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13/06/2016

Je me souviens de tous vos rêves

Le dernier opus de René Frégni appartient à cette catégorie des livres- conversations qui sont autant d’invites à la résonance de nos propres émotions. Ce sont les deux derniers chapitres qui révèlent les intentions réelles qui sous-tendent les précédentes confidences :

Page 145 : «  J’aurais voulu faire un livre sur le silence, remplir ce cahier de silence, dessiner des mots de plus en plus silencieux, comme on entre dans l’eau des rêves.

Je n’ai jamais ressenti, à travers les saisons de ma vie, un tel besoin de silence. Dans ce cahier, j’ai voulu parler d’un libraire, de mon chat, de quelques hommes perdus, parler de la lumière des collines, du visage d’Isabelle, de la douceur des chemins les après-midi d’automne, de cette petite table où j’invente la tendresse, en écoutant derrière la vitre les voyages du vent. »

 Aucun éditeur n’aurait pu résumer en « quatrième de couve » de meilleure incitation à découvrir les mots de René Frégni.

 

Certains d’entre vous connaissez déjà cet écrivain méridional pour ses romans noirs, récits durs inspirés de ses propres expériences: Les chemins noirs, Où se perdent les hommes, Lettre à mes tueurs, Sous la ville rouge. Mais il ne faudrait pas ignorer le René Frégni conteur philosophe, l’homme poète qui,  comme Christian Bobin, sait s’extasier et partager la lumière d’un rayon de soleil déchirant la brume, l’argent des oliviers frémissant dans le vent, la présence charismatique d’un chat réchauffant votre solitude… Après la fiancée des corbeaux, tel est cet ouvrage au titre percutant, Je me souviens de tous vos rêves.

Parce que René Frégni est un humaniste, un écrivain puisant à la source des autres, ainsi qu’en témoigne son récit d’amitié avec Joël Gattefossé, le libraire génial de Banon qui a inventé un village-librairie… Le chapitre qui lui est consacré est des plus émouvants, et l’on se prend à refaire le monde, abolir les horribles règles comptables et les banquiers incultes qui ruinent les rêves des grands enfants.

Mais quel que soit le sujet abordé, parmi toutes ces anecdotes qui pourraient appartenir à chacun d’entre nous,  lecteurs du dimanche ou dévoreurs du soir, se niche toujours la petite remarque qui touche le cœur et l’esprit, qui nous conduit à une réflexion inattendue et aussitôt reconnue pour sa justesse. Ainsi, quand il évoque le cimetière où reposent ses parents, page 97 :

«  En faisant le tour pour remettre ces fleurs debout, j’ai vu que la mairie avait agrandi le cimetière, c’est plutôt bon signe, preuve que le village, lui, ne meurt pas. »  

Je me réjouis donc de rencontrer à nouveau demain chez ma libraire Catherine cet écrivain généreux et inventif, qui confesse aimer l’écriture comme «  un combat de chaque mot entre contrainte et liberté. Rien n’est plus érotique que l’écriture », (  page 117).

Et si «  le ciel est bien trop petit aujourd’hui pour contenir tous les nuages » (page 102), les pages de ce livre nous offrent bien plus encore en partageant avec nous les rêves d’un homme assagi que l’amour d’une mère disparue émeut encore au coeur de ses nuits :

« J’ai été réveillé par les pleurs de ma mère au fond de ma poitrine, comme elle recevait dans la sienne, jadis, la secousse des miens. (…)

 

Je ne choisis pas mes rêves, ils m’apportent ce qui me manque le plus. ( Page 149)

René Frégni, je me souviens de tous vos rêves, récit, lecture, poésie, confidences, littérature française

Je me souviens de tous vos rêves

René Frégni

Gallimard (la blanche) nrf Janvier 2016

ISBN : 978-2-07-010704-9

13/04/2015

saynète expresso ( 2)

 

Haïku de printemps, avril à saint Max, poésie

Matin sans rosée

Terre assoiffée des jardins

Ciel cruel, déjà ?

12/04/2015

saynète expresso ( 1)

 

 

poème , printemps, haïku

Avril malhabile

Claquement de serviette

Ci-gît le moustique

 

printemps, poesie, haïku

haïku de printemps, poésie, premières fleurs, avril malhabile

20/11/2014

Partir

Partir

 

Il y a l’Art du départ

Rupture brutale,

Sans équivoque ni retour

Chirurgie de l’espace, amputation du corps, évaporation de l’esprit.

Partir d’un seul coup

Subtilisé par le  Néant

Lumière effacée  par le Grand Interrupteur

Achèvement d'un chef d’Oeuvre.

 

Ou

 

Savoir  larguer les amarres

Quitter les lieux  à pas feutrés

Comme on sort d’une chambre d’enfant.

Déposer délicatement  des absences dentelées,

Au calendrier de l’Existence

Signaux précurseurs

Fragments de manques,

Fenêtres oubliées dans l’éclat des regards

Comme une habitude  qui s’installe.

 

Qui peut choisir la manière de s’en aller ?

Comment trancher ?

Suffit-il d’un hasard  ou d’une volonté?

Si toute vie n’est qu’un voyage 

Mieux vaut s’entraîner

Et tourner  avec précaution chaque page

De peur d’écorner

La chaleur des souvenirs.

 

 

 

 

 

10/07/2014

Les Îles

carnets de voyage, grèce, îles cyclades, poésie, mythes

 Rêver  les Îles…Évocation du Paradis

Vision exotique, destination romantique,

Fantasme de solitude symbolique,

Image intime de  terres allégoriques

Forcément secrètes, inaccessibles, réservées ou amnésiques.

 

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Les îles parlent

 De voyages lointains, de  mers pacifiques,  de conquêtes épiques

Les îles attirent les mythes,   inspirent les poètes

Quand elles livrent du fond de l’horizon  leurs silhouettes

Émergeant lentement du miroir profond de l’Océan

Les îles parlent

D’accueil rassurant,   de repos alanguis, d’oubli ensorcelant

Aux Ulysse modernes  en quête de nouvelle  Arcadie.

 

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Les Îles parlent

 D'histoires d’Hommes et de Dieux,

D' épopées guerrières,  de récits tempétueux

Vestiges d’Humanité,   cités abandonnées

Légendes d'époques épanouies,

De  dynasties  enfouies ou d'amours évanouies.

 

Que cherchons-nous vraiment

Trésors  opulents,   voies  initiatiques

Défis tragiques des morts héroïques?

Les Îles parlent.

 

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Écoute

 Elles disent  le vent qui fait danser les arbres

Elles pleurent la houle  déferlante qui brisent les barques

Elles chantent les pierres résistantes témoignant de  sanctuaires

Elles murmurent des comptines qui remontent aux origines

Elles clament la  perpétuité de la vie qu'elles ne doivent  qu'à elles-mêmes.

 

 

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Voyageur de passage que  le grand large fascine,

Sais-tu que chaque île garde ancrée dans ses racines
 
Une part de ton âme, tissage sans fin de la trame

Mosaïque de destins qui dessinent

La mémoire des Îles

Écoute

 

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23/02/2013

L'inespérée

 L’inespérée, comme le titre du dernier des 11 textes qui composent ce recueil. N’allez pas en déduire que le lecteur s’ennuie, loin de là. Christian Bobin entretient une conversation intime et aérienne avec les lecteurs qui ouvrent leurs cœurs à l’ami. Les mots fraient ici, comme dans toutes ses œuvres, un sillon subtil que vous empruntez à votre tour,   comme il vous convient. Jamais vous n’ouvrez un volume signé de ce poète pour combler un moment de désoeuvrement.  Il en va de Bobin comme de Schubert, ce sont des enchanteurs du  cœur, que l’on invite  pour la couleur de l’âme dont il propose le partage. Si donc vous cherchez paillettes et dépaysement, passez votre chemin…

Or, si votre humeur est à l’écoute, vous entrez à mots de velours dans le murmure des confidences que l’auteur livre au fil des pages, comme autant de lettres  adressées à l’Ami, celui ou celle qui comprend les nuances des émotions et la fragilité   des aveux.

« La beauté, madame, n’a d’autre cœur que le vôtre, glisse –t-il dans sa lettre à la lumière qui traînait dans les rues du Creusot…, Nous ne cherchons tous qu’une seule chose dans cette vie : être comblé par elle— recevoir le baiser d’une lumière sur notre cœur gris, connaître la douceur d’un amour sans déclin. » ( Pages 11-12 de l’édition Folio.)

Le second texte, le mal, commence par une longue diatribe contre la télévision et son «  règne en vertu d’une attirance éternelle vers le bas, vers le noir du temps.(…) On appelle ça une fenêtre sur le monde, mais c’est, plus qu’une fenêtre, le monde en son bloc, les détritus du monde versés à chaque seconde sur la moquette du salon. (…) Alors qu’est-ce qu’il faut faire avec la vieille gorgée d’images, torchée de sous ? Rien. Il ne faut rien faire. Elle est là, de plus en plus folle, malade à l’idée qu’un jour elle pourrait ne plus séduire »…

La traversée des images nous convie à poser notre regard sur la profondeur de nos motivations : «  Vous arrivez là comme vous arrivez partout, avec l’impatience de repartir bientôt. C’est une infirmité que vous avez de ne pouvoir envisager un voyage autrement que comme un détour pour aller de chez vous à chez vous.(…)Vous n’avez jamais deviné vers quoi pouvaient aller les phrases écrites, l’encre répandue comme du parfum sur la chair de papier blanc. C’est pour parler de ça que vous alliez en Haute-Savoie, voir cet écrivain que vous aimez sans encore l’avoir rencontré. Et bien sûr les choses se passent autrement que prévu »…( Page 31)   

Permettez-moi une halte prolongée sur ce texte, car bien sûr, voilà qu’il me parle du fond des choses : «  Comment c’est, un écrivain, dans votre tête : étrange à dire, mais ce n’est pas d’abord lié à l’écriture. Un écrivain c’est quelqu’un qui se bat avec l’ange de sa solitude et de sa vérité.  Une lutte confuse, sans nette conclusion.(…) Il vous est arrivé de rencontrer des personnes bouleversées par leur propre parole. Leur conversation irradiait une intelligence vraie, non convenue, et quand ces gens entreprenaient d’écrire, plus rien : comme si la peur de mal écrire et la croyance qu’il y a des règles leur faisaient perdre d’un seul coup toute vérité personnelle. Ces gens, vous les reconnaissez comme d’authentiques écrivains. Ce n’est pas l’encre qui fait l’écriture, c’est la voix, la vérité solitaire de la voix, l’hémorragie de vérité au ventre de la voix. » (Page 33)

De ces vérités personnelles et  structurantes, il est question encore dans l’approche de l’innocence du thé sans thé  et d’une fête sur les hauteurs. Bobin débusque toujours la part des faux-semblants  et de  l’ajustement nécessaire propre à ceux que ne guident aucun intérêt. Il a, pour  décrire ces rencontres inattendues, des images ciselées inoubliables : «  Elle parle et vous écoutez ce gravier d’étoiles crissant dedans sa voix. » L’auteur ne se dédit pas quand il poursuit  sa réflexion dans j’espère que mon cœur tiendra sans craquelure : «  « Parler de peinture, ce n’est pas comme parler de littérature. C’est beaucoup plus intéressant. Parler de peinture  c’est très vite en finir avec la parole, très vite revenir au silence. Un peintre c’est quelqu’un qui essuie la vitre entre le monde et nous avec de la lumière, avec un chiffon de lumière imbibé de silence. » ( Page 63)

Observer et transcrire en poète n’empêche pas d’exercer son regard avec lucidité. Christian Bobin se fait plus incisif dès lors qu’il se penche sur le sort éphémère de l’amour, ou plutôt des amours communes auxquelles nous nous accrochons : «  dans les histoires d’amour, il n’y a que des histoires, jamais d’amour. Si je regarde autour de moi, qu’est-ce que je vois : des morts ou des blessés. Des couples qui prennent leur retraite à trente ans ou qui font carrière dans la souffrance.( Page 83 la retraite à trente ans)

Alors, au bout du compte, arrive cette déclaration d’amour à l’Inespérée, à la présence plus forte que tous les  éloignements : «  Cela fait bien longtemps que je ne sors plus sans toi. Je t’emporte dans la plus simple cachette qui soit : je te cache dans ma joie comme une lettre en plein soleil. » La nature de l’amour réside dans une  quête d’absolu, où il s’avère que « les mots sont en retard sur nos vies. Tu as toujours été en avance sur ce que j’espérais de toi. Tu as depuis toujours été l’inespérée. » Nous pouvons enfin  comprendre la nature de la  révélation, qui tient plus à l’aimant qu’à l’aimé : « L’enfer c’est cette vie quand nous ne l’aimons plus. Une vie sans amour est une vie abandonnée, bien plus abandonné qu’un mort. » (Page 115)

L’écriture de Christian Bobin n’est jamais docte. S’il touche à nos émotions, ce n’est pas par souci d’esthétisme, ses flèches sont décochées pour mettre à jour nos vérités profondes, que l’on se cache parfois par pudeur de soi ou peur des autres, peur du jugement ou de n’être pas à la hauteur… Le plus beau cadeau qu’un tel écrivain offre à son public ne se niche-t--il pas dans le pari de son authenticité ?

Christian Bobin, écriture, lecture, poésie,

 

19/01/2013

Kaléidoscope

Que vous dire, à vous, frères et sœurs

De l’ordre des Écrits ?

Avec des mots assis sur l’écho de nos enfances

Des phrases arrimées aux balises de nos vies

Chaque fragment de nos jours, 

Ceux garnis de pain blanc

Et ceux enfouis sous les cendres amères

Frappent également à la vitre des surprises bénies.

Ils s’accrochent à la mousse des nuages,

Sous le souffle du vent,

A travers l’amplitude des nuits

Dans la percée douloureuse du brouillard maladif

Comme une clameur, ils portent

Le nom de nos compagnons

Ils charrient le flot de nos orages.

 

 

Si ces mots jetés à la volée

Parviennent à briser 

Les murs  gris de l’ennui 

S’ils peuvent abreuver les bouches

Tordues sous le silence des bourreaux

Si chaque poème composé

De pierres, de sang et d’ombres glacées 

Réveille des bouffées d’Azur 

Allume des flambeaux d’étoiles

Alors, chaque main qui se tend 

Vers les prisons mutiques 

Chaque corps abandonné 

A sa solitude nue

Saura reconnaître sous la douceur d’une paume

La présence attentive de l’Autre

Il se relèvera maillon indéfectible

D’une humanité jamais rompue.

 

À quoi sert de LIRE ? 

À qui sert d’ÉCRIRE ? 

À ceux qui s'étonneront de retrouver des images piochéesaux creusets des poètes, en l'occurence Liberté de Paul Éluard, je ne me défendrai pas de plagiat, tant  je suis reconnaissante à mes sources. 

 

 

14/11/2012

Les mots plumes

J’aurais voulu que mes mots plumes

Dressent  remparts contre les brumes.

La parole est caprice,

Fenêtre ouverte sur  cicatrices

Nourries d’anciennes amertumes.

Mots  parfois traitres à nos  pensées,

Sitôt lâchés,  maladroits messagers,

Échappant  à la source qui les voulait légers.

Dans l’espace  où ils voyagent

À mesure qu’ils tracent leur sillage

Les mots se chargent de mirages.

Ils arrivent vocables d'orages.

Soulevant  des vagues oppressantes

 Tu plies sous les  déferlantes   

 Et tu cries ta rage.

Les mots perdus tombent comme plomb

La communication se rompt

Un silence  hostile érige à la place

Une  frontière   tenace

Contre laquelle tout  se fracasse.

 

Les mots plumes se sont évadés

Emportés dans la tempête

Ils n’ont  pas opposé de résistance

Les vents  d’Automne soufflent en tous sens.

D’autres mots s’échapperont de l’enclume

Clairs et doux, ils chasseront la rancune

 Vêtus d’une dentelle d’écume

Ces mots aériens se poseront comme une plume

Effaçant d’un trait  les blessures importunes.