artistes septentrionaux confient les secrets de leurs pigments aux artistes italiens qui leur exposent en retour la richesse des perspectives paysagères conférant une profondeur thématique aux scènes évoquées. Ce partage des techniques autant que des aspirations idéologiques concourent à magnifier les sujets et créer des œuvres vives et touchantes.
C’est donc avec un plaisir infini que nous nous sommes offert la visite de cette exposition exceptionnelle, en compagnie du plus jeune visiteur de la journée en la personne de Mathis. Lequel a été si sage, passant des bras de l’une à l’autre, puisque le musée n’accepte pas les poussettes dans les salles. Mathis n’a guère dérangé les autres visiteurs, amusant au passage quelques visiteuses de ses gazouillis discrets. Il a biberonné devant le remarquable martyre de sainte Catherine, emplissant ses yeux des contrastes lumineux opposant la sérénité sobre de la Sainte en posture retenue et atours austères, à la brutalité rutilante des personnages au second plan, soldats et spectateurs venus assister au massacre païen, et la détermination du bourreau, arrêté dans son élan vengeur par les manifestations divines irradiant d’un ciel tourmenté, jets de feu d’une étrange modernité.
(huile sur bois, 1508-1509 )
Datée de 1508, cette représentation me paraît annonciatrice d’une tendance aux représentations de scènes mythologiques plus propres aux peintres du siècle suivant, comme Nicolas Poussin.
Lucas Cranach dit l’Ancien (1472-1553) appartient à une époque bouillonnante à de nombreux égards. Homme universel, il est un ami proche de Martin Luther, mais honore cependant de nombreuses commandes de l'Épiscopat Catholique. Peintre officiel des Princes de Wittenberg en Saxe, il s’est formé chez Albrecht Dürer vers 1504-1505. L’exposition est conçue pour permettre une approche comparée des œuvres, et saisir les liens qui se tissent alors entre ces artistes novateurs. De nombreuses gravures illustrent ce propos. La rénovation des salles, en particulier la pénombre ambiante et les éclairages individuels des tableaux, permettent une contemplation intimiste des œuvres.
Si l’aperçu que je vous livre ici vous en donne l’envie, surtout ne luttez pas. Ces œuvres ne séjourneront au musée que jusqu’au 23 Mai…
Peut-être avez-vous été sensibles aux articles des magazines qui se sont fait l’écho de cette manifestation ? En ce qui me concerne, je suis frappée par la part qui est réservée à ses nus, par ailleurs magnifiques, il est vrai :
(Nymphe à la source, huile sur bois de tilleul, 1537)
La nymphe à la source en est une illustration sensuelle : sur quatre plans différents, la nymphe gît, abandonnée à la volupté de son repos sur un fond traité à la manière mille fleurs, clin d’œil aux représentations des tapisseries du Moyen-Âge (notez les deux oiseaux picorants en bas à droite au tout premier plan), puis la grotte opposant à la douceur charnelle du corps étendu, un contraste minéral et énigmatique par l’obscurité mystérieuse dont sourd le menu filet d’eau. Enfin, le quatrième et dernier plan propulse nos regards vers une cité lointaine, ouverture du tableau à une appartenance sociale de son allégorie. Quelle richesse !
Cette représentation d’Adam et Ève n’est pas, pour ma part, la plus belle : Il semblerait que ce sujet ait été maintes fois traité par Cranach et ses disciples. J’en retiens surtout le diptyque exposé le premier dans la salle consacrée à ce thème. Là encore vous reconnaîtrez la symbolique animalière de part et d’autre des personnages, la morphologie longiligne des corps, la lumière très particulière de l’arrière-plan, éclairage plus vif derrière les arbres, sous un ciel s’ obscurcissant au-dessus du serpent à l’œuvre …
Ne ratez surtout pas les différentes représentations du suicide de Lucrèce. L’intensité dramatique trouve son apogée dans la version de Lucas Cranach fils, avec une héroïne au visage torturé, davantage habitée par son désespoir que dans les multiples versions attribuées à son père.
***
Enfin, je ne peux me retenir de vous offrir ce superbe visage de Vierge en prière, dont la douceur et la pureté m’ont frappée. Il nous vient de Quentin Metsys, et se rattache à un diptyque daté de 1505. Ce visage à l’ovale charnu confère une grâce intemporelle à cette représentation de la virginité, sans cacher l’intensité du recueillement dans la douceur du regard. Le rose opalescent des joues incarne pleinement la jeune femme ; comme chez Cranach sur la nymphe ci-dessus, le traitement de la coiffe et du voile transparent ajoute une aura de légèreté soyeuse qui renforce la sensualité de la représentation.
Dernier cadeau, mais non des moindres, et sans commentaire, je vous laisse sur cette allégorie de la justice, l’œuvre la plus fameuse sans doute produite par Lucas Cranach l’Ancien. Elle date de 1537 et comme la plupart des œuvres exposées a été peinte sur un support de bois.
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19/02/2011
Nihao
Dans ma bulle, aujourd’hui, il est dix-neuf heures** à Wuhan…
- Où ça ?
- À Wuhan, chef lieu de la province de Hubei, Chine, juste là…
C’est bien là que sont partis nos tourtereaux depuis dix jours maintenant. Aurélien visite la famille de Jing.
Beau voyage aux antipodes (presque) de notre façon de vivre. Et comme la technologie nous y autorise, de temps à autre, il partage par mail ses impressions. Je m’autorise à vous en livrer quelques-unes, en attendant les photos et les clips que nous ne verrons pas avant leur retour.
Nihao* nous dit Aurel, en parfait Mandarin dans le texte, bien sûr…
En quelques lignes, notre voyageur dresse un tableau rapide de la ville, de son extension tentaculaire, et des excursions dominicales…
« La ville de Wu Han est extrêmement grande. Les rues sont des 4 voies comme nos autoroutes, et la ville s'étend à l'infini: Hier, après deux heures de route, j'ai demandé où on était:
- "À Wu Han"!
Et pourtant ça roulait bien. Contrairement à ce que j'imaginais, le trafic n'est pas très dense, mais il n'y a aucune règle sur la route, et malheureusement la plupart des voitures sont dépourvues de ceintures de sécurité. Assez flippant, car ils pilotent vraiment n'importe comment. Ceci dit, les conducteurs roulent plutôt lentement, ce qui leur permet d'éviter les accidents, qui seraient inévitables autrement. Je filmerai la prochaine fois que je serai en voiture, c'est un spectacle à voir au moins une fois dans sa vie... »
Nous sommes passés aux choses sérieuses en escaladant le mont Mulan, en fait un pèlerinage bouddhiste où l'on va de temple en temple afin de faire des voeux auprès de différentes divinités, dont certaines sont spécialisées (pour les études, pour l'argent, l'amour etc.) tandis que les autres sont généralistes. Plutot Marrant. Cela dit, aller quémander la bienveillance de Mulan se mérite, car c'est tout en haut de la montagne.
Ce matin, la boîte mail nous délivre un nouveau reportage de son carnet de voyage.
Cette fois, Aurélien s’amuse des activités de bienvenue dans sa belle-famille, où tout le monde se montre accueillant. Je vous offre un résumé succinct, après avoir pris soin d’accentuer le texte écrit de là-bas sur un clavier qwerty, ce qui est déjà plus confortable que le clavier à caractères locaux !
"Comme prévu nous voyons beaucoup de monde, heureusement tous se montrent très gentils. J'ai appris un peu à jouer au Mah-Jong. J'ai même gagné plusieurs parties (avec un peu d'aide...) Nous avons aussi fêté le nouvel an. Ici, pas de feu d'artifice officiel de la part des autorités, ce sont les gens qui achètent les leurs et les allument devant chez eux. Une ambiance unique...
Je n'ai toujours pas croisé un autre occidental en près de dix jours! C'est une des grosses différences avec l'occident: Chez nous on croise toutes les ethnies dans nos rues, mais ici tout le monde est chinois (sauf moi). Ça me fait drôle d'être dévisagé dans la rue tout le temps, mais je m'habitue. "
Imaginez-vous que je voyage moi aussi à la suite de mon messager intercontinental … J’enfourche témérairement ma souris telle une amazone high tech, et d’un preste clic, cap au Levant, me voici survolant nos contrées européennes, puis le Moyen Orient, enfin les vastes étendues asiatiques, avant d’effectuer un atterrissage impeccable sur les rives du Chang Jiang, l'immense fleuve boueux dont les méandres sont visibles ci-dessus sur le troisième cliché extrait de Google earth ...
L’agglomération est en effet reconnue comme la douzième plus grande ville de la Chine, dédiée aux activités industrielles et universitaires. Si Aurélien n’a pas l’occasion d’y croiser des Européens, c’est sans doute qu’il est totalement immergé dans la bulle de la famille de Jing.
Leur séjour durera jusqu’à la fin du mois, j’aurai donc encore quelques informations piquantes à vous transmettre…
Tandis que ma bulle affective se gondole et migre aussi vers Sèvres, que j’ai quitté il y a maintenant une bonne semaine. Je m’y étais octroyée un petit séjour en célibataire, histoire de profiter des derniers jours du congé maternité de ma Douce et d’aller emplir mon cœur des mines de Mathis. De ces moments chaleureux volés à mon quotidien maximinois, je vous raconterai volontiers mes souvenirs mirobolants de l’exposition Cranach célébrant la réouverture du musée du Luxembourg…et l’anecdote du club des grands-mères, ayant partagé un bout de wagon avec certains écoliers parisiens en route pour les vacances chez Papy-Mamy, en l’occurrence Papé et Poupette, s’ils se reconnaissent…
En attendant, Mathis jouit de sa dernière conquête, la chaise haute puisqu’il s’adonne maintenant au goûter compote de fruits… Quelle étape ! Il ne lui a pas fallu longtemps pour se familiariser avec la cuillère et le goût un peu étrange de la pomme cuite vapeur et sans sucre… encore un petit convive envers qui il ne faudra pas se contenter de belles paroles pour le tenir à table !
* Nihao= bonjour en Mandarin, langue courante dans cette Province.
**décalage horaire par rapport à la France: + 8 heures.
15:42 Publié dans Blog, goutte à goutte, O de joie, Voyage | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : carnet de voyage, chine, wuhan, famille, nouvelles | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
14/02/2011
Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent
Albin Michel
ISBN : 978-2-226-21520-8
Septembre 2010
Il nous arrive à tous d’associer viscéralement une musique à un moment de notre vie.
Les arts du spectacle nous ont familiarisés à l’intensification des émotions transmises par l’accompagnement sonore : À nos oreilles contemporaines, le cinéma y a tant excellé que n’importe quel cinéphile associera à tout jamais les images de l’Orange mécanique de Stanley Kubrick à la neuvième symphonie de Beethoven. Lors de mon premier mariage, il me souvient de moments très complices où nous jouions à apparier les œuvres picturales découvertes dans nos balades aux musées avec les morceaux de musique des compositeurs de notre discothèque… Il ne s’agissait pas de trouver les correspondances chronologiques, mais plutôt de tisser des liens entre les ressentis… Ce jeu nous a souvent permis d’ouvrir des portes étonnantes, voies royales d’appropriation ou chemin de traverses débouchant sur d’autres filiations…
Telles sont nées mes attentes quand j’ai remarqué et acheté l’essai qu’Éric Emmanuel Schmitt consacre à ses ressentis d’auditeur Beethovénien. Avec l’humour fin qui le caractérise, il s’appuie sur une remarque attribuée à sa professeure de piano pour mieux souligner combien il souhaite dégager son propos des jugements standards et des opinions convenues …
Partant du constat que ce héraut du romantisme musical est de plus en plus rarement au centre des programmations de concert, il nous propose de le suivre dans sa rétrospective personnelle avant de dégager les apports particuliers que le compositeur a légués à notre humanité.
N’ayez aucune crainte d’aborder ici un ouvrage trop savant, une nomenclature intégrale du répertoire ou une hagiographie lénifiante du Maître. À sa manière délicate, habillant sa sensibilité des atours de la simplicité, É.E Schmitt confie aux mots qu’il choisit la transposition de ses découvertes, émotions ou agacements, peurs ou rejets d’un trop plein d’émois.
En cela, la musique délivre davantage un message spirituel – affects, intensité, valeurs- qu’un message intellectuel. Ce qui explique sans doute notre difficulté, voire notre réticence, à traduire un concert en mots, car, toujours, la musique précède les phrases. ( P 34)
(Page 91) :
La musique touche, insinue. Elle fouille, tourneboule et modifie l’humain, l’atteignant au plus profond.
(Page 92) :
Le sens de la musique, c’est de ne pas avoir un sens précis mais d’être la métaphore de nombreux sens. Sinon, autant employer les mots.
Bâtis au long de l’écoute de six œuvres représentatives des talents de Beethoven, ÉE Schmitt ouvre nos réflexions sur la manière d’accepter, d’intégrer, de grandir à l’ombre ou en lumière des facettes musicales de ce génie particulier :
Des chocs, des silences, la mélodie qui gronde aux basses, qui hésite, qui se lance, qui s’étoffe, qui module. De source, le filet thématique devient fleuve, notre piano s’enfle aux dimensions d’un orchestre entier. Mon cœur bat à tout rompre. J’ai les oreilles rouges et gonflées d’émotion, je transpire avec peine, je m’enfonce dans l’harmonie, je fonds en musique, je suis heureux.
Derniers accords ! Nous laissons prospérer le silence. Nous tentons de reprendre notre souffle.
- Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent !
Madame Vo Than Loc avait lancé cette phrase farouche.
(Chapitre Ouverture de Coriolan, page 19)
Successivement, l’auteur nous livre les clefs de son écoute personnelle, révélant la fraîcheur d’une oreille attentive, exercée mais abandonnée volontairement au flux musical :
Au début, c’est un conflit. Deux entités s’opposent : les cordes violentes, dramatiques, et le piano doux. Celles-là fument, raclent, menacent,grondent ; celui-ci murmure. Leur antagonisme de timbre est poussé au paroxysme. (…) La lourde masse des cordes aux sons musclés, tenus, tendus, tente d’assommer le grêle et solitaire piano.
Entre leurs interventions, du silence.
Un silence double : le silence où quelque chose naît.
Le silence où s’évapore le fracas des cordes ; le silence où apparaît, fragile, le chant du piano.
Je commence à comprendre…
Choc d’énergies contradictoires. Goliath contre David. Le géant contre l’enfant. À première vue- ou à première oreille- on connaît le résultat. Or quoique les cordes cherchent à l’intimider, le piano ne hausse pas le ton, reste d’une étonnante sérénité, persiste.
Progressivement, le rapport des adversaires se modifie. (…)
(Page 85-86 quatrième concerto pour piano et orchestre, 2ème mouvement.)
Page 98 , à propos du quatuor n°15, EE poursuit:
Austères quatuors… Remisant sa palette symphonique, à mille lieux des gigantesques contrastes sonores, Beethoven renonce aux couleurs, à la variété des timbres, leurs oppositions, leur séduction. On a presque l’impression qu’il renonce aussi à la mélodie, qu’il y préfère de longues tenues de cordes, des frémissements, des attaques. C’est une méditation. Il se dépouille de ce qui charpentait son langage antérieur.
Bien évidemment, le mélomane est toujours tenté d’établir des choix, de dresser une table de comparaisons entre les différents compositeurs qu’il est amené à apprécier. Il se sent souvent alors obligé de situer la nature des œuvres dont il s’abreuve :
Lorsqu’on écoute du Mozart, on n’assiste pas à une besogne, on assiste à l’épiphanie de la grâce.
Inexplicable, la grâce. Ça descend, ça s’impose. C’est une aube, une naissance.
(Page 26)
La comparaison s’impose de fait et Schmitt, se souvenant qu’il est philosophe, développe les attributs supposés de ces deux génies fondateurs :
Mozart entend, Beethoven fabrique.
Chez les deux, le métier est ferme, supérieur, rigoureux, virtuose. Chez les deux, l’art triomphe.
Cependant, si Mozart efface son geste, Beethoven le met en avant. Mozart nous propose le produit de l’esprit, Beethoven l’esprit du produit.
Beethoven cherche, Mozart a trouvé.
Beethoven reste présent dans son œuvre, Mozart s’en absente.
Beethoven nous laisse avec sa musique, Mozart nous laisse avec la musique.
Dans la création, Beethoven se comporte en homme, Mozart en Dieu. L’un parade, l’autre s’écarte. Homme immanent, dieu caché.
Schmitt ne saurait cependant cantonner l’universalité de la musique à ce tableau comparatif. En réalité, ce qu’apporte un compositeur à la conscience de notre Histoire et de notre Humanité, ce qui établit Beethoven et les compositeurs dans l’Intemporalité, c’est l’essence de leur art, la musique (Page 36) :
Bach, c’est la musique que Dieu écrit.
Mozart, c’est la musique que Dieu écoute.
Beethoven, c’est la musique qui convainc Dieu de prendre un congé car il constate que l’homme envahit désormais la place.
(Page 40) :
Un souffle existe qui va s’épanouir, se tonifier, s’enchanter de lui-même, se développer en volutes infinies. Beethoven, de façon poignante, nous présente l’homme fragile, originellement convalescent. Quelle est sa faiblesse ? Sa force, c’est-à-dire la pensée. Débordant de tendresse et de compassion, Ludwig van souligne combien il aime cette bête inquiète, traversée de peurs, de questions, mais aussi tendue par l’idéal. Aussi pur que dans un de ses quatuors intimes, mais plus ample grâce à l’orchestre, il célèbre la condition humaine.
Ou encore ce développement pages 44-45 :
Quoique Beethoven accorde à Dieu le premier mot, il ne lui confie pas le dernier : cela se remet à foisonner, à grouiller, à fuser, à tambouriner, la joie s’ensauve, vire à la transe, c’est une danse dionysiaque, une explosion finale, une orgie cosmique.
Par la magie de la prose de Schmitt, j’entends pour ma part cette dernière phrase portée par le souffle enthousiaste d’un Fabrice Lucchini et je me dis que décidément, la Grâce accompagne en effet quelques rares élus et que nous sommes, quant à nous pauvres récipiendaires de leurs lumières, bien reconnaissants et bien heureux d’en recevoir le rayonnement.
Sous cet éclairage objectif, É E Schmitt s’attaque alors à démonter nos réflexes grégaires, nos références apprises par nos cheminements, la pression du temps, nos erreurs critiques. L’homme honnête nous invite à nous défaire d’idées préconçues et à retrouver la clarté d’une écoute rénovée. Sans fausse pudeur, il nous rapporte son expérience personnelle d’une représentation de Fidélio, où entré dans le théâtre engoncé dans ses préjugés, il s’est confronté à sa propre erreur…
Cédant à la prévention des philosophes qui estiment – à tort- que penser nécessite d’éloigner les affects, je me transformai en pur intellectuel. Dès lors, Beethoven m’apparut confus, brouillon, émotif, hystérique ; pas uniquement Beethoven d’ailleurs, car pendant ces années-là, je boudais aussi Mozart, Schubert, Chopin ; je ne m’intéressais plus qu’aux grammairiens de la musique, Schönberg, Webern, Berg ou Boulez dont j’allais suivre les cours au collège de France.
Pour l’intellectuel neuf que j’étais, tout sentiment relevait de la fièvre. ( Page 48)
(…)
Et alors, je commence à comprendre ce qui arrive… En me privant de la vue, je vois enfin le théâtre : il réside dans la musique. L’action a quitté la scène pour gagner la fosse. L’orchestre est le lieu où le drame s’élabore, chaque instrument y tient un rôle, et les voix qui en sortent à leur tour y participent. Les sentiments, les aspirations, les mouvements, les lumières, ils sont là, écrits par B. Au fond, il a raison : pas besoin de décor, un noir de fumée suffit ; au diable les attributs traditionnels du show, le vrai spectacle est celui des cœurs tourmentés. »( Page 55 chapitre Fidélio)
Cet essai d’une centaine de pages regorge de réflexions destinées à raviver nos propres ressentis. Quels que soient les sons dont nous colorons nos vies, chacun pourra entendre au fil de ce discours un écho à sa résonance personnelle. II ne m’appartient pas de rapporter l’intégralité du cheminement de l’auteur (É E Schmitt n’a nul besoin de moi !!!) mais je suis fort tentée de relayer ce point du discours qui apostrophe justement les préjugés dont souffre aussi la littérature :
En France, on répète à satiété la sentence : “ Ce n’est pas avec de bons sentiments qu’on fait de la bonne littérature“, une saillie amusante d’André Gide qui se pétrifia malheureusement en critère littéraire. Chez les petits marquis soumis aux diktats du cynisme ou du nihilisme ambiant, l’aphorisme vira à : “ les bons sentiments fabriquent de la mauvaise littérature.“ Adieu donc, Corneille, Goethe, Rousseau, Dickens, et tant d’autres – à coup sûr Gide lui-même, intellectuel militant ! À la trappe Bach ! Farewell Beethoven ! Dans les poubelles de la morale ! Certains amateurs de fausses fenêtres pour la symétrie, vont encore plus loin, arguant que “ les mauvais sentiments engendrent la bonne littérature “ ou que “ les mauvais sentiments améliorent la littérature“, comme si les sentiments, quels qu’ils soient, donnaient l’aptitude à écrire une phrase valable, à organiser une histoire, à créer une cohérence entre une pensée et son expression. Faut-il que notre époque soit désespérée pour qu’un simple trait d’esprit fonde un catéchisme, nous fournisse des repères. Quel naufrage… Pauvre Gide à qui l’on prête cette sottise, car la bêtise ne réside pas dans la boutade de cet homme intelligent, mais dans l’usage qu’en tirent les imbéciles.
Et avant de voir Fidélio, je lui appartenais à cette bande d’imbéciles, puisque j’avais débarqué lardé de préjugés à l’Opéra suisse.
Cette remarque n’a rien de gratuit dans l’organisation de l’essai. Concernant, non plus seulement Beethoven justement réhabilité dans l’urgence et l’Humanisme de son art, mais la perception et le flux de l’oeuvre de notre auteur, nous débouchons avec lui sur ce qui me touche à travers l’ensemble de ses compositions romanesques et théâtrales : Éric Emmanuel Schmitt développe, au grand dam de certains intellectuels cyniques, le positivisme volontariste. Il refuse que nous acceptions la laideur du monde et les calculs mesquins des Machiavels-au petit-pied sans opposer la chaleur de la compassion et la douceur du partage, la clarté de la compréhension et de la tolérance. Ce sont les leitmotivs qui traversent son Œuvre et réchauffent mon âme et mes convictions.
Se réjouir et jouir, telle s’avère la joie. Elle ne demande rien, elle ne déplore rien, elle ne se plaint de rien. Elle célèbre. Elle remercie. La joie est gratitude.
(Page 102)
Ce qui Schmitt tire de la fréquentation des musiciens (et j’attends avec l’impatience que vous devinez son essai promis à propos de Schubert) et qu’il nous transmet à son tour dans cette chaîne miraculeuse qui tisse un lien intergénérationnel et interplanétaire. Laissons –lui encore la parole pour conclure : ( Extrait page 46)
Plutôt que l’Hymne à la Joie, j’aurais envie d’appeler cette œuvre La Rédemption par le Joie car la musique de Beethoven offre une leçon. Nos vies sont dramatiques, tragiques, douloureuses, mais le drame ne constitue pas le but du drame, le tragique doit être accepté, la douleur surmontée. Libérons-nous ! Parce que nous subissons la tristesse, l’inévitable tristesse, nous ne devons pas la cultiver. Mieux vaut cultiver la joie. Que la liesse domine ! Beethoven nous emmène à l’école de l’énergie. Soyons enthousiastes au sens grec, c’est-à-dire laissons descendre les dieux en nous, délivrons-nous du négatif. La bacchanale plutôt que l’apocalypse.
L’ouvrage est complété dans cette édition attrayante par un texte originellement conçu comme un monologue destiné à la scène, mais qui se dévore comme une longue nouvelle. Il s’agit évidemment de Kiki von Beethoven* qu’Éric Emmanuel Schmitt avait déjà écrit avant son essai. Un CD comprenant un enregistrement des 6 morceaux analysés dans l’ouvrage illustre musicalement le propos, de sorte que l’acquisition du « package » constitue un cadeau très sympathique. Avis aux amateurs.
*La pièce se joue toujours à Paris en ce moment.
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05/02/2011
Demandez le programme…
Nul doute que vous jugerez ma tour un tantinet branlante… Et certainement incomplète. Je sais qu’il s’y glissera toujours une autre pièce, intruse à l’urgence capricieuse, mais je n’ai pas résisté bien longtemps en passant au jardin des Lettres… J’avais le plus beau des prétextes pour utiliser les bons de lecture que m’avait remis ma Douce. De son côté, Simone a glissé également dans mon escarcelle quelques titres sortis de sa propre récolte…
À moi de suivre maintenant …
D'autant que je complexe. Le ralentissement de mes notes de lectures n'a pas échappé à la perspicacité de ma fille, et il est grand temps que je m'y remette plus régulièrement. L'exercice n'a rien de rébarbatif, que le bouquin soit bon ou plus médiocre, il est toujours intéressant de s'octroyer un moment de retour. Ce qui revient à clore cette conversation intime tenue au long de quelques soirées avec le livre… Précisément, ce n'est ni l'auteur, ni à fortiori l'ensemble des personnages (encore que…) avec lesquels le lien se tisse, mais il existe une perception particulière, une appropriation instantanée que l'on sait être appelées à disparaître… Quelquefois, la force d'un sujet et/ou la manière de l'écrivain façonnent notre ressenti et notre pensée de telle sorte qu'on se sait changé. Ainsi je constate que certains bouquins imposent une reprise rapide, une réponse en quelque sorte par le truchement de cette note qui vous est alors adressée presque comme une supplique, une invitation pressante à le découvrir à votre tour… Parfois, il faut laisser couler quelques jours, quelques semaines avant de revenir sur un sentiment confus, une impression mitigée qu'il est agréable alors de sortir de ses propres limbes pour mieux maîtriser avec nos propres mots les idées et les perceptions rencontrées. À ce moment, je n'ai jamais envie d'aller voir ce que d'autres ont écrit sur le sujet. Mais après publication ici, ou (sur son alias odelectures) ou sur Lecture/Ecriture, qui fourmille de notes intéressantes, j'ai plaisir à confronter les différents points de vue…Et il se trouve toujours quelqu'un qui a déniché un angle inattendu, invisible à mon approche, et c'est comme une partie de ping-pong qui s'engage.
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04/02/2011
Un coeur gros comme ça
Une salle en transe clame son nom avant même que le ténor ait poussé la première note…
Ce lundi à Marseille, le public de l’Opéra s’est réjoui d’un spectacle à la hauteur de son attente.
Et pourtant, la barre pouvait lui paraître bien difficile à atteindre, si l’on imagine le jeune ténor attentif à la rumeur bourdonnante de l’arène pleine, à l’heure de franchir le rideau des coulisses et de se glisser jusqu’au piano trônant solitaire au milieu de la scène …
Des applaudissements tonitruants saluent sa première apparition, et quelques voix clament déjà son prénom, comme si le chanteur avait déjà donné le meilleur de lui-même.
Coite sur mon strapontin du parterre, je m’amuse de cette ferveur à l’égard d’un ténor à peine sorti du sérail, dont la mine juvénile révèle la fulgurance d’une carrière débutante… Si l’on songe aux difficultés de ce métier exigeant et sélectif, la gloire parvient rarement avant une maturité affirmée. Et pourtant…
Après les notes timides du premier morceau mozartien, Se all’ impero, extrait de la clémence de Titus, Florès est à nouveau applaudi avec un enthousiasme que pour ma modeste part, je trouve un tantinet exagéré. Mais les airs suivants, quatre fragments d’ œuvres de Rossini, permettent de réviser cette impression initiale. La voix de Juan Diego Flores s’empare des trilles et les offre à nos oreilles avec une pureté cristalline, un son franc et une diction méticuleuse… Au point que la gaucherie des attitudes contraintes s’oublie totalement. À l’entracte, je conserve juste une petite réserve concernant l’éclat des souliers vernis des deux hommes, chaussures toutes neuves sans doute que les spots lumineux frappent d’éclairs agressifs attirant nos regards malgré nous.
La seconde partie du récital tient les promesses entrevues et la ferveur du public s’en trouve pleinement justifiée. Plus détendu semble-t-il, Juan Diego Flores commence à mimer les émotions des trois Canzones avec lesquelles il ouvre cette seconde partie : un programme léger de chants espagnols dont le célèbre Adios Granada de Saavedra. Un enchantement pour nos oreilles, d’autant que le programme s’élargit avec Verdi. On sait le public marseillais très attaché au Bel Canto… Comme il est arrivé conquis, la fièvre monte encore d’un cran. Derrière moi, les voix enflent au cours des applaudissements : ce sont surtout des spectateurs qui expriment leur enthousiasme en lançant des Diego, Bravo,Brav-vo, Brav-vissimoooo, Die-go, Die-go… Pour un peu, ces stances pourraient passer pour des déclarations… Attention, Messieurs, retenez vos ardeurs, vous êtes en public !!!
Nullement troublé par ces transports énamourés , notre ténor et son pianiste accompagnateur répondent d’abord par un bis, puis deux, puis trois…et encore, et encore… je n’ai plus décompté, mais il me semble bien que le jeune homme a offert à son public au moins six airs supplémentaires, soit une troisième partie de récital, où il a glissé avec humour un extrait de la fille du régiment, livret en français ce qui permet d’illustrer la perfection de sa diction.
Vous avouerai-je qu’une telle générosité à l’égard du public ne laisse pas de marbre ? Outre son talent et son travail , ce jeune chanteur possède un cœur gros comme ça et plus, un charisme étonnant et pas si fréquent, qui me donne la chair de poule et m’émeut, me renvoyant à une autre personnalité flamboyante de la scène lyrique, que nous étions allés entendre à plusieurs reprises , à l’époque des Lundis de l’Athénée, dans les années 80. La Prima Donna incomparable de l’époque, Montserrat Caballe s’y donnait avec une jubilation communicative. Il nous semblait qu’elle n’était jamais fatiguée, toujours prête à enchaîner les airs et les rires qu’elle partageait avec nous, son public de fans ratatinés entre les rangs serrés du petit théâtre parisien.
Un grand merci donc à Simone qui m'a offert cette nouvelle soirée musicale, découverte et partage, prolongée par une balade romantique sur la corniche, sous la clarté des étoiles. En cette dernière nuit de Janvier, la douceur relative de l'air nous permet de goûter pleinement le rythme paisible du ressac en contrebas… La dentelle d'écume fine joue autour de l'ombre des rochers à quelques brasses de la grève; Marseille scintille de milliers de points lumineux de part et d'autre, on devine cette côte citadine qui semble n'avoir aucune limite, et nous nous réjouissons toutes deux d'être (presque) seules à profiter de ce spectacle et à jouir de ce sentiment de liberté bien employée…
20:00 Publié dans Blog, Musique, Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chant lyrique, juan diego flores, opéra, marseille | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
22/01/2011
Notre Petit Roi
Il a ensoleillé la maison durant ces 3 jours passés chez nous.
Je me suis réjouie de le tenir dans mes bras, sur mes genoux
Et j’ai grandement profité de ses sourires et de ses babillages…
Au risque de susciter la réprobation devant mes enfantillages,
J’ai reçu, je l’avoue sans culpabilité, mon petit-fils à l’égal d’un Roi.
Roi Mage comme il convient en cette période bénie de grand émoi.
Enfant innocent et cependant porteur de tant d’attentes,
Nourrisson repu que ses parents accompagnent avec fierté
Moult questionnements, trésor de patience et d’attention incessantes.
Mathis s’éveille, indifférent à toute cette vigilance déployée.
À capter ses expressions souveraines, d’autres souvenirs travaillent
Du temps où Leur bien-être reposait sur mes épaules,
Où Leur contentement résonnait dans mes entrailles
Et je regarde ma fille investir à son tour ce beau rôle.
Un petit d’Homme comme tant d’autres, mais il est Nôtre.
Et de ce privilège, il faut extirper l’intrinsèque saveur,
Profiter des éclats d’un rire soudain, du passage inopiné d’émotions nouvelles
Saisir la subtile pensée qui s’organise, le fragile hasard du geste ponctuel.
Ce Roitelet domestique n’exige rien, il nous réveille au Bonheur.
Mais de tous ces pouvoirs exercés sur son entourage, Mathis n'a cure…
19:50 Publié dans Blog, goutte à goutte, O de joie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : famille, bébé, bonheur du jour, sourire, écriture | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer