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22/03/2008

Joyeuses Pâques !


Pâques, moment du renouveau , de la Renaissance pour les Chrétiens, nous arrive cette année, coïncidence intéressante, au moment d'une fête juive, Pourim et d'une fête musulmane, l'anniversaire du Prophète…
C'est aussi l'arrivée d'un printemps bien boudeur qui n'incite guère aux activités bucoliques…
Voilà qui suffit à m'inspirer le petit divertissement ci-dessous, à réserver à vos minots et qui me vaudra sans nul doute un hochement de tête circonspect d'Aurel pour son indécrottable gamine de mère… J'endosse!
Quant à GéO, vous imaginez ses haussements de sourcil et son sourire ironique:
"amuse-toi bien!"
Je me suis amusée, faites de même et sous la couette, au jardin ou au coin du feu, passez de Bonnes Fêtes de Pâques



19/03/2008

Paris promis, pari tenu

Sur les conseils avisés de Nucie et de Mireille, nous avions projeté de voir Paris lundi dernier. Nous aimons bien réserver nos soirées de Lundi ou Mardi au cinéma, car ce sont des jours où le public est clairsemé, les salles moins chaudes et nauséabondes, petits avantages qui contribuent au confort de la séance… mais en ce moment, le Mardi, c'est… Maupassant!
Nous voici donc à Aix ce lundi. Le Cézanne se situe près de la Place de La Rotonde, dans une petite rue habituellement déserte. Quelle ne fut pas notre surprise de déboucher sur la ruelle pour slalomer entre les badauds; Les trottoirs encombrés, les files d'attente déjà fort longues nous intriguent. Un panneau retient notre attention:
"Pour le film Bienvenue chez les Ch'tis, réservez à l'avance…" Nous n'en revenons pas, ce film rencontre un succès phénoménal, et nous avons bien apprécié, mais quand même!
Nous arrivons à nous glisser jusqu'à la caisse,et là, surprise: 7 € seulement pour nos deux places! Nous n'en revenons pas, mais la caissière sourit… et ça nous revient, le petit encart annexé à la couverture de Télérama: le Printemps du cinéma, quelle heureuse initiative! Dire que nous avons failli le louper, après s'être évidemment promis d'en profiter. Quelle négligence coupable eussions-nous commise!
Petit apparté socio- économique: À Aix, la place de cinéma plein tarif est à 7,5€, voire 8€ pour certaines productions. Il existe un tarif senior dont je ne peux pas bénéficier pour quelques années encore… Le tarif étudiant, c'est râpé depuis longtemps… ce qui signifie que le budget cinéma d'un couple au revenu moyen est soumis à rude épreuve, puisqu'il faut ajouter environ 3 € de parking. Si l'on opte pour le cinéma du centre commercial le plus proche, le parking sera gratuit, mais la place couramment à 9 €, sans pratique de réduction, autre que les cartes de fidélité , lesquelles ne deviennent intéressantes qu'au bout de 6 à 8 séances, ce qui veut dire qu'on ne choisit plus le cinéma en fonction des films ou des horaires, mais du lieu… Liberté chérie…
Bravo donc pour cette opportunité offerte de profiter davantage des ressources du cinéma… J'ai lu récemment qu'en région parisienne, la municipalité de Bagnolet subventionnait une salle pour permettre au jeune public désargenté de bénéficier de séances à tout petit prix, tant mieux, même si les gros producteurs ( MK2 si ma mémoire est bonne) s'insurge et menace de procès pour concurrence déloyale…

Revenons quand même à Paris de Cédric Klapisch, que nous avons vu dans une salle bondée…
C'est un vrai régal, ce film choral où tous les comédiens sont remarquables, même dans des prestations brèves. Saluons d'abord Karin Viard, extraordinaire condensé de commère commerçante. C'est truculent! Albert Dupontel excelle à la nostalgie, ses yeux se perdent dans les brumes internes de sa mélancolie, il est touchant et très humain. Je ne peux pas citer tous les comédiens, mais retenez qu'il n'y a pas une seule fausse note dans le casting. Même Lucchini fait du Lucchini en mode mineur, ça l'améliore… Romain Duris, grand habitué de Klapisch est très crédible en équilibre entre vie et mort et la répartie adressée à sa soeur ( Juliette Binoche, très crédible elle aussi en femme saturée de difficultés ) touche juste:
" Ne te plains pas, profite… T'as quoi, t'as pas mal, t'as deux jambes, deux bras qui fonctionnent, tu bouges comme tu veux, profite, profite de la vie…".
Tout le thème du film est ainsi résumé et il ne nous reste qu'à adopter le point de vue du personnage, prenant notre part des pages de vie tournées par les différents protagonistes. Certains se rencontrent, se croisent, leurs destins interfèrent ou pas, nous passons tous les jours à côté de situations identiques, dont nous n'apprécions pas assez le sel, faute de recul.
Ce fut donc un beau lundi soir, que nous aimerions vous faire partager…

17/03/2008

La Passe dangereuse

Somerset Maugham
La passe dangereuse
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À priori, en me saisissant de l’ouvrage, je savais que je passerai un bon moment, souvenir lointain des aventures de Mr Ashenden, agent secret. Mais je n’en attendais pas d’enthousiasme particulier, certaine que le temps avait relégué l’intérêt de l’intrigue à un divertissement un peu kitsch, comme les polars d’Agatha Christie : on les lit et relit avec plaisir, mais on ne s’y reconnaît pas, tant les personnages évoluent dans un contexte social et psychologique dépassé.
De fait la passe dangereuse, The painted Veil, a été porté deux fois au cinéma, en 1934 par Richard Boleslawski, avec Greta Garbo, George Brent, et Herbert Marshall; en 2006, très récemment donc, par John Curran, avec Naomi Watts, Edward Norton et Liev Schreiber. Je n’ai vu aucun de ces deux films, mais je comprends, après l’avoir lu, que ce roman inspire les scénaristes pour une adaptation cinématographique, tant il est riche et bien construit.

L’intrigue initiale est simple, et dès son exposition, il apparaît que le mariage de l’héroïne, Kitty, est une erreur induite par le conformisme social. Cette décision hâtive et mal fondée est assortie d’une expatriation partielle, puisque son scientifique de mari, Walter Lane, est en poste à Hong Kong. Appartenant à la société anglaise de la colonie Britannique, Kitty n’est en rien sauvée des griffes du conformisme et trouve une issue à l’étouffement d’un mariage sans amour : elle devient la maîtresse ardente de Charles Townsend, personnage snob et ambitieux . L’habileté de Somerset Maugham, c’est de ne pas nous laisser une seconde dupes du nouveau piège dans lequel son personnage féminin s’est englué. Dès le chapitre où l’auteur nous décrit l’inquiétude des amants qui se savent découverts, nous savons que Kitty se fait des illusions sur la force des sentiments de son acolyte, et que la déconvenue est inévitable.
La suite de l’histoire est plus originale. Le froid et distant Walter n’est pas forcément le cocu magnifique que l’on pourrait croire et le marché qu’il propose à son épouse volage entraîne un intéressant rebondissement de l’intrigue… Divorcer et déchoir du peu qu’elle a construit, ou bien… Accompagner son époux dans une province lointaine où sévit une épidémie de Choléra…Mort sociale ou mort certaine ?

Évidemment, je l’ai déjà noté, le caractère de l’amant, Charles Townsend est vite cerné, et restera un peu abrupt. En revanche la psychologie de Kitty évolue, de la provinciale affolée, elle mûrit par les épreuves de la vie. Nous avons l’occasion d’une belle rencontre également avec le personnage secondaire de Waddington tandis que le portrait des dévouées religieuses de Mei tan Fu est plus conformiste. La seconde partie du roman devient vraiment prenante et justifie le choix de conserver toujours une petite place à la littérature anglo-saxonne du début XXe.

13/03/2008

À cause d'un rêve

D’un geste sec, elle resserre la ceinture nouée de son imperméable, et reprend sa marche nerveuse dans le hall du terminal de Roissy.
Bien malgré elle, son regard cherche la pendule qui égrène les minutes avec une lenteur exaspérante. Devant la porte 32, elle attend l’heure d’embarquer comme un naufragé regarde flotter vers lui le radeau qui lui permettra de survivre…Plus qu’une grosse demi-heure avant de franchir cette porte de verre et ce sera définitif, irréversible… Enfin, elle veut le croire, et ne pense à rien d’autre.

Surtout pas aux jumelles qui ont DST de maths ce matin. Surtout pas à Loïc pour lequel elle n’a pas annulé le rendez-vous chez le dentiste pour demain. Elle ne sera pas là pour l’accompagner, mais…Ils se débrouilleront, ne pas y penser, ne pas envisager à leur place les solutions qu’ils auront à trouver. Ne plus laisser advenir ces pensées parasites qui ont gâché son rêve et sa vie. Sortir de son somnambulisme maternel, de cette vie formatée qui n’était pas destinée à être la sienne. Ne pas penser non plus à la réaction de Gautier quand il trouvera sa lettre, scotchée au miroir de leur salle de bain, derrière son verre à dents, pour qu’il soit bien le premier et le seul à lire son billet d’adieu. Elle n’a trouvé que cette idée pour éviter que les enfants découvrent avant leur père qu’elle les quitte…

Plus que vingt minutes… Ce n’est plus le moment de revenir sur le bilan, de peser encore tout ce qu’elle a fait pour eux, depuis tant d’années… Vingt ou quinze ans, ça dépend du point de départ qu’on se donne… Les années vécues avec ce qu’elle croyait être Son Bonheur, la rencontre de Gautier, leurs années amoureuses et insouciantes, l’annonce de la naissance des jumelles, Isabelle et Annabelle, l’épuisement des nuits écourtées par l’asthme d’Annabelle, les mercredis de courses entre kiné et cours de danse pour les petites fées de la maison, et, six ans plus tard, cette nouvelle grossesse involontaire qui a abouti à l’arrivée de Loïc, quand il a fallu recommencer à pouponner. Sur le moment, et pour être franche, jusqu’à ces trois derniers mois, jamais elle n’a trouvé que c’était trop… Fatigant, mais « je les aime tellement, ça me donne des ailes… ». Angoissant parfois, quand Annabelle cherchait sa respiration, des heures durant, elle la veillait, essuyant son front et chantonnant doucement à son oreille, pour la rassurer, lui montrer qu’elle accompagnait sa détresse respiratoire, jusqu’au moment où le médicament dégageait enfin les bronches congestionnées. Alors, son expression favorite quand on flattait sa constance au chevet de sa fille : « devant la maladie, il n’y a rien d’impossible, je me battrai jusqu’au bout pour la tirer de là ». Elle se sentait alors héroïque, et sincère…

Mais voilà, cette vie merveilleuse et accomplie, c’est comme une parenthèse dans son destin. Elle en a pris conscience brusquement, il y a trois mois, quand le Hasard lui a joué un de ces curieux tours qu’on ne comprend que lorsqu’il vous arrive à vous. Ce soir de novembre dernier donc, elle allait quitter la banque, quand elle a croisé le regard d’un client qui sortait du bureau de sa collègue Paula. Une brusque plongée en arrière, ce regard unique a fauché vingt ans de sa vie.
- Julien ?
- Ça alors, Fanny, que fais-tu là ?
- Tu vois, je sors de mon bureau…
- Tu travailles dans une banque, à présent ?

Pas moyen de se quitter si bêtement après ces retrouvailles improbables… Deux coups de fil pour différer son retour à la maison, l’un aux filles pour qu’elles s’occupent de Loïc, l’autre à Gautier pour lui expliquer qu’elle ne pouvait pas rentrer tout de suite, « je t’expliquerai en rentrant, tu verras, c’est une histoire inouïe… » Gautier s’était montré compréhensif, normal, dans un couple harmonieux, on se fait confiance, « je dînerai avec les enfants, amuse-toi bien. »
En fait, ce dîner n’avait pas été amusant. Beaucoup trop d’émotions et de nouvelles à digérer, à échanger, à rattraper.

Depuis leurs treize ans, Julien et Fanny, c’était l’histoire du groupe. Les inséparables, jusqu’à l’année du bac. Oh pas du tout un de ces épisodes d’amours adolescentes où on se la joue « pour toujours », embrassades mièvres et sexualité gauche… Julien et Fanny, c’était au-dessus de ces niaiseries, eux ils étaient frère et sœur, liés par la compréhension fusionnelle de leur vie et une pré science de leur destinée exceptionnelle, unique.… Ils pouvaient passer des soirées à l’écart du groupe, à programmer leur départ pour la Mongolie ou la remontée aux sources du Nil, comme Rimbaud, en moins maudits et plus utiles à la société, qui ne pourrait que les aduler et honorer leur courage… Et puis trois semaines avant le bac, le père de Julien était mort brutalement d’un infarctus, Julien avait passé les épreuves dans un brouillard mental qui l’isolait du reste du monde, et Fanny avait perdu sa place dans l’équipage. Julien était parti chez son frère à Grenoble pour l’été, il y était resté, avait fini par écrire de moins en moins, ne plus téléphoner du tout, et pour finir, Fanny s’était aperçu qu’entre-temps, elle avait platement obtenu son BTS de gestion, trouvé son poste à la banque, rencontré un Benoît qui avait duré deux ans, et Gautier s’était présenté, beau, brillant, battant, prêt pour l’enlever dans une spirale d’Amour …

Chavirée d’émotion, Fanny avale son troisième cocktails maison, dévorant des yeux Julien. Lui raconte bien ce qui lui est advenu : à Grenoble, il tournait en rond en suivant son cursus d’informaticien. Il ne voyait pas où ça le menait, et puis « je m’en fichais en peu, j’avais l’impression que ça ne m’apportait vraiment rien et je n’arrivais pas à m’imaginer en train de travailler. Ça mettait Éric en pétard, tu te souviens de mon frère ? Alors on s’engueulait régulièrement, même sa femme en avait marre… Un beau jour, je tombe sur un type qui partait en stage dans une ferme en Argentine. Je ne sais pas pourquoi, je l’ai suivi, comme ça sans réfléchir, j’avais un peu d’argent que maman m’avait donné sur l’assurance vie de Papa, j’ai cassé mon compte et j’ai pris mon billet d’avion… Les choses se sont enchaînées facilement : la ferme se situe à six cents kilomètres de Buenos- Aires, quand ils m’ont vu arriver, ma tête leur a plu, je ne sais pas, ils m’ont accepté, j’ai bossé là-bas, dur quand même, tu sais, fourche en main, j’ai appris à monter à cheval, au début, dur dur, jusqu’à huit heures en selle, j’étais fourbu, mort et brûlé dans l’entrejambe, je t’épargne les détails, mais c’était physique ! Tu te souviens, mon espagnol n’était pas des plus brillant, mais ça s’est vite arrangé… Et puis « le français » comme il m’appelle, s’est montré débrouillard, j’ai copiné avec un des fils du patron, ils m’ont envoyé en mission avec lui, parce que mon anglais était meilleur que le sien pour surveiller l’embarquement des containers de viande et voilà ce que je suis devenu, marchand de bidoche, j’en envoie partout, surtout en Europe, en Angleterre, notre plus gros client. Mais l’histoire de la vache folle passée, on recommence à traiter avec la France… C’est pour ça que j’étais à la banque, tout à l’heure…"

La soirée s’était déroulée comme un rêve, dans ce mélange touffu de récits entremêlés. Fanny serait bien incapable de décrire leur menu au restaurant, mais une remarque de Julien l’a brûlée au fer rouge et cette petite phrase, même pas méchante, n’a cessé de la tarauder jusqu’à ce qu’elle prenne sa décision… Comme il lui avait demandé d’un ton gourmand, : « alors, raconte-moi ce qui te rend le plus heureuse dans ta vie », elle avait commencé sa réponse en parlant des trois enfants, cherchant à formuler en conclusion une image concise et simple de cette harmonie familiale qu’elle tenait à bout de bras. Et Julien l’avait doucement interrompu avant qu’elle puisse achever son exposé d’une remarque prononcée si doucement, soulignée par son ineffable regard suave:
- Mais Fanny, je te demande de parler de Ton Bonheur, et tu me rends compte des notes de tes gosses au collège…
Sur le moment, Fanny avait rétorqué en riant :
- Si ça t’étonne, c’est que tu n’as pas d’enfant, autrement, tu saurais à quel point leur avenir prend la tête…


La soirée passée, impossible d’oublier ce qu’elle avait ressenti. Pas de désir amoureux pour Julien, qui s’était d’ailleurs bien empâté, n’était son regard noisette si doux, chaud, lumineux. Elle n’avait éprouvé aucune ambiguïté à raconter à Gautier la teneur de cette rencontre, et celui-ci avait proposé d’inviter Julien le samedi suivant. Malheureusement, le voyageur était prisonnier des rendez-vous fixés bien à l’avance et avait promis de les contacter quand il organiserait sa prochaine tournée européenne, dans six mois ou l’année prochaine au plus tard. La vie avait repris son cours habituel, apparemment.
C’est alors que ça avait commencé. Toutes les nuits, elle devait s’affronter à des rêves difficiles à décrypter, angoissants et délétères : elle était dans une grotte profonde et cherchait à sortir pour retrouver la lumière et le soleil, mais plus elle avançait, plus l’orifice de la grotte s’éloignait, ou rétrécissait au bout d’un tunnel interminable. Ou bien une rangée drue de stalagmites faisait écran entre elle et le soleil, et malgré ses efforts, elle ne parvenait pas à écarter les soldats de glace qui la tenaient prisonnière en deçà des rayons du soleil… Nuit après nuit, les mêmes scènes se reproduisaient sans qu’elle parvienne à surmonter l’épreuve et Fanny s’épuisait dans ces combats nocturnes. Au point de redouter le moment de se coucher, comme une enfant.
Jusqu’au jour où la Vérité avait éclaté, dans sa vie éveillée. Elle avait honte de ce qu’elle avait montré à Julien, de sa vie normalisée et banale, routinière, à l’opposé de tous leurs rêves, alors que lui, son alter ego, vivait une vie plus aventureuse, plus conforme aux lambeaux de leur rêve. Elle avait l’impression de l’avoir trahi, de s’être trahie elle-même. Elle avait beau se raisonner, se répéter que sa vie à elle était riche de tendresses et qu’elle était un pilier solide, que Gautier ne l’avait pas déçue, qu’il assumait son rôle de père avec humour et fermeté quand il le fallait, certes, ce n’était plus l’amant des premiers temps, mais la faute à qui ? Quand ils seraient seuls à nouveau, dans quelques années…
Mais comment penser à cette perspective : dans quelques années ? « C’est ta vie à toi qui fout le camp, tu as quarante-deux ans, et tu n’as rien fait pour TOI, depuis plus de vingt ans, tu réalises ? Tu as bien vu les yeux de Julien, il était déçu de toi…" Et la petite phrase tourne dans sa tête, tourne et tourne…

Vancouver… Dans Vancouver, il y a vent, et la mer.
C’est loin d’ici, et loin de l’Argentine.
Elle ne sait pas trop ce qu’elle va y faire, mais elle a cliqué sur le bouton et acheté son billet. Pour Vancouver, Canada. Après on verra. Julien l’a bien fait. On verra.
L’avion part en fin de matinée, c’est parfait, les enfants seront en cours, Gautier en pleine réunion, personne ne s’inquiétera d’elle, au bureau, elle a prévenu que Loïc avait une crise d’appendicite, « on l’opère dans la journée, je prends trois jours »… Après on verra, d’ailleurs y aura t il un après ?

L’appel grésille dans l’interphone pour la troisième fois. L’hôtesse derrière son guichet la regarde intensément… Elle est à trois pas de la porte, les autres passagers se sont présentés dans le hall et sont passés en file indienne derrière la porte d’embarquement, on ne distingue plus que le dos large d’un quinquagénaire presque obèse qui s’est engagé dans le tunnel d’accès à l’appareil. L’hôtesse tend le bras vers elle, sourire commercial affiché, « elle doit croire que j’ai peur »… Ne pas regarder la photo de famille cachée dans son portefeuille. Il sera temps de la sortir, de pleurer ou de la déchirer quand elle sera bouclée sur son fauteuil . Ses pieds pèsent des tonnes, elle est en sueur, mais elle s’arrache à elle-même, un pas, puis deux et elle franchit enfin la porte de verre, présente son billet … C’est trop tard pour les regrets.

11/03/2008

Improbables hasards de nos lectures

À propos de L’ombre du vent
de Carlos Ruiz Zafon qui est un roman encore récent, puisqu'il date seulement de cette décenie, j'ai envie de vous faire partager une petite digression.

Cette fois, je dois bien avouer que je n’avais jusqu’alors jamais entendu le nom de cet auteur et à ma grande honte, j’ai dû ainsi prendre conscience de l’indigence extrême de mon approche de la littérature hispanique. Les derniers romans de ma brève culture date de mon époque « censier, Sorbonne nouvelle Paris III» UV de littérature comparée. Je m’étais alors régalée de la découverte du splendide Vaste est le monde de Ciro Alegria (Gallimard nrf) , ouvrage prolifique et marquant que je n’ai jamais oublié, alors même que je l’ai très parcimonieusement prêté. D’ailleurs les rares lecteurs auxquels je l’ai confié n’ont pas paru en percevoir le suc dont j’avais conservé le souvenir, et du coup, je l’ai peu diffusé.

Et bien en fait, si mon livre à adopter, à sauver n’était autre que celui-ci ?

En exhumant Vaste est le monde de ma bibliothèque pour qu’il m’accompagne dans la rédaction de cette note, je me sens émue et compatissante en regard de son état : sa couverture jaune racornie, son dos scotché sur les deux angles, une barre d’adhésif renforçant la couverture d’une large diagonale, mon livre porte la marque de l’intérêt qu’il a suscité dans les années 70. J’ouvre précautionneusement la couverture, et tombe sur un minuscule encart proprement découpé dans un journal de l’époque, scotché sur la page de garde. À la main, j’ai simplement reporté à l’encre rouge la date : 22 avril 1970. Intitulé Un convoi d’esclaves est intercepté par la police, l’article mérite d’être recopié ici, vous allez en juger :

« Recife (AFP., UPI) La police de l’état de Pernambouc a libéré, mardi, deux cent dix paysans destinés à êtres vendus, dix-huit dollars chacun, à des propriétaires ruraux de l’état de Minas-Gerais.
Les paysans, originaires des États de Paraïba et de Rio Grande do Rio Grande Do Norte étaient transportés par des camions. L’organisateur de ce trafic d’esclaves a réussi à s’enfuir. Au début de ce mois, les autorités avaient déjà arrêté à Recife les dirigeants d’un réseau analogue, qui vendaient des paysans aux grands propriétaires du centre et du sud du brésil. »


C’est bref, vous en conviendrez, et l’épisode est totalement oublié. Pourtant, cet article n’est probablement pas là par hasard… Que d’émotions, de révoltes, de prise à parti me reviennent d’un coup en mémoire. Ce livre à-ne-pas-oublier me renvoie tout à coup à ma propre perte de cohérence, mon inconstance en quelque sorte…
Vaste est le monde, immense est l’enterrement inconstant de nos idéaux…

Traduit en français par Maurice Serrat et Michel Ferté, dans la collection la croix du sud en 1960, l’épais roman de Ciro Alegria relate un long épisode de la conquête des terres péruviennes par les Hacendados, propriétaires terriens qui achètent à bas prix grâce à des collusions politiques, les terres que cultivent en communautés des paysans dépourvus de tout. Vaste fresque humaine, composée de personnages attachants et émouvants par leur dignité et leur simplicité, ce fut pour moi l’ouverture sur une page d’histoire inconnue. Or les faits relatés dans le récit et sur ce petit article découpé sont autant de témoignages d’une situation qui perdure, je me souviens avoir lu durant l’été 2006, je crois, un dossier sérieux constitué sur cet état de fait au Brésil du cher Lulla. L’ouvrage de Ciro Alegria est donc toujours d’actualité, preuve s’il en est que l’artiste-écrivain traverse les âges et les époques et que son œuvre doit nous aider à nous tenir debout , vigilant et attentif.

Ce retour aux sources inattendu, cette madeleine littéraire qui provoque un téléscopage passé-présent, j’imagine sans peine que je ne suis pas seule à l’avoir expérimenté ce soir… Expérience à partager et à faire partager…

07/03/2008

Poli…tic ou poli…toc ?

Voilà, c’est reparti pour un ou deux tours, médias, boîtes à lettres, on nous rebat les oreilles de belles paroles.
J’imagine que la plupart d’entre vous réagissent comme nous : saturés de belles promesses auxquelles nous n’arrivons même plus à faire adhérer la plus petite parcelle de la confiance qui pourrait encore subsister au-dedans de notre cœur…

Et pourtant, il va bien falloir s’y coller, ne serait-ce que pour éviter l’auto-accusation de lâcheté et d’irresponsabilité face au « devoir du citoyen ». Tout en sachant que chacun de nos votes n’est qu’une goutte d’eau noyée dans l’océan des bonnes intentions et des promesses jamais tenues. Juste une goutte d’eau, tiens tiens, comme ce blog, profitons-en…

Aussi, ce matin, nous nous sommes bravement attelé à la tâche.
GéO a repris dans le courrier de la semaine les jolies maquettes des candidats, que nous avions parcourus plus ou moins consciencieusement à leur arrivée, et nous avons cherché quelques repères sur lesquels accrocher les maillons de la décision à prendre…


Il semble logique de commencer par le programme…La question est assez comique pour que je garde ce paragraphe pour la bonne bouche.

Pour Saint Max et ses quelques 12 500 habitants, nous comptons cinq listes de candidatures. Sur chacune, trente-trois noms, dont systématiquement 16 femmes, parité respectée à l’unité près. Petit détail amusant, l’élaboration des 5 listes a été conçue en alternant systématiquement un homme/une femme, de manière à mettre cette parité en évidence. C’est tellement régulier et systématique, 17 hommes, 16 femmes, qu’un petit quelque chose cloche… L’esprit de parité pourrait accepter par exemple 15/18, ou bien une femme justement en tête de liste, ce serait naturel en fonction des opinions ou des compétences, mais non, nous avons bien 5 listes semblables, menées par un représentant masculin et 16 colistières réparties du n°2 au n°32. Marrant, mais guère déterminant…

Armons- nous maintenant de feutres fluos et cherchons un peu plus avant : L’un des candidats écrit en conclusion de son exposé de programme : « Conscient de l’ampleur de la tâche, si vous me faites confiance, je suspendrai mon activité professionnelle pour six ans, afin de me consacrer exclusivement à la mise en œuvre de ce projet. » GéO tilte sur ce paragraphe. Lui qui a été PDG des deux sociétés qu’il a successivement créées, il a adhéré à la CGPME, et il lui en reste l’idée qu’il est difficile et hasardeux de briguer un mandat public en restant pleinement disponible pour mener à bien son rôle dans l’entreprise. Souvent, en regard des « sacrifices « consentis par les élus de tous bords qui justifient leurs mirobolants émoluments par le risque professionnel de leur mise en disponibilité, alors même que bien souvent leur statut de fonctionnaire permet de retomber sur ses pieds sans risque majeur… Ce serait le cas de notre candidat, qui se définit comme enseignant.

Nous nous amusons donc à relever les professions des différents postulants et là, nous restons toujours aussi perplexes : aucune profession mentionnée sur la liste « officielle PS », ni âge, ni adresse. En revanche, la liste sortante est très complète, nous y comptons justement une majorité de cadres EDF, retraités, fonctionnaires, deux agriculteurs, c’est bien le moins dans cette région et surtout, surtout, le patronyme du « patron local », celui qui a détenu le poste pendant tant de mandats que personne n’a plus souvenirs d’avant lui. À ce moment, je l’avoue, je bloque. Je ne comprends pas que notre système autorise des personnes, voire des familles à détenir les clés d’une cité ou d’une région pendant plus de deux mandats consécutifs. Quand arriverons-nous enfin à bannir cette pratique ? Ces maires élus et réélus sur quatre, cinq mandats, voire davantage, finissent par régner et le système de collusion s’installe naturellement puisque l’objectif devient alors : durer et garantir la pérennité.… Devinez où va mon regard…
Encore une remarque intéressante sur les objectifs nationaux énoncés par les Grands Partis : quelle débandade ! Même dans une grosse bourgade comme Saint Max, le PS présente deux listes différentes, l’une se revendique « PS officielle », mais s’est constituée sur un panachage PS (10)/ Modem/ sans étiquettes, l’autre s’annonce « de gauche, écologique et solidaire, » formée de 12 membres PS auxquels se sont joints un vert, une gauche alternative, un PCF, complétée de candidats sans étiquettes. Et au fait, qu’est-ce qui compte dans la menée d’une municipalité, l’étiquette (du prix à payer au Gourou) ou le projet pour gérer la cité ?

Nous en arrivons donc au programme, qui devrait être l’essentiel, et que nous avons cherché en vain dans tous les prospectus distribués. Une jolie parade de langue de bois, style » nous allons engager une politique dynamique visant à attirer des entreprises génératrices d’emplois, sans sacrifier l’espace rural… » Pas un mot pour expliquer comment résoudre le paradoxe… Rassurez-vous, je me garde de tous les citer, sur ce point, nous en sommes à jouer Bonnet-Blanc contre Blanc-Bonnet, tous s’engagent à réduire les impôts, à mettre en valeur le patrimoine culturel de notre belle cité, à nous promettre des parkings, ( privés donc payants), des logements, un cinéma… La Belle Vie en somme…
Faut-il croire que tout ce qui brille est d’Or ? Poli…tique ou poli…toc ?

06/03/2008

Le Mieux est l'ennemi du Bien

Surprise du jour, c’est pas raté !!!

Par cet hiver si doux, voilà un bon moment que les arbres fruitiers sont en fleurs dans notre belle vallée… Nous avons même dégusté les premières asperges produites par notre maraîcher local la semaine dernière. Le retour d’un froid relatif nous vaut bien l’inconvénient de ressortir les pulls, pas encore rangés au fond de l'armoire. Rien d’affolant en ce début Mars, néanmoins, certains producteurs de fruits ont manifestement redouté le regain des gelées matinales sur leur verger.

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Peut-être savez-vous qu’il existe un dispositif assez simple pour protéger les arbres en pleine floraison quand s’annonce un épisode glacial. Il consiste en une pulvérisation d’eau au moment du petit jour, l’écoulement continu du jet évitant la prise instantanée du gel sur les pétales, ou pire, sur les fruits en formation.

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Au réveil ce matin, la température sur la fenêtre de la cuisine avoisinait les 4°, ce qui représente un petit zéro au milieu du jardin. Nous sommes descendus un peu plus tard en ville, et la température extérieure affichée par l’ordinateur de bord s’élevait déjà à 6 °. Encore frisquet en milieu de matinée, mais le soleil voilé promettait de doubler la mise d’ici deux heures. Nous abordons donc la départementale qui mène au centre ville, quand mon regard se fige sur l’aspect spectral du verger que longe notre route. Le temps que j’interpelle mon chauffeur pour signaler cette étrangeté, nous étions passés. GéO, vous le savez, n’est jamais en retard pour s’informer et nous rebroussons chemin au premier rond-point, pour constater que je ne me suis pas trompée : une gangue de glace a saisi les branches des arbres au milieu du verger, formant des stalactites impressionnantes et destructrices…

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Vous pouvez le constater, les dégâts sont considérables, les branches cassées nombreuses, et comme je n’ai pris les photos qu’après notre retour, vers midi, entre-temps la température ambiante avait atteint alors les 10 ° et la fonte des glaçons était avancée. L’effet général est donc atténué, mais sans doute serez-vous comme nous atterrés pour ce malheureux arboriculteur, qui n’imaginait pas à quel point son dispositif déclencherait la catastrophe. Inutile de préciser que partout ailleurs, les arbres ont bonne mine et ont résisté sans difficulté au friselis du gel matinal.

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Eh oui, le progrès est parfois bien …redoutable, le Mieux est l’ennemi du Bien, merci à ma grand-mère de m’avoir enseigné ce début de sagesse…

04/03/2008

Du Rire tout simplement chez les Ch'tis

Comme beaucoup de Français, nous nous sommes offert hier soir un p'tiot coup de rire. Sans prétentions, juste idée de se détendre . Et nous avons passé un bon moment de franche hilarité au 1er degré, sans arrière pensée ni méchanceté, au milieu d'un public aixois ausi décomplexé que nous par les gags basiques mais efficaces. Il ne s'agit pas de se prendre la tête, d'affecter le regret d'un manque de profondeur du scénario, foin des poses intello, on s'adonne ici au même rire convivial que pendant la projection de la Grande Vadrouille.….
Cette comparaison qui vient spontanément sous mon clavier n'est pas anodine, car il y a chez Dany Boon quelque chose qui n'est pas sans rappeler le talent de Bourvil. Un franc regard bleu, mélancolique et bon coeur, une apparence de naïveté qui cache sans doute un talent bien plus profond… Ce n'est qu'une intuition, mais je demande à voir la suite de la carrière de ce monsieur.

Le film semble promis à une carrière fructueuse et c'est tant mieux. Bien sûr, l'intrigue est mince et repose essentiellement sur le comique de situation, l'éternel paradoxe des personnages qui endossent des conjonctures dont ils ne veulent pas. L'inadaptation et l'incongruité en sont les ressorts, assortis d'une surprise et d'une revanche qui pâment de réjouissance les spectateurs: enfin, il n'est plus question que de magnifier cette belle Provence que cinéma et littérature ont déjà copieusement servie! L'idée est de donner une aura à une région bien moins connue et de mettre à l'honneur un parler savoureux quoiqu' ignoré voire méprisé parfois. Dany Boon en fait un ressort comique et joue de l'ambiguïté et de la surprise (oh les jeux de mots !), on peut pressentir que certaines répliques vont accéder sans tarder au régime "culte" d'ici peu… Il me semble que ce qui m'a le plus réjoui finalement, c'est la convivialité dépeinte et je pense que le public aixois y a été bien sensible aussi…Pourtant, nous vivons dans une région où cette qualité n'a guère cour: que l'immigrant parisien reçu pour un simple café par un Provençal d'origine lève le doigt! Quelle leçon, mazette!