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14/10/2008

Au cirque

Petit reportage consacré cette fois au quotidien du pensionnaire équilibriste.

En effet, notre Copain progresse hardiment dans la découverte de ses multiples dons.
La semaine dernière l'animal a jugé utile de s'introduire dans l'espace piscine, pourtant toujours fermé, malgré la bâche d'hivernage que j'imaginais suffisamment protectrice. Que nenni! Profitant de mon absence, GéO lisait tranquillement sur la terrasse, d'où l'on a un petit angle de vue sur la piscine, derrière l'arche des cyprès. Allez savoir pourquoi, son regard est tout à coup attiré par une impression de remous et de vagues sur la matière bleue, habituellement rigide. Intrigué, notre GéO lache son magazine et s'avance vers le phénomène, redoutant un brusque Tsunami au fond de l'onde enfermée. Au détour des cyprès, son regard capte l'étendue du bassin.
Qui trônait au milieu de la belle bâche? Indifférent aux mouvements qu'il provoquait sur ce trampoling improvisé, notre Copain y avait emmené la fameuse baballe rouge, et , profitant de la flaque centrale due aux intempéries de la semaine passée,s'efforçait de recréer les exercices estivaux de noyade- sauvetage du précieux objet. je vous laisse à penser et imaginer la série harmonieuse d'imprécations que l'expérience a déclenchée… "Regarde Ton chien……"

Tenace et guère découragé par l'incompréhension que rencontrent ses efforts d' apprenti jongleur, Copain reproduit les conditions nécessaires de trempage de la boule caoutchoutée dans la cuvette- abreuvoir qui reste à leur disposition… Nouvelle réprimande du Maître, qui n'admet pas que la dite baballe enrobée de terre mouillée souille le récipient et oblige à renouveler l'eau trois fois par jour!

Cet après-midi, notre pause café sur la terrasse a donné lieu, comme d'habitude aux "lancer-rapporter" de l'objet, ou ce qui en reste. Comme une vieille pelure d'orange rouge, fendue sur les trois-quarts de sa circonférence, la baballe se prête encore au jeu, mais elle rebondit nettement moins bien… Il faudra songer à lui trouver une remplaçante.
Un lancer malheureux du maître envoie l'objet dans les bambous. Les astuces du Copain sont si drôles que je ne résiste pas à l'envie de monter chercher l'appareil… Voici donc les témoins de l'expérience suivante.

Copain chien de cirque, il a de l'avenir ce petit…

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13/10/2008

L'empire des Larmes

Je reviens un instant sur une des lectures de l’été, une parenthèse Saga, plaisir lyrique qu’il faut savoir savourer à son heure…

Il s'agit d'un ouvrage en deux volumes, regroupés sous le titre commun de L’Empire des Larmes.
Cet empire, au sens propre c’est celui du Milieu, la Chine du XIXe siècle, où l’auteur José Frèches nous emmène à la découverte de la colonisation économique du pays par un autre empire, celui de la Couronne Britannique. En considérant la seconde partie du titre, le lecteur prendra la mesure des ravages engendrés par l’asservissement des chinois à une oppression d'un genre très particulier...
l’impérialisme britannique passe par l’introduction massive de l’opium sur le territoire chinois, en provenance des Indes le plus souvent, et revendu massivement à un peuple misérable, dans une Chine ravagée par la corruption et la déliquescence du régime impérial. L’action se déroule sur presque trente ans, c’est le principe d’une Saga, et nous permet de suivre les destinés de personnages très divers.

Le premier tome de l'ouvrage, la guerre de l'opium, commence en 1847 et dresse le tableau de cette page d'Histoire. La première intrigue se noue autour d'une famille anglaise expatriée en Chine pour faire fortune dans le commerce de pianos, et se venger d’un sort difficile. Mais l’Eldorado s’avère pourri et les chinois définitivement imperméables à la musique occidentale. Premier fil à dévider, nous suivons la descente aux enfers de cette famille, la mort du père, la contrition de la mère et son ultime sacrifice, le courage et la vertu de la fille Laura, qui prend en charge son frère trisomique en dépit des difficultés où la fratrie se trouve engluée. C’est le destin de Laura qui dévide la pelote, en rencontrant La Pierre de Lune, fils caché de l’Empereur Mandchou Daoguang. Le jeune homme est menacé de mort par de cupides conseillers mais ignore le péril qui le guette. La Pierre de Lune et Laura s’aiment et leur lien dessine la trajectoire de l’intrigue : bien sûr leur amour est contrarié, les amants se perdent et se cherchent jusqu’au dénouement du second volet. En parallèle se noue une autre idylle hors norme, celle du Prince Tang avec une jeune paysanne contorsionniste qu’il sauve du Gynécée impérial. D’abord rallié au pouvoir par confort, ce personnage change son système de valeurs en rencontrant l’Amour en la personne de Jasmin Éthéré, se déclare félon au pouvoir et entre en résistance. Mais pas plus que la jeune Anglaise et le Bâtard Impérial, le prince ne pourra conserver près de lui sa paysanne. Car ces amours-là reposent sur des mésalliances, la pureté de leurs liens s’affranchit des tabous victoriens et impériaux, sur fond d’évangélisation forcée, de manipulations politiques, de détournements d’objets précieux. José Frèches observe un schéma romanesque assez classique : ses personnages « purs » évoluent parmi les représentants de la lie morale. Le portrait de l’Angleterre victorienne est peu flatteur : à travers la Compagnie des Indes et les corporations marchandes, les représentants diplomatiques de la Couronne, les ordres religieux plus affidés aux trafics de Biens qu’à la transmission de leur foi, l’Europe civilisée apparaît plus dépravée encore que le pouvoir impérial chinois, pourtant roulé dans la fange de la décadence absolue. Isolé de tous et tout, l’empereur n’est plus que la marionnette de ses conseillers cupides qui s’affrontent par clans. Au point de ne plus se souvenir d’avoir abandonné son fils…

Le second volet de l’ouvrage, le sac du palais d’été, nous permet de suivre les épisodes d’une guerre interne, la rébellion contre le pouvoir Mandchou menée par Hong, un curieux illuminé passé par la case évangélisation avant de s’investir en Christ rédempteur. Dans ce contexte de guerre civile Laura se retrouve mêlée à ce groupe de partisan qui la protège plus ou moins, elle, son frère débile et l’enfant qu’elle a eu de La Pierre de Lune. Tandis que les péripéties des combats se succèdent, le destin du fils caché de l'Empereur connaît de sinistres rebondissements, sa mère,concubine "libre", réapparaît pour le sauver, mais elle meurt victime des eunuques, qui craignent que cet héritier improbable ne contrecarre leur influence. Violence et passion constituent la toile de fond de ce second roman, folie meurtrière et destructrice, Laura est contrainte de fuir la société des rebelles, rencontre des pirates japonais, manque périr dans un naufrage, tandis que la Pierre de Lune est victime à son tour de brigands rebelles… Voilà pour l'essentiel des péripéties et la menée d'un suspense à rebondissements multiples. Les personnages sont dessinés à grands traits, ils s'apparentent aux archétypes romanesques monoblocs: héroïsme, droiture , félonie ou cupidité . Peu donc de psychologie dans les déchirements que vivent les personnages, mais de nombreuses figures secondaires emblématiques du genre. Du jésuite affairiste au barbare chef de la rébellion, celui-ci étant par ailleurs le personnage secondaire le plus original et le plus fascinant.
Le sac du Palais d’été dessine la fin d’une dynastie, l’achèvement d’une civilisation usée de l’intérieur, ce qui l’affaiblit contre les dangers venus d’ailleurs. Rongé de misère, miné par l’opium et la veulerie, courbé sous les caprices de la corruption, L’Empire du Milieu sombre sous les coups de l’autre Empire, celui des Britanniques représentant un monde tout aussi sournois, cupide et vain. José Frèches construit de ces deux sociétés un portrait cruel qui nous éclaire peut-être sur le fossé qui persiste entre Asie et Occident.

José Frèches a écrit d’autres ouvrages sur la Chine et son histoire, ce roman, manifestement très documenté, apporte un éclairage particulier sur un pan de notre propre passé, guère glorieux. Voilà un intérêt qui n’est pas des moindres. La Saga romanesque convient à merveille aux séances de lecture cocoonage, petite gourmandise que les soirées fraîchissantes autorisent autant que les siestes- lecture à l’ombre de la piscine… Ne boudons pas ce plaisir.

L'empire des Larmes, de José Frèches , tome 1: la guerre de l'opium, tome 2: le sac du palais d'été, édition XO, année 2006.
Lien avec le site de l'auteur pour apprécier sa culture asiatique:http://www.josefreches.com/ouvrages.php

12/10/2008

Venimeuses

Ou encore:
"Ce que Carla doit endurer!"*


Longtemps sourde muette et aveugle à ce si puissant ressort humain, j'ai attendu ma cinquième décennie pour m'y frotter le cuir…Et alors là, je vais vous dire: ça pique, ça racle, ça mord et ça brûle. En un mot ça agace et ça détruit.
Oh les situations sont multiples! J'ai caressé un temps l'envie tenace d'en dresser un répertoire, une suite de "Caractères" en belles Lettres, celle-ci avec ses amitiés inventées, celle-là avec l'inventaire de ses vacheries distillées au compte-gouttes,parfois par personnes interposées, celui-là encore avec ses envies et sa mauvaise foi, toutes les remarques hypocrites et les ficelles coupe-jarret.
Et puis à quoi bon tomber dans le piège de leur accorder tant d'importance, à ses faux dévots de l'amitié, à ces pissent-vinaigre familiaux, à ces despotes racornis sur un rêve d'allégeance, fondé sur qui, sur quoi?
Tout est prétexte aux jaloux: une amitié qui se crée sous leurs yeux, quelques kilos de moins sur les hanches qui pèsent sur le coeur en face, quelques compliments trop publics, un meuble en héritage ou même un malheur dont on parle et un Bonheur qu'on reconstruit, crime suprême!… La palette est vaste, infinie pourrait-on dire, et presque personne n'y échappe.
Alors sans règlement de compte particulier mais dans le but bien défini de jeter la coupe au loin et de me débarrasser des scories de ces jalousies larvées qui grouillent sous nos pavés, je me suis amusée un brin et bois la lie: je confie mon délire à la toile, si ça vous amuse, c'est parfait mais éphémère, , si ça vous lasse, fuyez, ça ne vous rattrapera pas…

De tous les fléaux de l’Humanité
Le plus écoeurant, Ce Virus infâme
Logé au coeur, il pourrit les âmes
Tare les fratries, gâte les amitiés
Se joue de nos amours, ficelle nos peines
De ses recettes "Querelles pleines."

Sur son chemin, muni de deux outils
Bien aiguisés, parés et apprêtés,
Il darde ses aiguillons, ses flèches
Empoisonnées comme des pointes sèches
Au plus profond des liens régentés
Par la tyrannie de Haine ressentie.

Dès le berceau on l’a vue réagir
À la bile du nouveau- né, son fiel
Ajouté, débordant sur ses frères
Son haleine surie, ses jeux pervers
Instituant leur devoir potentiel
« À la Petit’ vous devez obéir!»

Calomnie et Zizanie pour amies
Elle s’entoure d’une volée d’ennemies
Aveuglées de médisances choisies
Bonnes paroles, mensonges à demi
Elle sème à tous vents, message trahi
Vérités arrangées, Amour banni.

D’une voix forte, parfois, elle aboie :
Ses franches remontrances ouvrent grand
Le débat, la mesure du désarroi
Elle s’épanche, déverse ses émois,
Réclame Attention et Dévouement,
Compassion, Profession de Foi…

Méfiance pour sa victime émue !
Elle ne suit qu’une règle, qu’une loi
Sur les Humains, elle a jeté sa glue
Sous Pardon ni Pitié elle ne ploie
Calomnie et Zizanie pour amies
Sur le Monde règne La Jalousie.


*Rassurez-vous, je n'établis aucun parallèle entre ma petite personne et la superbe jeune femme qui parade sur les unes des magazines, merci à elle de ne pas se froisser du clin d'oeil …

08/10/2008

Un air d'automne


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Elle a l'air bien tentante, toute propre , à s'offrir ainsi sans pudeur à l'objectif.
Jusqu'au 20 Septembre, GéO s'est offert son bain quotidien, l'eau se dégustant encore à 25°, soutenus il est vrai par le système de chauffage maison, vous vous souvenez?
Je confesse que ma petite nature frileuse renonce aux joies du bain de pieds un peu plus tôt…
Approchez-vous un peu plus près du coin, là, vous voyez ce qui nous motive?
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Aidée par la fraîcheur nocturne,la température est descendue au point de départ, nous avons bouclé l'été et ses délices. Il faut se résigner…


Ouverte en Avril cette année, les premiers baigneurs se sont montrés hardis dès dix-huit degrés.
Pour notre part, nous sommes assez satisfaits de nos cinq mois de baignade, Copain a pris goût au sauvetage de la baballe, il a même souvent résolu de la jeter lui-même dans le bassin, quand les versatiles humains se lassaient de l'exercice…
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Un air d'automne est arrivé.
Transats et fauteuils sont rangés à l'abri du Poulous.
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Aujourd'hui, la douche divine contredit mes propos d'hier…
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Décidément, l'automne réussit son entrée .
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Il ne reste à Copain que le sous-bois pour y traîner ses dernières conquêtes…
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07/10/2008

goutte à goutte ô combien …

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Constat du jour dans un petit coin de la contrée que nous surveillons avec un intérêt tout particulier.
Il existe entre collines et mer une petite vallée particulière, peu fréquentée, à l’abri des regards car la route qui y mène est étroite et sinueuse, et pour tout dire, pas vraiment bien indiquée.

Nous l’avons découverte au hasard de nos vagabondages et ce matin, sur la route de Sainte Maxime, le ciel zébré et l’inspiration du moment nous ont poussés à bifurquer vers cette oasis.

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En vue du pont passerelle que nous avons baptisé le pont de Madison, il suffit de rater le virage et nous stationnons en contrebas, le long d’un curieux plateau rocheux micassé. Au soleil, la plate-forme étincelle. De l’autre côté du lit de la rivière, les ruines d’un moulin témoignent d’une opulence révolue, nous les avons maintes fois parcourues avec respect…

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Le site habituellement verdoyant est marqué à l’ouest par une retenue barrant tout le front de la rivière, créant un joli débord qui ruisselle sur la plate- forme et alimente une fosse profonde , juste à l’endroit où le moulin fut jadis bâti et nourri du courant ainsi renforcé. Cette eau affleurante use la roche et lui permet de lustrer ses pépites dans les rayons du soleil, d’où l’attrait irrésistible de cet endroit.
Mais aujourd’hui, le spectacle est désolant.
Le plateau nous offre son aridité brutale. Il ne reste rien de cette splendeur, sinon ce plateau nu, de rares bouquets d’herbes blanchies, les mousses brunies accrochées à la roche.
Ici GéO contemple le barrage asséché, rempart inutile veillant sur le lit tari.

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La fosse naturelle devant l’ancien moulin s’est vidée de l’essentiel de son eau. Il suffit de regarder les rochers de la faille pour retrouver le niveau habituel des eaux. Plus loin sur le plateau, quelques bois flottés se sont échoués lors du dernier orage, il y a déjà bien trop longtemps.

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Une plage est apparue, avant que l’Aille ne reprenne son cours minuscule, réduit à l’état de gué .
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Quelques anfractuosités des roches ont conservé un semblant de flaques.
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Et là, petit miracle du jour, la princesse du marais a pointé le bout de son nez… Regardez, c’est cadeau !

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06/10/2008

Entre les murs

Attendu depuis le prestigieux palmarès de Cannes 2008 , Entre les murs qualifié d »’amazing film » par Sean Penn lui-même, le film de Laurent Cantet connaît donc un beau succès et c’est tant mieux.

J’étais pour ma part assez curieuse de découvrir enfin l’opus abondamment commenté et critiqué depuis mai dernier. Où n’a-t-on pas lu des débats contradictoires à son propos ? Aussi, fidèles à nos habitudes, nous nous sommes offert une toile mardi dernier, à l’heure où nombre d’entre vous travaillent encore tandis que d’autres s’activent à la préparation du dîner.

La salle n’était pas bondée, le public plutôt trentenaire, quelques couples nettement plus grisonnants, les familles se pressaient plutôt dans la salle voisine où les attendait Wall-e.

De Laurent Cantet, nous avions revu la semaine précédente Ressources Humaines, magnifiquement interprété par Jalil Lespert et une grande brochette de comédiens amateurs, remarquablement véridiques dans l’interprétation de rôles proches de leur propres destins. Nous ne sommes donc pas surpris par le long plan séquence du petit café que le prof Bégaudeau/Marin s’accorde avant d’entrer dans la fosse aux lions. La présentation des profs et la description des rituels de prérentrée constituent une introduction rapide des personnages qui auront à participer au dénouement de la crise finale, une mise en place efficace. Laurent Cantet cerne toujours la sobriété pour décrire un milieu, l’usine dans Ressources Humaines, ici le collège et ses trois axes, lieux où l’action s’enracine, se noue, se dramatise ou se dégonfle : la classe, la salle des profs, la cour de récréation.

Les vues de la classe sont situées à hauteur de regard, gros plans de visages , professeur comme élèves sont filmés de manière serrée : les mimiques faciales, les éclairs de tension dans les yeux, la revendication provocante des regards et des attitudes, les stratégies du professeur pour recentrer l'intérêt de ses élèves sur l'apprentissage, rien n’échappe à la caméra et donc à notre ressenti.
En salle des professeurs, les plans s'élargissent davantage, laissant aux personnages la latitude de leurs mouvements, leurs entrées et sorties, leurs participations volontaristes aux incidents et anecdotes de la vie courante. Ce n’est qu’au moment d’une crise, ras le bol du "prof de techno" chahuté par ses 4ème 3, que le plan se resserre sur l’expression de sa frustration et de sa révolte face à l’inanité de ses efforts. Ouverture de l'objectif, recul sur ses collègues qui se figent, assistant muets à la scène, concernés, touchés, solidaires mais tout aussi impuissants à résoudre cette éternelle lutte quotidienne, où il suffit d’un rien pour faire déraper un équilibre fragile. Ce jeu d'opposition plans serrés contre plans larges traduit à merveille les contradictions des émotions dont se forge le quotidien : plan rapproché sur le visage de la personne qui rapporte l'arrestation d'une mère d'élève sans papiers, élargissement sur la collègue qui rebondit en annonçant sa grossesse. Émoi et lutte sociale contre joie et construction individuelle, va et vient vital. Et quand le soir venu, le professeur arpente d’interminables couloirs déserts, la caméra suit son cheminement solitaire dans ce labyrinthe où se devine toute sa lutte intérieure contre le découragement.
La cour de récréation est pratiquement toujours filmée du dessus, de sorte qu’on y voit les élèves se déplacer comme des pions sur un échiquier très encombré. Les groupes se côtoient, se heurtent, s’éloignent ou se resserrent comme les boules d’un flipper. Le spectateur perçoit alors avec acuité combien cette étrange chorégraphie traduit les épisodes successifs de nombreux drames et d'intrigues sans concessions. C’est là que les tensions peuvent atteindre leur apogée ou se diluer comme un château de sable sous l’effet de la marée montante.

Le thème du film ne repose pas sur un scénario compliqué, c’est une fiction qui reconstitue l’essentiel de la vie d’une classe d’adolescents dans un collège. Chronique synthétique d'une année en quatrième, dans un collège parisien presque banal. Pas question de milieu privilégié ou porteur, mais pas la Zep non plus, nous fait-on remarquer d’emblée. N’empêche que les visages des élèves constituent une jolie mosaïque et leurs propos s’enveloppent d’accents faubouriens plus ensoleillés que nordiques. C’est le reflet de la société qui vit dehors, dans la ville, mais le huis clos du collège en révèle et exacerbe les difficultés.
Ce sera donc une sorte de constat sociétal, cette classe devenant un laboratoire permettant d’observer les débats des élèves face aux apprentissages. Fascinant, n’est-ce pas, la patience du professeur de français obligé de reprendre à nouveau l’étude des conjugaisons, de rectifier inlassablement la syntaxe la plus élémentaire, de débroussailler l’énigme des mots inconnus pour donner un sens au texte lu sans enthousiasme. Travail de Sisyphe, et ce n’est là qu’un mince aspect des tâches à assumer face au groupe d’adolescents. Car ceux-là vivent d'abord des conflits entre eux, des frictions familiales qui transpercent ces fameux murs et parasitent leur accès aux apprentissages. Je ne peux m’empêcher de faire ici référence au chapitre de Pennac relatif à « l’enfant pelure d’oignon » (chap. 10 de Chagrin d’école). C’est tellement évident, surtout quand on assiste en aparté à la réunion de parents et leur cortège de bonne et mauvaise foi. Soumis à tant de tensions, l’élève se rebelle et l’ado qu’il devient ne supporte plus cette montagne de contradictions qui le submerge comme une immense vague. Au lieu de sentir le soutien de son professeur, Khoumba perçoit un acharnement contre elle, au lieu d’exprimer ses difficultés familiales Souleymane s’enferre dans une provocation sans limites. Même la sage Julie se range aux côtés de la bagarreuse Esméralda, en adhésion avec le groupe, soucieuse de ne pas écorner la solidarité du corps social de la classe. Et survient forcément l’insolence de trop, la provocation ultime qui « tombe mal », moins facile à gérer ce jour-là et s’enclenche une spirale de violence où tous les protagonistes perdent prise.

Pour GéO, le film est négatif car il aboutit à un constat d’échec. Pour moi, c’est un formidable miroir du Travail et du Métier de Prof. Quelques applaudissements en fin de séance témoignent du reflet fidèle à la réalité vécue par nombre d’entre eux. Même si je n’ai pas été confrontée à des cas aussi extrêmes, j’ai reconnu des chapitres entiers de ma vie professionnelle et leurs conséquences. Un cocktail détonnant de fébrilité et d’abnégation, de volontarisme et d’écoute, de sensibilité et de rigueur, une pensée de tête chercheuse pour comprendre la situation et proposer des solutions, jamais de remède miracle mais pas ou peu d’abandon…
Je voudrais que les spectateurs du film savourent ce document comme un chef d'œuvre, car il y a le réel talent de Laurent Cantet à dresser ce tableau d’un fait social. La direction des comédiens improvisés subjugue par la véracité de leur jeu, la mise en scène colle aux joutes présentées et leur confère une valeur symbolique.Toutes ces qualités justifient amplement l'octroi de la Palme d'Or au printemps dernier.
Mais j’aimerais que les spectateurs perçoivent également dans leurs entrailles comme dans leur esprit cette volonté ténue et obstinée d’une profession parfois décriée et mal- aimée, qu’il ne faudrait pas trop dévaloriser car ils vont finir par devenir rares, nos profs. Quant à l'échec de notre système scolaire, il est latent, probant, mais il est évident que la solution ne réside pas entre les murs. C'est bien en amont, dans notre société que s'est forgé l'abandon de la rigueur et de la cohérence éducative qui donnaient une structure mentale à la majorité de notre progéniture. Ce n'est pas tant l'insolence des élèves actuels qu'il convient évidemment de blâmer. C'est le constat des échecs successifs des rustines collées ici et là par la succession de ministres plus désireux de marquer de leur nom un pouvoir éphémère, que d'analyser les causes des malaises et d'envisager l'adoption de mesures fondamentales et ( sûrement) impopulaires. Démagogie des dernières décennies du XXème siècle, angélisme et défaitisme ont sapé les fondations de l'Éducation Nationale et assis les professeurs sur des piedestaux en sable. Ah! Ségolène qui transforme les maternelles en crèches gratuites… Ah! les profs toujours coupables d'autoritarisme et sanctionnés à tort et à travers par les tribunaux auxquels on a recours comme si c'était une démarche banale… Ah! les devoirs et les leçons supprimés parce que les parents rentrent trop tard à la maison… Ah! les admissions au baccalauréat prédéfinies par quota pour caser les jeunes en faculté,faire la place aux suivants et prolonger la dépendance des néo-bacheliers plutôt que leur garantir un niveau d'étude valorisant… Jusqu'où va-t-on tirer sur cette corde-là, casser par négligence et manque d'audace les générations montantes qui ne ressentent plus de respect pour le Savoir de leurs mentors mais ne voient dans leur présence obligée à l'École que le lieu d'un entraînement aux luttes existentielles.
Bref, voilà le débat auquel il conviendrait de participer plutôt que de s'insurger contre la part de l'affect dans la pédagogie de François Bégaudeau. Et à tous ceux qui comme lui ont conscience d'exercer un métier humain et charismatique, pour qui les élèves sont d'abord des Êtres Humains à part entière, je tire ma révérence et leur dis "chapeau bas! "