13/01/2012
Bonheur et Bien-Être…
Point d’orgue des échanges dans notre société si bien policée, pas une seule nouvelle rencontre personnelle ou professionnelle n’échappe à la formulation, quel que soit son degré de sincérité et d’implication.
Bonne et Heureuse Année 2012.
Afin de souligner l’importance du message, on met couramment des majuscules à tous les mots. Lorsque l’échange est oral, ce sont nos yeux qui se chargent de souligner l’empathie du locuteur, et l’on s’empresse d’ajouter :
— Et surtout la santé !
Ce qui ne manque pas d’être complété aussitôt par notre interlocuteur :
— Quand la santé va, le reste suit…
Ces formulations rituelles fonctionnent comme un régissant la bonne marche de nos relations sociales, dernier vestige de deux exquises vertus en voie d’extinction: politesse et courtoisie. Mais j’y vois aussi une défense ultime en pleine œuvre de résistance : cette volonté de bonheur reste au centre de toutes nos projections individuelles. Les deux premières décennies du XXIème siècle ont parachevé le déclin du Bonheur conçu comme bien collectif. Dans la confusion idéologique de l’époque présente, entre proclamations d’intention radicales de nos politiciens et les retraits égotistes de ceux qui se sentent pourvus, le bonheur de chacun d’entre nous ne se jauge pas forcément à la même aune. En ce début d’année, deux interventions différentes m’ont interpellée par leur pertinence et l’intérêt de les partager avec vous, ne serait-ce que pour secouer le scepticisme général.
Fin décembre, j’avais relevé dans un des hebdomadaires que je parcours volontiers, ce dossier consacré au bonheur. La réflexion y était introduite en exergue par cette remarque :
Recevoir, mais aussi inventer son bonheur… Et si le bonheur était une question de regard, de disposition de l’âme, une façon d’accueillir le bon et le moins bon ?
L’idée n’est certes pas neuve, mais il est peut-être intéressant d’y revenir de temps à autre, ne serait-ce que pour éviter d’en perdre de vue le principe. Notre bonheur dépend de nous, et de l’appréhension de notre vécu. C’est à Martin Steffens, enseignant de philosophie à Metz que revenait le développement de cette posture. Outre l’article qu’il a réservé à La Vie pour le dernier numéro de 2011, il a produit chez l’éditeur Salvator, un Petit traité de la joie, sous-titré consentir à la vie, afin de mieux définir la notion de témoignage. Avec une simplicité de bon aloi, Martin Steffens nous ouvre la voie par cette évidence : « Le bonheur, on en est le témoin un peu honteux — quand il s’agit du nôtre— ou un peu envieux — quand c’est celui des autres. Le bonheur, on en rayonne ou il nous éclabousse. » Il est vrai que se dire heureux sonne parfois comme une provocation incongrue, tant la parole semble toujours plus volontiers donnée à ceux qui revendiquent, jusqu’à l’absurde il me semble.
Contester, grogner, râler, se plaindre … Quel art de vivre bien français, quand on y pense…
Nos amis d’outre-Rhin, pour amoureux sincères de la France et de ses mœurs qu’ils s’affichent, s’amusent parfois à souligner combien il est vain d’espérer changer nos (mauvaises) habitudes. Au cours de nos discussions conviviales, ils observent avec malice que les réformes si fréquemment proclamées par nos gouvernants successifs, sont rarement menées à terme, face à l’insurrection levée systématiquement. Nos institutions malades des avantages acquis, nos efforts paralysés par la peur de l’autre et du lendemain, la méconnaissance des forces intimes mobilisables contre le Mal, ainsi qu’en témoigne Anne Dauphine Juilliand dans Deux petits pas sur le sable mouillé,son admirable relation du drame personnel qui a bouleversé sa vie. Tout comme Valérie Donzelli à travers le film La guerre est déclarée, Anne Dauphine Juilliand fait part des étapes cruelles de la maladie qui a emporté sa petite fille. Elle prend le parti d’assumer avoir illuminé les quelques mois de vie de sa petite malade, et déclare « le bonheur ne dépend pas de nos humeurs, il est intimement inscrit en nous.… Le véritable ennemi du bonheur, ce ne sont pas les épreuves, mais c’est la peur. »
Quelque temps plus tard, au hasard des ondes radiophoniques, j’ai entendu l’interview de Thierry Janssen menée par François Bunel sur France Inter. Ce chirurgien belge a abandonné l’exercice de son métier valorisant et lucratif à la suite d’une sorte de burn out et se consacre dorénavant à la compréhension du dialogue permanent entre notre corps et notre esprit. Nous pourrions, affirme-t-il, gérer plus habilement notre santé si nous étions plus à l’écoute du sens de nos maladies . Raisonner nos maux, ne pas fuir honteusement les constats réalistes comme le décrié effet placebo, accepter le rôle de notre psyché dans le développement des maladies, apprendre à écouter le langage du corps dans son intégralité.
L’une des étapes- clefs du déroulement de la pensée de Thierry Janssen m’a semblé résumée par ce qu’il appelle l’unicité de notre être : pour lui l’erreur consiste toujours à dissocier les activités du corps et celles de l’esprit. Toute pensée ne peut se développer que par notre corps ; en corollaire, celui-ci n’existe pas sans la perception de l’esprit.
J’ai relevé quelques sites où sont exposées les idées de Thierry Janssen qui posent en outre le rapport du Bonheur à la notion de Bien-être. Ce qui peut sembler un lieu commun, une évidence, mérite au contraire qu’on se reformule intimement cette notion de bien-être intérieur au long de tout ce que nous vivons. Le bien-être ressenti à un instant T, (coucher de soleil sur une plage aux côtés de l’être aimé, petites étoiles dans les yeux de nos enfants à l’heure du Père Noël, joie profonde à la réception d’un message amical…), ces bien-être ponctuels sont-ils suffisants pour construire le Vrai Bien-Être atteint quand on réalise de la pointe des cheveux au bout des orteils que l’on est la bonne personne à la bonne place ?
Si le sujet vous intéresse, je vous suggère les sites suivants :
http://zenbelgique.skyrock.com/618517968-LA-SOLUTION-INTE...
http://www.thierryjanssen.com/
À la lumière de ces petites gouttes qui m’ont abreuvée ici ou là ces derniers jours, je vous souhaite donc de cueillir en votre sein l’ harmonie complète qu’on appelle sérénité…
12:56 Publié dans Blog, Courant d'O | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bonheur, écriture, réflexion, idées, bien-être, thierry janssen, la vie, anne dauphine juilliand | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
11/12/2011
Conte à rebours
Le compte à rebours est déjà enclenché pour beaucoup d'entre nous…
N'empêche, même dans notre campagne, nos chiens apprécient la balade comme cadeau, quand il s'agit de vadrouiller dans la colline pour y chercher la mousse douillette qui accueillera nos santons.
Rituels de Noël, les préparatifs affinent nos envies et tournent nos coeurs vers cette attente toujours renouvelée. Ce n'est même plus le symbole religieux qui nous étonne, la sacralisation de Noël s'accroche davantage à l'idée que cette fois, la fête sera complète, l'harmonie au rendez-vous de nos espoirs, la crise reléguée à notre foie et nos soucis digestifs…
Les laideurs et les angoisses de nos actualités vont devoir se faire la malle, partout alentour il n'est question que de festins, de mets savoureux, de surprises affectueuses et de plaisirs délicats offerts sans retenue ni décompte mesquin.
On voudrait tous incarner non pas cet enfant démuni, promesse d’un monde nouveau, mais le tout puissant Père Noël pour effacer le temps d’un conte les déboires d’un quotidien plombé.
Plus d’enfants contraints à naître dans la misère, à la merci de la première bronchiolite passant dans l’atmosphère. Plus de malades qui n’auraient pour tout horizon qu’un lit d’hôpital et une guirlande de pilules, plus d’errants sans toits ni repas, plus de haine jetée au visage de celui ou celle qu’on a adoré. Dans les bons contes de Noël, les diabétiques peuvent s’empiffrer de crottes en chocolat sans que leur insuline réagisse, les dissensions familiales s’évaporent comme neige au soleil, nos tirelires ne désemplissent plus, … Et les méchants se repentent de leurs mauvaises actions. Voyez, cette année, de Durban à Bruxelles, la hotte du bon-papa Noël s’est emplie de Promesses. Soyez rassurées, fidèles souris-lectrices, cette année s’achèvera sur un fantastique feu d’artifice de serments et d’engagements , c’est juré, c’est promis, c’est certain, Ils ont compris, Ils ont décidé de nous apporter la solution, il ne leur manque que notre confiance…
Les promesses n’engageant que ceux qui veulent bien y croire, dormez bonnes gens, dormez sur vos deux oreilles, dormez dans la douceur ouatée, le temps que s’écoule ce Conte à dormir debout.
19:47 Publié dans Courant d'O, goutte à goutte | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noël, fête, préparatifs, conte, écriture, promesses | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
28/09/2011
Urgences
Urgences:
Comme la visite nocturne des services hospitaliers de Brignoles, où les épanchements du nez de GéO nous ont menés la semaine dernière. Heureusement, ce n’était pas trop grave et le vaillant sourire de Marie-Ange nous a promptement réconfortés. Débarrassé des deux énormes mèches qui obstruaient ses narines, GéO a retrouvé avec bonheur sa liberté de respiration… Il n’en apprécie que mieux LA VIE qui va…
Urgences
Comme ces alarmes qui résonnent dans toutes nos actualités…
Que penser de ces affligeantes nouvelles concernant une juge dessaisie ici d’une affaire mettant en cause des privilégiés, un procureur soupçonné de collusion là où les affaires sentent la corruption des états ? Le président de l’USM, principal syndicat de magistrats, exprime leur consternation « de voir la justice se poursuivre elle-même et de l'image ainsi donnée du parquet, censé représenter la société. « ( citation du site de USM). Pis encore, Christophe Régnard souligne la dérive de la sacro-sainte indépendance de la justice face au politique dans une interview ce midi sur France Inter. Dans un pays qui se prétend toujours être le champion des droits de l’Homme, ce constat est accablant, angoissant, mortifère. Mes gouttesdo n’ont aucune prétention politique ni même philosophique, vous le savez bien, mais il me semble bien n’être pas la seule à comprendre à quel point notre société vit un tournant de civilisation. Jusqu’où la corde des désillusions va-t-elle se tendre, avant que le dégoût et la désespérance ne ruinent notre vivre ensemble ?
J’en tiens un petit exemple sous la main…Ou plutôt sous le clavier.
Hier soir, je vous ai posté une note de lecture (voir ci-contre) concernant le pamphlet remarquable de Zoé Shepard, Absolument dé-bor-dée ! Comme les critiques de ce site ne sont pas ouvertes aux commentaires, mes souris-fidèles savent que je dépose aussi ces notes sur http://odelectures.canalblog.com/.
Le livre de Zoé Shepard est sorti il y a plus d’un an, et il a fait grand bruit à l’époque. Habituée comme vous au rythme des scandales qui se succèdent et s’oublient plus vite qu’un jour sans pain, je n’imaginais pas rencontrer autant de réactions. Mes publications rencontrent d’ordinaire un succès intime… Brutalement, les stats de lectures en partage ont cru comme jamais encore… Surtout le témoignage rapporté dans un commentaire y est presque douloureux. Le malaise est patent, la peur de s’exprimer révélatrice d’une situation plus que tendue.
Nous allons vivre les exaspérations d’une période électorale où seuls les candidats croient en leurs mensonges… Je connais plus de sceptiques que de convaincus. Nous serons plus nombreux à voter par défaut que par enthousiasme ou foi…
Allez, je vais me mouiller : Que diriez-vous d’aller changer l’Air des Éléphants en votant tous massivement pour LE candidat qui n’a aucune chance ? Est-ce que cette manœuvre remettrait les vanités en cause ?
Urgence :
La première urgence est de ne pas céder à la démoralisation.
Il est urgent de faire attention à nos proches, à nos familles, à nos ami(e) s, à tous ceux qui vivent autour de nous.
Comme il est urgent de profiter du soleil qui brille encore.
19:08 Publié dans Blog, Courant d'O | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : urgence, lecture, zoé shepard, absolument dé-bor-dée!, fonctionnaires, malaise, élections | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
28/05/2011
Immuable ?
Près d’un an déjà que nous n’avions pointé le museau du Leyla dans les eaux de l’anse de Taillat.
Le cap lance sa presqu’île suffisamment loin dans la mer pour nous offrir un véritable mur de retranchement, contre les vents et les courants.
Surtout, cette muraille rocheuse abrite un échantillonnage pertinent de la flore et la faune méditerranéennes.
Ce jeudi, la mer parfaitement plate nous invitait au repos total…
Un calme absolu régnait sur les eaux tranquilles.
Mêmes les cigales, résidentes habituelles de la péninsule , n’étaient pas encore à poste. Les paresseuses attendent la proclamation de l’été pour s’afficher, elles ne se fient pas aux premières sensations de chaleur estivale, ce sont des prudentes qui ne s’éveillent en quête d’épousailles qu’en accord avec leur calendrier biologique.
… Aucune stridulation pour accompagner le contrepoint du clapot contre la coque.
D’autant que nous étions à peu près seuls au monde. Dans quelques semaines, ce calme sera inconcevable, il faudra slalomer entre les embarcations de toutes tailles et de tous types, s’accommoder des cris perçants des baigneurs excités, s’habituer aux relents mêlés des crèmes anti UV et des pique-nique à toute heure…
Pour l’heure, GéO et moi jouissons de notre chère solitude…
Le bateau à peine ancré, GéO a déjà piqué une tête, m’intimant de le suivre sans délai. Que nenni, vous me savez précautionneuse de ma chère petite peau… Je veux savoir à quelle sauce je risque de m’assaisonner… Ma foi à 24°, les eaux de la baignade méritent une petite visite…
Sauf qu’au moment de glisser mon corps brûlant dans l’onde fraîche et azurée du site, je remarque quelques petits corps manifestement étrangers qui flottent au gré du courant. Des morceaux sans identité précise se laissent mollement pousser vers le rivage, à deux cents mètres de notre mouillage…
J’ai déjà un pied à l’eau mais je le remonte promptement. Et du plat-bord, je ne peux que contempler la dérive de ces déchets, écoeurée de constater qu’une fois de plus, la mer n’est pas, aux yeux de certains, la Matrice de vie. Nos contemporains lui ont définitivement dévolu la fonction de poubelle à ciel ouvert. Toute la journée, par intermittence, nous allons regarder ces déchets de caisse noire dériver mollement au gré des courants.
Et pourtant, est-il possible et raisonnable de naviguer sans être conscient de la beauté et de la fragilité de la mer ?
Est-il possible et raisonnable de négliger l’équilibre des éléments ?
Immuables, telles nous apparaissent chaque année nos retrouvailles avec les paysages que nous affectionnons .
Roches immuables, permanence de la mer mouvante et nourricière, régularité des mouvements de marées, cycle éternel de l’eau…Mais pour combien de temps encore ?
Combien de générations après nous pourrons encore profiter innocemment de ça ?
17:46 Publié dans Courant d'O | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, poésie, mer, faune flore, pollution | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
05/02/2011
Demandez le programme…
Nul doute que vous jugerez ma tour un tantinet branlante… Et certainement incomplète. Je sais qu’il s’y glissera toujours une autre pièce, intruse à l’urgence capricieuse, mais je n’ai pas résisté bien longtemps en passant au jardin des Lettres… J’avais le plus beau des prétextes pour utiliser les bons de lecture que m’avait remis ma Douce. De son côté, Simone a glissé également dans mon escarcelle quelques titres sortis de sa propre récolte…
À moi de suivre maintenant …
D'autant que je complexe. Le ralentissement de mes notes de lectures n'a pas échappé à la perspicacité de ma fille, et il est grand temps que je m'y remette plus régulièrement. L'exercice n'a rien de rébarbatif, que le bouquin soit bon ou plus médiocre, il est toujours intéressant de s'octroyer un moment de retour. Ce qui revient à clore cette conversation intime tenue au long de quelques soirées avec le livre… Précisément, ce n'est ni l'auteur, ni à fortiori l'ensemble des personnages (encore que…) avec lesquels le lien se tisse, mais il existe une perception particulière, une appropriation instantanée que l'on sait être appelées à disparaître… Quelquefois, la force d'un sujet et/ou la manière de l'écrivain façonnent notre ressenti et notre pensée de telle sorte qu'on se sait changé. Ainsi je constate que certains bouquins imposent une reprise rapide, une réponse en quelque sorte par le truchement de cette note qui vous est alors adressée presque comme une supplique, une invitation pressante à le découvrir à votre tour… Parfois, il faut laisser couler quelques jours, quelques semaines avant de revenir sur un sentiment confus, une impression mitigée qu'il est agréable alors de sortir de ses propres limbes pour mieux maîtriser avec nos propres mots les idées et les perceptions rencontrées. À ce moment, je n'ai jamais envie d'aller voir ce que d'autres ont écrit sur le sujet. Mais après publication ici, ou (sur son alias odelectures) ou sur Lecture/Ecriture, qui fourmille de notes intéressantes, j'ai plaisir à confronter les différents points de vue…Et il se trouve toujours quelqu'un qui a déniché un angle inattendu, invisible à mon approche, et c'est comme une partie de ping-pong qui s'engage.
19:31 Publié dans Blog, Courant d'O, Livre, Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lecture, partage, notes de lectures | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
03/12/2010
Un cri dans la forêt… des éditeurs
Petit retour à la destination première de ces gouttesd’o, petites notes plus ou moins anodines qui s’écoulent à mon gré depuis un peu plus de 3 ans maintenant. Initialement, gouttesd’o est né pour concrétiser un besoin d’échange au sujet de mes découvertes littéraires. Lectrice impénitente je suis, et même si j’ai choisi de présenter majoritairement mes notes de lecture en marge, ce qui vous prive de commentaires*, il se trouve que certaines oeuvres posent question et nécessitent l’ouverture de débats.
Au printemps dernier, j’ai rencontré un écrivain local qui vendait ces œuvres dans un lieu inhabituel : la cave Saint Jean, l’une des nombreuses caves dont s’honore notre petite cité viticole. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que je rencontre, au détour des commerces les plus divers, des écrivains édités à compte d’auteur, et je me sens mal à l’aise en face de ces créateurs obligés d’endosser le rôle de commercial. Par empathie autant que par curiosité, j’ai donc acheté à Pierre Bertho les deux volumes de sa saga J’en fais le serment suivi d’Un cri dans la forêt. La quatrième de couverture et un petit entretien sympathique avec l’auteur m’avait permis d’entrevoir une lecture d’été, agréable et légère, accordée à la période estivale imminente, période durant laquelle nous allions être moins concentrés en raison des partages avec nos invités.
En brodant son intrigue sur le thème de la descendance supposée de Marie- Madeleine, Pierre Bertho s’appuie sur un moteur d’intrigue déjà connu. On pourrait lui reprocher cette facilité, mais puisqu’il implante son histoire à Saint Maximin la Sainte Baume et dans le massif éponyme qui lui fait face, comment ne pas trouver naturelle sa démarche ? La fameuse grotte qui servit d’ermitage à la Sainte femme appartient au patrimoine de la région et son intérêt n’est certes pas seulement touristique. Au- delà de la survivance du rite dans le site, l’hôtellerie de la Sainte Baume, animée par les frères Dominicains s’inscrit comme un lieu de réflexion théologique et spirituelle recherché. Toutefois Pierre Bertho préfère de loin tricoter son énigme à partir de la légende, ou plutôt des légendes bâties autour de l’Histoire du catholicisme et de ses dérives. On y retrouve les mêmes ingrédients que dans le fameux Da Vinci Code, et nul lecteur ne peut prétendre ne pas l’avoir vu venir. Ouvrir le roman revient à accepter d’emblée le genre et tant pis pour les redites.
Au fil des deux tomes, nous suivons les investigations contrariées du personnage principal, Pierre Soubeyran, qui reprend contact accidentellement avec son cercle familial après une absence volontaire de plusieurs décennies. Le temps passé n’a pas effacé l’amour qu’il éprouvait alors pour sa voisine, Madeleine, devenue après sa fuite inexpliquée la femme de son propre frère. Rapidement veuve, Madeleine a élevé sa fille Marie Sarah, entourée de sa mère et son beau-père, alliant les deux exploitations viticoles. Ses retrouvailles avec Madeleine se réalisent d’abord grâce à Marie- Sarah, jeune femme volontaire et aventureuse. Mais en renouant avec l’entourage de ses jeunes années, Pierre perçoit rapidement une terrible ambiguïté dans ses rapports avec les anciens amis. Chaleureusement accueilli, il lui est cependant difficile de se réconcilier sans éclaircir les points de litiges anciens qui l’ont heurté jadis. Des événements brutaux, enlèvement, agressions violentes, effractions, serviront peu à peu de verrous ouvrant les portes d’énigmes de plus en plus oppressantes … Comme toujours quand on aborde le résumé d’un roman de ce genre, il n’y a aucun intérêt à dresser le tableau des divers éléments de l’intrigue. Si vous êtes tentés, sachez simplement que vous entrez dans un univers ésotérique où les survivants de lointaines confréries poursuivent sans relâche, mais avec une férocité toujours vivace des idéaux oubliés…
Amateurs d’énigmes occultes, vous pouvez consacrer sans remords quelques soirées de cet hiver précoce à la famille Soubeyran et notre belle région de Provence Verte…
En réalité, je me suis bien amusée à suivre les personnages de Pierre Bertho dans les lieux qui constituent mon cadre de vie. Sous l’identité des différents protagonistes, le roman offre des éléments qui relient les personnages à leurs doubles de chair, au moins dans leur fonction, leur habitat, les paysages parcourus. A cet égard, le personnage d’Amandine, dernière ermite de la forêt de la sainte Baume offre l’occasion de pénétrer dans ce sombre et majestueux massif . Reconnaître ces sentiers et y calquer les événements romanesques constitue un plaisir particulier, mais pas indispensable : il n’est pas nécessaire d’être parisien pour suivre les Malaussène dans le vingtième arrondissement de Pennac, ou d’être New Yorkais pour s’intéresser aux angoisses des personnages de Paul Auster.
Le point qui cependant me chiffonne n’est pas lié à l’aspect romanesque de l’ouvrage. Je reconnais qu’il est même tout à fait sympathique que l’auteur, ancien membre de la police scientifique, utilise ses connaissances pour nouer ses intrigues et promener ses lecteurs dans le champ des indices vraisemblables…Avant de les rouler dans la farine du fantasme.
Cependant, pour être tout à fait honnête, il m’est arrivé d’éprouver une réelle gêne au cours de ma lecture, sans rapport avec la nature de l’histoire, vous l’avez compris: le sentiment d'un embarras éprouvé au détour d’une phrase, à tel point qu’il m’est arrivé de lire à nouveau le passage pour m’en assurer, et m’en désoler. Écrire est un travail véritable, lent, solitaire et rigoureux, dévorant, demandant à son auteur une concentration énorme, relative au sens de son histoire, à la construction psychologique et physique des personnages, à la menée des moments clés qui bâtissent le suspense, au choix des mots, à la qualité des descriptions, à la tournure de la syntaxe utilisée. Mais quiconque a déjà un peu écrit, je veux dire s’est impliqué dans la transcription d’idées ou de fantasmagories, sait qu’il faut se lire, se relire et faire relire sans concessions à d’autres, des témoins qui traquent les erreurs, cernent les maladresses, soumettent la nécessité de modification … Cette lecture critique préalable, qui requiert la confiance de l’auteur, c’est en bout de course le travail de l’éditeur.
Or, pour étayer mon reproche je me bornerai à ne citer que deux exemples, relevés au cours de ma lecture, et qui m’ont désagréablement impressionnée: Page 18 d’Un cri dans la nuit, cette déformation inopportune du passé simple :
« Une énorme dalle plate servant de porte n’offra que peu de résistance… »
Page 207 du même ouvrage, mes yeux refusent la construction ci-dessous :
« Profitant de placer un plat sur la table, elle posa une main… »
Sans aucun désir d’accabler l’auteur, il me paraît honnête de souligner ce défaut, que le travail d’édition aurait dû corriger. Mais leur occurrence tout au long des pages de ces deux livres finit par gâcher le plaisir de lire… Je ne lis plus pour corriger et « faire ma prof’ , même s’il m’est arrivé aussi de relever des coquilles dans certains ouvrages édités par des maisons incontournables.
Les deux ouvrages de Pierre Bertho sont édités par les éditions AMLO. Impossible de trouver les références de cette maison, sur le Net. Dommage…
Voilà une mésaventure dont l’auteur, et avec lui tout écrivain, se passerait volontiers, j’imagine, en dehors de l’obligation de se muer en camelot. Rappelons quand même que l’édition à compte d’auteur revient fort cher à celui qui ne voit que ce moyen pour transmettre ses créations. Si au moins la qualité de l’impression lui était assurée …
* À ce sujet le manque de commentaires m’a poussé à redoubler les publications de mes notes sur http://odelectures.canalblog.com/ où vous êtes toujours les bienvenus, même s’il en manque toujours beaucoup…
Et si le coeur vous en dit, Pierre Bertho tient son propre site, pratrique pour vous procurer ses divers ouvrages: http://pierre.bertho.free.fr
18:28 Publié dans Blog, Courant d'O, Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écrire, éditer, littérature, pierre bertho, problèmes d'éditions, éditions à compte d'auteurs, erreurs, me mythe de marie madeleine, saint maximin la sainte baume | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
01/05/2010
Glissement sémantique
"Papy est très très vieux, mais il est déjà en forme!"
Cette remarque pertinente émane d'Axel (7 ans). Évidemment, GéO a moyennement apprécié le redoublement du premier adverbe, l'usage du second nous a laissé perplexes et amusés… S'agissant des formes de "Papy dodu" le déjà sonne avec évidence… Quant à la reconnaissance de son évidente bonne santé, nous en sommes ravis, voire fiers. GéO est naturellement heureux de constater qu'il bénéficie des conditions idéales pour profiter des beaux jours qui coulent; tandis que je tire une légitime fierté de cette forme maintenue malgré une lutte de tous les repas contre l'afflux du vilain cholestérol… Une bataille jamais gagnée à coups sûrs, tant GéO a manqué dans sa jeunesse!
Même si l’on s’efforce de respecter à peu près les règles du Français usuel, force est de reconnaître que la langue évolue plus vite encore que glisse le poids des ans sur le cours de nos vies.
J’en tiens un exemple tout récent, dont je me suis un peu amusée et j’espère que l’anecdote vous distraira un bref instant de vos soucis éventuels.
Au cours d’entretiens chaleureux et informels avec un quadra de nos proches, un mot est revenu fréquemment dans les conversations, vocable auquel je n’ai prêté attention que par la récurrence de son usage et le glissement sémantique qui m’est alors apparu.
Enfant du baby-boom, j’ai reçu en ma période d’éducation l’usage du verbe calculer dans son contexte mathématique, et naturellement son maniement arithmétique.
Pour moi, calculer s’utilise forcément sur des nombres, sur lesquels s’appliquent les opérations fondamentales d’ajout, de retrait, de multiplication ou de division. La science algébrique nous a ouvert l’esprit sur l’art subtil des formules condensant les différentes phases de ces procédés ; même en introduisant alors au milieu de ces nombres la compagnie de lettres isolées, jouant plus ou moins les intruses incognito, porteuses des variations pudiques des valeurs recherchées, nos opérations mathématiques respectent le sens initial absolu du mot CALCULER.
La vie cependant se charge de nous faire évoluer.
Vint forcément pour ma petite personne, comme pour l’ensemble de mes congénères, le temps des maturités et des réflexions philosophiques sur la valeur de nos existences. Le cœur et la peau frictionnés jusqu’au sang par l’expérience, il me fallut bien admettre l’usage du CALCUL sur nos sentiments et sur nos sens. En la matière, il est vrai, j’ai intimement fréquenté un Maître-Calculateur qui sut ajouter, retrancher ou amputer tout simplement la linéarité de mon cheminement. J’appris ainsi douloureusement le second sens, ou si l’on préfère le second degré de la flexibilité lexicale.
Cette fois cependant, moins impliquée dans l’affaire, j’écoutais notre interlocuteur utiliser le mot dans une formulation un peu différente. Sans reproduire ici le contenu du propos, je reprends les termes de nos conversations pour éclairer le sens de ma remarque. Dans l’expression « cette personne, j’la calcule plus du tout… » J’ai entendu: je ne comprends plus le comportement de ladite personne, correct ?
Mais peut-être fallait-il entendre : "je ne peux plus la supporter dans mon voisinage", car le contexte permettait d’admettre aussi cette hypothèse.
Troisième version envisageable : « oui, mais cette solution-là, j’la calcule pas, parce que… » Ce qui cette fois nous mit sur la piste de " je ne veux pas envisager cette manière de m’en sortir…"
Je remarquai bientôt que calculer, dans l’approximation de ces acceptions, me renvoyait systématiquement à une traduction de refus, de rejet, d’exclusion, de négation. Par le biais de ce traitement numérique,serait-ce alors une manière de positiver dans le langage les sentiments ou les raisonnements qui nous désobligent ou nous contrarient ? La langue est vivante, elle évolue et suit au plus près sans doute nos battements de coeur et nos pulsions vitales. Nos vies se complexifient tellement qu’il est possible qu’un usage polysémique de notre vocabulaire s’impose pour éviter l’expression trop crue de nos désarrois…
19:40 Publié dans Courant d'O | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, réflexions sémantiques, journal, champ lexical | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
25/04/2010
Le droit des blogueurs
Au fil de mes balades dans la blogosphère je suis passée par chez Cynthia, qui officie sur son site personnel Cynthia et ses contes défaits entre autres, car à fréquenter ses belles pages et creuser plus avant les liens qu'elle y a adressés, il apparaît que Cynthia est très prolifique et sème sa bonne et belle parole sur de nombreux sites.
Mais Cynthia vient d'être victime d'une curieuse réaction dont la morale est plus qu'intéressante.
Sous le titre l’homme est un animal doué de raison (ou presque),elle publie l'affaire dans ses notes du 3 et 5 avril ( voir lien ci-dessus). Un bref résumé vous permet de saisir le sujet avant d'y aller voir vous même: elle a lu et (donc) commenté le roman Papoua de Jean Claude Derey. Comme l'ouvrage ne l'a pas emballée, la critique honnête qu'elle en a dressée fait part de ses réticences. Cynthia étant une blogueuse très active, sans doute Monsieur Derey s'est-il ému du retentissement de cet avis.… Il s'est alors livré sur le blog des contes défaits à plusieurs attaques dont la virulence n'a d'égale que la bêtise. Cynthia s'est défendue intelligemment en n'entrant pas dans l'exercice de sémantique injurieuse, mais le cas est intéressant. Pour tous les lecteurs et lectrices qui, comme je le fais aussi, avons plaisir à partager nos ressentis, nos émotions et notre plaisir au fil des notes de lecture, il paraît naturel d'être honnête et de nuancer, sans attaques personnelles évidemment, nos avis . C'est en regard de ce critère que l'on s'attache à visiter plus ou moins régulièrement les sites avec lesquels passent une affinité… C'est en tous cas, l'un des critères sous-jacents pratiqué par les sites où je collabore également.
Cynthia s’est remarquablement défendue, faisant montre de dignité et de distance face à la fureur puérile de son agresseur. Le débat est le suivant : tout auteur qui publie accepte de facto d’être lu par un public qu’il ne connaît pas. Il ne peut prétendre plaire à tous, tant par le thème qu’il développe que par la forme dont il use. Il ne se peut pas que Monsieur Derey ait apprécié voire admiré toutes les œuvres passées sous ses yeux et soumises à son libre jugement de lecteur. Nous mêmes, blogueurs et blogueuses qui osons transmettre nos avis, nous sommes souvent assez humbles devant l’œuvre achevée et publiée, sans pour autant flagorner les auteurs, ni même les éditeurs, même quand les sites concernés bénéficient d’ouvrage envoyés par ceux-ci, ce qui est le cas de Cynthia. Évidemment, un site aussi peu fréquenté que l’est gouttesdo ne va émouvoir personne dans le gratin germanopratin! Quoiqu’il en soit, je relaie l’affaire pour ce qu’elle m’a interpellée et m’attribue le logo mis à disposition par…faelys sur Petites Madeleines http://petitesmadeleines.hautetfort.com/ archive/2010/04/06/petite-charte-deviendra-grande.html
17:47 Publié dans Courant d'O | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lecture, opinion, critique, tolérance, honnêteté intellectuelle | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer