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19/11/2007

GéO Répartou

Misère, ce jour-là, double misère, notre bon vieux Kärcher s’est mis à fuir pour de bon. Sans la moindre retenue, l’engin s’est vidé sur le pavé de l’allée, rendant l’eau sous son ventre affalé, larguant sa précieuse pression dans nos pieds mal chaussés.
- Kärcher, mon bon Kärcher, depuis 20 ans que tu nous rends d’inestimables services, pourquoi donc nous lâches-tu ainsi face à cette fosse bouchée ?

Comme chaque fois qu’un pépin se glisse dans le cours d’une tâche ardue, GéO ne se fâche pas. Il s’obstine tout simplement et s’ingénie à résoudre le problème.
Suivons l’exemple de ce cas précis, le Kärcher a rendu l’âme.

Première étape, vendredi fin de matinée.

Constat du problème.
Ramener l’engin dans l’atelier, au fond du jardin,
Entreprendre le démontage minutieux de l’appareil, ce qui suppose au préalable d’avoir rapidement débarrassé la table d’opération du bazar habituel qui l’encombre.
- GéO, Le déjeuner est prêt…
- Une seconde, j’arrive, je regarde juste si ça ne vient pas de ce joint……
Une demi-heure plus tard, GéO sait que ce n’est pas un joint qui est en question, la défaillance vient de cette petite plaque de métal gris, aménagée de quelques trous filetés et d’une autre ouverture oblongue, ce que je peux constater d’un coup d’œil quand il revient à la maison avec le problème en main. En fait, le souci s'est dédoublé puisque la plaque est fendue en deux.
Seulement voilà, le casse-tête se corse, car la pièce a été conçue en Zamac, elle ne pourra jamais être ressoudée ni collée …Quoique…

- Je verrais ce que je peux faire après le déjeuner, mais je crois que ça va être difficile à réparer.
Voilà, le processus est en route, nous allons déjeuner, discuter , argumenter de l’intérêt ou du prix d’un engin plus neuf, mais la conviction n’y est pas, à son air un peu tendu, je sais qu’en voix-off, les neurones cogitent…

Deuxième étape, vendredi après-midi.

Nous délocalisons.
GéO est monté au bureau avec la pièce défaillante.
Un après-midi entier agrippé au programme du Mac, il a reconstitué minutieusement le plan de la pièce, aux cotes précises.

- Tu comprends, si je l’envoie à mon ancien mécanicien, à Quincy-Voisin, il pourrait me refaire la pièce…
- Mais GéO, Monsieur Georges est parti à la retraite.
- Je le sais bien, mais ses successeurs pourraient bien me le faire, ils ont quand même débuté chez moi, j’étais leur patron !
-Si tu le dis, mais est-ce bien rationnel de faire usiner une seule pièce à 800 Km de chez nous ?
- Où est le problème, ça s’envoie par la poste…


Samedi est jour blanc, nous sommes conviés pour la journée dans le Haut Var.
Nos neurones se taisent, peut-être …

Dimanche matin

J’ai prévu un programme nettoyage d’automne au jardin en compagnie d’une amie qui se déplace spécialement pour jeter un sort aux plates- bandes, rogner mes Iris et rabattre les rosiers.
Devant ce programme intensif, GéO se propose pour aller seul chercher le pain …Et passer à la brocante.
Deux heures plus tard, il revient triomphant : il n' a rien trouvé sur le parvis des puces, mais en revenant, l’inspiration du moment l’a mené jusqu’à la zone industrielle où un artisan effectuait des rangements devant son local.
- Bonjour, Monsieur, je suis à la recherche de…
- Mais bien sûr, fouillez donc dans ce tas, vous devriez dégoter ce qu’il vous faut…
Le Flair, vous en conviendrez, le flair et ce je ne sais quoi du chanceux qui force son destin… La preuve, assène –t--il volontiers, c’est comme ça qu’il m’a trouvée, moi, sa perle rare !


Dimanche fin d’après-midi

Sitôt le déjeuner achevé, GéO retourne dans son antre, nous laissant aux progrès de nos sécateurs. Il faut dire que nous ne chômons pas non plus de notre côté. Simone a fait un sort au vieux laurier rose qui dépérissait devant la cuisine, j’ai nettoyé, bichonné mes rangés d’Iris, avant de me tourner vers les nobles rosiers que la douceur automnale relance. Foin des bourgeons, «sectionne à deux yeux », m’a toujours dit ma mère.

Peu avant dix-sept heures, fières de notre avancée, et jugeant la clarté suffisante encore, nous venons de nous transposer dans le recoin devant la chambre d’amis, à l’abri du petit vent glacé qui vient de se lever. Il doit nous rester un gros quart d’heure de jour, délai suffisant pour nous permettre, à deux, d’arrondir joliment la silhouette du rosier pomponne. Nous voilà à l’œuvre, pressée d’avancer cette dernière tâche de la journée.
- Après lui, on arrête, ça suffira pour aujourd’hui…
C’est à ce moment que déboule GéO, précédé de son célèbre
- T’es où ?
Et sans reprendre souffle, il enchaîne, me plaquant simultanément sous les lunettes un petit paquet blanc et jaune, à la minuscule écriture noire :
- Alors, traduis-moi ça, ça prend en combien de temps , ça peut se travailler longtemps, c’est bien prévu pour coller les métaux, et quoi aussi ? C’est quoi, ce Holz et schnell là, c’est bien prise rapide, non ? Et dans quelles proportions on mélange les ingrédients ? Je peux coller aussi le métal avec ça, ou c’est pas possible ?
- Attends, un peu, c’est écrit là, je crois,non, ça c’est la liste des matériaux, Holz c’est le bois, Keramik c’est
-Ben je sais, ceramik , c’est la porcelaine et Metall c’est ce que je cherche, j’ai pas besoin de toi pour ça, je veux que tu me dises.… que tu précises comment on fait et en combien …
Simone éclate de son rire si communicatif.
- Et là, c’est écrit quoi ? dit-il en posant son énorme pouce sur les minuscules petites lignes du carton.
Sécateur en main, je descends du rebord de la plate-bande sur laquelle je m’étais juchée pour atteindre le haut de l’arbuste, mais le flot des interrogations ne se tarit évidemment pas. Je prends l’objet en main et dans l’éclairage du jour finissant, j’essaie de me repérer sur ce mode d’emploi assez dense.
Mon Allemand est formidable… pour accueillir nos amis, à la rigueur prendre de leurs nouvelles ou lire la recette du Kaiserschmarrn ou de la Käsesuppe… Pour la météo, ça va encore, mais pour Patrice Süskind ou les notes techniques, comme à ce moment précis, dans le demi-jour et soumise à la pression de l’interrogatoire, mon cerveau commence à friseler.
- Attends, je n’ai pas la science infuse, je peux te le dire, mais donne-moi dix minutes au bureau, TOUTE SEULE, et je t’apporte la traduction, ça va ?
À travers les branches du rosier, mon regard accroche les yeux de mon amie. Ils pétillent de malice, mais elle me rassure simplement.
- Mais oui vas-y, de toutes les façons, on n’y voit plus rien ici, je range nos outils, tu ne peux pas faire plus…


GéO maugrée, il faut bien qu’il souligne que, décidément, il n’est pas secondé dans l’expression de son génie…
Me voilà au bureau, les pages du dictionnaire virevoltent, les mots se rassemblent, je m’énerve, brouillonne ma traduction, mais un petit quart d’heure me suffit pour faire une entrée triomphale dans l’atelier, gribouillage en main. Très concentré, l’homme de ma vie jette un œil sur le papier. Au passage, il me montre quand même la pièce qu’il a reproduite, limée, arrangée, filetée, il n’y a plus qu’à assembler.
- Tu es sûre de ce que tu m’as écrit ? Parce que si tu te trompes, je perds tous mes efforts de la journée, moi ! Bon, je vais me débrouiller avec ça, tu vas voir, si ça tient, le Kärcher va être comme neuf ! Il est bon tu sais, ton bricoleur de Mari !

Lundi, petit-déjeuner

Le lendemain, je prends des nouvelles du convalescent au repos dans l’atelier.
- Oui, oui, ça a l’air de tenir mon bricolage, il fuit encore un peu, mais à peine, je m’en tire bien.
Et comme nous poussons tous deux un soupir d’aise devant la qualité de son travail, il ajoute :
- En fait, je ne me suis pas servi de TA colle, elle est trop compliquée, j’en avais une plus facile d’emploi en réserve…



Kaiserschmarrn.docKäsesuppe.doc

15/11/2007

Un temps tout fou…

Qui peut le croire ?


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Qui pleure lundi sur le manque d’eau et la sécheresse se désole encore jeudi sur ce paysage inhabituel…


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Il en est qui rient bien fort :
Les enfants des voisins sont à la fête, les batailles de boules de neige sont rares dans la contrée.
Notre bon Zuco et sa compagne GrosMimi se sont pelotonnés aux pieds du Maître dans le bureau.
Pas de jardin aujourd’hui, il n’est plus temps de ratisser l’allée
Il est trop tard pour user du sécateur, une bonne et longue plage de lecture ou de surf sur la toile, quelle jolie perspective…
Dis mon bel ordi, prendras-tu plusieurs de mes clichés au jardin endormi?

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09/11/2007

Dire

Dire :
L’eau, terme générique, indispensable à la vie, génère en chacun de nous une multitude d’images. Elle est l’élément de référence commun à toutes les cultures. Source, Étanchement de la soif, préservation de la Vie, Rafraîchissement, Éloignement, Danger, Apaisement. Elle offre toutes ses vertus, elle incarne les périls et les découvertes, l’aventure et la survie.


Qui dit Eau évoque l’onde, l’élément liquide, la fluidité, le fleuve, la mer, l’Océan ou le lac, la mare, la flaque, un verre, une larme. La glace qui a enserré les traces de vie antérieure, qui détient peut-être les clés de notre futur. H2O, la plus petite part d’eau, suffisante et nécessaire pour que naisse la molécule initiale de vie. Une seule cellule aurait-elle permis le développement de la Vie ? À partir de quelle quantité d’atomes d’eau y a-t-il une génération possible de cellules vivantes ?

Une goutte d’eau, c’est déjà beaucoup. Des gouttes, c’est la pluie que nous attendons pour préserver notre terre du désastre annoncé. Six semaines sans la moindre goutte, les lézardes ont créé un réseau de failles dans nos plates-bandes, et la contrée s’est ternie, quand elle n’a pas brûlé.

De ce bureau niché à l’étage, je baigne dans l’étuve. Je me sens devenir eau, mais une mauvaise eau. Celle qui sort de moi, chargé de sel et de toxines. Ma sueur appelle l’envie de la piscine, du bain, du verre salvateur…J’éprouve, donc je suis. Je suis, donc je dis. À ce blog, je confie la mission de porter mes gouttes vers d’autres sources qui voudront bien s’en abreuver.daf50f87d6e08c78aae18368f294d683.jpg

Ressentir

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La fraîche coulée de l’eau glissant sur mon corps surchauffé.
Il existe plusieurs façons d’entrer dans l’eau, selon l’humeur. Lui préfère plonger, sans même se mouiller d’abord la nuque ou le ventre, il ne s’attarde pas à regarder la masse ondoyante sous lui. Du bord de la piscine ou du pont du bateau, il plonge dans le mouvement, surtout attentif à conserver le rythme de sa démarche.
Je pratique les variantes, miroir de mes ressentis. Très souvent prudente, nuque douchée, mes pieds jaugent d’abord, puis les mollets jugent jusqu’aux genoux, avant de lancer mes cuisses dans l’étau de fraîcheur jusqu’à sentir qu’enfin ma peau se décontracte et accepte la sensation. Alors d’un coup, sans plus réfléchir les nuances de températures, je me fonds dans le liquide, ventre, poitrine, épaules, cou.
Il faut attaquer ces premières brasses par coulées goulues, comme on boit cul sec. Et quand ma respiration se débloque, se tourner et retourner comme un phoque et assurer à ceux qui sont restés sur le plat-bord :
- Mais venez enfin, elle est si bonne !

Et puis au deuxième ou troisième bain, l’astuce pour retrouver cette délicieuse rupture de température, c’est de lézarder suffisamment, face A et B. Prendre le temps d’y penser, de faire naître l’envie, le désir intense de fraîcheur. Imaginer, paupières closes sous les lunettes sombres la couleur verte mentholée et le scintillement de la masse fraîche, à deux pas. Si on le peut, écouter attentivement le clapot, très important le clip clap quand on a chaud, si chaud que des gouttes de sueur dessinent des rigoles abhorrées sur le buste. Il devient impératif de laver cette disgrâce. C’est là qu’il faut vite se lever, jeter les lunettes sur le premier siège rencontré, secouer la tête pour chasser le bourdonnement du sang dans les oreilles, avancer jusqu’à recroqueviller les orteils sur l’extrême bord de la planche, penser plié- tendu… Cette fois, la sensation vient par la tête, la nuque s’annonce premier récepteur, la plénitude de la sensation éclate quand le corps se cambre à la remontée.