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24/12/2012

Chantez hautbois, résonnez musette

 

Eh oui, dernière ligne droite…
Que ce Noël vous soit doux et agréable, profitez au mieux de ces temps de paix !
Bon réveillon et belles bulles…

joyeux noel, réveillon, famille, partage

 

 

Et quand  repu(e)s et  détendu(e)s, vous aurez rangé cotillons et santons, viendra le temps d'envisager la vérité en face!

 

joyeux Noël, famille, réveillon,

22/12/2012

La Soprano et le cinéma…

En cette période bénie où nous nous échinons à chercher comment faire plaisir à nos êtres chers, comment leur  procurer un moment de divertissement de qualité, j’ai envie de vous faire partager le clip youtube ci-dessous, qui vous donnera une bonne idée de l’enchantement que nous avons ressenti début décembre  en assistant au récital Michel Legrand Nathalie Dessay.

J’espère que ce petit aperçu saura vous convaincre.

http://www.youtube.com/watch?v=etZ7hHQPi6M

 

La cantatrice française ne cache pas le plaisir qu’elle éprouve à ouvrir  son répertoire à un genre tellement différent. Son public lyrique n’oubliera jamais la Lucia de Lamermoor qu’elle a incarnée   ni la fantaisie détonante de la fille du régiment, mais la reconversion de la Soprano vous surprendra : pas d’afféterie, pas de mélange des genres, mais un ton juste qui touche et m’a émue, notamment quand elle reprend le succès de Barbra Streisand dans Yentl. Mieux encore, elle s’affirme dans le répertoire de Nougaro avec une véhémence qui n’aurait pas déplu au Toulousain. Nathalie Dessay possède un réel charisme quant à sa présence sur scène, le duo s’amuse et charme le public, et ce soir--là, celui de Marseille n’a quitté l’Opéra qu’à regrets, après moult rappels honorés avec grâce et générosité.

05/12/2012

L'appétit de Mademoiselle Lê

Comme d’habitude, l’enfant s’est planté devant la fenêtre pour avaler le dernier gâteau de son goûter. Mademoiselle Lê ne s’en contrarie plus.  Il y a longtemps que Mademoiselle Lê ne lutte plus contre ce qu’elle ne peut changer.

Manu, son élève,   ne sera jamais musicienne. L’enseignante a honnêtement essayé d’expliquer le fait à ses parents, choisissant des mots  précautionneux pour ne pas  les peiner.   La révélation de l’inaptitude de leur fille ne les a pas froissés. Ils ont cependant insisté pour que le professeur persiste dans l’éducation à la pratique de  son Art.  Touchée par leur modestie candide, Mademoiselle Lê a accepté de poursuivre sa mission. Par reconnaissance, la fillette apporte  désormais quelques pâtisseries  provenant de  la boutique de ses parents.

Ce goûter imposé en prolongement des séances  l’a d’abord offusquée. Endurer le pilonnage des touches de son clavier par les maladresses enfantines, c’était déjà douloureux pour sa dignité d’ancienne virtuose!  Mais la colère de Mademoiselle Lê a fondu quand elle a compris le sens des remerciements parentaux. Conscients que leur voisine vit du fruit de ses études musicales, ils offrent en retour le meilleur de leurs talents : des religieuses, des Paris-brest  et des petits-fours  sortis tout chauds du fournil. 

 La bouche pleine et les mains constellées des miettes du mille-feuille qu’elle dévore avec  application, Manu ne quittent pas des yeux les mésanges charbonnières qui virevoltent inlassablement sur la terrasse près du petit refuge en bois. Les oiseaux ont déjà perçu l’imminence des premières gelées et sont revenus vers l’abri. Occasionnellement, Mademoiselle Lê s’octroie une pause pour admirer la chorégraphie harmonieuse qui régit leur conquête du territoire. Parfois, elle imagine quelques notes, joue  une suite d’arpèges illustrant leur manège. Les mésanges ont l’oreille plus musicale et attentive que  bien des humains…

— Chais pas, mais là ch’crois bien qu’elles zaiemeraient goûter aussi mon gâteau…

Et Manu pose sur la crémone ses doigts collants de crème et de sucre. Mademoiselle Lê réprime un frisson. Paradoxalement, la spontanéité maladroite de la fillette lui apparaît comme une revanche sur son propre parcours. Ses nuits sont encore habitées de  cauchemars remontés des limbes du passé: elle revit indéfiniment son apprentissage précoce du piano et la sévérité de l’éducation dans la Chine des années Mao, la terreur et la faim éprouvées pendant la longue période en exil pénitentiaire sous  le joug de la Révolution Culturelle. Et puis, à son arrivée en Europe, l’outrance des excès alimentaires pour effacer  les manques.  Elle a alors supporté des troubles de l’appétit déstabilisants jusqu’à l’abandon de la carrière de  soliste qui lui était promise.

Aujourd’hui, Mademoiselle Lê apprécie chaque jour de sa vie frugale.   Elle a trouvé son chemin de paix en acceptant les contradictions du monde. Sa solitude est comblée par son chat et les merveilles dont son minuscule jardin  lui offre la jouissance: les fleurs des plates-bandes, les jeux d’ombres et de lumière sous le tilleul, et les trilles des rossignols qui  font vibrer la chaleur des nuits d’été. Alors, les rêves oppressants se diluent parce que le chant de l’oiseau amoureux célèbre sa plus grande victoire sur les bourreaux d’hier. Privée  de nourriture mais aussi de partition et d’instrument, elle a  maintes fois vaincu la famine rendue plus pénible par l’inactivité nocturne : durant ses années d’interdits, elle s’endormait en jouant mentalement,  immobile sur sa paillasse, les morceaux difficiles que sa mémoire restituait fidèlement. Cette  musique  clandestine la nourrissait alors,   lui permettait d’oublier sa souffrance,   de surmonter ses manques. Elle avait cessé de dépérir comme ses compagnes.

Aujourd’hui, Il n’y a plus de Gardes Rouges pour l’empêcher de goûter à satiété Schumann et Brahms. Elle puise dans l’écoute et le travail de ces musiciens plus de vitalité que ne lui en procurent les repas ascétiques que seuls son estomac supporte.

Alors, Mademoiselle Lê regarde Manu éparpiller les miettes grasses du gâteau sur la terrasse. Elle lui tend la boîte de carton souillée de résidus chocolatés.

— Ne t’inquiète pas Manu, lui sourit-elle, ici chacun peut manger à sa faim…

 

 

 

 

02/12/2012

Donizetti à Marseille

 

…  ou les enchantements du public marseillais. 

Un Mistral sec glace les rues de la ville mais le public  est resté chaleureux à l’écoute de cette version concertante du martyre de Polyeucte, livret fondé sur la pièce de Corneille.

De la tragédie à l'Opéra  deux siècles se sont écoulés, mais la reprise du thème par le librettiste  paraît inconsistante ô combien. On se dit souvent que les thèmes développés dans les oeuvres lyriques témoignent de leur époque. Et de fait, le choix du héros de Corneille semble largement dépassé, surtout dans la version du livret de Salvatore Cammarano, tel qu’il nous a été donné de l’entendre jeudi dernier à Marseille. Pas une once de psychologie, pas de pause amoureuse entre Paolina et Poliuto, hormis l’aria de la  jalousie que Massimiliano Pisapia rend magistralement. Pour saisir l’ampleur du drame, la finesse du déchirement du personnage, entre l’amour trahi et  la ferveur du nouveau converti, Donizetti a donné des accents intimes et poignants aux instruments, cordes et vents de l’orchestre. 

Peut-être faut-il y voir la raison pour monter l’œuvre de Gaetano Donizetti dans la simplicité de la version concertante. Pas de mouvements de scènes pour prolonger l’émotion, pas d’effets de costumes et de décor pour  mettre en valeur le manque de subtilité de  l’intrigue.   Les faiblesses du « scénario » sont ainsi englobées dans la fluidité musicale de la représentation.  Et c’est tant mieux, car comme le public, j’ai pleinement savouré la musique et la fusion entre les chanteurs et les instrumentistes.

Le génie du compositeur s’impose d’ailleurs dès l’introduction : le premier violoncelle énonce le thème, solitaire, et l’on entre dans l’intimité du discours…  La réponse progressive des vents et la reprise des cordes apportent tour à tour l’épaisseur et la variété des couleurs à la partition qui prend corps pour le plaisir de nos  yeux autant que de nos oreilles.   Qu’y a-t-il alors de plus beau qu’un orchestre en action ?

Le public s’est enthousiasmé pour Massimiliano Pisapia, le ténor interprétant Poliuto, mais il a surtout réservé un juste triomphe à Vittorio Vitelli, en Severo et Wojtek Smilek servant Callistène. Quant à Daniela Dessi, seule femme de la partie, elle semblait tout d’abord un peu hésitante à exprimer les tourments amoureux de Paolina, partagée entre sa fidélité envers Poliuto son époux et le retour de son amour premier, Severo, survivant d’une bataille où il était réputé péri. Curieusement, c’est dans la seconde partie du spectacle qu’elle s’implique davantage à défendre son rôle, alors même que le livret n’offre aucune prise pour le faire. Comme la vie des héroïnes tragiques est compliquée! Mais comme il est difficile au spectateur actuel de comprendre comment elle décide brutalement de se sacrifier au Dieu de son époux !

 À moins que…

J’écrivais  en introduction que les œuvres sont ancrées dans l’époque où elles naissent. Pardon pour ce qui semble un lieu commun du dimanche ou une planche savonnée pour lycéen en mal d’inspiration. Je ne suis pas  (encore) retournée à l’œuvre initiale. Il me vient toutefois une réflexion glaçante  à  ce propos: ne relève-t-on pas  ici et là quelques vocations de martyr sacrifié à l’autel d’une  confusion entre foi et politique ? Le fourmillement social de notre époque a fait émerger  certains conflits et   drames appuyés sur des fondements d’apparence religieuse. Toute société charnière  présente ce genre de blessures, vrais et faux débats qui cachent notre absence de vision.   Alors, dépassé notre Corneille et son sens du devoir, son éloge de la vertu, son appel à l’abnégation, amoureuse ou religieuse ? 

Donizetti, opéra, musique, Marseille, Corneille, Polyeucte, poliuto, religion conversion, martyre

Gaetano Donizetti

1797-1848