18/07/2011
Berceau des civilisations…(1)
La frange sud-ouest du Pays, c’est un peu la finis-terre de l’Asie… Carrefour de tant de civilisations ( notre guide, Yalçin en dénombre 47 !), cette terre accidentée de chaînes montagneuses abruptes aboutit aux confins orientaux de la Méditerranée. Impressionnée encore par les réminiscences de ma lecture de Yachar Kemal,( cf. Regarde donc l’Euphrate charrier le sang…) mon regard fasciné rattache sans cesse la terre aux îles d’en face, si proches et si semblables. Je conçois ce festonnage d’îles côtières comme une couture divine reliant la Turquie à son voisin Grec. La Mer Égée n’est que l’écrin commun à ces terres au relief tourmenté. La géologie tellurique les a façonnées, les hommes s’en disputent la domination depuis des millénaires, mais rien n’est plus artificiel face aux strates déposées depuis les temps immémoriaux.
les hommes regardent la côte au plus près…
Dalyan Caunos: tombeaux rupestres IVe siècle avant JC
Voyage donc en Turquie égéenne…
Vestiges de cités au renom prestigieux.
Première découverte, le recul de la mer a condamné irrémédiablement chacune d’elles au déclin. Les échanges marchands et la propagation des idées sont alors intimement liés. L’accès à la mer est primordial dans le monde méditerranéen. Mais l’ingéniosité des hommes s’affronte à Mère Nature et les sables gagnent sur la mer…
C’est ainsi que Priène domine actuellement la plaine de la Söke, riche vallée fertile propre aux cultures vivrières (céréales, fruits, légumes) et au coton. Un escalier monumental mène au site.
Adossés au Nikkale, la montagne (ou forteresse) de Satan, les vestiges de l’ancienne cité sont réellement impressionnants. Le théâtre accueillant 5 000 spectateurs donne une idée de l’importance du site, le nombre de places équivalant au dixième de la population concernée. Nous calculerons ainsi que Milet atteignait 250 000 personnes à son apogée et la population d’Éphèse est estimée à 500 000 habitants . Comment ne pas être interpellé par les dispositifs d’adduction et d’évacuation des eaux, dont on peut relever les traces aux portes de Priène.
Occupée d’abord par les Hittites, puis sous influence hellénistique par les Ioniens, la cité est vouée au double culte de Dionysos et d’Athéna. À quelques enjambées du théâtre, le temple d’Athéna se signale par ces quatre colonnes restées fièrement debout. Les tremblements de terre successifs, qui secouent toujours la région, ont eu raison du bâtiment, comme en témoigne ce champ de fragments…
Le Bouleutérion, équivalent d’une salle du conseil, témoigne de l’organisation politique de la ville : cinq vastes portes en assuraient l’accès et l’éclairage, relayé la nuit par les torches car l’obscurité ne pouvait envahir l’endroit des débats.
À l’époque byzantine (IVe siècle après JC jusqu’au XIe), la cité est encore active. Dans les ruines du petit temple attenant au théâtre une église byzantine est érigée
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19/02/2011
Nihao
Dans ma bulle, aujourd’hui, il est dix-neuf heures** à Wuhan…
- Où ça ?
- À Wuhan, chef lieu de la province de Hubei, Chine, juste là…
C’est bien là que sont partis nos tourtereaux depuis dix jours maintenant. Aurélien visite la famille de Jing.
Beau voyage aux antipodes (presque) de notre façon de vivre. Et comme la technologie nous y autorise, de temps à autre, il partage par mail ses impressions. Je m’autorise à vous en livrer quelques-unes, en attendant les photos et les clips que nous ne verrons pas avant leur retour.
Nihao* nous dit Aurel, en parfait Mandarin dans le texte, bien sûr…
En quelques lignes, notre voyageur dresse un tableau rapide de la ville, de son extension tentaculaire, et des excursions dominicales…
« La ville de Wu Han est extrêmement grande. Les rues sont des 4 voies comme nos autoroutes, et la ville s'étend à l'infini: Hier, après deux heures de route, j'ai demandé où on était:
- "À Wu Han"!
Et pourtant ça roulait bien. Contrairement à ce que j'imaginais, le trafic n'est pas très dense, mais il n'y a aucune règle sur la route, et malheureusement la plupart des voitures sont dépourvues de ceintures de sécurité. Assez flippant, car ils pilotent vraiment n'importe comment. Ceci dit, les conducteurs roulent plutôt lentement, ce qui leur permet d'éviter les accidents, qui seraient inévitables autrement. Je filmerai la prochaine fois que je serai en voiture, c'est un spectacle à voir au moins une fois dans sa vie... »
Nous sommes passés aux choses sérieuses en escaladant le mont Mulan, en fait un pèlerinage bouddhiste où l'on va de temple en temple afin de faire des voeux auprès de différentes divinités, dont certaines sont spécialisées (pour les études, pour l'argent, l'amour etc.) tandis que les autres sont généralistes. Plutot Marrant. Cela dit, aller quémander la bienveillance de Mulan se mérite, car c'est tout en haut de la montagne.
Ce matin, la boîte mail nous délivre un nouveau reportage de son carnet de voyage.
Cette fois, Aurélien s’amuse des activités de bienvenue dans sa belle-famille, où tout le monde se montre accueillant. Je vous offre un résumé succinct, après avoir pris soin d’accentuer le texte écrit de là-bas sur un clavier qwerty, ce qui est déjà plus confortable que le clavier à caractères locaux !
"Comme prévu nous voyons beaucoup de monde, heureusement tous se montrent très gentils. J'ai appris un peu à jouer au Mah-Jong. J'ai même gagné plusieurs parties (avec un peu d'aide...) Nous avons aussi fêté le nouvel an. Ici, pas de feu d'artifice officiel de la part des autorités, ce sont les gens qui achètent les leurs et les allument devant chez eux. Une ambiance unique...
Je n'ai toujours pas croisé un autre occidental en près de dix jours! C'est une des grosses différences avec l'occident: Chez nous on croise toutes les ethnies dans nos rues, mais ici tout le monde est chinois (sauf moi). Ça me fait drôle d'être dévisagé dans la rue tout le temps, mais je m'habitue. "
Imaginez-vous que je voyage moi aussi à la suite de mon messager intercontinental … J’enfourche témérairement ma souris telle une amazone high tech, et d’un preste clic, cap au Levant, me voici survolant nos contrées européennes, puis le Moyen Orient, enfin les vastes étendues asiatiques, avant d’effectuer un atterrissage impeccable sur les rives du Chang Jiang, l'immense fleuve boueux dont les méandres sont visibles ci-dessus sur le troisième cliché extrait de Google earth ...
L’agglomération est en effet reconnue comme la douzième plus grande ville de la Chine, dédiée aux activités industrielles et universitaires. Si Aurélien n’a pas l’occasion d’y croiser des Européens, c’est sans doute qu’il est totalement immergé dans la bulle de la famille de Jing.
Leur séjour durera jusqu’à la fin du mois, j’aurai donc encore quelques informations piquantes à vous transmettre…
Tandis que ma bulle affective se gondole et migre aussi vers Sèvres, que j’ai quitté il y a maintenant une bonne semaine. Je m’y étais octroyée un petit séjour en célibataire, histoire de profiter des derniers jours du congé maternité de ma Douce et d’aller emplir mon cœur des mines de Mathis. De ces moments chaleureux volés à mon quotidien maximinois, je vous raconterai volontiers mes souvenirs mirobolants de l’exposition Cranach célébrant la réouverture du musée du Luxembourg…et l’anecdote du club des grands-mères, ayant partagé un bout de wagon avec certains écoliers parisiens en route pour les vacances chez Papy-Mamy, en l’occurrence Papé et Poupette, s’ils se reconnaissent…
En attendant, Mathis jouit de sa dernière conquête, la chaise haute puisqu’il s’adonne maintenant au goûter compote de fruits… Quelle étape ! Il ne lui a pas fallu longtemps pour se familiariser avec la cuillère et le goût un peu étrange de la pomme cuite vapeur et sans sucre… encore un petit convive envers qui il ne faudra pas se contenter de belles paroles pour le tenir à table !
* Nihao= bonjour en Mandarin, langue courante dans cette Province.
**décalage horaire par rapport à la France: + 8 heures.
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11/11/2010
Villa de rêve ( 2)
Villa Kerylos
Certains destins semblent couler de source.
Les talents, les dons révélés à la source jaillissent et coulent d’une étape à la suivante sans heurt, dispensant la fraîcheur et le pétillement d’une intelligence vive et profonde.
Quelquefois, c’en est presque agaçant…
Nul doute que les frères Reinach ont produit cet effet, quand ils rayonnaient tous trois sur les Lettres Françaises et la vie intellectuelle de notre IIIème République, par ailleurs tellement conformiste.
Mais tant de talents se paient parfois au prix fort, et je vous conterai tout à l’heure les détours qu’une dynastie endosse parfois… Laissez-moi vous conduire d’abord vers cette seconde villa de rêve, pour tenir mes engagements du précédent bulletin…
***
Souvenez-vous, nous sommes encore à Saint Jean Cap Ferrat, dans les somptueux jardins de la Villa Éphrussi…
De ce belvédère, la vue s’étend sur la côte, avec pour seule limite la montagne qui prend pied dans la Grande Bleue. L’agglomération voisine est Beaulieu, la bien nommée… Elle abrite sur sa côte sinueuse, la Pointe des fourmis.
Par-delà les arbustes qui bordent l’ Eden, au bout de cette avancée, il est aisé de repérer une villa toute blanche …
À vol d’oiseau, quelques centaines de mètres nous séparent de Kerylos, l’ hirondelle de mer, née de l’imagination érudite de Théodore Reinach, au début du XXème siècle. Mais avant de vous inviter à pénétrer cette maison extraordinaire, revenons sur la personnalité de ce grand humaniste bâtisseur …
Vue depuis la mer
***
Théodore Reinach naquit en 1860, troisième fils d’une famille originaire d’Allemagne, appartenant à la Grande Finance internationale. Comme ses frères Joseph et Salomon, Théodore reçut une éducation soignée et rigoureuse. L’intelligence érudite des membres de la fratrie devînt vite légendaire, de sorte qu’ils furent surnommés les JST, « Je Sais Tout », en référence aux initiales de leurs prénoms.
Joseph, l’aîné, s’illustra rapidement dans les milieux politiques et , député, devint même un collaborateur éclairé de Gambetta.
Salomon, le cadet ,préférait l’Étude à l’action politique : l’Institut de France lui offrit le cadre rêvé pour ses chères recherches et très naturellement, il fut nommé Conservateur du musée national des Antiquités.
Le benjamin, Théodore, s’affranchit de ses deux frères en empruntant à l’un et à l’autre, et conjuguant à loisirs tous les talents, docteur en droit et en Lettres, il fut successivement juriste, enseignant spécialiste de l’Histoire Grecque Ancienne… S’affirmant en tant qu’ archéologue, spécialiste du déchiffrage des papyrus, numismate, musicologue, il fut reçu à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, et obtient même, quatre ans avant son décès, la Chaire de Numismatique au Collège de France … Cependant sa belle énergie l’inclinait également vers la Chose Publique et à l’instar de Joseph, la députation lui tendait les bras. Il établit d’abord son fief en Savoie, de 1906 à 1914. Veuf de sa première femme, dont il eut deux filles, il épousa en secondes noces la nièce d’un certain …Maurice Éphrussi, tiens tiens, voilà qui nous ramène à la Riviera. Quatre fils naquirent de cette union, dont Léon, époux de Béatrice de Camondo, fille du célèbre collectionneur Moise Camondo, déportés tous deux en 1943 avec leurs deux enfants.
Avant d’entreprendre le projet Kérylos, Théodore avait acquis dès 1901 à La Motte-Servolex en Savoie un château du XVIIIème siècle qu’il avait entrepris de rénover entièrement dans l’Esprit du style Louis XIII. L’expérience lui plut, de sorte que l’achat du domaine de Beaulieu lui semblât l’opportunité de renouveler le défi . Cette fois, il imagina et fit réaliser une Villa sur le modèle de la Grèce Hellénistique, sujet qu’il connaissait parfaitement.
Dans cette optique, il requît les talents d’un architecte dont la renommée reste attachée à la villa, bien qu’en son temps, il fut déjà reconnu et honoré de ses pairs : Emmanuel Pontremoli, grand prix de Rome en 1890, à qui on doit notamment l’Institut de Paléontologie humaine à Paris ou encore la grande synagogue de Boulogne Billancourt. Sa réputation lui valut la nomination à la direction de la section architecture aux Beaux Arts.
***
Revenons maintenant aux magnifiques années de la Belle Époque : la révolution des technologies, l’amélioration des communications, les voyages et la mode des séjours balnéaires ont lancé la Riviera. Essayons d’imaginer le panorama de la côte d’Azur vierge de toutes les constructions actuelles, serrées sur les flancs de la montagne : Ne conservez au fond des yeux que l’azur du ciel, le bleu profond de la mer, le vert sombre des pins, la pierre blanche des parois rocheuses :
À deux pas de Monte Carlo, les entrepreneurs se régalent… Sans les actuelles grues qui tournoient sans relâche dans nos cieux tropéziens, les belles et majestueuses demeurent s’élaborent pour loger la bonne société aux finances florissantes. Les grands hôtels n’y suffisent plus, il faut construire. Théodore Reinach a encore les pieds dans sa circonscription savoyarde, mais il est avisé et sait qu’il réalise une belle affaire en se portant acquéreur d’un terrain de 2000 mètres carrés au bout de la Pointe des Fourmis, sur la commune de Beaulieu. Nous sommes au tout début du XXème siècle, ce qui n’empêche pas notre Humaniste de projeter ses désirs vers le passé, au cœur de l’Histoire qu’il admire. Il choisit de faire ériger sur ce bout de terre méditerranéenne une demeure intemporelle, telle que les Anciens l’auraient bâtie.
Il ne s’agit pas de construire une bâtisse à la manière de…, en ajoutant une colonnade en guise de Péristyle pour porche d’entrée. Le cahier des charges précise qu’il faut réinventer les techniques, les arts, le mode de vie d’une famille comme si elle coulait ses jours heureux à Délos, au II ème siècle avant Jésus Christ.
Il faut six ans à Emmanuel Pontremoli pour mener à bien son chantier, de 1902 à 1908, mais l’ingéniosité, la rigueur et …Les moyens mis à sa disposition lui permettent de livrer enfin la Villa Kérylos à son propriétaire, qui baptise chaque pièce du nom de sa fonction : Andron pour le grand salon où se réunissent ces messieurs, ou balaneions pour les thermes, le triklinos désigne la salle à manger …
Marbre de carrare, bois exotique rare, citronnier blond composent les matériaux utilisés. Outre l’organisation de l’espace déterminé selon le mode de vie, la décoration reçoit un soin particulier : fresques peintes et mosaïques imposent aux visiteurs un respect qui laisse coi.
Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par ces mosaïques saisissantes de vie et de relief :
Tout de suite à gauche, le balanéions offre aux hôtes la piscine de marbre et mosaïque aux fins de relaxation :
Cœur de l’édifice , le pérystyle central gouverne l’accès à toutes les pièces privées, nous en admirons les fresques murales :
En relation avec la fonction des salles, sols et murs constituent les supports aux illustrations de scènes mythologiques :
Ces derniers bas-reliefs identifient les salles de bain privées de Madame et Monsieur Reinach.
La personnalité des habitants des lieux est traduite par la décoration :
La tonalité bleue des fresques murales et la rigueur sobre du mobilier caractérise l'univers de la maîtresse de maison:
Le domaine privé de Théodore Reinach apparaît bien différent: Une chambre très claire, éclairée sur trois côtés , réchauffée par le rouge dominant des murs.
À ces choix décoratifs personnalisés s'ajoute un raffinement de détails permettant de juxtaposer discrètement les pratiques modernes du confort au style de référence:
des éclairages subtilement évocateurs
aux robinets des installations sanitaires.
Passant par L' Andron, salon réservé aux réunions entre hommes, et la bibliothèque, vous relèverez certainement une ambiance propice à la méditation et la réflexion.
L'andron donne à droite sur le péristyle
Au fond, derrière les deux colonnes, la bibliothèque, ce qui suggère, n'est-ce pas mes soeurs, que l'accès est plutôt réservé …
Au delà de la conception de cette Villa peu ordinaire, et pour tout dire, le visiteur lambda peine sans doute un peu à se projeter dans son schéma habituel, l'intérêt des objets collectionnés et présentés en situation est saisissant. Je ne peux abonder en clichés, mais je vous livre quelques exemples d'objets ou de la statuaire :
bronze Faune
Léda , terre cuite
Une visite d'une telle richesse ne saurait s'achever sans mentionner les jardins.
Au mileu des plates-bandes d'arbustes typiquement méditérranéens, nous contournons la bâtisse pour découvrir la galerie des statues, situés en contre-bas , au niveau de la mer.
Au raz des flots, les reproductions les plus élégantes et les plus représentatives de l'Art Sculptural nous attendent. Au long de cette galerie circulaire, de nombreux panneaux exposent l'expansion du monde grec par la mer, l'importance et la stratégie portuaire sur le pourtour méditérranéen, la compréhension d'une circum navigation au fil des mythes et de la réalité économique d'une civilisation qui ne pourra jamais mourir tout à fait…
19:59 Publié dans Blog, goutte à goutte, Loisirs, Sources, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : culture, histoire, antiquité, kérylos, humaniste, reinach | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
02/11/2010
Villa de rêve ( 1)
La Villa Ephrussi de Rothschild
En ce long week-end pluvieux, je vous propose la visite virtuelle de deux minuscules royaumes de rêve ouverts sur la Méditerranée, deux Villas au sens romain du terme, où nous avons pu pénétrer début octobre, à l’invitation d’Edmond.
Nichées toutes deux entre Villefranche et Beaulieu, elles occupent chacune un promontoire, et il faut être esthète et curieux comme notre mentor de ce jour pour dénicher de tels sites. La morale de l’Histoire soulignera que parfois la fortune est bien dispensée, entre les mains de mécènes avisés et pertinents, capables de concevoir et d’ériger des édifices prodigieux, pour leur plaisir d’abord, pour la pérennité d'un raffinement offert à tous, la conservation des lieux étant depuis assurée par l'investissement d'associations culturelles dédiées.*
Quittant Nice vers l'est, la balade s'initie d'abord sur la moyenne corniche où nous marquons une halte pour capturer ce panorama époustouflant :
En abordant le Cap-Ferrat, notre guide reste vigilant car les indications qui mènent à la Villa Éphrussi de Rothschild sont discrètes, dissimulées en plein virage, comme pour préserver le mystère du paradis conçu par Béatrice de Rothschild, au début du XXème siècle.
Richement dotée par sa naissance (1864) autant que par son mariage avec Maurice Éphrussi (1883), Béatrice de Rothschild a mis à profit son éducation et ses dons d’esthète, confiant à Jacques Marcel Auburtin, entre autres, la réalisation de ce petit palais particulier au milieu d’un immense jardin de sept hectares, qu'elle acquiert en 1905 sur la presqu’île de Saint Jean Cap-Ferrat. Il faudra cinq ans (1907-1912)pour finaliser ce projet hors pair, et la légende veut que la baronne Éphrussi en personne ait trié sur le quai de la gare de Beaulieu les chef-d’œuvres acquis à travers l’Europe pour enjoliver sa réalisation. Bien que peu connu sous ce nom, la luxueuse villa de Béatrice est baptisée Île de France, elle s’amuse en effet à comparer la forme de son terrain au pont d’un navire; elle pousse d'ailleurs la métaphore en obligeant ses jardiniers à porter des bérets semblables à ceux des marins, anecdotes révélatrices d'un esprit original et indifférent aux qu'en dira-t-on.
***
Les visiteurs découvrent l’entrée du bâtiment après avoir gravi une longue allée bordée de luxuriante végétation, que les regards des curieux dominent pour admirer la côte en dessous.
Un véritable petit palais Toscan, tel qu'il apparaît au détour de la cour ornée d'un faux puits… Au fond à droite, la rotonde qui abrite la salle à manger du restaurant…
À ce moment de l’année, le soleil est encore ardent et le déjeuner** dans les jardins permet de goûter l’ambiance du lieu, le raffinement délicat des extérieurs autant que l’élégance de l’architecture, illustrée par les teintes roses des murs soulignées d’embrasures et de colonnades blanches.
Le génie de l’architecte a dessiné un écrin de végétation original pour mettre en valeur l’édifice
La visite des appartements révèlent bien d'autres découvertes, nous sommes sidérés par la richesse des collections réunies par la baronne Béatrice, des porcelaines de Sèvres au mobilier créés par les ébénistes les plus réputés du XVIIIème siècle. Ses détracteurs lui ont reproché un art de vivre à la Marie-Antoinette, mais les admirateurs actuels des objets exposés ne peuvent que se féliciter de la création de collections aussi somptueuses dont voici quelques exemples:
les porcelaines :
le mobilier magnifique et la garde-robe d’apparat, dans une mise en scène qui illustre parfaitement le mot boudoir, tel qu'il se rencontre dans les récits de Dumas…
quelques tapisseries délicates, broderies ou décors muraux,
Les architectes ont veillé à permettre un large panorama sur la mer depuis les larges baies vitrées des salons de réception autant que de la chambre et le boudoir de la Baronne.
L’atmosphère de la chambre de la maîtresse des lieux comblerait d’aise plus d’un visiteur, tandis que le Patio intérieur, véritable reproduction des Palais italiens de la Renaissance, outre l'élégance de sa structure, offre une galerie de peinture sans pareille, exposant des oeuvres du XVème siècle dignes des plus grandes collections. :
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Notre visite se poursuit dans les jardins étagés sur le promontoire. Nous sommes accueillis justement par la bande sonore d’une valse viennoise, dont les accents entraînants commandent le jeu des jets d’eau…
Tandis que les tortues s’offrent une pause bain de soleil, notre valeureux photographe s'entraîne à marcher sur l'eau, question de foi, n'est-ce pas?
Petite halte bien méritée, avant de gagner la Joliette aménagée, où nous tombons sous le charme de la femme au bain :
Nous quittons ces lieux enchantés, jetant un dernier regard sur le pavillon qui garde l’entrée de ce petit royaume issu d’un conte de fées moderne :
* Depuis 1991, la Villa Ephrussi de Rothschild est restaurée et mise en valeur par l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut de France, qui l'a achetée et gère ce patrimoine. De plus amples renseignements sur le site:
http://www.villa-ephrussi.com/fr/ephrussi/
** il est en effet possible de se restaurer à la villa Ephrussi, soit dans la vaste salle à manger en forme de rotonde, largement éclairée de hautes baies vitrées, soit dans les jardins, à l'ombre de pergolas charmantes. Les mets proposés sont simples mais exquis, et la cave peut attirer les amateurs de dégustation sans pièges: les bordeaux sont livrés de Gironde et proposés à des prix sans concurrence pour ce genre de crus… Inutile de préciser que nous n'avons pas boudé notre plaisir…
12:52 Publié dans Blog, goutte à goutte, Sources, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : journal de voyage, villa ephrussi de rothschild, saint jean cap ferrat, collection d'art, architecture, palais, jardin | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer