Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/12/2008

Mot d'ordre: Noël !!!

Décembre, tout le monde le sait, c’est le dernier mois de l’année.
Une année entière qui s’achève, ça appelle au bilan. Mais on n’a pas le temps, pas encore : On a d’abord un grand moment à préparer, un temps fort comme on disait à l’école en préparant les fêtes et les célébrations. Et chaque année, on recommence, on y pense à l’avance, on calcule, on compte, on réfléchit, on prend des résolutions aussitôt balayées d’un coup de cœur.
Non, c’est Noël quand même !
On va marquer le coup…

Avez-vous remarqué comme nos messageries ont enflé ces temps-ci ?
Des mails qui s’étirent en une liste interminable, surgissent de nulle part, émanant de sociétés dont on ne soupçonne même pas l’existence, qui tout à coup s’annoncent à votre intention avec familiarité, en utilisant tout de suite le petit nom, comme si on avait gardé les vaches ensemble :
Quelques exemples parmi les centaines qui envahissent mon écran ces temps-ci:

De : "Stefanie de Culture Quiz" <"Stefanie deCultureQuiz"@bp06.net>
Date : 11 décembre 2008 12:47:06 HNEC
À : odechollet@orange.fr
Objet : Odile, le nouveau thème est arrivé !

Là encore, il s’agit de jouer et sans blague, ça fait plaisir, un nouveau thème !

De : "Fabuleos via Noe-Noa"
Date : 10 décembre 2008 16:48:37 HNEC
À : odechollet@wanadoo.fr
Objet : ODILE, Faites des économies sur vos achats de Noël

Sympa, cette fois, faire des économies, surtout par les temps qui courent, mais elle calcule mal, Fabuleos, elle veut que j’économise en dépensant mes sous chez elle… À la rigueur, va pour, mais je n’ai vraiment pas besoin de tout ce qu’elle propose…

De : Dr Pierre Ricaud
Date : 10 décembre 2008 14:40:01 HNEC
À : odechollet@wanadoo.fr
Objet : Odile, ce soin vous est offert. Valeur 85 euros.

C’est cadeau, d’accord, mais seulement si j’achète pour trois fois plus, dommage !

De : Grand Jeu Superbonplan
Date : 10 décembre 2008 12:26:30 HNEC
À : Odile Chollet
Objet : Odile, 6 offres gratuites pour vous

Là, on commence à fatiguer un peu, non ? C’est prenant d’ouvrir tant et tant d’offres, GéO me rappelle à l’ordre pour le déjeuner…


De : " Aurélie de BienManger.com"
Date : 10 décembre 2008 11:54:37 HNEC
À : odechollet@wanadoo.fr
Objet : Odile, des idées gourmandes pour Noël

Eh nous y voici, au cœur du sujet, tous ces courriels qui débordent de la boîte à courrier, c’est à cause de NOËL !
Comme si tout à coup, crise ou pas crise, toutes nos pensées, nos activités, nos communications ne répondaient plus qu’à un seul et même mot d’ordre :
Dépenser, dépenser, DÉPENSER, DÉ-PEN-SER !!!

Et là, je dis : » STOP ! »

NOËL, d’abord, ce ne devrait pas être la fête du commerce…
NOËL, ça ne devrait pas être cette abondance de luxe, de bouffe, d’énergies dispersées, de courses effrénées…
NOËL, ça ne devrait pas motiver cette contrainte qui nous oblige à bousculer nos habitudes, nos modes de vie, à exploser nos budgets, à emprunter pour acheter les jouets à la mode, les gadgets high tec incontournables, à ingurgiter des tonnes de produits étiquetés Luxus alors que toutes les enquêtes soulignent que ce sont des produits quelconques, pas meilleurs en tout cas que les produits discount.
NOËL, ça ne devrait pas être cette vaste arnaque commerciale, cette surenchère scandaleuse qui repose sur une USURPATION.


Quand j’étais petite fille, (et revoilà le refrain du bon vieux temps, l’Eden des anciens, hum, hum), quand j’étais donc une petite fille, la seconde d’une fratrie de quatre enfants, nos Noëls commençaient vraiment le 24 décembre dans l’après-midi. Plus tôt, mes parents n’avaient pas le temps… Encore que, mais, non… je vous le confierai peut-être plus tard.
Donc, dans l’après-midi du 24 et pas avant, notre père apportait à la maison un sapin tout fraîchement coupé, qui sentait bon la résine, une odeur presque mentholée, piquante et sucrée.
On l’installait dans un coin de la salle à manger exceptionnellement ouverte pour l’occasion, car par économie de chauffage, toutes les pièces de la ferme n’étaient pas couramment occupées.
Et tandis que nous étions tous quatre convoqués à la décoration de l’arbre magique, en utilisant les mêmes boules, guirlandes et bougies que les années précédentes, mes parents s’enfermaient dans la cuisine, où ils préparaient… Non, où Maman préparait le dîner fin, dont Papa était allé quérir les ingrédients dans la matinée, comme un rite immuable et secret, à eux deux réservé.
Nous restions en famille, ce qui n’était pas si usuel, car ma sœur aînée, puis moi, puis mon frère, nous avions assez tôt été pensionnaires et donc le rassemblement des vacances présentait en soi une fête, une halte de paradis retrouvé, que chaque rentrée dissipait à nouveau.
Voilà pour moi ce que devrait encore être l’esprit de Noël.
Un retour à la source intérieure favorisée par l’obscurité du solstice, ces longues nuits d’hiver que nous pourrions mettre à profit pour se retrouver, descendre en soi-même sans faux-semblant ni jugement, juste pour retrouver la petite musique originelle de nos instincts vitaux.
Donner à Noël une intimité festive, un échange de présents symboliques, comme l’orange et le chocolat que nous disposions au coin de la cheminée pour remercier le Père Noël de ses cadeaux gratuits.
Car je milite volontiers pour préserver quand même Le Grand Mensonge, qui reste une des meilleures inventions de notre société, mais qui s’est trouvé trop vite détourné. Le Père Noël s’apparente aux mythes fondateurs, représentation individuelle et collective d’un aspect essentiel des relations humaines : l’Amour dans son concept de gratuité, à l’expression manifeste et discrète à la fois, simple et redondante. Une manière de don à ceux que l’on intègre comme siens, sans impliquer le retour du merci obligatoire et formel. Ce joli petit mot qui fonctionne alors comme un miroir réfléchissant : « je dois te donner comme tu m’as apporté ». Que devient-il, ce Père Noël sublime, quand les parents et grands-parents emmènent les enfants dans les cirques des grands magasins, afin que leurs petits aiguisent leurs appétits de possédants ?

Et encore, je vous épargne la signification religieuse, l’humilité du dépouillement légendaire du nouveau-né, le sens spirituel originel de cette tradition. Pourtant, avec ses cohortes de mal logés et de SDF, notre société ne nous offre-t-elle pas à longueur d’année le spectacle infiniment sordide de crèches vivantes définitivement ignorées par les Rois Mages? Ce Mage qui réside dans les ors de la République, drapé des oripeaux flamboyants du pouvoir, inaccessible aux besoins des petits, des sans-grade et sans économies.

Vous voyez que nous sommes loin de cette recherche d'une oasis de Paix et d'Harmonie, ce retour à la source intérieure que l'obscurité des nuits du solstice devrait favoriser. Une festivité de l'intime, du méditatif, n'excluant ni solidarité ni joie, bien au contraire.
Par quel cheminement progressiste sommes-nous arrivés à l'exubérance commerciale des Noëls actuels?
Ce n'est pas si récent, en effet, je me souviens des réflexions échangées avec ma belle-mère devant les montagnes de cadeaux que l'Oncle Jimmy, désigné Père Noël de l'année, distribuait à notre nichée d'alors. C'était il y a presque trente ans, et nous avions honte de la somme approximative que nos évaluations atteignaient.
Et cependant, qui ne fête pas Noël de cette façon dispendieuse , dans notre civilisation occidentale?
En dehors de quelques intello-récalcitrants, dont j'ai connu au moins une famille , tous les milieux participent au Grand Rendez-Vous de la dépense, même ceux qui n'ont aucune raison de fêter l'avènement de l'enfant-Dieu: familles agnostiques ou athées, juives ou musulmanes.…Puisque Noël n'est plus une fête spirituelle.

Mes parents, pourtant, nous ont donné cette éducation religieuse a minima qui est le lot de beaucoup d’enfants de ma génération: catéchisme obligatoire, baptême, communion privée puis solennelle avec grande fête de famille, et messe du dimanche incontournable, mais sans eux. Eux, ils étaient occupés, et c’était vrai : une ferme avec des animaux, ça occupe sept jours sur sept, pas le temps d’aller à la messe…
Néanmoins, le curé passait prendre le café, parfois même l’apéritif pour recevoir le denier du culte, et il était invité de facto aux fêtes solennelles. Nous avions parfaitement compris qu’entre mes parents et ce vieux Monsieur le Doyen qui puait la cigarette froide, il y avait une relation respectueuse et presque affectueuse : ils les avaient vus grandir, les appelait Jean et Janine, les avait mariés tout de suite après la guerre…Nos baptêmes, nos présences au catéchisme allaient de soi et je n’imagine pas que l’éloignement réel de l’Église que ressentaient mes parents ait pu altérer leurs relations. Jamais d’ailleurs mes parents n’ont tenu de propos moqueurs ou négatifs sur le fond de l’évangile. Comme beaucoup de jeunes au sortir de la guerre, ils s'étaient dépouillés d'une religiosité naïve et conformiste, ils en voulaient à la société lâche des Bien Pensants et Grenouilles de bénitier qui fréquentaient la paroisse et « dégoisaient » sur le parvis à la sortie de la Grand-Messe dominicale. D’où l’interdiction que nous avions de nous y attarder, il fallait rentrer tout de suite après l ‘ » Ite, missa est » prononcé et nos cartes de présence signées. Sinon, gare, soupçon de délit de commérage, ah ah !, ça, c’était grave!

Revenons donc à nos Santons, ou plutôt à tout ce qui n’est pas dans l’air du temps.
Certes, il y a encore de nombreux catholiques, pratiquants ou non, qui vivent leur Noël pour la fête religieuse qu’elle est.
Mais autour de nous, existe-t-il encore une petite motivation d’harmonie et de monde meilleur ? Une envie de partage et simplement le désir de marquer une pause et de jeter un œil humble sur nos arrangements personnels…
Une façon de se dire, en ouvrant les portes de nos maisons aux invités, que les compromis quotidiens, les agacements ponctuels, les difficultés redoutées ou les renoncements imposés ne sont pas si graves, pas si définitifs, pas si irréversibles et que le cours de nos vies s’embellit de la souplesse adoptée face aux événements. Ne pas tout avoir, ne pas tout posséder, et surtout jamais l’Autre, ne pas lutter indéfiniment pour imposer sa volonté ou jauger son propre bonheur à l’aulne des images imposées à tous les coins de rue. Ne pas se sentir humilié parce qu’on a moins, prêter moins d’attrait aux strass et aux paillettes, ne pas dévaloriser son quotidien…

Allez, c’est promis, demain je nettoie ma boîte mail de toutes ces fausses promesses de cadeaux, de ces gains fictifs, de ces loteries attrape-nigaud…
Alors, elle est pas belle la vie ?

Les commentaires sont fermés.