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11/09/2010

Carnet rose

…Ou  carnet bleu, jugez plutôt…

Eh oui, en matière de cigognes, il n'y a pas eu grève cette semaine…

Une première mention réservée à nos jumeaux lyonnais, Sacha et Iban, nés mercredi.

 

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Ne sont-ils pas mignons, deux petits stroumpfs blancs, pardon deux petits lutins de la Taïga? Félicitations bien sûr aux heureux parents.

Cerise sur le gâteau… notez-bien,  ils sont nés le 8-9-10

Voilà le détail qui tue et montre à quel point Stéphanie cultive le sens de l'organistaion et du détail…

 

Pour ne pas être en reste, notre Audrey s'est fort appliquée. Comme la tortue, elle est partie longtemps en avance, mais son diablotin préférait rester à l'ombre…

Enfin, après moult péripéties, le voilà éclos en pleine lumière, pour notre plus grande joie…

(Roulement de tambour M'ssieurs-Dames…)

Voici …

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Mathis

 

…entré dans le Grand Monde jeudi 9-9-10.

Bienvenue à lui.

Ne vous étonnez point de mon silence ces jours-ci… Je monte  de ce pas  vers la Capitale embrasser ma petite famille réunie.

 

 

05/08/2010

Sur l'onde, côté Verdon

Au sommaire de cet été qui s’annonce perturbé par la triste nouvelle relatée précédemment, soutenons notre moral en considérant  les moments agréables qui s’offrent en contrepoint.
La visite de nos Strasbourgeois, la semaine dernière, pour commencer…

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Les temps changent,  la nichée n’est plus si nombreuse, les deux « grands », Guillaume et Manu volent de leurs propres ailes, du moins pendant les vacances…

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Malgré l’expression de Gerd, la situation n’est pas si terrible…  En dépit du vent et du jeu dans la direction, Caroline contrôle!

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Sa fille aux commandes,  GéO apprécie, comme il se doit !

PICT0002.JPG père et fils embarqué…
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Origine du dicton:     «  fierrot comme un Alex !

 

 

 

 

 

 

…Qui saura bien à son tour mener de main de Capitaine notre esquif dans le sens du courant.

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Le sujet du jour nous ramène à une jolie balade en bateau électrique sur le Verdon, entre les lacs de Quinson et d’Esparron.
Depuis la création de la retenue par le barrage de Sainte-Croix, ces petits lacs annexes offrent un espace loisirs aquatiques en toute écologie : ne sont acceptées sur les flots que   les embarcations propulsées par le vent, les bras ou les moteurs électriques.
Résultats, un tourisme nautique bon enfant et sportif permet de profiter des gorges du Verdon en toute liberté…Dans un environnement à couper le souffle :

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Au rythme paresseux du moteur électrique, notre embarcation parcourt les 7 à 8 kilomètres du défilé en quelques deux heures et demie, ce qui laisse largement le temps d'admirer le paysage,  d'apprécier le vol majestueux des rapaces qui ont reconquis le Parc naturel du Verdon, d'échanger des propos aimables avec d'autres équipages croisant sur les mêmes eaux…voire  encore venir en aide à  d'infortunés pagayeurs pour  vider leur canoë submergé… Une véritable croisière aventureuse!

 

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L’histoire du site est particulièrement riche.

N’oublions pas que Quinson abrite, outre son lac, ses restos et le plus grand musée préhistorique d’Europe, les basses gorges du Verdon, impressionnantes par leur caractère abrupt et sauvage ; Même malmenée par le vent  comme ce jour-là, la nature verdoyante a  colonisé les flancs escarpés;  le défilé recèle d’autres surprises, comme ces grottes fameuses que nous avons tout loisir d’observer. Elles ont servi d’habitat, l’une d’entre-elles affiche toujours fièrement sa façade empierrée.
À fleur d’eau, ou en altitude :

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Revenons aux humeurs de notre famille Canards : comme ces infatigables nageurs,   la faim nous gagne, une halte déjeuner s’impose.
Naturellement GéO a bien prévu une glacière de boissons, eaux pour tous les goûts, rosé et p’tit blanc de la cave Saint Jean, l’échantillonnage des boissons est complet, mais les vivres consistants ( Maître mot chez nos Alsaciens!!!) viennent à faire cruellement défaut ! Vaillamment,  On essaie de  consoler la troupe  et de lui donner du courage en évoquant le dîner de la veille et surtout les agapes prévues le lendemain, il n’en demeure pas moins que… Les restaurants promis à Esparron jouent à cache-cache! Au bord de l’eau, il ne faut pas songer à se sustenter, pas le moindre établissement en odeur de collation.
- Si si, ils  sont en haut, nous crie gentiment le préposé aux appontages.
Il est deux heures, la faim a creusé de grands trous, que dis-je, des abîmes, dans nos estomacs, nos jambes manquent de force devant les sentes pentues qui mènent à ce qui nous semble le cœur de la civilisation. Nos déceptions enflent à mesure que nos ventres gargouillent, réclamant d’urgence  même un quignon, quand Caroline nous sauve la mise en dénichant le villageois compatissant qui a l'amabilité de nous mettre sur la bonne voie… Miracle, même à Esparron, le service se déroule non-stop dans la petite cité qui, sur son piton rocheux,  n’est endormie qu’en apparence …

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24/04/2010

La casquette du Capitaine…

fait-elle le marin ?

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La question mérite d’être posée  en considérant le choc des photos qui alimentent le petit reportage ci-dessous. Vous allez constater sans peine que nos compères ont le pied marin et l’humeur  loup de mer…

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La connaissance  du métier et la sagesse du  Seul Maître à bord descendent  sur eux par la coiffe :

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Admirez la dextérité des pilotes

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Même si Bastien préfère jouer le rôle de la vedette incognito…

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Il est clair qu’il s’applique à tenir le bon cap…

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La tournée en bateau  prend des airs de virée entre hommes, on se la joue  marin aguerri!

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22/04/2010

Scoop du jour

Images de plaisir  familial: les petits-enfants de GéO se livrent aux joies de  la piscine avec les chiens de la maison…  Jeux de vacances me direz-vous, quoi de plus banal, pas matière à scoop?

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Sauf que…
S’il semble y avoir de l’hésitation dans l’air… C’est que le défi n’est pas mince.
Pas fous, les adultes se gardent de fanfaronner.  Seuls les enfants trépignent depuis le matin, que dis-je depuis la veille au soir, où tâtant jusqu’au coude  l’onde cachée sous la bâche à bulles, ils ont pris la mesure des degrés gagnés grâce au système de chauffage inventé par leur grand-père. Deux degrés de plus depuis le matin, c’est la promesse arrachée à leur père, à force d’insistance …

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N’empêche, ils ont gagné la médaille du courage, car à leur mimique expressive, vous pouvez déduire combien l’exploit mérite assurément que j’en fasse ici la relation,   afin d’en assurer authenticité et  pérennité. Avant ce jour, seul Jens, avait ouvert la voie, il y a déjà deux à trois ans. Loin de nous l’envie de lui ôter le moindre mérite, mais Jens bénéficie d’un avantage inné : il est Danois et son enfance a été baignée dans les eaux qui bordent sa contrée natale…


Chose promise, chose due, l’adage reste d’actualité, nos deux champions ont tant et si bien défendu leur cause que Philippe s’est résolu à sortir les maillots de bain. Les voilà à pied d'œuvre, et le premier contact suscite quand même un moment de réflexion :

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Et du courage, il leur en a fallu une bonne dose, assaisonnée d’une mesure d’inconscience, malgré nos mises en garde. Car sous ce soleil radieux d'Avril, l’eau n’atteint que 16,5°!   Il faut préciser que la piscine n'est ouverte que depuis vendredi dernier, j'y reviendrai. Sous l’œil admiratif d’Axel, notre téméraire Bastien se lance le premier dans l’aventure, bien décidé à montrer qu’il détient un mental de champion :

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Heureusement, l’épreuve est de courte durée, et comme on dit, l’important ne réside pas dans le temps, c’est la détermination qui compte !!!
D’ailleurs, Bastien renouvelle l’exploit à moult reprises…
Quant au cadet, point n’est besoin de l’encourager davantage. Axel n’a pas vraiment le caractère méditatif, l’action l’intéresse nettement plus que la réflexion et l’évaluation des risques. Résolu, il prend son élan et … Je vous laisse apprécier la suite de l’opération grâce à cette rafale de clichés saisie par Philippe :

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Alors, heureux nos champions?

26/01/2009

Ça coule de source…

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Le renouvellement des générations apporte fraîcheur et dynamisme à nos esprits formatés.
Sandrine a eu la gentillesse de m’adresser cette petite gourmandise, assortie des progrès culinaires de la petite dernière, Anaïs, dont vous n’avez peut-être pas oublié le sens du partage avec Copain, l’été dernier, anecdote filmée par une indiscrète caméra.
Pendant qu’Anaïs s’exerce en cuisine avec rigueur et enthousiasme, Mathis enrichit sa culture historique et développe sa pensée philosophique, au cours d’une conversation entre hommes…

- Papa : "Avant, il y a très longtemps, ce sont les rois qui habitaient les châteaux. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui."
- Mathis : "Pourquoi ?"
- Papa : "Tu sais, ils n'ont pas toujours eu de la chance"
- Mathis (4 ans et demi) : "Pourquoi, parce qu'ils n'ont pas eu la fève ?"

Je vous le disais, ça coule de source, il suffit de conserver l’ angle de vue adéquat…

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Conscience professionnelle, il faut payer de sa personne et ne pas servir n'importe quoi…

24/12/2008

Voeux de Noël

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En montant ma crèche cette année, j’ai installé comme souvent le Ravi au plus près de la Sainte Famille , illustration des Béatitudes au degré zéro. Du « laissez venir à moi les petits enfants » au « Bienheureux les Pauvres d’Esprit »… Cette activité témoigne qu’il me reste un résidu d’enfance, ou de naïveté, si vous préférez. N’empêche, à l’opposé du matérialisme pragmatique confinant presque à l’athéisme militant que GéO préconise, il m’est impossible de ne pas me sentir impliquée dans une quête d’harmonie, un désir d’aboutissement de l’Humain en une reconnaissance des valeurs évangéliques… Je dis bien évangélique, retour à la case Évangile, bien loin du cheminement torturé des Églises. Elles se sont tellement perdues à la conquête du pouvoir sur nos sociétés qu’il ne reste plus à attendre qu’un Grand Soir de Ménage, ni plus ni moins radical que celui qui reconsidérerait la classe politique ou les milieux financiers…Ouh lala ! Quelle philosophie pour un Noël…
Donc se pose ce soir la question de la frontière entre Foi et Crédulité, Dogmatisme et Manipulation. L’histoire de l’humanité, ses avancées et ses retours à l’âge de la Barbarie, est tellement lisible à travers le prisme des abus, qu’il est difficile aujourd’hui d’élever nos générations à venir dans l’optique d’une vraie générosité… Des retraites à préserver aux acquis sociaux, l’homme reste un loup pour l’homme, chacun pour soi et Dieu , ma foi, pour ceux qui s’en contentent…
Je me garderai de gloser plus avant ce soir, d’ailleurs je n’en ai pas le temps puisque GéO s’active à son tour en cuisine…
Cependant, en vous souhaitant à tous un Joyeux Noël, un Vrai grand moment de Bonheur, que vous soyez seul ou entouré de ceux qui vous sont chers, je me remémore juste ce vœux, ce chant d’allégresse :
« Paix sur terre aux hommes de bonne volonté »
Mais crédiou , elle est passée où, la Bonne Volonté ?

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11/12/2008

Mélusine


Elle a reçu en cadeau de naissance un prénom de fée,
Providentielle intuition pour l’armer contre sa destinée.


En ce début d’après-midi, le calme enfin établi dans la classe, Alice entreprend de se détendre à son tour. Les rideaux bleus tirés ont plongé la salle dans une ambiance de détente et les élèves du CP se sont installés dans ce bref moment de silence du tout début d’après-midi.
L’enseignante vient juste de noter la chaise vide de Mélusine, et s’apprête à signaler l’absence de la petite fille. Brutalement la porte s’ouvre et une silhouette masculine apparaît dans le chambranle. Alice reconnaît immédiatement le visage du visiteur, qui pousse devant lui une fillette, tête basse et corps inhabituellement courbé en deux. Retenue à l’épaule par la main de son père, la tête engoncée dans le col de la grosse doudoune, à son habitude, Mélusine se dirige vers la rangée de portemanteaux. L’institutrice s’avance vers le duo, autant pour accueillir son élève que pour contenir l’intrusion paternelle. Mélusine profite de l’écran dressé par l’institutrice face à son père pour lui échapper ; comme par jeu, elle se penche brusquement et passe sous les bras de l'institutrice. De la main, Alice encourage l’homme à rebrousser chemin et sortir de la pièce. Mais il ne semble pas comprendre et entreprend de contourner l’obstacle en se justifiant :
- Mais laissez- moi passer, vous voyez bien, je vais l’aider à se déshabiller.
- C’est inutile, Monsieur Genestre, votre fille sait parfaitement se préparer et s’installer, d’une part, et d’autre part, vous ne pouvez pas rester dans la classe, ça dérange les enfants…
- Mais non, ils me connaissent tous, je les vois tous les soirs quand j’attends Mélusine sous le préau.
Alice s’impose un terrible effort sur elle-même pour continuer à chuchoter face à l’intrus qui s’exprime à pleine voix, sans souci du silence autour de lui. Elle n’éprouve aucune sympathie pour l’homme aux yeux très clairs qui lui fait face, mais sa motivation repose surtout sur sa volonté de mener tranquillement son programme établi… Elle n’a qu’une hâte, faire sortir ce personnage envahissant et reprendre son groupe en main. L’intrus cependant poursuit son manège, percutant les tables des élèves, maladroit dans le labyrinthe des petits bureaux. De plus, en observant rapidement le comportement de Mélusine, maintenant assise à sa place, elle a l’impression que celle-ci s’est enfoncée dans son minuscule espace comme pour s’y agripper et se confondre dans le bois du mobilier. Finalement, Alice se résout à hausser légèrement le ton, les élèves étant de toutes les manières déjà très intéressés par l’événement. Le calme rompu, il faut reprendre rapidement la situation en main.
- Bon, éclate-t-elle d’une voix ferme, et toute la résolution qu’elle y met suffit à arrêter net la progression paternelle, Mélusine est installée et vous ne devez pas rester ici. Votre retard est déjà dommageable, votre présence l’est davantage…

Il reste là, planté au milieu des bureaux, comme incapable de faire marche arrière et la situation semble s’éterniser. Utilisant la configuration du dédale qu’elle connaît très bien, l’enseignante réussit à se faufiler habilement entre l’allée où Mélusine a pris place et l’homme, intuitivement certaine qu’elle doit faire rempart. Sentant alors qu’il ne domine pas le territoire, l’homme hausse les épaules avant de rebrousser gauchement chemin. Parvenu à la porte, il se retourne lentement pour lancer :
- Il me semblait quand même plus poli de venir vous expliquer la cause de notre retard et vous parler de Mélusine.
- Vous savez bien qu’en cas de retard, le règlement de notre établissement vous demande de laisser l’enfant au secrétariat et d’y fournir votre justification, c’est une démarche préférable à …
Balayant d’un mouvement circulaire la classe maintenant agitée, elle laisse le geste achever son argumentation. L’homme prend encore le temps de regarder individuellement tous les enfants, et, à nouveau, Alice ressent viscéralement cette manoeuvre comme une menace, se promettant in petto de faire le nécessaire pour éviter qu’une telle situation se reproduise. Satisfait sans doute de son effet, le personnage salue certains enfants par leur prénom, avant de franchir lentement la porte qu’il referme sur un ralenti parfaitement calculé.

Alice s’efforce de maîtriser sa respiration, cherchant dans son ventre l’appui pour poser sa voix sans laisser percer son énervement. Les enfants de six à sept ans sont encore gouvernés par l’instinct et la confiance qu’ils accordent à l’adulte qui s’occupe habituellement d’eux, même s’ils sont prompts à réagir à tout incident. Toute rupture des habitudes suffit à provoquer l’égaiement du groupe, mais la force des rites s’impose quand il s’agit de reprendre le cours normal des activités. Ainsi le matériel des « activités calmes » disparaît en un clin d’œil, Alice ouvre le dernier des rideaux bleus, ordonnant machinalement la suite des mises en œuvre :
- Sortez vos ardoises et vos feutres…
La porte s’ouvre à nouveau, et le visage d’une femme s’insinue dans l’entrebâillement :
- Encore !
Le commentaire jaillit des nombreuses petites bouches, manifestement amusées et soulagées d’échapper un temps encore à l’effort attendu.

- Pouvons-nous vous parler un instant ?
Sans attendre la réponse, la femme pénètre dans la pièce, suivie de près par deux autres personnes qu’Alice identifie comme mères d’élèves, elles aussi.
Retenant la vague de contrariété qui commence à gonfler dans sa poitrine, elle se dirige vers ses visiteuses, bien décidée à les évincer rapidement.
-Vous savez, ce n’est guère le moment, je vous verrais plus volontiers à cinq heures moins le quart, après la sortie.
- C’est que nous devons vous confier un incident très grave, qui doit se traiter tout de suite.
L’une des visiteuses entreprend de lui indiquer Mélusine, à force de roulements d’yeux d’un effet presque comique.
- Vous voulez parler d’un élève ? Mais c’est hors de question ici et maintenant…
- Vous ne savez pas ce que nous avons vu et il faut absolument régler cette question tout de suite, la coupe l’une d’elles, qu’Alice connaît bien pour avoir eu les deux aînés, quelques années auparavant.
- Vous nous connaissez toutes les trois, n’est-ce pas ? Vous savez que nous ne sommes pas désireuses de colporter des bruits inutiles et des ragots, reprend Madame Hermann, maman de la petite Noémie, assise non loin de Mélusine.
Effectivement, jusqu’ici, Alice n’a jamais eu à répondre à une telle pression, ni à un comportement aussi intrusif.
- Écoutez, la récréation débute dans moins de quarante minutes, je vous parlerai à ce moment…
-Non, ce sera trop tard et dangereux…
Madame Hermann, grande femme à l’allure imposante, vient d’intervenir autoritairement, ce qui contraste avec sa courtoisie habituelle.
- Il s’agit d’une de vos élèves que nous estimons être en danger après la scène dont nous venons d’être témoins, et nous avons attendu la sortie du fautif pour venir vous voir, mais nous sommes choquées et persuadées que c’est à vous d’intervenir, soutenue par nos témoignages, cela va de soi.
- Vous savez que je ne peux pas quitter mon groupe, vous ne pouvez pas parler de l’un d’entre eux comme ça…
- Alain peut bien vous remplacer un moment, n’est-ce pas ? Je vais le chercher, suggère la dernière, qui n’a pas encore pris la parole.
Alain est le surveillant général de l’établissement, poste plus particulièrement dévolu au collège dans le groupe scolaire, mais les relations familiales induites par la petite taille de l’établissement favorisent la polyvalence de son poste.

Alice prend rapidement conscience de la détermination des trois mères de famille, et la teneur de la scène qu’elles rapportent justifie leur émoi.
Elles expliquent effectivement qu'une demie-heure plus tôt, elles se tenaient toutes trois sur le parking contigu à l’école, prolongeant leur conversation, comme beaucoup de mères au foyer allègent leur routine en la socialisant. C’est alors que sur ce parking qui se vidait progressivement des véhicules familiaux, une voiture s’engouffra brutalement, avec force crissement des roues et coups de volant brutaux.
Elles assistèrent à la sortie du côté chauffeur d’un homme au comportement agité, qui contourna sa voiture pour ouvrir la portière arrière, se pencher à l’intérieur et extirper un paquet rose. Le paquet mou s’effondra sur le sol du parking et l’homme se mit à lui donner des coups de pieds rageurs, accompagnant ces gestes de cris. À leur stupéfaction, les trois femmes découvrirent que le paquet s’agitait. Elles identifièrent une tête aux cheveux blonds s’échappant alors du bonnet rose.
- Ça nous a retournées, vous comprenez, nous l’avons reconnu à ce moment-là et, comment vous l’expliquer, nous nous sommes précipitées vers lui en criant, nous étions bouleversées… Alors, en nous voyant arriver vers lui, il a empoigné sa fille, l’a relevée et emmenée vers l’école, sans qu’elle touche terre la pauvre petite… La porte de l’école était déjà fermée, on a dû sonner comme lui avant nous. La secrétaire nous a ouvert, elle nous a conseillé de venir vous raconter l’histoire, elle dit ne pas savoir ce qu’il faut faire…Je crois qu’elle ne veut pas s’en mêler…
Ce discours débité très vite par Madame Hermann, à mi-voix, pourrait être suivi par l’auditoire. Alice prend conscience immédiatement de la gravité de la situation, et de la multitude des paramètres qu’elle doit prendre en compte. Avant tout, prendre un peu de recul, s’enquérir de l’état de Mélusine, faire en sorte que la classe retrouve son calme et ne profite pas des perturbations successives. En un mot maîtriser la situation…
À peine la porte refermée sur les visiteuses, une légère tocade signale une troisième intrusion.
- Encore !
Les voix fluettes sont parfaitement synchronisées pour exprimer une jolie palette d’amusement, d’excitation, d’impatience, de curiosité. Une telle répétition de visites constitue la condition idéale et suffisante pour générer une joyeuse excitation dans le groupe.
Laissant échapper un soupir bruyant, Alice se retourne pour découvrir la présence discrète de sa directrice, Mylène Faidoyen, alertée par la secrétaire. Mylène n’est pas particulièrement portée vers les vindictes, mais la direction du groupe scolaire qu’elle assure depuis quelques années l’a vaccinée contre sa retenue naturelle. Elle sait donc quand il convient d’agir et de soutenir ses collègues.
- Comment va Mélusine ?
- Il faudrait que j’aie le temps de lui parler, ça n’arrête pas, ces visites…
- Je sais, voilà ma proposition, Alice, je vais prendre la classe, emmenez-la d’abord avec vous quelques minutes pour dédramatiser et essayer de voir si elle souffre. Martine essaie de joindre un médecin qui viendra l’examiner si vous pensez que c’est nécessaire. Ensuite, vous allez dans mon bureau et vous appelez le bureau du procureur de la république en charge, vous trouverez son numéro sur la table, exposez le cas, on verra bien.


Mélusine, invitée par Alice « à venir se laver les mains et le bout du nez » reste coite, engoncée dans sa peur manifeste. Maladroitement, L’enseignante essaie de vérifier si elle peut bouger normalement, lui demande si elle accepte de lui montrer son ventre, pour voir…
Aucune trace particulière de bleus, rougeurs, hématomes, mêmes anciens, ne sont visibles sur le corps de la fillette. Elle ne réagit pas quand l’enseignante palpe son ventre, cherchant une réaction de défense… Heureusement, la doudoune toute neuve est épaisse, les coups ont été amortis, peut-être même étaient-ils portés moins violemment que les trois mères ne l’ont ressenti… « N’empêche, un tel comportement reste traumatisant, je ne peux pas laisser passer… » Alice en est là de ses réflexions, en remmenant la fillette vers la classe, quand le murmure de Mélusine la surprend.
- Comment ça, Mélusine, tu peux m’expliquer ?
Perdue dans ses pensées, elle n’a pas entendu le message ténu, mais elle sait qu’elle ne doit pas perdre le contact …
- De toute façon, quand i veut m’faire mal, i retourne sa bague comme ça…
Et se saisissant de la bague qu’Alice porte à l’annulaire, la petite tourne le chaton côté paume, puis elle amène la main d’Alice contre sa joue.
- Tu vois, comme ça, ça fait plus mal.
Le ton est naturel, la voix est simplement réduite à un filet presque inaudible, Alice doit tendre l’oreille. Elle voudrait lui faire répéter, histoire d’être certaine de son fait, mais elle n’ose pas, craint d’être maladroite et d’augmenter le malaise de la fillette.

Sa conversation avec la secrétaire du procureur la laisse perplexe. D’abord, elle doit surmonter son propre malaise, se forcer à commettre une délation, son sens personnel des valeurs est déstabilisé. La personne au bout du fil ne l’aide en rien, se bornant à répondre des « bien, je note, mais monsieur le Procureur n’est pas là, on est vendredi après-midi, voyons, faites-moi plutôt un rapport détaillé que vous adressez en recommandé à Monsieur le Procureur… » La belle affaire, jouer au corbeau maintenant, il ne manquait plus que ça pour enjoliver le week-end !

**

Cet interminable après-midi est en passe de s’achever, enfin.
Tandis que la classe se vide, elle guette sous le préau la silhouette du père de Mélusine, de sa mère à défaut. Elle les a reçus déjà tous deux, ensemble et séparément plus d’une fois depuis la rentrée scolaire, tant le comportement de la fillette a levé d’alarmes dans sa conscience d’enseignante.

Depuis plus de deux mois maintenant que l’enfant a intégré le CP, l’enseignante a eu le temps de l’observer et de comprendre que cette petite fille a un problème, non, des problèmes de concentration, de mémorisation, de relations avec ses camarades comme avec elle. Toujours isolée en récréation, ce qui est un signal majeur pour tous les enseignants « des petites classes », elle semble constamment en fuite, ne croise jamais le regard, réussit en un clin d’œil à salir tout travail qui lui est demandé, taches de feutres, gribouillis illisibles, gommages jusqu’à la perforation du papier…
Chaque fois qu’Alice a essayé de prendre la petite en aparté pour lui apporter une aide particulière, elle a constaté le même manège. Pour ne pas se retrouver en face de son professeur, Mélusine tourne sur sa chaise, se tortille tant et si bien qu’elle peut se retrouver assise à l’envers, les jambes passées entre les montants du dossier. Alice s’applique donc souvent à se positionner derrière elle, assise sur une chaise à la hauteur des élèves et tente de la sécuriser en parlant à voix douce, lentement, mais elle perçoit toujours la même dérobade. Elle a constaté que Mélusine ne supporte pas d’être touchée, si elle pose ses mains sur les épaules enfantines, Mélusine s’agite encore davantage, se laisse glisser jusqu’au sol, rampe sous l’assise de la chaise. Évidemment ce comportement n’a pas échappé aux différents membres de l’équipe enseignante. Alice a demandé, obtenu deux ou trois entrevues avec les parents, ensemble puis séparément. Des entretiens creux, des banalités opposées à ses remarques et au bilan peu réjouissant de la participation de Mélusine aux activités scolaires, « mais ce n’est qu’un début, n’est-ce pas ? Il faut laisser du temps aux jeunes enfants pour s’adapter, vous savez bien qu’elle est nouvelle », et les usuels « je l’ai dit à mon mari », « ne vous inquiétez pas, ma femme en tiendra compte ».
Ce soir, alors que tous s’égaient pour le dernier week-end avant les vacances d’automne, Alice veut absolument s’entretenir avec le père de Mélusine, lui donner la parole et justifier son attitude, lui rappeler les règles communes, rattraper l’entretien qu’elle lui a refusé tout à l’heure. Elle veut surtout le regarder dans les yeux pour lui faire part de la mesure qu’elle a entreprise dans le courant de cet après-midi perturbé. Elle n’imagine pas rédiger une lettre dans son dos, dénoncer un comportement brutal qui lui a été rapporté par des témoins, sans lui en parler. Il y a aussi la confidence de l’enfant qu’elle doit expurger, demander raison, écouter, comprendre, jauger le danger, défendre son élève ou du moins proposer une aide, envisager des solutions. Enseigner, dans son éthique personnelle c’est surtout transmettre de la matière humaine, aider un petit d’homme à se construire, agir sur l’Humain, impossible donc de sortir de cette classe sans avoir percer l’abcès.

Et pendant qu’elle attend, les joues en feu et le cœur affolé dans sa cage trop petite, elle passe en revue le moyen d’engager le débat. Ne pas s’affoler, exposer clairement ce qu’elle doit dire, dans l’ordre, un point après l’autre, elle sait qu’elle sait faire. Mais… Comment l’homme réagira-t-il, se sachant dénoncer par d’autres parents, que répondra-t-il sur l’histoire de la bague ? À quel moment est-il le plus judicieux d’en parler ? …
L’homme se fait attendre, les portes de l’école sont refermées par Alain, le surveillant, qui passe la tête dans l’encadrement de la porte.
- Alors, tu l’as vu, ce père d’élève ? Et la petite, elle est avec toi ?
- Non, aux deux questions, non…

Alain de son côté a bien guetté aussi l’arrivée des parents, à la demande expresse d’Alice, qui sait combien le flot humain des sorties est idéal pour perdre de vue l’important. Ni l’un ni l’autre n’ont remarqué la sortie de la gamine, ni les silhouettes recherchées. Par acquis de conscience, Alain fait le tour des locaux, et des toilettes de maternelle, il ressort victorieux, poussant devant lui la doudoune salie, en haut de laquelle émerge la choupette de cheveux blonds, et en bas, les chaussures éternellement délacées de Mélusine…
- Et voilà, j’ai retrouvé Peau d’Âne, annonce-t-il, feignant une allégresse qu’il est loin de ressentir…

- Bon, avec tout ça, il est six heures et demie, à cette heure-ci, il n’y a plus que nous… Que comptes-tu faire ?
- Attendre, qu’imagines-tu ? Passer un coup de fil pour savoir si les parents sont chez eux, s’ils ont conscience d’avoir oublié Mélusine, s’il y a quelque chose qui nous a échappé…

- D’accord, je fais encore ça pour toi, après…
- Oui, oui, après, tu pourras partir, je sais que tu as encore un bout de chemin à faire pour rentrer chez toi.

Alice et Mélusine attendent encore près d’une heure avant que le couple ne se présente. Comme l’enseignante expose son souhait de ne pas mêler l’enfant au débat, la mère repart avec la fillette, le père acceptant le principe de l’entretien.

Longtemps, Alice considérera cette discussion comme un des moments les plus désagréables de sa vie. Malgré sa nature peu vindicative, elle a rarement ressenti une hargne aussi vive contre la mauvaise foi manifeste de son interlocuteur, analysant la rouerie de l’homme qui la manipule, alternant fausse soumission, faisant mine de quémander son avis et ses conseils, pour mieux la provoquer ensuite de constats déstabilisants. Son aversion naturelle contre lui se renforce de mot en mot, de phrases ambiguës en sourires hypocritement contrits. Difficile pour Alice, pourtant habituée par l’expérience aux entretiens contradictoires, de conserver une objectivité de rigueur. Elle a beau se morigéner intérieurement, son antipathie croît à mesure que les points qu’elle aborde sont réfutés et contrés par son « adversaire ». Elle a compris que c’est un jeu pour lui, et son malaise s’en accroît davantage encore, car elle se sent les joues en feu, la lèvre supérieure ourlée d’une légère sudation trahissant son trouble. C’est à elle-même qu’elle en veut maintenant, maudissant cet exercice auquel elle s’est contraint par scrupule.
Sa colère éclate quand au détour de sa diatribe, l’homme lui confie, ses yeux trop clairs plantés droit dans son regard :
- … Ben nous, à la maison, on n’a pas de fausse pudeur avec nos petites. On pense que c’est pas la peine de se cacher, c’est malsain, vous êtes d’accord, hein ?
Sans attendre plus que ça la réponse d’Alice, il enchaîne, une curieuse lumière dans ses iris glacés:
… Et puis, vous savez comme sont les hommes, vigoureux au réveil… Ben moi, j’aime bien réveiller mes petites comme ça, à poil… On veut qu’elles se sentent aimées, nos filles, oui, elle voit bien qu’on les aime, on s’cache pas…
Alice se sent tendue par l’indignation. « Mais il se fiche de moi, ce tordu ! »
- Vous vous rendez compte de ce que vous me dites, je suppose… Que cherchez-vous vraiment en ce moment ? Nous avons parlé d’aide, je ne reviens pas sur la question, l’aide que notre école doit apporter à Mélusine , c’est une chose. Mais je me dois de rapporter les propos que vous me tenez ce soir, je vous ai dit que je devais faire un signalement, vous confirmez en ce moment l’urgence de la démarche. Allez-vous accepter de recevoir les services sociaux ?
L’homme se redresse, son sourire s’éteint progressivement, la mine grave, il regarde encore Alice avec aplomb avant de lui lancer :
- Faites votre sale boulot de délation, de mon côté, je vais en toucher un mot à mes copains de la gendarmerie, on verra bien…
Là-dessus, il ramasse son manteau posé à ses côtés, hésite manifestement à se charger du cartable oublié par la fillette, décide de le laisser sur place et d’un salut ironique de la tête, il quitte la salle. Alice n’a d’autre ressource que de courir derrière lui pour ouvrir le portail de l’école.


***

C’est au cours des vacances de Février qu’Alice reçoit une convocation pour se rendre à la gendarmerie de N…, la petite ville où se situe l’établissement scolaire.
Entre-temps, Mélusine est restée inscrite à l’école, malgré les craintes de l’équipe enseignante, mais elle n’a guère progressé, en dépit de l’aide resserrée qui lui est dévolue. Les rapports avec les parents sont apparemment courtois, mais tous les autres entretiens se déroulent en présence de Mylène Faidoyen, dans son rôle de direction, afin d’éviter d’autres provocations.
Aussi Alice n’est-elle pas particulièrement tendue quand elle se rend à la gendarmerie, étonnée du surgissement de l’affaire après un si long délai.

Dès qu’elle se présente dans le hall, elle perçoit dans les regards des hommes en uniforme une sorte d’amusement. Patiemment, elle attend plus de vingt minutes avant d’être introduite dans un bureau, où on la fait asseoir face à la porte ouverte, offerte au courant d’air froid de cette journée pluvieuse. Un ordinateur est posé sur un minuscule bureau contre cette porte et l’homme qui l’interroge se tient constamment tourné vers son clavier, lui offrant la franchise de son dos vêtu du pull réglementaire. De temps à autre, quand elle hésite sur la précision d’un détail qui lui échappe, il finit par se retourner pour lui adresser un regard amène signifiant peu ou prou « alors, on va attendre longtemps comme ça ? », puis il pianote à nouveau sur son clavier. L’écran bleuté est orienté de manière à l’empêcher de lire ce que l’homme reporte scrupuleusement.
Trois fois de suite, le gendarme commet une erreur et il faut reprendre à zéro, répéter les réponses aux mêmes questions, banales somme toute.
- Vous enseignez depuis combien de temps ?
_ Vous habitez où ?
_ Quels sont vos rapports avec vos collègues ?
- Vous avez souvent des problèmes avec les parents ?
- C’est vous qui avez choisi d’enseigner dans une école privée catholique ?
La première fois, Alice s’est dit que ces questions devaient être utiles pour cerner le contexte, la seconde fois, elle se demande au fond à qui ça rime et quel est le véritable rapport entre l’entente de l’équipe éducative et le sort de Mélusine, la troisième, comme elle hésite sur un détail sans intérêt, l’homme se retourne vivement et lui demande sèchement:
- Alors, vous vous souvenez plus maintenant ? Vous êtes bien sûre de ne pas inventer toute cette histoire ?
Médusée, Alice se récrie :
- Attendez, quel rapport avec le problème de Mélusine, c’est sans intérêt, me faire répéter trois fois l’effectif de ma classe ou le temps qu’il faisait ce jour-là, c’est idiot…
- Ce n’est pas à vous de juger, c’est mon métier de jauger votre degré de crédibilité.
Alice commence à comprendre que le but de cette convocation n’est pas vraiment centré sur le sort de sa petite élève. Ses doutes se lèvent définitivement quand le gendarme soudain radouci se tourne complètement face à elle, lâchant son ordinateur pour la regarder bien en face.
- Alors comme ça, vous êtes divorcée… Vous vivez seule depuis longtemps ?
Avant qu’Alice interloquée lui rétorque une de ses vérités qui commence à chatouiller sa glotte, il reprend :
- En fait, nous connaissons bien Mélusine, et encore mieux son papa. Il travaille souvent avec nous, à cause de son job aux pompes funèbres, il est sur les sales accidents de circulation, quand il faut ramasser les morceaux…
Il marque une brève pause, le regard vissé sur le visage de l’enseignante…
- Je vais vous dire, moi, quand on travaille sur des cas difficiles comme ça, on apprend vite à se connaître. Ce Monsieur, que vous voulez traîner dans la boue, c’est un gars bien, un type qui se carre les sales boulots et qui tient le coup. Et avec sa fille, il est super ! Des fois, il l’amène ici et elle reste à l’accueil, à faire des dessins, c’est pas une môme gênante…
Se retournant brusquement vers l’écran, il ajoute en lançant l’impression du rapport :
- Vous on vous connaît pas, mais faites attention à ce que vous faites, vous portez tort peut-être un peu à la légère… Vous signez ?


****

Alice a quitté l’école deux ans plus tard, sa vie ayant pris un autre tournant. Elle est restée évidemment en contact avec ses collègues de l’école de N… et prend parfois des nouvelles des anciens. Elle a donc su que Mélusine, comme il fallait s’y attendre, suit un parcours scolaire chaotique, mais elle est restée inscrite dans le même établissement. Sa petite sœur, Morgane, guère mieux protégée par son prénom légendaire, est arrivée à son tour en CP, et l’histoire s’est reproduite, à l’identique… Mais cette fois, l’enseignante n’est pas divorcée, la gendarmerie fait tourner ses effectifs, une commission s’est mise en place, une assistante sociale suit la famille…
Peut-être un jour les fillettes sortiront-elles de leur redoutable sortilège. `
S’il est difficile d’aider les petites fées, l’important est de ne pas renoncer.



27/07/2008

En attendant les enfants…

J’ai terminé hier soir un roman dont j’avais entamé la lecture sans enthousiasme, un peu par devoir, alors que c’était un achat coup de cœur, dans une station- service autoroutière, autant dire une rencontre de hasard.

Le titre m’avait accroché pour son clin d’œil à une situation familière : On attend les enfants.

Aujourd’hui je vis encore cette situation. On attend les enfants, c’est le constat commun aux exilés de leur progéniture, le signe particulier de nombreux cinquantenaires et plus, qui ont vu leurs rejetons adultes quitter le nid, fonder leur famille ou ancrer leur territoire aux antipodes. Ils se confrontent alors à l’éloignement géographique et affectif de ceux qui ont été leur principal moteur durant plusieurs décennies. D’étés en fêtes de Noël, ils goûtent cette attente particulière d’un rendez-vous affectif éloigné. Ce que ne peuvent ressentir les tribus groupées qui, de dimanches autour de la table familiale en substitutions de nourrice, n’ont pas l’occasion de se créer ces espaces imaginés d’affection. Comme l’absence, voulue ou subie, développe ce sens subtil de l’accompagnement mental, que l’un d’eux vive un grand moment ou se heurte à un tracas, nos neurones se mobilisent en sourdine pour soutenir et accompagner la situation. Et, parce qu’On sait fort bien qu’il faut les laisser vivre et assumer leur choix, On s’abstient de téléphoner tous les soirs, sauf en cas de crises graves avouées, On veille à ne pas s’introduire dans le mitan de leur intimité, On se garde d’imposer notre regard trop compatissant qui alourdirait encore le souci. De sorte que c’est la spontanéité du rapport qui pâtit de la discrétion volontaire de ce On qui voudrait si bien faire !

Au début du roman, c’est la forme de l’écriture, volontairement dépouillée et linéaire, qui m’a un peu gênée et justifié ce peu d’intérêt pour les deux ou trois premiers chapitres. Madeleine Chapsal s’emploie à créer un rapport intimiste, sans construire un journal, elle cherche à nous introduire dans le déroulement mental de son personnage. Il faut donc franchir ces premières pages pour apprécier le suc de ses pensées, et ressentir comme l’écoute d’une conversation intérieure ce souci de préserver le positif de toutes les situations alors que l’on frôle à chaque instant la fragilité des rapports humains, le risque de la mauvaise compréhension, la déception ouverte ou la défaillance de la vieillesse. Cette femme solitaire se bat contre elle-même en se forgeant un alibi fragile : elle s’occupe de son père âgé en projetant sur lui ses propres attentes. Ça, Madeleine Chapsal se garde de trop le montrer, mais l’évolution de son héroïne renverse heureusement la dérive : Margot comprend qu’elle doit se détacher de ses amarres hautes et basses, pour mener sa propre barque vers Son bonheur personnel, cheminement philosophique pour lequel elle a sous-titré son roman Une réflexion sur le bonheur.…

Voilà l’intérêt de ce livre, que je quitte comme on raccroche le téléphone après une longue conversation amicale entre ami(e)s. Il en reste un lien ténu mais persistant, qui accompagne notre humeur et donne le sentiment d’être en phase, compris par quelqu’un, là-bas, pas si loin, quelqu’un dont On attend le prochain appel, la visite annoncée, la note dans un blog, la bouteille à la mer qui trouvera son écho quelque part…

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On attend notre Audrey et Sébastien, ce ciel lumineux et implacable traduit notre joie anticipée de les retrouver, sans inquiétude, dans la sérénité de cet après-midi estival. Ma grande hâte se niche dans l'imaginaire des jeux à partager avec Copain et de la sortie projetée en mer…

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Références: On attend les enfants de Madeleine Chapsal, édité chez Arthème Fayard en 1991, nouvelle édition chez Succès du Livre éditions