25/11/2014
Les maux des mots
Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d’entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer.
Mais essayons quand même…
Je ne sais pas qui a formulé si bien cette analyse, mais il ( ou elle après tout) a mis le doigt sur un des plus grands maux de notre belle Humanité. À quoi sert notre don de parole ?
D’un autre côté, quand le Grand Créateur nous a doté de cette faculté, il a aussitôt pensé à la diversité des langues… Manière de nous obliger à la tourner 7 fois dans la bouche pendant que nos neurones travaillent à se caler sur la bonne syntaxe…
Mais cette distanciation ne règle pas le problème.
Ah peuchère, pourquoi ne pas se contenter de communiquer par la langue des signes, j’en connais qui serait tellement soulagé que j’utilise moins de mots !
PS: merci à Isabelle, kinésithérapeute attentive , d'avoir pris la précaution d'afficher ce sage mémo au mur de son cabinet… Cette thérapeute qui pratique la méthode Mézières, ne soigne pas seulement les bobos, mais entreprend de nous remettre d'aplomb . On voit par là combien nos corps expriment ce que nos cerveaux se refusent à exposer et que nos éducations censurent.
19:11 Publié dans goutte à goutte | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : les mots, difficulté de communication, tolérance et compréhension, le langage | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
19/10/2014
Le Goût des mots
Fine observatrice de nos sociétés, analyste pertinente de nos comportements et de nos motivations, Françoise Héritier consacre ce nouvel essai à la jouissance du langage. Chacun de nous perçoit d’abord sa langue maternelle par les sens : l’ouie évidemment en premier chef. Mais l’auteur nous convie à retourner puiser dans nos premiers rapports aux mots les sensations initiales, parfois plus abruptes et détachées de l’organisation du sens du discours. Dans ce qu’elle appelle « cette parlure intime (…) assez mécanique (…) au delà- des encordages du sens », chacun de nous peut raviver le souvenir d’un mot que l’on a déformé involontairement en lui attribuant une image, une odeur, une couleur. Dans mon expérience propre, je me souviens que mon frère et moi nous battions pour être celui qui s’assiérait autour de la table familiale sur un “ tas-de-bourets “ :Nous étions une famille nombreuse et les chaises traditionnelles occupaient trop de place dans la cuisine de la ferme. De même ma belle-mère, née parisienne, s’amusait-elle à évoquer sa méprise enfantine au sujet des « sergents d’huile » censés assurer la civilité des trottoirs et des carrefours de la capitale. C’est dire que les propositions de l’anthropologue font mouche immédiatement et avivent notre curiosité pour la suite de son propos.
Ce rapport affectif posé, Françoise Hériter développe les références aux couleurs des sons et des mots, ce que Rimbaud a définitivement révélé grâce au sonnet Voyelles (1872). Mais en sa qualité d’ethnologue, l’auteure élargit la spontanéité poétique et élabore le recensement de registres de mots, elle désigne comme la catégorie la plus courante ceux dont sens et assonance s’associent naturellement. Puis viennent ceux qui créent de la « sidération, les mots qui ne ressemblent pas à la chose, qui ne lui vont pas, qui basculent dans l’étrangeté ’ » (page 17). Enfin la troisième catégorie, plus spécifique à chacun d’entre nous, regorge de trésors inventifs puisqu’elle est constituée de « tous les mots qui ont d’emblée pour moi un autre sens que celui qu’ils ont ordinairement. ».
Je me garderais de reproduire ici les multiples exemples illustrant la démonstration. Certains sont amusants, d’autres étonnants, la plupart déclenchent une petite madeleine enfantine dans notre mémoire de lecteur. Françoise Héritier projette sa recherche sur les expressions populaires, « les lieux communs qui servent à communiquer directement une expérience concrète doublée d’une émotion sans passer par le truchement d’une pensée analytique et explicative abstraite.( Page 36).
Au lecteur de découvrir les énumérations que nous livre l’essayiste. En la matière, sa plume est prolixe. Considérons pour preuve la liste établie pages 41-42 des différents termes s’apparentant au registre émotionnel: environ 200 mots tout de même ! il en ira de même des différents registres de mots ou d’expressions communes, qu’elle dresse avec délectation, et que les amateurs de verbalisation apprécieront largement au fil des pages consacrées à ces rubriques. Pour ma part j’avoue avoir trouvé de tels recensements un peu trop longs.
La limite de l’exercice est atteinte ici, et l’on aborde enfin un nouvel usage du recours prolifique aux maximes toutes faites. La dernière partie de l’ouvrage de Françoise Héritier nous réserve un divertissement plus amusant et productif, et dont s’inspirera sans doute quelque animateur d’atelier d’écriture de ma connaissance! Avec humour et méthode digne des Oulipo et autres essais surréalistes, Françoise Héritier construit quelques saynètes n’utilisant que ces fameux lieux communs répertoriés. Je vous livre ici un court extrait de la seconde histoire, mais les trois exemples rachètent amplement la lassitude dénoncée un peu plus haut :
« Je vais bientôt casser ma pipe, je le sens, mais j’y vais à reculons, croyez-moi. Je ne suis pas un saint. J’ai couru le guilledou, mais j’ai aussi assuré.
J’ai grandi à la va comme je te pousse, toujours un peu triste comme un chien battu. J’ai longtemps rongé mon frein dans mon coin avant de me lancer dans l’arène. Mais quand j’ai démarré, c’était sur les chapeaux de roues. Sans tambour ni trompette, j’ai fait mon petit bonhomme de chemin… » (Pages 97-98)
En conclusion, l’auteure confesse avoir «… jouer avec les mots pour s’en servir de la manière la plus rentable et la plus œcuménique possible tout en sauvegardant l’étincelle primitive de la compréhension du réel à travers les sons purs. » Elle ajoute : « Les sons sont porteurs de sens. À nous d’en tirer parti pour créer un monde … ». Mine de rien, Françoise Héritier nous glisse une recette destinée à redynamiser notre sens de la communication englué trop souvent dans la pratique mécanique de notre langue. En considérant chaque élément du langage comme un jeu, elle leur attribue une nouvelle saveur et nous ouvre les pistes d’une jouissance créatrice à tous les niveaux d’expression.
Le Goûts des mots
Françoise Héritier
Odile Jacob (novembre 2013)
ISBN :978-2-7381-3001-3
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14/11/2012
Les mots plumes
J’aurais voulu que mes mots plumes
Dressent remparts contre les brumes.
La parole est caprice,
Fenêtre ouverte sur cicatrices
Nourries d’anciennes amertumes.
Mots parfois traitres à nos pensées,
Sitôt lâchés, maladroits messagers,
Échappant à la source qui les voulait légers.
Dans l’espace où ils voyagent
À mesure qu’ils tracent leur sillage
Les mots se chargent de mirages.
Ils arrivent vocables d'orages.
Soulevant des vagues oppressantes
Tu plies sous les déferlantes
Et tu cries ta rage.
Les mots perdus tombent comme plomb
La communication se rompt
Un silence hostile érige à la place
Une frontière tenace
Contre laquelle tout se fracasse.
Les mots plumes se sont évadés
Emportés dans la tempête
Ils n’ont pas opposé de résistance
Les vents d’Automne soufflent en tous sens.
D’autres mots s’échapperont de l’enclume
Clairs et doux, ils chasseront la rancune
Vêtus d’une dentelle d’écume
Ces mots aériens se poseront comme une plume
Effaçant d’un trait les blessures importunes.
19:23 Publié dans Blog, Conte-gouttes, Larmes d'O | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, poésie, communication, mots, les mots, solitude | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer