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13/12/2008

Mot d'ordre: Noël !!!

Décembre, tout le monde le sait, c’est le dernier mois de l’année.
Une année entière qui s’achève, ça appelle au bilan. Mais on n’a pas le temps, pas encore : On a d’abord un grand moment à préparer, un temps fort comme on disait à l’école en préparant les fêtes et les célébrations. Et chaque année, on recommence, on y pense à l’avance, on calcule, on compte, on réfléchit, on prend des résolutions aussitôt balayées d’un coup de cœur.
Non, c’est Noël quand même !
On va marquer le coup…

Avez-vous remarqué comme nos messageries ont enflé ces temps-ci ?
Des mails qui s’étirent en une liste interminable, surgissent de nulle part, émanant de sociétés dont on ne soupçonne même pas l’existence, qui tout à coup s’annoncent à votre intention avec familiarité, en utilisant tout de suite le petit nom, comme si on avait gardé les vaches ensemble :
Quelques exemples parmi les centaines qui envahissent mon écran ces temps-ci:

De : "Stefanie de Culture Quiz" <"Stefanie deCultureQuiz"@bp06.net>
Date : 11 décembre 2008 12:47:06 HNEC
À : odechollet@orange.fr
Objet : Odile, le nouveau thème est arrivé !

Là encore, il s’agit de jouer et sans blague, ça fait plaisir, un nouveau thème !

De : "Fabuleos via Noe-Noa"
Date : 10 décembre 2008 16:48:37 HNEC
À : odechollet@wanadoo.fr
Objet : ODILE, Faites des économies sur vos achats de Noël

Sympa, cette fois, faire des économies, surtout par les temps qui courent, mais elle calcule mal, Fabuleos, elle veut que j’économise en dépensant mes sous chez elle… À la rigueur, va pour, mais je n’ai vraiment pas besoin de tout ce qu’elle propose…

De : Dr Pierre Ricaud
Date : 10 décembre 2008 14:40:01 HNEC
À : odechollet@wanadoo.fr
Objet : Odile, ce soin vous est offert. Valeur 85 euros.

C’est cadeau, d’accord, mais seulement si j’achète pour trois fois plus, dommage !

De : Grand Jeu Superbonplan
Date : 10 décembre 2008 12:26:30 HNEC
À : Odile Chollet
Objet : Odile, 6 offres gratuites pour vous

Là, on commence à fatiguer un peu, non ? C’est prenant d’ouvrir tant et tant d’offres, GéO me rappelle à l’ordre pour le déjeuner…


De : " Aurélie de BienManger.com"
Date : 10 décembre 2008 11:54:37 HNEC
À : odechollet@wanadoo.fr
Objet : Odile, des idées gourmandes pour Noël

Eh nous y voici, au cœur du sujet, tous ces courriels qui débordent de la boîte à courrier, c’est à cause de NOËL !
Comme si tout à coup, crise ou pas crise, toutes nos pensées, nos activités, nos communications ne répondaient plus qu’à un seul et même mot d’ordre :
Dépenser, dépenser, DÉPENSER, DÉ-PEN-SER !!!

Et là, je dis : » STOP ! »

NOËL, d’abord, ce ne devrait pas être la fête du commerce…
NOËL, ça ne devrait pas être cette abondance de luxe, de bouffe, d’énergies dispersées, de courses effrénées…
NOËL, ça ne devrait pas motiver cette contrainte qui nous oblige à bousculer nos habitudes, nos modes de vie, à exploser nos budgets, à emprunter pour acheter les jouets à la mode, les gadgets high tec incontournables, à ingurgiter des tonnes de produits étiquetés Luxus alors que toutes les enquêtes soulignent que ce sont des produits quelconques, pas meilleurs en tout cas que les produits discount.
NOËL, ça ne devrait pas être cette vaste arnaque commerciale, cette surenchère scandaleuse qui repose sur une USURPATION.


Quand j’étais petite fille, (et revoilà le refrain du bon vieux temps, l’Eden des anciens, hum, hum), quand j’étais donc une petite fille, la seconde d’une fratrie de quatre enfants, nos Noëls commençaient vraiment le 24 décembre dans l’après-midi. Plus tôt, mes parents n’avaient pas le temps… Encore que, mais, non… je vous le confierai peut-être plus tard.
Donc, dans l’après-midi du 24 et pas avant, notre père apportait à la maison un sapin tout fraîchement coupé, qui sentait bon la résine, une odeur presque mentholée, piquante et sucrée.
On l’installait dans un coin de la salle à manger exceptionnellement ouverte pour l’occasion, car par économie de chauffage, toutes les pièces de la ferme n’étaient pas couramment occupées.
Et tandis que nous étions tous quatre convoqués à la décoration de l’arbre magique, en utilisant les mêmes boules, guirlandes et bougies que les années précédentes, mes parents s’enfermaient dans la cuisine, où ils préparaient… Non, où Maman préparait le dîner fin, dont Papa était allé quérir les ingrédients dans la matinée, comme un rite immuable et secret, à eux deux réservé.
Nous restions en famille, ce qui n’était pas si usuel, car ma sœur aînée, puis moi, puis mon frère, nous avions assez tôt été pensionnaires et donc le rassemblement des vacances présentait en soi une fête, une halte de paradis retrouvé, que chaque rentrée dissipait à nouveau.
Voilà pour moi ce que devrait encore être l’esprit de Noël.
Un retour à la source intérieure favorisée par l’obscurité du solstice, ces longues nuits d’hiver que nous pourrions mettre à profit pour se retrouver, descendre en soi-même sans faux-semblant ni jugement, juste pour retrouver la petite musique originelle de nos instincts vitaux.
Donner à Noël une intimité festive, un échange de présents symboliques, comme l’orange et le chocolat que nous disposions au coin de la cheminée pour remercier le Père Noël de ses cadeaux gratuits.
Car je milite volontiers pour préserver quand même Le Grand Mensonge, qui reste une des meilleures inventions de notre société, mais qui s’est trouvé trop vite détourné. Le Père Noël s’apparente aux mythes fondateurs, représentation individuelle et collective d’un aspect essentiel des relations humaines : l’Amour dans son concept de gratuité, à l’expression manifeste et discrète à la fois, simple et redondante. Une manière de don à ceux que l’on intègre comme siens, sans impliquer le retour du merci obligatoire et formel. Ce joli petit mot qui fonctionne alors comme un miroir réfléchissant : « je dois te donner comme tu m’as apporté ». Que devient-il, ce Père Noël sublime, quand les parents et grands-parents emmènent les enfants dans les cirques des grands magasins, afin que leurs petits aiguisent leurs appétits de possédants ?

Et encore, je vous épargne la signification religieuse, l’humilité du dépouillement légendaire du nouveau-né, le sens spirituel originel de cette tradition. Pourtant, avec ses cohortes de mal logés et de SDF, notre société ne nous offre-t-elle pas à longueur d’année le spectacle infiniment sordide de crèches vivantes définitivement ignorées par les Rois Mages? Ce Mage qui réside dans les ors de la République, drapé des oripeaux flamboyants du pouvoir, inaccessible aux besoins des petits, des sans-grade et sans économies.

Vous voyez que nous sommes loin de cette recherche d'une oasis de Paix et d'Harmonie, ce retour à la source intérieure que l'obscurité des nuits du solstice devrait favoriser. Une festivité de l'intime, du méditatif, n'excluant ni solidarité ni joie, bien au contraire.
Par quel cheminement progressiste sommes-nous arrivés à l'exubérance commerciale des Noëls actuels?
Ce n'est pas si récent, en effet, je me souviens des réflexions échangées avec ma belle-mère devant les montagnes de cadeaux que l'Oncle Jimmy, désigné Père Noël de l'année, distribuait à notre nichée d'alors. C'était il y a presque trente ans, et nous avions honte de la somme approximative que nos évaluations atteignaient.
Et cependant, qui ne fête pas Noël de cette façon dispendieuse , dans notre civilisation occidentale?
En dehors de quelques intello-récalcitrants, dont j'ai connu au moins une famille , tous les milieux participent au Grand Rendez-Vous de la dépense, même ceux qui n'ont aucune raison de fêter l'avènement de l'enfant-Dieu: familles agnostiques ou athées, juives ou musulmanes.…Puisque Noël n'est plus une fête spirituelle.

Mes parents, pourtant, nous ont donné cette éducation religieuse a minima qui est le lot de beaucoup d’enfants de ma génération: catéchisme obligatoire, baptême, communion privée puis solennelle avec grande fête de famille, et messe du dimanche incontournable, mais sans eux. Eux, ils étaient occupés, et c’était vrai : une ferme avec des animaux, ça occupe sept jours sur sept, pas le temps d’aller à la messe…
Néanmoins, le curé passait prendre le café, parfois même l’apéritif pour recevoir le denier du culte, et il était invité de facto aux fêtes solennelles. Nous avions parfaitement compris qu’entre mes parents et ce vieux Monsieur le Doyen qui puait la cigarette froide, il y avait une relation respectueuse et presque affectueuse : ils les avaient vus grandir, les appelait Jean et Janine, les avait mariés tout de suite après la guerre…Nos baptêmes, nos présences au catéchisme allaient de soi et je n’imagine pas que l’éloignement réel de l’Église que ressentaient mes parents ait pu altérer leurs relations. Jamais d’ailleurs mes parents n’ont tenu de propos moqueurs ou négatifs sur le fond de l’évangile. Comme beaucoup de jeunes au sortir de la guerre, ils s'étaient dépouillés d'une religiosité naïve et conformiste, ils en voulaient à la société lâche des Bien Pensants et Grenouilles de bénitier qui fréquentaient la paroisse et « dégoisaient » sur le parvis à la sortie de la Grand-Messe dominicale. D’où l’interdiction que nous avions de nous y attarder, il fallait rentrer tout de suite après l ‘ » Ite, missa est » prononcé et nos cartes de présence signées. Sinon, gare, soupçon de délit de commérage, ah ah !, ça, c’était grave!

Revenons donc à nos Santons, ou plutôt à tout ce qui n’est pas dans l’air du temps.
Certes, il y a encore de nombreux catholiques, pratiquants ou non, qui vivent leur Noël pour la fête religieuse qu’elle est.
Mais autour de nous, existe-t-il encore une petite motivation d’harmonie et de monde meilleur ? Une envie de partage et simplement le désir de marquer une pause et de jeter un œil humble sur nos arrangements personnels…
Une façon de se dire, en ouvrant les portes de nos maisons aux invités, que les compromis quotidiens, les agacements ponctuels, les difficultés redoutées ou les renoncements imposés ne sont pas si graves, pas si définitifs, pas si irréversibles et que le cours de nos vies s’embellit de la souplesse adoptée face aux événements. Ne pas tout avoir, ne pas tout posséder, et surtout jamais l’Autre, ne pas lutter indéfiniment pour imposer sa volonté ou jauger son propre bonheur à l’aulne des images imposées à tous les coins de rue. Ne pas se sentir humilié parce qu’on a moins, prêter moins d’attrait aux strass et aux paillettes, ne pas dévaloriser son quotidien…

Allez, c’est promis, demain je nettoie ma boîte mail de toutes ces fausses promesses de cadeaux, de ces gains fictifs, de ces loteries attrape-nigaud…
Alors, elle est pas belle la vie ?

05/04/2008

Wonderkitch's Circus

Dès l’ouverture de la porte sur le hall, Élise est frappée par le bourdonnement sourd qui s’échappe de la pièce au fond à gauche ; il lui semble que les vibrations émises là-bas se diffusent si fort que les vitrines réparties tout autour de cette banale entrée se renvoient mutuellement la portée des ondes. Quelques femmes passent vite, sortant d’un bureau et s’interpellant gaiement avant d’ouvrir brutalement la porte de la salle bruyante. Alors la rumeur qui en émane s’enfle comme une bourrasque avant de s’étouffer quand la porte se referme.
Toute à son observation du lieu, Élise a perdu des yeux Bénédicte, son guide dans l’introduction au temple des ustensiles de cuisine Wonderkitch’. La célèbre multinationale est implantée partout en Europe et c’est une série de hasards qui mène Élise à tenter sa chance. Non qu’elle soit convaincue de sa passion pour ce mode de commerce, mais à force d’entendre vanter les qualités des produits et la dynamique joyeuse du groupe, elle s’est projetée dans la démarche avec curiosité.

Bénédicte revient vers elle, les mains à peine assez grandes pour contenir les liasses de documentations aux couleurs vives qu’elle a dû récolter dans l’un des bureaux donnant sur le hall. D’un geste du menton, elle indique à sa protégée la direction de la salle de réunion et parvient du pied et du genou à entrouvrir la fameuse porte. Aussitôt une résurgence de la sono assaille leurs oreilles tandis qu’elles pénètrent toutes deux dans une vaste pièce à l’atmosphère déjà saturée. Tout le mur droit est occupé, d’abord d’un fac- similé de cuisine, réfrigérateur, mobilier au complet, évier, four et micro-ondes, un bar surchargé d’ustensiles colorés fermant le coin cuisine. Dans le prolongement de ce décor, une estrade à degrés, haute de soixante centimètres, court jusqu’au mur d’angle. Sur la cloison que longe l’estrade, de vastes étagères sont recouvertes de parures diverses, exposées comme des objets de musées, une étiquette posées à l’avant annonçant des indications dépourvues de sens pour la nouvelle venue. Peu importe, à la suite de son mentor, elle se faufile dans les rangées de chaises alignées face à ce podium jusqu’à ce que Bénédicte trouve les places qui semblent leur être réservées.
- C’est pour nous ici, vous pouvez vous asseoir, je reviens de suite…
D’un mouvement un peu maladroit, elle lâche une partie des papiers sur une des chaises, les documents coulent aussitôt jusqu’au sol, mais la jeune femme ne paraît pas s’en apercevoir. Elle repart manifestement à la chasse, rejoint d’autres femmes déjà assises trois rangs devant et entame une conversation animée, jusqu’à ce qu’une femme armée d’un micro enjoigne à chacune de regagner sa place afin d’ouvrir la séance.
Bousculant quelques chaises dans sa précipitation, Bénédicte lui souffle en s’asseyant :
- C’est elle, Rosy Di Marco, notre concessionnaire…

Pendant que la personne munie du micro se positionne au milieu du podium, entourée de part et d’autre de six co-équipières souriantes, Élise observe la mise en scène. Instinctivement, elle se dit qu’elle va assister à un spectacle, un show, comme elle l’a entendu dire. Les six adjointes sont très différentes les unes des autres, mais elles portent toutes le même tee-shirt vermillon à pois noirs et une petite broche en plastique en forme de coccinelle orne leur buste. La « vedette » du show, quant à elle, est élégamment vêtue d’un tailleur noir, dont la veste arbore au revers des froufrous de mousseline multicolore. Manifestement très à l’aise, elle s’impose sans effort apparent à son public exclusivement féminin, tandis qu’en fonction de son flux de paroles, la musique croit et décroît magiquement. Le spectacle est bien rodé.
- Bien, mesdames, comme tous les lundis, nous allons commencer par le palmarès des conseillères… Quelles sont celles d’entre-vous qui ont assuré plus d’un rendez-vous cette semaine ?
Au brouhaha qui l’entoure, Élise constate que toutes les femmes de l'assistance se sont levées. Bénédicte également, son visage doux éclairé d’un curieux sourire.
- Quelles sont celles qui ont assuré deux ateliers…Trois ?…Quatre ?…
À chaque interrogation, un certain nombre d’entre elles se rassoient, celles qui restent debout se rengorgent manifestement, tête redressée, buste propulsé, dandinement des hanches sur flot de musique accentuée. Les dernières debout, à huit ateliers, lèvent les bras, marquent le V de la victoire et sautillent sur place. Élise est confondue car elle n’aurait pas imaginé, au vu des silhouettes mûres et souvent rondelettes, de telles manifestations enthousiastes et puériles… Version féminine des supporters d’un match de foot.
Les gagnantes quittent les rangées de chaises pour grimper sur l’estrade où les « coccinelles « de Rosy miment la danse de la victoire pour fêter les records… Les commerciales s’alignent sagement tandis que toujours armée de son micro, la belle Rosy commente les cadeaux de la semaine remis à chacune d’entre elles.
Le même processus se reproduit tout au long des interminables minutes qui suivent :
- Quelles sont celles qui ont réalisé leurs objectifs, …Qui ont dépassé ?… Qui ont programmé ?… Qui ont pris des contacts ?… Les items se succèdent, à chaque fois, levée des concernées, mouvement pour se rasseoir comme un abandon de match par forfait, danse des gagnantes, rang d’oignons pour recevoir les trophées, musique disco, flonflons de victoire, annonce des prochains records.

Fatiguée de ce bruit, de ces énumérations qui ne la concerne pas, Élise est intriguée par cette ambiance de remise de prix, ébahie par ces manifestations enfantines de joie, elle se sent pourtant envahie par un sentiment de doute: quelle comédie est-on en train de lui jouer là ? Le spectacle paraît si bien rodé, le discours sans faute de Rosy, impeccable dans son rôle d’animatrice, la voix posée sans crier, la meneuse de revue évolue sur le podium aussi à l’aise qu’une présentatrice météo à la télévision. Le public se montre plus qu’attentif, il est demandeur. Élise a observé ces femmes, la plupart sont manifestement mères de famille, d’ailleurs des bébés en poussette jouxtent les rangées de sièges, des bambins jouent dans les travées sans déranger le public agité. Garderie spontanée, les enfants se forment naturellement aux méthodes de travail Wonderkitch’, « nos commerciales sont des femmes qui vivent pleinement leur vie de femme et de mère », confiera plus tard Rosy à la future candidate, dubitative.
Propulsée par un mouvement de foule qu’elle ne maîtrise pas, Élise se retrouve dans une seconde salle, plus petite que la précédente, où sont disposés de vastes tables et des sièges. Invitée à s’y installer, Élise se voit offrir une boisson et une part d’un délicieux gâteau au chocolat, « succulent parce que réalisé dans les exclusivités Wonderkitch’bien entendu… »
Rosy Di Marco, tout sourire, le visage à peine marqué par la fatigue des deux heures de scène qu’elle vient d’assurer s’ adresse aux cinq ou six impétrantes de la semaine, narrant d’un ton amusé le curriculum de sa propre carrière, afin de montrer à quel point il est simple et agréable de réussir sa vie, grâce à Wonderkitch’ bien évidemment. Plantant son lumineux regard bleu dans les yeux des différentes candidates, elle les persuade suavement de rejoindre » le groupe leader au monde de la magie culinaire », joint le geste à la parole en offrant à chacune un petit cadeau personnel, « une magnifique boîte hermétique, idéale pour conserver tout son arôme à votre café ! ». Un peu étourdies mais déjà conquises, les candidates acceptent de « prendre en confié » les cadeaux à offrir à leurs futures hôtesses, afin de les décider à réaliser une vente chez elle…
"Wondertkitch est magique, c'est un monde unique qui transforme votre vie en un seul clic!"
Poussant la lourde porte de sortie, Élise reçoit la gifle salutaire du Mistral glacial qui l'accueille dans le monde réel… Elle réalise qu'elle vient de poser un petit doigt dans l'engrenage du système, mais se dit que ce n'est pas si grave. Elle n'y a pas abandonné son âme, quand même. Pas encore…


17/12/2007

Ma Crèche

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Samedi matin, j’ai monté ma crèche.
Seule dans la maison, je me suis décidée à passer à l’action… La mi-décembre est arrivée et nous n’avons commencé aucun préparatif, honte à nous !
Pourtant, les listes des petits-enfants de GéO sont complètes, voilà une jolie motivation…
Manque encore quelques souhaits de proches, manque aussi les nôtres. Que pourrions-nous bien désirer pour Noël ? Nous sommes ensemble, nous sommes heureux, nos enfants semblent tous bien se porter, et mieux que ça… Il y a du Bonheur dans l’air, et ça, c’est Le Cadeau.
Pourtant, côté magasin, rien ne vient. … Aucune envie particulière de rouler nos bosses dans les rayons surchargés, et mes doigts ne décident pas davantage de pianoter vers les pages des sites spécialisés. Panne de Noël. C’est certainement la première fois que ça m’arrive…
Et justement, ce matin en feuilletant l’un de nos multiples magazines hebdomadaires, il me saute aux yeux que la chronique de Philippe Mérieux, vilipendant les dépenses superficielles et inutiles de la période, voisine, par un bien curieux hasard, avec la page des cadeaux recommandés ! Bizarre cynisme de la part de la rédaction, c’est marrant… Bon, ces journalistes ont une bonne excuse, certains articles plébiscités sont produits sous le label « commerce équitable », ouf, ça justifie la dépense…
Parce que cette dépense, elle est incontournable…
Essayez, pour voir, de vous dire que vous n’allez rien offrir à votre cher et tendre ou aux prunelles de vos yeux… Vous tenez cinq secondes, puis vous les imaginez les mains vides au moment de se souhaiter Bon Noël, et là, franchement, non, ça ne le fait pas…, Et oui, nous irons remplir notre hotte, demain…

Ce samedi matin aurait dû être neigeux, il n’est que pluvieux, ce qui tient déjà du miracle, enfin, plutôt du phénoménal…
Décidée à mettre tous les atouts de concentration et d’allégresse de mon côté, j’installe dans la chaîne les CD qui me tentent : Orphée et Eurydice, oratorio génial de Monsieur Gluck, œuvre subtile et dynamique, ( tiens- tiens , je sens revenir une petite période baroque …) servie dans ma version par Shirley Verret, Judith Raskin et Anna Moffo, excusez du peu… Ce n’est certes pas récent, mais quelles voix !
L’ouverture tonitrue dans le séjour tandis que je découpe les rubans adhésifs qui ferment ma boîte… Je dispose délicatement les sujets retrouvés sur la grande table et installe sur le confiturier le support en bois que GéO a assemblé, voilà quelques années. Le papier qui sert de décor est encore impeccable, l’opération en est simplifiée. Me reste à aller chercher ma Provende de mousse et petits morceaux de végétation pour planter mon décor. Sous la pluie, c’est moins charmant, certes, mais encapuchonnée sous ma doudoune et munie du sécateur et d’une pelle plate, me voilà le cœur léger dans le jardin… J’ai abandonné Orphée à son deuil, mais qu’importe, je ferai marche arrière sur le programmateur… Ce moment de cueillette procure un contentement puéril, une vraie bouffée de fraîcheur retrouvée… Il est là, ce sens de Noël qui me manquait tant ! Ces préparatifs réactivent des émotions oubliées depuis que nos noëls sont devenus des fêtes d’adultes…
GéO est résolument athée, méfiant en diable de toute incursion du religieux dans sa vie. La dimension spirituelle de Noël n’existe définitivement pas dans sa sphère. De plus, depuis que nous préparons des festivités ensemble, j’ai remarqué qu’il se prête sans enthousiasme à la chasse aux cadeaux, exprimant souvent une désaffection qui va bien au-delà d’une simple phobie shopping assez masculine… . Pour ma part, j’ai conservé malgré les aléas cette vivifiante envie que quelque part, quelque chose de BEAU et BON nous accompagne et nous attire. Une croyance enfantine mais structurante, fortifiante comme des vitamines spirituelles, un phare pour traverser les orages et dépasser les mesquineries et emmerdements de la vie ordinaire. Notre différence de vue n’empêche nullement GéO de participer à la réalisation technique de ma mise en scène, je crois même qu’il s’en amuse.

Revenons à nos Santons. Ma récolte est propice, j’ai détaché dans le sous-bois de petits pavés de mousse drue, brillante et chatoyante. Reconstruire comme une mosaïque mes parterres de verdure s’annonce facile. Quelques rameaux de thuyas ramassés après la taille de la semaine passée, une extrémité de branche prélevée sur un olivier figureront une forêt, à tout le moins des bosquets, fichés dans la terre dont j’ai empli deux verres à liqueur. L’Amour, par la tonicité de Judith Raskin encourage Orphée à chercher son Eurydice jusqu'aux enfers , je me laisse transporter par l’éternité de cette quête… Voilà, Noël arrive sur ces harmonies retentissantes, et mon humeur s’illumine à cette résonance…
Reste la mise en scène de mes personnages : J’ai limité ma scène à treize Santons, plus trois moutons, un lapin, le bœuf et l’âne, ces derniers comptant presque pour des personnes…
À cet instant, je m’amuse comme une gamine dans une maison de poupée et mon divertissement me ramène à ces fantaisies déistes qui font le nid d’une littérature imaginative. Je décide de l’ordre de mes figurines emblématiques que sont les Santons provençaux… Je tire les ficelles d’une mini-société que j’organise en fonction de critères capricieux.
Pour ce matin, je n’irai pas plus loin dans le destin des personnages… Je ne remodèlerai pas toute l’histoire…

Oui, ce matin, ma crèche m’a réconciliée avec l’esprit de Noël, loin des mélopées figées des cantiques, du rythme alourdi d’un rituel sectaire, détachée du cérémonial mercantile racoleur et vain des magasins.
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