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10/04/2009

Erreur de la banque en votre faveur…

Chronique cinéma vu depuis  le Rébubéou.


Hier soir, nous nous sommes extirpés de notre colline et ses senteurs de romarin en fleurs, nous avons faussé compagnie à notre Petit Peuple  pourtant bien énamouré,    et nous avons mis le cap sur une petite  comédie, histoire de lâcher nos zygomatiques et de lutter contre les montagnes de nouvelles négatives qui pleuvent  dans nos oreilles, pèsent  sur nos consciences, engourdissent les volontés, même les plus résistantes et déterminées …

Peu friands à priori des pitreries  kitsch de  Gad Elmaleh et son Coco, méfiants  à l’égard des vantardises chasseresses de Safari, nous avons tout simplement choisi une petite comédie dans l’air du temps, servie par Gérard Lanvin et  Jean Pierre Darroussin : Erreur de la banque en votre faveur, de Michel Munz et Gérard Bitton.
Bien nous en a pris.
Nous avons bien ri, peut-être pas de ce rire innocent et revigorant de la comédie culte type Bienvenue chez les Ch’tis… Mais d’une manière réjouissante et perfide, les deux compères, qui ont réalisé autrefois La Vérité si je mens (1 et 2), décortiquent pour un public justement interpellé,   les arcanes des délits d’initiés. Oh pas façon vengeresse comme l’a fait Chabrol dans l’ivresse du pouvoir, non plutôt farce et attrape du genre "tel est pris qui croyait prendre."

Julien  Foucault ( Gérard Lanvin), maître d’hôtel au service d’une grande et vénérable institution bancaire privée deux fois centenaire, a reçu son préavis de mise à l’écart, sèche, malgré ses dix-sept ans de loyaux services…La  banque d’affaires se modernise et envisage d’externaliser les somptueux repas au cours desquels se trame le sort des grandes entreprises qui  gèrent la marche du monde. La course contre un malheureux cafard  met tout à coup Julien,  en position d’entendre les secrets de ceux qui tirent les ficelles. Aussi, quand il constate, malgré son zèle, l’incommensurable dédain  dans lequel le tient son  futur ex-employeur  Espinasse (Philippe Magnan), arrogant à souhait, il cède à la tentation bien naturelle d’utiliser les informations qu’il a été amenées à entendre. Julien a l’heurt d’être  l’ami du délicieux Étienne (Jean Pierre Darroussin), adolescent de 45 ans, qui perd son talent de grand chef dans la cuisine d’un gargotier populaire.   Le hasard, il en faut dans les scénarii, leur permet de rencontrer l’homme de la situation, ce qui les amène à mettre à profit les secrets boursiers qu’ils détiennent. Mais quand on est issu de la classe laborieuse, comment rester insensible aux difficultés des voisins et connaissances ?…  Peu à peu le cercle des bénéficiaires s’agrandit…Et donne l’occasion de scènes savoureuses, où la morale et les faiblesses humaines sont justement croquées,   sans jugement de valeur,   mais avec une finesse réjouissante. Chacun en prend pour son grade, sans charge excessive, par un jeu de  petites touches faussement innocentes.
Ajoutez à ces portraits deux intrigues amoureuses pour assaisonner la vie perturbée de nos deux acolytes, et vous obtenez un délicieux moment de cinéma. À recommander en cas de crise de morosité ou si votre banquier vous chatouille trop méchamment pour quelques euros manquant à votre crédit. Au fait, le banquier…n’a-t-il pas commis une erreur en votre faveur ? Voilà une petite phrase qu’on aimerait bien entendre plus souvent.

29/03/2009

Slumdog millionaire


(Suite de la chronique cinéma de notre  colline…)

Notre second choix s’étant porté sur Slumdog millionaire, du britannique Danny Boyle, nous avons enfin pu accéder à la séance promise vendredi dernier…
Le film est sorti depuis janvier dernier en France, où il connaît le même succès que partout ailleurs dans le monde. Mardi dernier, il s’est avéré impossible d’assister à la séance requise, tant les fameux 8 oscars décrochés en février à Hollywood ont conforté son audience. Inutile de préciser à quel point je tenais à profiter à mon tour de la projection promise.

Eh bien ce vendredi, la salle  du Pathé plan de campagne dévolue à ce programme est loin d’être pleine. Après la foule agglutinée pendant les 3 jours de Printemps du cinéma, nous sommes tout au plus une cinquantaine de spectateurs à s’égailler dans les rangées de sièges déjà bien fatigués du complexe cinématographique. Les habituelles odeurs de pop corn ranci empoisonnent l’atmosphère, mais je suis tellement ravie  de tenir enfin le plaisir attendu que je décide de ne pas y prêter plus d’attention. Le son beaucoup trop puissant nous gênera en revanche de manière continue et je profite  de ce billet pour signaler aux  projectionnistes que cet abus sonore dessert le film par le désagrément  occasionné. … 

Danny Boyle, l’auteur du film, s’est déjà imposé depuis lurette parmi les réalisateurs intéressants. Dès 1994  où il a produit le premier volet de sa trilogie consacrée au thème de l’avidité financière et les dérives de la recherche d’argent facile, avec Petits meurtres entre amis, puis le dérangeant Transpotting, deux ans plus tard, que j’avais trouvé si glauque que je me suis abstenue de visionner le dernier volet Une vie moins ordinaire.
Néanmoins, Danny Boyle demeure un cinéaste attendu, d’autant que ce dernier opus a mérité la consécration rappelée au début de l’article.

Le récit commence au moment où un jeune homme, Jamal, candidat très heureux du jeu Qui veut gagner des millions, version Bombay, est sur le point d’emporter le Jackpot le plus fabuleux de l’histoire … Sans que nous en saisissions la raison, le voici emprisonné dans de sordides conditions au commissariat local où les méthodes d’interrogatoire qui lui sont appliquées sont franchement barbares. Le jeune homme résiste d’abord à cette torture et  puis, vaincu,  entreprend de dévoiler à son tortionnaire les conditions particulières qui l’ont conduit à fournir miraculeusement les bonnes réponses.… Le film se déroule alors selon le procédé de flashes-back successifs pour reprendre le déroulement du destin de ce gamin trop tôt orphelin, livré à lui-même dans les  ruelles inextricables  de son bidonville,  exposé aux rencontres sordides qui guettent les innombrables victimes de Mumbai.

Haut en couleurs et en sonorités, le monde du bidonville est dépeint comme une grande fresque, un déferlement d’agitation humaine, un imbroglio de courses poursuites entre enfants bataillant pour leur survie et adultes animés d’intentions douteuses. Malgré l’humour et la malice des deux protagonistes, Jamal et Salim, merveilleux de naturel dans toutes ces scènes d’enfance, la rencontre romanesque avec Latika, l’univers décrit est dur, brutal, d’un réalisme qui anéantit tout optimisme angélique. Ce sont des conditions de vie  qui ne peuvent laisser indifférent et la force du réalisateur consiste justement à nous faire passer du sadisme des exploiteurs à la fraîcheur de la tendresse qui lie Jamal à Latika. Sans omettre de développer la palette des sentiments humains, la jalousie de Salim, aîné de Jamal, incapable d’imposer son autorité légitime face à la détermination innée de son cadet, l’âpreté du gain, justifiée par le contexte, la corruption, le banditisme, les rivalités de bandes… Une société dépeinte par ses rouages cruels, où les rencontres idylliques apparaissent comme des oasis bienfaisantes et inattendues. 

Comment Jamal se tirera-t-il de ce guêpier  abject ?
Le film prend à ce moment un tour de fable, et la magie opère toujours. La simplicité naïve de Jamal l ‘emportera-t-elle sur la jalousie cupide de l’animateur, au demeurant aussi antipathique et boursouflé d’orgueil que ses homologues occidentaux…
Nos pudiques amoureux seront-ils à jamais séparés par le cruel chef de gang?

Salim, traître fraternel, saura-t-il racheter ses erreurs ?


Courez donc à votre tour et plongez-vous dans les ruelles malodorantes, grouillantes et chamarrées de ce conte de fée sauce Bollywood, car Danny Boyle vous réserve un bouquet final  en forme de clin d’œil local, histoire d’effacer, à l’instant de les quitter, les cruautés évoquées.

24/03/2009

Gran Torino

Depuis un bon moment, nous avions oublié   d’honorer nos lundis ou mardis-ciné. Et puis en réalisant que c’était à nouveau le printemps du cinéma, nous nous sommes dit que c’était trop bête !
Chacun à son ordi, nous divaguons dans la longue liste des films que nous n’avons pas vus… Évidemment, nos goûts sont un peu différents, voire divergents. GéO aime les films virils, il faut que ça bouge, avec une réelle prédilection pour les promesses de castagne, et les dialogues percutants, style Audiard. À défaut,   une réalisation musclée, des personnages toniques et battants, et surtout une histoire fondée sur une morale positive. Le mal-être, l’ambiguïté , les fins entre-deux eaux, cette manie nouvelle d’abandonner le récit sur une lancée indéterminée, où le spectateur devra se prendre en main pour achever le parcours de personnages à la dérive, non, trois fois non,   GéO n’accepte pas le genre de scénario qui tend à démoraliser son public. C’est un réflexe de survie, la vie est une affaire dont la fin est tellement triste qu’on ne peut pas laisser la porte ouverte au défaitisme.

De mon côté, je furète à la recherche d’histoires sensibles.  Ce qui m’intéresse, c’est qu’on me parle de la vraie vie des vraies gens, de vous et de moi, de nos parcours et de nos accidents, nos bosses, nos cicatrices. Nos enthousiasmes aussi, bien sûr, les pourquoi et les comment, les chemins de traverse et la petite touche cachée, au fond de la cour, de la chambre, accrochée au bout de cœur et qui fera  rebondir.  Si l’intrigue s’appuie sur un fait de société, si elle permet de percevoir une réalité qui n’est pas la mienne, si elle dévoile l’âme et les ressorts de mes "co-humains", qu’ils habitent Brive-la-Gaillarde ou la Tanzanie, le Brésil ou le Bush australien, l’Afrique du Sud ou la Finlande…Du moment qu’il est question de mes frères  humains, de leurs rapports et leurs défis, il suffit ensuite que l’histoire soit bien contée, la mise en  scène cohérente, le scénario vraisemblable, les dialogues travaillés avec un minimum de  psychologie… Que les images ravissent mon  sens de l’esthétisme et ma curiosité, que la musique accompagne et valorise les émotions… Je ne suis pas vraiment une spectatrice difficile…

Et le gagnant a été… Gran Torino, de et avec Clint Eastwood.
D’abord, parce que GéO est un inconditionnel de Clint Eastwood, que j’apprécie mieux depuis ses réalisations plus récentes comme  Mystic River et   Million dollars baby, que dans les productions des années 70-80, mais il faut reconnaître que ce vieux jeune homme a la pêche et dispose surtout d’un talent appréciable dans l’art de dévider la pelote du récit… 
Seconde raison, tout aussi valable : sur l’échelle des étoiles d’Allociné, spectateurs et critiques ont administré généreusement 4 étoiles…Les critiques, on se méfie, les spectateurs, ça rassure.

De Gran Torino, qui est conçu comme un thriller, il ne faut pas dévoiler toute l’affaire. Mais on peut situer le thème dans la grande tradition des rencontres entre personnages que tout oppose…Et que des événements  involontaires associent pour  transformer leur point de vue. Le grognon de service, interprété par  Clint soi-même, veuf misanthrope, aigri, insupportable et cracheur invétéré, invective ses voisins, famille d’émigrés asiatiques, représentée par ses deux adolescents, joués par  Bee Vang et Ahney Her. Ce qui devient plus original et sensible au fil de la narration, c’est le parcours  d’initiateur que choisit le personnage acariâtre et la forme de sa rédemption. Les poncifs sur l’Américain moyen, macho, bagarreur, raciste, râleur, le constat des communautés noyautées par les gangs, les difficultés de communication inter générationnelle, émaillent le propos et laissent sourdre une vision amère de la société. On le sait,   Clint Eastwood appartient à la génération des créateurs américains qui portent un regard rétrospectif critique sur les comportements de la société à laquelle ils appartiennent. Il n’ignore pas qu’une majeure partie des films auxquels il a participé a contribué à créer cette image de conquérants insupportables, dominateurs et violents. Cette brutalité dont Cronenberg dénonçait   les effets incontournables dans son excellent History of violence, et qui est distillée partout, dans les livres bien sûr, mais surtout dans les « divertissements » : films, séries télévisées, musique, exposition picturale, débats... 

Gran Torino raconte donc aussi une histoire de violence, une montée des atrocités dans les rues "dépolicées" d’une cité du mid west, et les différentes issues entrevues par les personnages pour casser la domination de la sauvagerie. Pour forcer le message, point n’est besoin d’être trop moralisateur, et Eastwood  sait parfaitement que l’angélisme nuirait à son propos. Il se sert donc des armes qu’il connaît bien pour étayer sa démonstration, et la peaufine à merveille avec son dénouement… Que vous ne pourrez apprécier qu’en assistant à la projection…
À noter encore la partition musicale d’un certain Kyle Eastwood… Le cinéma devient décidément une affaire de famille sur tous les continents…

À propos, savez-vous à quoi fait référence le titre du film ?

Comme je suis bonne fille, je vous donne quelques indices…

Songez aux attributs de la virilité dans la mythologie hollywoodienne:  le pistolet, la cigarette, le cheval au galop et/ou…

Je ne vous  le donnerais pas  en mille, mais je sais qu’Aurel avait la réponse…

21/01/2009

Silence, tabou et cinéma

Comme beaucoup d’entre vous, sans doute, nous avons regardé hier soir le film qu’Amos Gitaï vient de consacrer au malaise des descendants de juifs tués par la Shoah, Plus tard tu comprendras…, qui sort aujourd’hui sur les écrans.
- Un film de plus sur les juifs, bon, bof, après l’excellent La liste de Schindler dimanche soir, la télé n’en finit pas de revenir sur un sujet porteur d’audience… Mémoire oui, mais attention au risque de rabâchage quand même … commence-t-on à soupirer in petto dans les chaumières.

En réalité, le film vu hier soir ouvre un débat différent, beaucoup plus large et touchant par l’universalité du malaise évoqué. Ce n’est plus la dénonciation d’un fait de guerre avéré, le Crime contre l’Humanité du génocide commis par les nazis, mais plutôt le combat d’un homme pour secouer un tabou familial concernant la disparition de ses grands-parents. Le nœud de l’intrigue n’est pas la découverte de la déportation du couple, mais le malaise pesant de l’occultation de ce malheur. En effet, le personnage principal n’a pas connu ses grands-parents, parce qu’il est né après leur arrestation. En revanche il a le souvenir précis d’être allé avec sa mère dans leur appartement qu’un mystérieux tour de passe-passe a déposé dans le patrimoine de ses autres grands-parents. Ce que l’enfant accepte comme un fait naturel vient heurter la conscience de l’homme parvenu à son âge mûr, d’autant que le contexte du procès de Klaus Barbie ravive la mémoire collective par la parole enfin donnée aux victimes.
À partir de ce moment, le fils joué par Hyppolite Girardot ressent une pression interne dont il ne pourrait se soulager que par la mise au grand jour des circonstances du drame, voire par la levée de l’ambiguïté relative au rôle des beaux-parents de sa mère. Telle est la thèse du film et nous suivons les efforts du fils pour obliger sa mère à expliquer, justifier, nommer le drame. À son questionnement angoissé, la mère (Jeanne Moreau,) oppose une fuite permanente qu’il ne parvient pas à casser, par respect pour sa douleur présumée, par crainte de ce qu’il pourrait être obligé de nommer.… Et tout le débat est là.
Quoi de plus douloureux en effet que le secret, le non-dit, le respect obligé du silence qui prend alors la forme d’une culpabilité. Ce qu’exprimait très justement et subtilement Simone Veil dans son autobiographie Une Vie, parue je crois en 2007.
Même quand le fond de l’affaire n’a rien de honteux, le fait d’en être le dépositaire confidentiel pèse d’un poids particulier qui peut devenir étouffant. Tous ceux qui ont vécu ce genre d’expérience se sentiront touchés par le film d’Amos Gitaï, comme ils ont pu l’être s’ils ont lu le témoignage de Jérôme Clément, que le film transpose.
La qualité essentielle du film repose sur cette quête. Je trouve intéressant que la mère parvienne à se délivrer d’une partie de son secret auprès de ses petits-enfants, les confrontant ainsi ex-abrupto à leurs racines, plutôt qu’à son fils tellement demandeur.
Les acteurs du film sont à leurs places, Jeanne Moreau incarne à merveille cette femme forte dans sa détermination, maîtresse d’un secret indispensable à la menée de sa vie. En ce qui concerne les autres comédiens, je suppose qu’Amos Gitaï a tenu à leur donner une distanciation qui entrave notre empathie. De même le parti pris de plans panoramiques très longs, balayant l’enfilade des pièces de l’appartement, tandis que nous entendons le fil d’une conversation en voix-off, ce décalage correspondant au jeu de Dominique Blanc, Emmanuelle Devos ou Hyppolite Girardot finit par lasser. Trop de naturel tue le naturel. Ou encore l’évocation de l’arrestation des réfugiés dans l’hôtel est infiniment trop longue, voire incongrue, inutile. Mais j’imagine que ces scènes devenaient nécessaires au cinéaste afin de donner corps et matière aux malaises des protagonistes. De la difficulté de monter l’indicible, d’imager l’intime et la souffrance psychologique.
Enfin la musique joue un rôle de premier plan et il me semble que ces notes soutenues transmettent alors mieux que les images l’émotion et la mémoire ciselée des événements.

06/10/2008

Entre les murs

Attendu depuis le prestigieux palmarès de Cannes 2008 , Entre les murs qualifié d »’amazing film » par Sean Penn lui-même, le film de Laurent Cantet connaît donc un beau succès et c’est tant mieux.

J’étais pour ma part assez curieuse de découvrir enfin l’opus abondamment commenté et critiqué depuis mai dernier. Où n’a-t-on pas lu des débats contradictoires à son propos ? Aussi, fidèles à nos habitudes, nous nous sommes offert une toile mardi dernier, à l’heure où nombre d’entre vous travaillent encore tandis que d’autres s’activent à la préparation du dîner.

La salle n’était pas bondée, le public plutôt trentenaire, quelques couples nettement plus grisonnants, les familles se pressaient plutôt dans la salle voisine où les attendait Wall-e.

De Laurent Cantet, nous avions revu la semaine précédente Ressources Humaines, magnifiquement interprété par Jalil Lespert et une grande brochette de comédiens amateurs, remarquablement véridiques dans l’interprétation de rôles proches de leur propres destins. Nous ne sommes donc pas surpris par le long plan séquence du petit café que le prof Bégaudeau/Marin s’accorde avant d’entrer dans la fosse aux lions. La présentation des profs et la description des rituels de prérentrée constituent une introduction rapide des personnages qui auront à participer au dénouement de la crise finale, une mise en place efficace. Laurent Cantet cerne toujours la sobriété pour décrire un milieu, l’usine dans Ressources Humaines, ici le collège et ses trois axes, lieux où l’action s’enracine, se noue, se dramatise ou se dégonfle : la classe, la salle des profs, la cour de récréation.

Les vues de la classe sont situées à hauteur de regard, gros plans de visages , professeur comme élèves sont filmés de manière serrée : les mimiques faciales, les éclairs de tension dans les yeux, la revendication provocante des regards et des attitudes, les stratégies du professeur pour recentrer l'intérêt de ses élèves sur l'apprentissage, rien n’échappe à la caméra et donc à notre ressenti.
En salle des professeurs, les plans s'élargissent davantage, laissant aux personnages la latitude de leurs mouvements, leurs entrées et sorties, leurs participations volontaristes aux incidents et anecdotes de la vie courante. Ce n’est qu’au moment d’une crise, ras le bol du "prof de techno" chahuté par ses 4ème 3, que le plan se resserre sur l’expression de sa frustration et de sa révolte face à l’inanité de ses efforts. Ouverture de l'objectif, recul sur ses collègues qui se figent, assistant muets à la scène, concernés, touchés, solidaires mais tout aussi impuissants à résoudre cette éternelle lutte quotidienne, où il suffit d’un rien pour faire déraper un équilibre fragile. Ce jeu d'opposition plans serrés contre plans larges traduit à merveille les contradictions des émotions dont se forge le quotidien : plan rapproché sur le visage de la personne qui rapporte l'arrestation d'une mère d'élève sans papiers, élargissement sur la collègue qui rebondit en annonçant sa grossesse. Émoi et lutte sociale contre joie et construction individuelle, va et vient vital. Et quand le soir venu, le professeur arpente d’interminables couloirs déserts, la caméra suit son cheminement solitaire dans ce labyrinthe où se devine toute sa lutte intérieure contre le découragement.
La cour de récréation est pratiquement toujours filmée du dessus, de sorte qu’on y voit les élèves se déplacer comme des pions sur un échiquier très encombré. Les groupes se côtoient, se heurtent, s’éloignent ou se resserrent comme les boules d’un flipper. Le spectateur perçoit alors avec acuité combien cette étrange chorégraphie traduit les épisodes successifs de nombreux drames et d'intrigues sans concessions. C’est là que les tensions peuvent atteindre leur apogée ou se diluer comme un château de sable sous l’effet de la marée montante.

Le thème du film ne repose pas sur un scénario compliqué, c’est une fiction qui reconstitue l’essentiel de la vie d’une classe d’adolescents dans un collège. Chronique synthétique d'une année en quatrième, dans un collège parisien presque banal. Pas question de milieu privilégié ou porteur, mais pas la Zep non plus, nous fait-on remarquer d’emblée. N’empêche que les visages des élèves constituent une jolie mosaïque et leurs propos s’enveloppent d’accents faubouriens plus ensoleillés que nordiques. C’est le reflet de la société qui vit dehors, dans la ville, mais le huis clos du collège en révèle et exacerbe les difficultés.
Ce sera donc une sorte de constat sociétal, cette classe devenant un laboratoire permettant d’observer les débats des élèves face aux apprentissages. Fascinant, n’est-ce pas, la patience du professeur de français obligé de reprendre à nouveau l’étude des conjugaisons, de rectifier inlassablement la syntaxe la plus élémentaire, de débroussailler l’énigme des mots inconnus pour donner un sens au texte lu sans enthousiasme. Travail de Sisyphe, et ce n’est là qu’un mince aspect des tâches à assumer face au groupe d’adolescents. Car ceux-là vivent d'abord des conflits entre eux, des frictions familiales qui transpercent ces fameux murs et parasitent leur accès aux apprentissages. Je ne peux m’empêcher de faire ici référence au chapitre de Pennac relatif à « l’enfant pelure d’oignon » (chap. 10 de Chagrin d’école). C’est tellement évident, surtout quand on assiste en aparté à la réunion de parents et leur cortège de bonne et mauvaise foi. Soumis à tant de tensions, l’élève se rebelle et l’ado qu’il devient ne supporte plus cette montagne de contradictions qui le submerge comme une immense vague. Au lieu de sentir le soutien de son professeur, Khoumba perçoit un acharnement contre elle, au lieu d’exprimer ses difficultés familiales Souleymane s’enferre dans une provocation sans limites. Même la sage Julie se range aux côtés de la bagarreuse Esméralda, en adhésion avec le groupe, soucieuse de ne pas écorner la solidarité du corps social de la classe. Et survient forcément l’insolence de trop, la provocation ultime qui « tombe mal », moins facile à gérer ce jour-là et s’enclenche une spirale de violence où tous les protagonistes perdent prise.

Pour GéO, le film est négatif car il aboutit à un constat d’échec. Pour moi, c’est un formidable miroir du Travail et du Métier de Prof. Quelques applaudissements en fin de séance témoignent du reflet fidèle à la réalité vécue par nombre d’entre eux. Même si je n’ai pas été confrontée à des cas aussi extrêmes, j’ai reconnu des chapitres entiers de ma vie professionnelle et leurs conséquences. Un cocktail détonnant de fébrilité et d’abnégation, de volontarisme et d’écoute, de sensibilité et de rigueur, une pensée de tête chercheuse pour comprendre la situation et proposer des solutions, jamais de remède miracle mais pas ou peu d’abandon…
Je voudrais que les spectateurs du film savourent ce document comme un chef d'œuvre, car il y a le réel talent de Laurent Cantet à dresser ce tableau d’un fait social. La direction des comédiens improvisés subjugue par la véracité de leur jeu, la mise en scène colle aux joutes présentées et leur confère une valeur symbolique.Toutes ces qualités justifient amplement l'octroi de la Palme d'Or au printemps dernier.
Mais j’aimerais que les spectateurs perçoivent également dans leurs entrailles comme dans leur esprit cette volonté ténue et obstinée d’une profession parfois décriée et mal- aimée, qu’il ne faudrait pas trop dévaloriser car ils vont finir par devenir rares, nos profs. Quant à l'échec de notre système scolaire, il est latent, probant, mais il est évident que la solution ne réside pas entre les murs. C'est bien en amont, dans notre société que s'est forgé l'abandon de la rigueur et de la cohérence éducative qui donnaient une structure mentale à la majorité de notre progéniture. Ce n'est pas tant l'insolence des élèves actuels qu'il convient évidemment de blâmer. C'est le constat des échecs successifs des rustines collées ici et là par la succession de ministres plus désireux de marquer de leur nom un pouvoir éphémère, que d'analyser les causes des malaises et d'envisager l'adoption de mesures fondamentales et ( sûrement) impopulaires. Démagogie des dernières décennies du XXème siècle, angélisme et défaitisme ont sapé les fondations de l'Éducation Nationale et assis les professeurs sur des piedestaux en sable. Ah! Ségolène qui transforme les maternelles en crèches gratuites… Ah! les profs toujours coupables d'autoritarisme et sanctionnés à tort et à travers par les tribunaux auxquels on a recours comme si c'était une démarche banale… Ah! les devoirs et les leçons supprimés parce que les parents rentrent trop tard à la maison… Ah! les admissions au baccalauréat prédéfinies par quota pour caser les jeunes en faculté,faire la place aux suivants et prolonger la dépendance des néo-bacheliers plutôt que leur garantir un niveau d'étude valorisant… Jusqu'où va-t-on tirer sur cette corde-là, casser par négligence et manque d'audace les générations montantes qui ne ressentent plus de respect pour le Savoir de leurs mentors mais ne voient dans leur présence obligée à l'École que le lieu d'un entraînement aux luttes existentielles.
Bref, voilà le débat auquel il conviendrait de participer plutôt que de s'insurger contre la part de l'affect dans la pédagogie de François Bégaudeau. Et à tous ceux qui comme lui ont conscience d'exercer un métier humain et charismatique, pour qui les élèves sont d'abord des Êtres Humains à part entière, je tire ma révérence et leur dis "chapeau bas! "

22/03/2008

Joyeuses Pâques !


Pâques, moment du renouveau , de la Renaissance pour les Chrétiens, nous arrive cette année, coïncidence intéressante, au moment d'une fête juive, Pourim et d'une fête musulmane, l'anniversaire du Prophète…
C'est aussi l'arrivée d'un printemps bien boudeur qui n'incite guère aux activités bucoliques…
Voilà qui suffit à m'inspirer le petit divertissement ci-dessous, à réserver à vos minots et qui me vaudra sans nul doute un hochement de tête circonspect d'Aurel pour son indécrottable gamine de mère… J'endosse!
Quant à GéO, vous imaginez ses haussements de sourcil et son sourire ironique:
"amuse-toi bien!"
Je me suis amusée, faites de même et sous la couette, au jardin ou au coin du feu, passez de Bonnes Fêtes de Pâques



19/03/2008

Paris promis, pari tenu

Sur les conseils avisés de Nucie et de Mireille, nous avions projeté de voir Paris lundi dernier. Nous aimons bien réserver nos soirées de Lundi ou Mardi au cinéma, car ce sont des jours où le public est clairsemé, les salles moins chaudes et nauséabondes, petits avantages qui contribuent au confort de la séance… mais en ce moment, le Mardi, c'est… Maupassant!
Nous voici donc à Aix ce lundi. Le Cézanne se situe près de la Place de La Rotonde, dans une petite rue habituellement déserte. Quelle ne fut pas notre surprise de déboucher sur la ruelle pour slalomer entre les badauds; Les trottoirs encombrés, les files d'attente déjà fort longues nous intriguent. Un panneau retient notre attention:
"Pour le film Bienvenue chez les Ch'tis, réservez à l'avance…" Nous n'en revenons pas, ce film rencontre un succès phénoménal, et nous avons bien apprécié, mais quand même!
Nous arrivons à nous glisser jusqu'à la caisse,et là, surprise: 7 € seulement pour nos deux places! Nous n'en revenons pas, mais la caissière sourit… et ça nous revient, le petit encart annexé à la couverture de Télérama: le Printemps du cinéma, quelle heureuse initiative! Dire que nous avons failli le louper, après s'être évidemment promis d'en profiter. Quelle négligence coupable eussions-nous commise!
Petit apparté socio- économique: À Aix, la place de cinéma plein tarif est à 7,5€, voire 8€ pour certaines productions. Il existe un tarif senior dont je ne peux pas bénéficier pour quelques années encore… Le tarif étudiant, c'est râpé depuis longtemps… ce qui signifie que le budget cinéma d'un couple au revenu moyen est soumis à rude épreuve, puisqu'il faut ajouter environ 3 € de parking. Si l'on opte pour le cinéma du centre commercial le plus proche, le parking sera gratuit, mais la place couramment à 9 €, sans pratique de réduction, autre que les cartes de fidélité , lesquelles ne deviennent intéressantes qu'au bout de 6 à 8 séances, ce qui veut dire qu'on ne choisit plus le cinéma en fonction des films ou des horaires, mais du lieu… Liberté chérie…
Bravo donc pour cette opportunité offerte de profiter davantage des ressources du cinéma… J'ai lu récemment qu'en région parisienne, la municipalité de Bagnolet subventionnait une salle pour permettre au jeune public désargenté de bénéficier de séances à tout petit prix, tant mieux, même si les gros producteurs ( MK2 si ma mémoire est bonne) s'insurge et menace de procès pour concurrence déloyale…

Revenons quand même à Paris de Cédric Klapisch, que nous avons vu dans une salle bondée…
C'est un vrai régal, ce film choral où tous les comédiens sont remarquables, même dans des prestations brèves. Saluons d'abord Karin Viard, extraordinaire condensé de commère commerçante. C'est truculent! Albert Dupontel excelle à la nostalgie, ses yeux se perdent dans les brumes internes de sa mélancolie, il est touchant et très humain. Je ne peux pas citer tous les comédiens, mais retenez qu'il n'y a pas une seule fausse note dans le casting. Même Lucchini fait du Lucchini en mode mineur, ça l'améliore… Romain Duris, grand habitué de Klapisch est très crédible en équilibre entre vie et mort et la répartie adressée à sa soeur ( Juliette Binoche, très crédible elle aussi en femme saturée de difficultés ) touche juste:
" Ne te plains pas, profite… T'as quoi, t'as pas mal, t'as deux jambes, deux bras qui fonctionnent, tu bouges comme tu veux, profite, profite de la vie…".
Tout le thème du film est ainsi résumé et il ne nous reste qu'à adopter le point de vue du personnage, prenant notre part des pages de vie tournées par les différents protagonistes. Certains se rencontrent, se croisent, leurs destins interfèrent ou pas, nous passons tous les jours à côté de situations identiques, dont nous n'apprécions pas assez le sel, faute de recul.
Ce fut donc un beau lundi soir, que nous aimerions vous faire partager…

04/03/2008

Du Rire tout simplement chez les Ch'tis

Comme beaucoup de Français, nous nous sommes offert hier soir un p'tiot coup de rire. Sans prétentions, juste idée de se détendre . Et nous avons passé un bon moment de franche hilarité au 1er degré, sans arrière pensée ni méchanceté, au milieu d'un public aixois ausi décomplexé que nous par les gags basiques mais efficaces. Il ne s'agit pas de se prendre la tête, d'affecter le regret d'un manque de profondeur du scénario, foin des poses intello, on s'adonne ici au même rire convivial que pendant la projection de la Grande Vadrouille.….
Cette comparaison qui vient spontanément sous mon clavier n'est pas anodine, car il y a chez Dany Boon quelque chose qui n'est pas sans rappeler le talent de Bourvil. Un franc regard bleu, mélancolique et bon coeur, une apparence de naïveté qui cache sans doute un talent bien plus profond… Ce n'est qu'une intuition, mais je demande à voir la suite de la carrière de ce monsieur.

Le film semble promis à une carrière fructueuse et c'est tant mieux. Bien sûr, l'intrigue est mince et repose essentiellement sur le comique de situation, l'éternel paradoxe des personnages qui endossent des conjonctures dont ils ne veulent pas. L'inadaptation et l'incongruité en sont les ressorts, assortis d'une surprise et d'une revanche qui pâment de réjouissance les spectateurs: enfin, il n'est plus question que de magnifier cette belle Provence que cinéma et littérature ont déjà copieusement servie! L'idée est de donner une aura à une région bien moins connue et de mettre à l'honneur un parler savoureux quoiqu' ignoré voire méprisé parfois. Dany Boon en fait un ressort comique et joue de l'ambiguïté et de la surprise (oh les jeux de mots !), on peut pressentir que certaines répliques vont accéder sans tarder au régime "culte" d'ici peu… Il me semble que ce qui m'a le plus réjoui finalement, c'est la convivialité dépeinte et je pense que le public aixois y a été bien sensible aussi…Pourtant, nous vivons dans une région où cette qualité n'a guère cour: que l'immigrant parisien reçu pour un simple café par un Provençal d'origine lève le doigt! Quelle leçon, mazette!