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29/04/2009

Quand cinéma rime avec déception

D’un lundi à l’autre, d’une toile à l’autre, nos intuitions sont loin d’être toujours heureuses !

En surfant sur la toile webtienne, notre GéO s’était forgé une petite envie de cinéma kitsch. La bande-annonce et les critiques concernant le fameux OSS 117 lui ouvraient des perspectives de rires décomplexés sur fond de nostalgie années 60. Allez hop, pourquoi pas ?

Bien mal nous en a pris ! Sans entrer dans les détails, il me semble résumer assez bien le fond du film par un simple « bête et méchant ». Humour provocateur ? Par son taux élevé de mauvais goût, lourdingue,  même pas corrosif comme savaient l’être les démonstrations grinçantes d’un Desproges. Non, autant les critiques négatives  de Télérama à propos d’ Erreur de la banque en votre faveur me font sourire pour ce qu’elles révèlent de conformisme élitisme style « nous c 'est Marjane Satrapi ou rien » sur le ton des valeurs Bordeaux Chesnel… Autant, là, même Télérama soupire d’aise…et quelque chose m’échappe.
Jean Dujardin semble prendre un malin plaisir à s’investir dans l’humour douteux, de Brice de Nice à Hubert Bonisseur de la Bath… Dommage.

Bref, comme je vous aime bien, je vous invite à ne pas  perdre 9,5€, et deux heures de votre temps précieux: "vous ferez à votre idée", comme le disait si bien ma Tatie, mais à votre place, je dépenserais mes sous autrement…

21/04/2009

Dans la brume électrique

Chez nous, le lundi, ce n’est jamais ravioli, mais volontiers cinéma.
Hier, nous nous sommes donc offert la petite toile du début de semaine et nous avions choisi avec délectation le dernier film que sort Bertrand Tavernier : Dans la brume électrique.


Avec une  délectation anticipée pour plusieurs raisons:
D’abord, un nouvel opus de  Bertrand Tavernier,  c’est la promesse d’un film intéressant, où la finesse des intentions rejoint le savoir faire indéniable qui concourt à tous ses succès : de L’horloger de Saint Paul, son 1er grand succès populaire,  puis  le juge et l’assassin, qui ne cesse d’impressionner à chaque nouvelle diffusion, en passant par Coup de torchon, Un dimanche à la campagne, Autour de minuit, la passion Béatrice, l’Appât… La liste est trop importante pour citer tous les films, dont quelques documentaires. Mais le rappel de ceux-là, que vous avez certainement vu déjà, permet de situer l’événement que constitue la sortie d’un nouvel ouvrage.

Seconde très bonne raison pour   sélectionner ce film : le rôle principal est porté par Tommy Lee Jones. Inutile de m’étendre sur les louanges qui lui reviennent,  il représente exactement la figure de ce Dave Robicheaux,   avec ses parts d’ombre et  de détermination loyale… L’acteur correspond exactement à la fibre noire de l’œuvre, comme Humphrey Bogart est indissociable des polars noirs des années 50… si vous avez profité de son film Trois enterrements l’année dernière, vous ne serez pas déçu.

Le troisième attrait, c’est la Louisiane… La magie des Bayous, où je n’ai, il est vrai,  jamais mis les pieds, mais que j’aimerais bien avoir un jour la chance d’arpenter…malgré les moustiques!  Région spectaculaire, par sa nature indomptable et par son histoire atypique, la musique, la culture cajun, l’architecture des villes, la cuisine… Un ensemble particulier dans la grande mosaïque américaine, un état où les drames et les duretés, le racisme omniprésent, aussi naturel que l’air respiré, constituent une entité spéciale.

C’est que justement, ce Sud apparaît dans le récit de  James Lee Burke, l’auteur du roman éponyme, comme un personnage à part entière, animé de son histoire insoluble dans les brouillards marécageux. Les oubliés de la guerre de sécession se réveillent et font surface, dans ces marais malsains, pour accompagner les méditations et les gamberges de Dave Robicheaux, le détective tourmenté qui enquête sur les meurtres commis à l’encontre de jeunes prostituées. 

Ce contexte trouble ne doit pas faire peur aux rationalistes effrénés. Vous n’assisterez pas à une de ces représentations macabres où les morts vivants viennent sucer la vie de malchanceux adolescents égarés … Non, il s’agit plutôt d’une métaphore historiée et pertinente qui illustre les méandres mentaux du personnage, à l’image des méandres aquatiques du paysage. C’est l’ambiance, nature sauvage et  inhospitalière que les hommes investissent malgré tout. Tavernier n’exclut d’ailleurs pas de son propos le rappel de ces risques: le décor s’attarde parfois sur les maisons effondrées, les restes de logis abandonnés après le passage de Katrina, aussi marquants pour les habitants que l’autre catastrophe américaine… Clin d’œil  aux organisations caritatives qui essaient de redresser la barre d’un état abandonné à lui-même.

Dans la brume électrique est un film à suspense, un thriller comme on dit maintenant. Impossible donc de narrer le sujet,  si ce n’est évidemment que tout part de la découverte du corps mutilé d’une jeune femme, dans ce bayou, justement… Or, c’est le décor précis d’un autre meurtre auquel notre  détective a assisté involontairement des décennies auparavant. Et voilà que cette réminiscence actionnée par un curieux hasard, une rencontre inattendue avec un jeune comédien  alcoolique qui permet  au détective de relier les fils de cette mémoire enfouie.…et d’entendre les fantômes du passé, proche ou plus lointain. Car on admet que cette brume enveloppe et conserve les traces des drames aussi bien que la glace.
Les images du film sont accompagnées d’une bande son remarquable, même si l’on n’est pas tous fans de musique country.

14/04/2009

feuille-ton

Troisième épisode

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L'enfant se présente bien, demain le travail sera achevé,

L'arbre s'offrira tout entier dans sa parure  fraîche et scintillante.

Zen attitude, nous avonsretrouvé ici le soleil, les déjeuners sur la terrasse…

Quel scrupule nous conduit à écouter les cris des mauvaises herbes envahissantes, après les longues journées mouillées.

Curieusement,  Copain n'a pas inscrit les pousses indésirables dans son programme de destruction massive.

À moi de m'y coller… Et ce soir, j'ai cent ans, épaules enclumées, dos ravagé…

 

 

13/04/2009

D'un jour à l'autre…

D'un jour à l'autre, d'un instant à l'heure suivante, il faut une certaine vacance d'esprit pour suivre le miracle renouvelé de l'accouchement des arbres.

Nous sommes témoins de ce travail silencieux, mais la plupart du temps, beaucoup trop occupés à nos besognes usuelles: ranger, manger, boire , bouger, parler…

Attentifs à nous-mêmes, nous oublions de prendre le temps nécessaire pour suivre l' évolution rituelle du Grand' Oeuvre de Dame Nature.

Bonne fille, je vous offre cet aperçu pour clôturer le wek-end pascal… En comparant les photos d'hier à celles de ce début d'après-midi, vous pouvez  jauger la marche forcée de toutes ces cellules qui poussent…poussent…l'enveloppe du bourgeon pour déployer avant peu la délicate parure que s'est préparé le Mûrier Platane…

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Du soleil plein les yeux et le coeur, mes tulipes rescapées des désastres relevés chaque jour grâce à l'imagination infinie de Copain…
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12/04/2009

Pâques… Printemps en vue?

 

Après ma longue fiche sur le dernier roman de Yasmina Khadra, Ce que le jour doit à la nuit,  qui m' a enthousiasmée, j'ai envie de partager avec vous les promesses que prépare Dame Nature…

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Puisque Pâques doit rester d'abord la fête symbolique de la Renaissance et du Pardon qui nous est offert, la Rédemption fondatrice du Christianisme, petit rappel innocent qui n'est pas sans mérite.

En accompagnement de vos réjouissances, je vous dédie juste une promesses de feuillage, sur fond d'ondées, pour illustrer un printemps comme je n'en avais pas encore vu en Provence…

L 'eau, la pluie, la vie et les fleurs.…

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10/04/2009

Erreur de la banque en votre faveur…

Chronique cinéma vu depuis  le Rébubéou.


Hier soir, nous nous sommes extirpés de notre colline et ses senteurs de romarin en fleurs, nous avons faussé compagnie à notre Petit Peuple  pourtant bien énamouré,    et nous avons mis le cap sur une petite  comédie, histoire de lâcher nos zygomatiques et de lutter contre les montagnes de nouvelles négatives qui pleuvent  dans nos oreilles, pèsent  sur nos consciences, engourdissent les volontés, même les plus résistantes et déterminées …

Peu friands à priori des pitreries  kitsch de  Gad Elmaleh et son Coco, méfiants  à l’égard des vantardises chasseresses de Safari, nous avons tout simplement choisi une petite comédie dans l’air du temps, servie par Gérard Lanvin et  Jean Pierre Darroussin : Erreur de la banque en votre faveur, de Michel Munz et Gérard Bitton.
Bien nous en a pris.
Nous avons bien ri, peut-être pas de ce rire innocent et revigorant de la comédie culte type Bienvenue chez les Ch’tis… Mais d’une manière réjouissante et perfide, les deux compères, qui ont réalisé autrefois La Vérité si je mens (1 et 2), décortiquent pour un public justement interpellé,   les arcanes des délits d’initiés. Oh pas façon vengeresse comme l’a fait Chabrol dans l’ivresse du pouvoir, non plutôt farce et attrape du genre "tel est pris qui croyait prendre."

Julien  Foucault ( Gérard Lanvin), maître d’hôtel au service d’une grande et vénérable institution bancaire privée deux fois centenaire, a reçu son préavis de mise à l’écart, sèche, malgré ses dix-sept ans de loyaux services…La  banque d’affaires se modernise et envisage d’externaliser les somptueux repas au cours desquels se trame le sort des grandes entreprises qui  gèrent la marche du monde. La course contre un malheureux cafard  met tout à coup Julien,  en position d’entendre les secrets de ceux qui tirent les ficelles. Aussi, quand il constate, malgré son zèle, l’incommensurable dédain  dans lequel le tient son  futur ex-employeur  Espinasse (Philippe Magnan), arrogant à souhait, il cède à la tentation bien naturelle d’utiliser les informations qu’il a été amenées à entendre. Julien a l’heurt d’être  l’ami du délicieux Étienne (Jean Pierre Darroussin), adolescent de 45 ans, qui perd son talent de grand chef dans la cuisine d’un gargotier populaire.   Le hasard, il en faut dans les scénarii, leur permet de rencontrer l’homme de la situation, ce qui les amène à mettre à profit les secrets boursiers qu’ils détiennent. Mais quand on est issu de la classe laborieuse, comment rester insensible aux difficultés des voisins et connaissances ?…  Peu à peu le cercle des bénéficiaires s’agrandit…Et donne l’occasion de scènes savoureuses, où la morale et les faiblesses humaines sont justement croquées,   sans jugement de valeur,   mais avec une finesse réjouissante. Chacun en prend pour son grade, sans charge excessive, par un jeu de  petites touches faussement innocentes.
Ajoutez à ces portraits deux intrigues amoureuses pour assaisonner la vie perturbée de nos deux acolytes, et vous obtenez un délicieux moment de cinéma. À recommander en cas de crise de morosité ou si votre banquier vous chatouille trop méchamment pour quelques euros manquant à votre crédit. Au fait, le banquier…n’a-t-il pas commis une erreur en votre faveur ? Voilà une petite phrase qu’on aimerait bien entendre plus souvent.

07/04/2009

Rencontre



Dans notre vaste monde, il est des rencontres qui ressemblent à des petits clins d'yeux lancés de là-haut. Il  ne faut  pas omettre de  les considérer comme autant de cadeaux éphémères et hasardeux... En voici un petit exemple, bijou enchâssé sur la monture d'une agréable journée ensoleillée.

Samedi dernier, nous sommes allés accompagner Simone à la découverte du lieu de vacances obligées pour sa chatte vieillissante,   Chimène.
La compagne de mon amie subit les vilenies de sa maladie et devient aveugle.
Évidemment, il existe un traitement pour aider Chimène, sinon à recouvrer la vue, du moins à atténuer cette évolution angoissante.  En constatant le handicap  nouveau dont souffre  sa chatte, Simone était prête à renoncer à notre escapade berlinoise prévue début Mai,    jusqu'à ce que des amis communs lui confient l'adresse d'une chatterie exemplaire. Restait à tenter l'exploration des lieux, pour déterminer si Chimène y trouverait bon accueil et Simone paix de l'âme en la confiant à la propriétaire. L'événement crée aussi l'occasion d'une nouvelle tribulation dans l'arrière pays varois.

Varages est accroché en haut d'un piton, au bord de larges falaises percées de sources qui cascadent joyeusement vers le vallon étroit, en contrebas. Au fond, quelques maisons ouvrières cernées de jardinets ombragés, une bicoque de garde-barrière délabrée, la route traversière croise la voie ferrée abandonnée qui  fuit vers un tunnel sombre, puis  le col rebondit aussitôt en massif montagneux. La route  depuis Saint Maximin monte lentement, mais au débouché  en bas de la bourgade, elle adopte un tracé  abrupt et ce sont deux ou trois lacets fermés qui permettent de monter à l'assaut de la petite cité.

Nous voici parvenus à la périphérie de l'agglomération. Négligeant l'accès au centre, nous bifurquons alors en direction de Rians, avant d'emprunter une petite route secondaire enjambant un pont de pierre étroit. Nous poursuivons sur trois kilomètres, selon les indications que Simone a retenues;  la voie se rétrécit encore, le bitume disparaît,   la terre ravinée par les  récentes pluies a redessiné le relief, creusé de profondes ornières, ménagé des nids d'autruches qui pourraient y vivre en colonies. Force est de reconnaître l'utilité qu'aurait ici un véhicule tout terrain. Un dernier virage démasque le bout du chemin, marqué en son centre par une barrière ajourée, manifestement symbolique puisqu'elle n'est entourée d'aucune clôture. Nous sommes arrivés au bout du monde.

Le bout du monde est habité.
Une femme nous attend devant sa porte virtuelle ouverte sur la nature.
Le visage avenant aux traits fermes, le sourire ouvert et le regard droit, elle se présente avec une simplicité naturelle dès que Simone se fait reconnaître.
Cette femme est habitée d'une passion : elle voue son énergie au bien-être des chats, et entreprend la visite de son royaume, tout en contant  sobrement son parcours. Après une vie professionnelle animée dans le secteur des voyages, elle confie avoir choisi de renoncer  aux bruits et à l'agitation vaine de la société. Elle a  cherché longuement avant de dénicher son terrain étagé qui plonge vers un val perdu, camouflé derrière les chêneraies truffières, où les habitations voisines dressent encore quelques pans de mur pierreux enserrant des ronces impénétrables. À moins d'investir un îlot perdu en plein Pacifique, et encore... Je me demande s'il peut exister en Provence un autre lieu plus secret, plus en marge de la société...
Serait-elle misanthrope, notre interlocutrice ?

Je ne peux m'empêcher de détailler son visage fort et harmonieux, dénué de tous fards... En quoi d'ailleurs sa beauté intérieure en aurait-elle besoin ?
Au cours de la conversation, qu'elle anime sans effort,   peu curieuse manifestement de nous cerner, notre hôtesse dévoile ses motivations et ses ambitions : offrir à ses pensionnaires un lieu d'accueil provisoire chaleureux, sécurisant, bénéfique. Que ses hôtes  félidés récupèrent en ses terres le bienfait que nous autres, les pédibus migrants, recherchons dans les centres thalassos et autres clubs dévolus à notre vacance.

L'aménagement des lieux est explicite sur le site référencé :http://www.chatterie-du-louquier.fr , je me garderais donc de redondance, mais vous engage fortement à le visiter si par hasard votre Félix adoré vous plonge dans des affres similaires à ceux auxquels  Simone vient d'échapper. En effet, les lots réservés aux chats sont tellement sécurisés, soignés, pensés en termes d'accueil... La chatterie a un an et demi d'existence, et son premier été a été bien rempli. Je souhaite à notre pasionaria es chats le succès de son entreprise, car ce n'est manifestement pas l'appât du gain qui sous-tend son entreprise, mais plutôt une philosophie de vie qui me touche.

Après la visite guidée des « chambres d'hôtes », 40m2 par lot,   dont un chalet de 6 m2, aménagé et chauffé en hiver,   arboré et grillagé même en plafond  par sécurité, Gabriella poursuit son exposé en nous invitant à prendre place sur sa terrasse dominant le fond du vallon et son poulailler. Elle  nous explique comment elle a rénové la ruine qui résistait encore sur son terrain  et est devenue une fermette accotée au versant, prolongée par une immense véranda en demi-cercle, véritable QG de l'exploitation, car confie-t-elle avec gourmandise, « dès que je peux m'arrêter pour reprendre ma lecture, tous les animaux de la maison peuvent me voir et savoir que je suis prête à intervenir s'il en est besoin. » 
Gabriella, se reconnaît la maîtresse d'une bonne douzaine de chats,   qui vaquent à leurs occupations librement  et  nous reconnaissent manifestement comme amies, porteuses indiscrètes des odeurs et phéromones de notre petit peuple évidemment. Mais le pendant de sa passion féline est la lecture assidue, jouissance volée au temps, intériorité creusée en son intimité, compensation assumée à l'isolement. À l'écoute de la confidence, je tressaille et mon amie éclate de son joyeux rire en m'adressant un clin d'œil lumineux. Et nous nous découvrons encore un autre point commun : Si les besoins d'un vétérinaire deviennent évidents, Gabriella quitte son domaine perdu et descend jusqu'à Saint Max pour confier son protégé aux soins attentifs de Lydie Pinori, notre vétérinaire, dont je n'ai pas encore eu l'occasion de vous conter les mérites! À mi-chemin, la clinique vétérinaire de Barjols, ou les praticiens de Rians, pourraient faire l'affaire en lui épargnant un kilométrage considérable. Gabriella se reconnaît plus d'affinité et de confiance dans le charisme animalier de Lydie, dont la réputation a dépassé les limites du canton depuis lurette.

GéO a profité de tout ce temps pour lier amitié avec les  deux chiennes du logis, outre les douze chats déjà cités, dont Colette, aux yeux verts jade et robe lustrée de jais. J'ai droit aux courtoisies de Tibby, aux charmes siamois, regard lavande et truffe rose, silhouette élancée, membres déliés, articulations fines ...

Au delà du périmètre immédiat, les canards s'ébattent dans le pré où réside sans nul doute le Bonheur, et les oies montent la garde. Combien d'autres représentants de l'Arche de Noé sont-ils encore éparpillés dans cet Eden?

L'après-midi s'avance, Gabriella demeure intarissable, même en nous raccompagnant à la voiture. Simone est totalement rassurée, Chimène coulera sûrement une semaine de rêve, bichonnée par une bonne fée.

05/04/2009

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Lobu

 


Floriane relève la tête.
Seule dans cette chambre blanche et austère, presque monacale, ses yeux cherchent encore à l’horizon la crête ocre et dorée des Monts de l’Atakara qui ferment au loin la plaine de Lobu. De la fenêtre étroite, le paysage offert confirme son recadrage réussi dans ce monde toujours nouveau, où elle s’est enracinée depuis dix ans.  Petit à petit, la lumière extérieure perd sa dorure et enveloppe de nuances roses et mauves les replis du terrain, tandis que les arbres noircis accueillent les points plus clairs du troupeau des chèvres que Joshua et Yahomé ont appelées et rassemblées comme tous les soirs. Dans quelques minutes à peine, l’obscurité sera complète, les feux s’allumeront, les derniers appels des bergers fermeront cette très longue journée.

Comme d’habitude, il faudra sortir, rejoindre l’équipe du dispensaire pour le dîner pris en commun, rite des petites communautés, tissu social indispensable et parfois pesant, mais si souvent salvateur face à la détresse et l’inépuisable dénuement des moyens. On y rit très souvent, on s’engueule de temps à autre, mais c’est là surtout que, la journée finie, se développent l’attention et le respect inouï que chaque membre de l’équipe ressent pour ses compagnons. Dans la journée, l’urgence et les difficultés multiples  ne leur accordent que peu de pauses et surtout aucun recul sur les décisions à prendre. Aussi chaque soir, en s’obligeant à partager le repas et une partie de la soirée, tous les acteurs du centre de soins  se retrouvent et mesurent  la chaleur de la solidarité qui leur permet de tenir. Quand  le regard de Floriane s’accroche à la crête noire tout au fond, là-haut, ce sentiment plein et rassurant la regonfle et lui insuffle assez de patience et de volonté pour recommencer sa tâche.


Oh oui, Floriane aime cette chambre presque vide...


Et pourtant, malgré la pénombre qui a envahi la pièce, elle devine encore devant elle, sur le bureau, la feuille de papier qu’elle s’est tellement appliquée à couvrir de mots... Mots justes ou mots éteints, immense lassitude d’un discours renouvelé et perdu,  missive à la dérive du temps et de l’éloignement.
La nuque raidie par l’effort d’écriture, Floriane a lâché le stylo. Elle se redresse et s’étire, cherchant à repousser hors d’elle la mélancolie où cette page arrachée à elle-même l’a encore rejetée.
Une fois de plus, une fois de trop, elle a tenté de retendre un pont entre Rachel et elle, de répondre à l’appel lancé de France vers son exil volontaire.

Rachel... Ces deux syllabes montent en elle comme une prière ou comme une arme, selon les moments, toujours douloureusement comme la trace de l’injustice ineffaçable.
Il y a dix, douze ans, elles ont aimé le même homme et Rachel a gagné.

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Jamais encore Floriane ne s’était sentie aussi forte, belle, si accomplie déjà, ce merveilleux soir de mai où elle s’est engagée à lier sa vie à celle d’Alexis, à la terrasse du restaurant, le visage caressé par les yeux amoureux d’Alexis, plus exaltée d’amour qu’enivrée par le vin délicat qu’ils avaient commandé. Aucun doute, aucun soupçon incongru, aucun nuage n’aurait pu voiler l’élan ressenti, la certitude accrochée au langage de leurs corps. Un état céleste, suspendu, un désir divin et durable ou le Tout, passé-présent-avenir, gravitait autour d’eux, pour eux.


Souvenir du regard maternel reconnaissant enfin le Bonheur de cette fille si difficile à cerner...


Et puis un jour, en traversant la rue Royale, le regard de Floriane s’est porté par hasard sur un couple tendrement enlacé sur le trottoir opposé. Est-ce parce que ces visages lui étaient familiers qu’ils ont ainsi attiré son attention parmi les dizaines de passants ? Son corps s’est plombé là, colmaté au macadam de la chaussée,  sourd au crissement strident des freins. La première voiture ne l’a pas heurtée mais la suivante n’a pu éviter la première... Et dans les fracas successifs des tôles froissées et du verre brisé, Rachel et Alexis ont à leur tour découvert Floriane, soudée au sol,  inconsciente du tumulte autour d’elle.


Elle se souvient beaucoup plus vaguement d’explications sans fin, de larmes, du visage boursouflé et vieilli de sa mère, du poids maladroit de la main paternelle sur ses épaules. Et puis enfin l’aéroport,   comme une antichambre mortuaire où le temps pesait sur chacun d’eux, ces acteurs d’un drame intime et clos. L’avion libérateur, univers ouaté où sa Solitude a enfin pu se découvrir et prendre possession d’elle, l’auréolant d’un écran protecteur et durable.


A son arrivée, la chaleur blanche des jours et la moiteur de certaines nuits l’ont encore mieux isolée de sa douleur. Elle s’est laissé rapidement dissoudre dans le mouvement incessant des sœurs aux voiles blancs. Ces religieuses d’origine belge n’ont jamais quitté le Bénin malgré les cahots et les incertitudes qui ont suivi la reconstruction du pays. Avec elles, Floriane s’est lovée corps et cœur dans le poste de gestionnaire du dispensaire installé dans ce village isolé au nord-est d’un état immense, incapable de tout gérer. Le travail lui a immédiatement convenu: il y avait tout à inventer et à refaire chaque jour, chaque minute, rien n’étant permanent, durable ou acquis, si ce n’est la misère, le dénuement, les épidémies récurrentes, les maladies endémiques, et les gens. Les gens d’ici, surtout, ceux qui y sont nés comme ceux qui arrivent, parfois fragiles comme elle l’a été, blessés sans devenir blessant, presque tous très rapidement ligués contre les difficultés. Des difficultés invraisemblables, quand on arrive d’Europe, et auxquelles on finit par accorder une considération familière: approvisionnement, acheminement, remplacement, manque aigu de communication, on pare à tout avec le fabuleux système D et la foi absolue d’appartenir à une équipe, patients et soignants, ou même simple maillon de  la chaîne comme Floriane.
Dans ce fourmillement incertain et mouvant, assise devant cette fenêtre qui n’ouvre plus que sur la nuit, Floriane n’a qu’une certitude : elle a trouvé sa place, c’est ici à Lobu que sa vie a pris un sens, c’est ici qu’elle se sent confiante, enfin.


De l’autre univers, elle a reçu de loin en loin des nouvelles. À ses parents, elle a toujours répondu que tout allait bien et que sa vie répondait  pleinement à ce qu’elle en attendait. À Rachel, elle n’a d’abord pas répondu, même lorsqu’une longue et déchirante lettre lui a appris son divorce. Que dire et que faire ? Le malheur de sa sœur n’allait certes pas apaiser sa déchirure ancienne.


Et puis, malgré tout, les lettres de Rachel se sont succédé au rythme de ses déceptions.
Heureuse, elle n’écrit pas.
Inévitablement déçue, elle ne peut résister au besoin de confier, fort bien d’ailleurs, ses chagrins, ses peines, ses désespoirs à cette partie d’elle-même qui s’est envolée. Un soir enfin, Floriane a admis que Rachel n’avait pas délibérément détruit le bonheur de sa sœur, mais que son tempérament entier l’avait poussée à vivre ce que vivait Floriane. À partir de cette intuition, le fil s’est peu à peu retissé entre les deux sœurs. Cette fois encore, Rachel appelle Floriane pour raccommoder l’ourlet décousu de son cœur insatisfait.
Seulement, aujourd’hui, Floriane est à bout de mots...
Cette page de papier noirci est vide de sens, démunie d’affection, sèche de compassion. Elle le sent si bien que d’un geste définitif, la lettre est froissée et jetée au panier.
Floriane réalise alors qu’elle n’a même pas eu le réflexe d’allumer...