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23/02/2014

Fable à part ( suite)

De son royal perchoir,  Corbeau  le Hautain  

Arborait  son majestueux  butin.

Maître Renard,  rompu aux courbettes,

Parvint enfin  au pied de l’auguste silhouette.

À force de ronds de jambe et de flatteries

Le  courtisan joua sa fortune sur  son baratin

Étalant sans honte sa  vile flagornerie.

— Eh Messire Renard, que vous êtes baveux,

Que votre verbiage  me semble  ennuyeux

Sans conteste, si votre  courage

 Ressemble à vos papotages,

Je gage, pour  votre outrecuidance

Le gain d’un aller simple  à la  potence !

À ces mots Renard comprend sa méprise

Prend  ses pattes à son cou,  rompant là sa vantardise.

À notre connaissance, il court encore, qu’on se le dise !

 

22/02/2014

L'amour de nos jours…

À portée de clavier,  nos  cœurs battent  numériques

Abolir  ici bas une solitude inique

La solution s’offre sur Meetic

Qui ne tenterait Fortune en quelques clics ?

 

 

Une  Gisquette en mal d’amour  tomba sur un Costaud

Bodybuildé comme une icône  de magazine porno.

Bluffée par ses reliefs  musculeux et  vexée d’être roulée comme une paille,

Chez Musclor  elle prend pension et travaille sans faille

À sculpter sa taille tout en béton, ça prend un bail…

Plus habile  à poster des  selfies, sur les réseaux elle vérifie ses avantages,

 À renfort de like et de follower , elle guette les babillages.

Rien n’y fait, le faraud ne calcule pas son personnage.

La chétive retourne à l’ouvrage

Redouble d’efforts, de souffrance et s’entraîne jusqu’au claquage.

Epuisée, elle disparaît des écrans sans y laisser le moindre pixel.

Ne cherche pas à cloner ton profil, même pour la frime

De peur de  te dissoudre dans la foule des  anonymes

Maigrichonne ou replète,  pour  plaire  joue plutôt du violoncelle.

 

19/02/2014

Artiste en herbe

 Vous prendrez bien une petite goutte de jouvence?

 Celle-ci par exemple,  distillée telle que je l'ai reçue en ouvrant ma boîte mail . 

Petite anecdote du jour :

        Ce matin en m’habillant, je constate,consternée,  quelques gribouillages sur les murs de notre chambre, derrière le lit. J’interpelle Mathis qui sautille gaiement sur ledit lit :

—   Dis-donc Mathis, c’est quoi çà !? 

—   Ben c’est un rond et un escargot .

—   Mais enfin, qu’est- ce qui t’a pris de dessiner sur le mur ?

—   Ben petit ours brun lui,  il a fait de la peinture sur le mur …

        Mathis, pas si attentitf que çà pendant les histoires, aurait pu se rappeler que Maman Ours se fâche à la page suivante, parce que c’est une bêtise de dessiner sur les murs… 

  Au moins peut-on constater un net progrès en art plastique….

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12/02/2014

Mini Mangrove à saint Max

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Je vous l'avais bien dit, 

Rien n'est jamais acquis

À la  loi du climat,

Le jardinier s'adaptera.

Bretagne ou Provence

Les grenouilles  mènent la danse

 

 

08/02/2014

Un air de folie…

Parmi la foule qui envahit le foyer de l’opéra de Marseille, ce mardi 4 février, nous remarquons tout de suite un groupe d’adolescents assis en tailleur sur le parquet marqueté. Par leur décontraction et l’activité de leurs mandibules, ces jeunes forment un contraste amusant avec les petits clans de mélomanes aux allures plus conventionnelles, occupés à siroter leurs flûtes de champagne en commentant les performances des artistes dont les accents résonnent encore à nos oreilles. J’observe un moment un garçon joufflu qui se gave littéralement de biscuits apéritifs, comme s’il devait reprendre des forces après une épreuve d’endurance. A ses côtés, ses camarades engloutissent sandwiches et canettes de sodas avidement extirpés de leurs sacs à dos. Un peu à l’écart, un trio de jeunes filles souriantes attire notre attention. Elles sont restées debout, manifestement moins affamées que leurs collègues et s’absorbent dans la contemplation du décor. Simone et moi échangeons un regard et d’un commun accord, nous les abordons. La spontanéité de leur réponse nous ravit :

— Ah oui on adore, c’est formidable comme on  sent cette femme submergée par la douleur !

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Comme ces collégiens venus de Saint Maximin la sainte Baume, nous sommes en effet à l’entracte d’une représentation de Lucia de Lammermoor, et venons d’assister au deuxième acte qui s’achève sur le mariage forcé de Lucia,   sous le charme du magnifique septuor vocal (qui a fait date dans l’histoire de l’art lyrique) où, en parallèle, l’héroïne exprime son désespoir irrémédiable; passage délicat et virtuose pour la soprano qui tient le rôle- titre. En franchissant le seuil du bâtiment, tout à l’heure, Simone a remarqué une affichette collée aux parois vitrées indiquant le remplacement de l'interprète initialement prévue. Ce soir, nous entendrons  Zuzana Markovà, dont la programmation ne comportait que deux dates. Nous voilà tapies sur nos étroits fauteuils du balcon, jambes calées contre les dossiers du rang précédent, mais curiosité aiguisée, et nous ouvrons largement nos yeux et nos oreilles au spectacle promis du chef d’œuvre de Donizetti.

À l’unisson de l’enthousiasme de notre jeune co-spectatrice, nous sommes bouleversées par l’interprétation qui vient de nous être offerte. Non que la mise en scène, correcte, ne soit inoubliable. Aux premiers accents fragiles du duo d’amour entre l’héroïne et son amoureux Edgardo, la voix de la « remplaçante » m’ avait semblé manquer d’ampleur. L’échange amoureux  me paraît transi, figé par une distance physique inadéquate entre les deux chanteurs. Sont-ils allergiques l’un à l’autre ? Pourtant, la voix de la jeune fille est claire, elle module aisément et son timbre prend peu à peu sa place, face à Guiseppe Gipali.

L’intrigue se met en place, l’infâme Enrico (Marc Barrard, baryton) défend honnêtement son rôle. Le chapelain Raimondo ( Wojtek Smilek) l’âme noire d’Enrico trame ses effets sur une voix de basse magnifique, qui appelle davantage à servir un Commandeur qu’un  vil traître, fût-il ecclésiastique. Bien que lauréat, la veille, du prix de la révélation artiste lyrique aux victoires de la musique classique,   le jeune ténor Stanislas de Barbeyrac ne dispose pas avec  le bref  rôle d’Arturo d’une partition qui permette de profiter de sa distinction. Néanmoins, malgré leurs talents et sans oublier le chœur de l’Opéra aux prestations toujours excellentes, la soirée restera illuminée par la démonstration de ZuzanaMarková. Sur le site forum opéra  dont l’adresse figure ici  

http://www.forumopera.com/index.php? act=News,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=6114&cntnt01returnid=54,

vous lirez l’article intégral de Maurice Salles, intitulée une étoile est née : »…prévue en seconde distribution, la soprano tchèque Zuzana Markovà se retrouve en première ligne. Est-elle galvanisée par les circonstances ? Peut-être. Mais même en l’admettant, car sa performance a été littéralement éblouissante, on se gardera d’oublier qu’il s’agit d’une prise de rôle et que la même a assuré la générale la veille en chantant à pleine voix. Or, que donne-t-elle à entendre et à voir ? D’emblée, et tout au long du spectacle, une Lucia qui ne cesse de sidérer par ce que l’interprète semble avoir compris et du rôle et d’elle-même. La voix est bien projetée, d’une homogénéité rare, avec un médium assuré et un registre grave consistant, et une extension vers le haut qui mène à des aigus brillants, fermes, et si longuement tenus qu’ils révèlent une gestion magistrale du souffle. Les piani sont délicats, les trilles précis et déliés, la justesse indiscutable, la grâce physique évidente et la sensibilité de la comédienne, dont la démarche frôle par instants la chorégraphie, donne à son jeu et à son chant une intensité suggestive. »

Que pourrai-je ajouter de plus ?  Ah si, allez lire l’article sus cité, vous verrez que mon enthousiasme paraît pâle comparé à la fougue de son auteur.

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Vous m’avez lu, souris discrètes et fidèles, et bien, écoutez maintenant !

 

      

11/01/2014

Question de point de vue

     8h15, en ce jeudi matin de début Janvier. Accompagné de sa Maman et de la petite soeur dans  la rue  qui mène à l'école,Mathis trottine gaillardement.  Au milieu du trajet de quelques deux cents mètres, notre écolier s'arrête brusquement  et déclare:

— Pffou! J'ai déjà eu une longue journée! Je crois que je vais faire une petite pause…

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31/12/2013

D'un millésime à l'autre…

Amour glamour ou fête secrète au coin du feu, peu importe au fond ce que cette soirée nous réserve… Refermons sans chagrin la porte de l'année qui s'éteint. Que les jours à venir vous soient lumineux d'Amitié, savoureux de Tendresse, vigoureux de cette flamme qu'on appelle la Vie. je vous souhaite une année 2014 gourmande de Désirs …
 

24/12/2013

La migraine de Noël

 En cet hiver humide, imaginez, discrètes souris lectrices,   une immense demeure bâtie en rondins  d’arbres centenaires.  Malgré son aspect débonnaire et chaleureux, la maison perdue au fond d’une sombre forêt abrite deux enfants abandonnés qui  tentent de survivre aux soins attentifs de L’Ogresse.  Ils n’ont guère plus de dix ans tous deux et vous dire comment ils sont arrivés jusqu’à l’antre de cette femme aussi laide qu’énorme nous détournerait de notre propos, vous lecteurs à la recherche d’un divertissement de saison et votre modeste rapporteuse  d’histoire.

Nos deux gamins, répliques contemporaines de Hansel et Gretel, regrettent tous les jours le méchant sort qui leur est fait, bien que la mégère prétende pourvoir à leurs besoins. Du matin au soir, Gary et Élodie vaquent aux tâches multiples  ordonnées par la géante vigilante, laquelle répond néanmoins au doux nom de Célimène. La geôlière monte bonne garde et se montre implacable quand les résultats des travaux ne lui conviennent pas.  Mais il est au moins un domaine où Célimène la sans-cœur se laisse facilement attendrir.  Notre Ogresse est gourmande, comme il se doit, et les deux enfants ont appris à développer leurs talents culinaires. Aussi se hâtent-ils volontiers d’effectuer les corvées de nettoyage, lessive, raccommodage et plomberie que nécessite l’état de la vaste habitation pour regagner au plus tôt la cuisine. Dans cette pièce chaleureuse, Gary et Élodie sont devenus de véritables chefs et n’ont pas leur pareil au fourneau pour rôtir les cuissots de chevreuil,   confectionner des tourtes aux champignons variés,   dresser de voluptueux desserts à base de miel, de noisettes ou de fraises des bois, selon la saison… Souvent Célimène s’installe dans son fauteuil au bout de la longue table de bois ; elle suit les activités de ses cuistots d’un œil dépourvu de son éternelle méfiance. Il règne alors dans la salle une atmosphère détendue malgré l’activité des préparatifs.  Les enfants soulagés rient, racontent des historiettes ou  chantent à pleine voix pour s’encourager à inventer de nouvelles recettes de sauces. Si vous prêtez bien l’oreille, vous pouvez même entendre derrière leurs voix claires et cristallines un accompagnement sourd et grave : Célimène s’oublie jusqu’à accompagner  d’un raclement de gorge les refrains entonnés en battant les œufs au fouet ou en râpant de savoureuses racines.

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Or par cet après-midi tiède et pluvieux, Gary et Élodie négligent les  habituelles  besognes, malgré la longue liste dressée par la mégère avant son départ. L’absence de la marâtre sera longue, plus longue même qu’elle ne l’a calculée. Nos deux gamins ont ouvert en grand portes et fenêtres et leurs rires débordent dans la clairière qui s’étend autour de la maison des bois.  L’endroit habituellement désolé n’est plus déserté par les familles de lapins, blaireaux et ragondins, taupes et écureuils. Attirées par les éclats de joie,   quelques biches sont venues brouter avec leurs faons une herbe que le gel a épargnée.  Mêmes les oiseaux, que les cris de la mégère effraient d’ordinaire, ont décidé de participer au concert  improvisé. Il faut vous dire, à ce point de notre récit, que le petit peuple sylvestre redoute autant que les enfants l’humeur  volcanique et gourmande de Célimène, nombre d’entre eux en ont fait les frais.  Mais un mot d’ordre a voleté de nid en terrier, de bauge en tanière,   les animaux de la forêt ont convergé vers la maison. Assis sur le perron, Gary sourit à Élodie, leurs regards se reportent sur la grosse horloge qui scande de son tic-tac la mesure de la récréation. Aujourd’hui, le temps ne les presse plus. Ce soir, c’est Noël, et les Rennes du domaine forestier ont promis d’organiser autour de la planète le plus vaste embouteillage qui se puisse imaginer !  Il y aura tout au long de la nuit tant de  traîneaux contraints de s’arrêter au-dessus des cheminées fumantes, de courses entre les tours  gigantesques des banlieues,  de toits en villes piquetés d’antennes et de campagnes illuminées de guirlandes aveuglantes, mondialisation oblige, les tournées  de  distribution vont donner lieu à une manifestation interplanétaire. Certes, ce n’est pas de bonne grâce que les fidèles coursiers ont décidé de passer à l’action, mais à quel autre moment pourraient-ils faire valoir leur revendication? Et puis surtout, la Confédération Générale des Rennes en Colère a décidé d’agir ainsi pour offrir à nos héros un cadeau approprié. Gary et Élodie ne peuvent rêver de recevoir console de jeux ou voiture télécommandée, poupée starlette ou tablette électronique : le facteur ne leur a jamais livré de catalogue rutilant de tentations. Leur cadeau, ce sera l’absence de la marâtre, l’Ogresse restera coincée dans la cité, incapable de contourner les véhicules emmêlés, obligée d’attendre l’aube suivante  pour regagner ses pénates.  Gary et Élodie fêtent donc avec confiance  l’ événement : ils ont préparé de succulents  Weinachtspätschen qu’ils offrent à leurs amis réunis en chantant un refrain approprié :

Ô douce nuit, nuit de quiétude

Que les ramures bruissent à notre solitude,

Ce soir l’Ogresse est perdue, 

Notre  demeure ouverte au vent et à la lune,

Que les étoiles témoignent de   notre bonne fortune.

 

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Cependant, dans la ville voisine, l’animation bat son plein. Les passants se précipitent dans les magasins pour les ultimes achats du réveillon. Les trottoirs sont bondés de parents encombrés de parapluies et de paquets. Les chaussées ressemblent à un immense parking où tous les véhicules sont à l’arrêt, moteurs tournant à vide, la cacophonie des klaxons ne les délivre pas du mauvais sort qui les scotche au macadam. Aux carrefours, des agents impuissants inhalent vainement les gaz d’échappement. Au PC de la circulation, le directeur de la police s’arrache les cheveux devant les écrans qui traduisent tous la même réalité. Il a détaché toutes les forces dans les rues pour tenter de limiter les débordements et les excès prévisibles, mais  jusqu’ici c’est peine perdue.

Au poste qui lui a été assigné dans l’artère principale, l’inspectrice Hélène Durand suit des yeux l’embourbement progressif de la situation, sous un fin crachin d’hiver. L’humidité ambiante ajoute encore à la difficulté générale. Comme la plupart de ses collègues, Hélène ne tente plus de réguler les soubresauts des voitures, motos et camionnettes dont les chauffeurs se battent pour gagner dix centimètres. Elle se contente d’observer la foule, de repérer les éventuels pickpockets ou les fêtards déjà éméchés qui pourraient avoir besoin d’aide. C’est tout à fait par hasard qu’elle remarque une femme à la silhouette impressionnante,  dont la chevelure flamboyante se détache largement au-dessus des autres têtes.  Sur le même trottoir, la matrone se déplace avec énergie malgré les obstacles et Hélène s’apprête à intervenir en constatant qu’elle utilise ses nombreux paquets comme projectiles destinés à lui ouvrir le chemin. Au moment où la femme atteint son niveau, Hélène se meut vers elle pour lui enjoindre un peu plus de contrôle, quand elle assiste à une scène qui la désarçonne: la géante se détourne brusquement vers la chaussée où une camionnette se tient arrêtée depuis lurette, toutes vitres ouvertes pour chasser la buée. Le chargement de paquets est visible, et la grosse femme déterminée. Elle plonge sa main gigantesque dans l’amas de colis, en tire une boîte dont elle déchire frénétiquement le carton pour en extraire une panoplie de guerrier romain. Continuant à détruire l’emballage, malgré les cris du conducteur furieux du pillage, la contrevenante s’empare d’un glaive en plastique et le brandit au-dessus de sa tête. Aussitôt, le jouet dérisoire s’allonge démesurément, et se métamorphose en un javelot étincelant que la sorcière enjambe derechef.  L’attelage singulier s’élève en tanguant d’abord un tantinet. Comme aimantée par un point du ciel, la femme à califourchon gagne en hauteur,  dépasse les voitures, monte toujours, atteint les toits des bâtiments.  Dans la rue, tous les témoins regardent en l’air et se frottent les yeux, accablés. Les bouches arrondies de stupeur ne laissent passer aucun commentaire, tous sont certains d’avoir la berlue.

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Hélène se reprend la première, elle sort de sa sidération, réalisant que le prodige n’annonce rien de bon. Les honnêtes gens ont-ils besoin d’avoir recours à des pratiques aussi extraordinaires ?  En professionnelle de l’ordre, l'inspectrice  cherche énergiquement le moyen de rattraper la fuyarde, ne serait-ce que pour comprendre  le mécanisme d’un tel envol. Elle doit pourtant lutter d’abord contre la violente migraine qui s’installe dans son esprit en alerte. Pressentant un court-circuit neuronal imminent, elle sort de sa poche le tube de comprimés  antidouleur dont elle ne se départit jamais, et en avale une poignée d’un coup.  Dédaignant ses principes autant que son mal de tête, Hélène  se saisit d’un vieux vélo accoté au mât d’un lampadaire et entreprend de slalomer à son tour dans la marée des véhicules. Mais elle a beau pédaler avec vigueur, elle comprend vite l’inutilité de ses efforts. Sur le point de disparaître dans l’écrin obscur de la nuit tombée, la sorcière la nargue  en exécutant quelques acrobaties aériennes. Puis, comme dans un dessin animé pour enfant, la voilà qui accélère sa course et file vers les étoiles.

La jeune femme lutte contre le découragement, son esprit rationnel refuse d’accepter l’incongruité de la situation. C’est alors qu’elle ressent un choc contre la roue arrière de sa bicyclette, puis un curieux flottement  qui lui donne le vertige. Elle a l’impression de décoller à son tour et ferme les yeux pour éviter le malaise qui lui fait craindre tout à coup d’ avoir abusé de l’aspirine. La sensation d’ivresse perdure sous ses paupières closes, Hélène perçoit des points lumineux fugaces, elle sent ses joues glacées par une brise humide. Ses pieds continuent de pédaler frénétiquement, mais le mouvement est devenu si facile, si mou! Il lui faut de longues, longues minutes pour parvenir à ouvrir les yeux, et constater … qu’elle vole, oui, vraiment, elle évolue en surplomb de la ville toujours  engourdie, elle glisse sans effort dans l’obscurité, bien assise sur la selle du vélo, tenant le guidon entre ses mains crispées. Impossible de continuer à penser dans de telles conditions, Hélène se dit qu’elle a heurté le sol, qu’elle délire dans une ambulance, que le réveil ne va pas tarder à sonner , que ce rêve absurde s’achèvera au bout de la nuit…

Tout de même, il y a ce bruit de halètement qui enveloppe le songe. Lentement, la policière se décide à observer à nouveau sa situation, au prix d’un effort prodigieux, elle penche la tête et découvre, effarée, les bois de deux rennes insérés entre les rayons des roues. Au-dessous, ce sont les corps fuselés et puissants des animaux qui s’arrondissent puis se déploient au rythme d’un galop aérien de toute beauté. Hélène ne tente plus de raisonner, elle ne lutte plus, elle se contente d’apprécier la féerie de l’instant.

 Progressivement, les coursiers  ralentissent. Ils survolent un espace rond qui apparaît bientôt éclairé par la lumière des fenêtres d’une grande maison.  Les rennes se posent souplement dans la clairière au moment où Célimène, furieuse,   tente de pénétrer  dans sa demeure.  L’Ogresse tient toujours à la main le javelot qu’elle a chevauché. Pourtant, la surprise l’empêche de s’en servir contre la muraille animale qui protège l’entrée de son antre. Cerfs, biches, chevreuils en lignes serrées  en défendent l’accès, tandis que  dans ses pieds, des centaines de petits rongeurs courant entre ses jambes tentent de la faire chuter. 

 De mémoire de policière, jamais arrestation n’avait  paru  à la fois si facile et si déconcertante. Menottée par ses soins et gardée par un corps de geôliers aussi hétéroclite qu’invraisemblable, Célimène éructe et menace. Mais rien n’y fait.  Les renforts du service d’ordre finissent par découvrir la clairière au point du jour, c’est-à-dire quand la matinée de Noël est déjà bien entamée. Les animaux se sont discrètement dispersés à l’approche des hommes, Hélène  tire seule les honneurs de son fait d’armes. Ne comptez pas sur Gary et Élodie pour élucider les mystères de cette enquête, d’autant que les deux enfants exultent  à l’idée  de retrouver la civilisation, et leurs véritables parents. Toutefois, le retour aux contraintes de notre bas monde s’est avéré plus délicat pour  notre héroïne.  Ce coup d’éclat n’a pas eu l’heur de plaire à tout le monde et c’est d’un ton peu amène que son supérieur hiérarchique l’accueille au bureau.

— Alors, Hélène, cette migraine, c’était avant ou après les cocktails de Noël ? 

 

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Que ce conte de Noël vous  réjouisse et vous transmette mes voeux de fêtes sereines et joyeuses, farfelues sans retenue, mais complices et tendres autant qu'il se peut.