Rencontre (07/04/2009)



Dans notre vaste monde, il est des rencontres qui ressemblent à des petits clins d'yeux lancés de là-haut. Il  ne faut  pas omettre de  les considérer comme autant de cadeaux éphémères et hasardeux... En voici un petit exemple, bijou enchâssé sur la monture d'une agréable journée ensoleillée.

Samedi dernier, nous sommes allés accompagner Simone à la découverte du lieu de vacances obligées pour sa chatte vieillissante,   Chimène.
La compagne de mon amie subit les vilenies de sa maladie et devient aveugle.
Évidemment, il existe un traitement pour aider Chimène, sinon à recouvrer la vue, du moins à atténuer cette évolution angoissante.  En constatant le handicap  nouveau dont souffre  sa chatte, Simone était prête à renoncer à notre escapade berlinoise prévue début Mai,    jusqu'à ce que des amis communs lui confient l'adresse d'une chatterie exemplaire. Restait à tenter l'exploration des lieux, pour déterminer si Chimène y trouverait bon accueil et Simone paix de l'âme en la confiant à la propriétaire. L'événement crée aussi l'occasion d'une nouvelle tribulation dans l'arrière pays varois.

Varages est accroché en haut d'un piton, au bord de larges falaises percées de sources qui cascadent joyeusement vers le vallon étroit, en contrebas. Au fond, quelques maisons ouvrières cernées de jardinets ombragés, une bicoque de garde-barrière délabrée, la route traversière croise la voie ferrée abandonnée qui  fuit vers un tunnel sombre, puis  le col rebondit aussitôt en massif montagneux. La route  depuis Saint Maximin monte lentement, mais au débouché  en bas de la bourgade, elle adopte un tracé  abrupt et ce sont deux ou trois lacets fermés qui permettent de monter à l'assaut de la petite cité.

Nous voici parvenus à la périphérie de l'agglomération. Négligeant l'accès au centre, nous bifurquons alors en direction de Rians, avant d'emprunter une petite route secondaire enjambant un pont de pierre étroit. Nous poursuivons sur trois kilomètres, selon les indications que Simone a retenues;  la voie se rétrécit encore, le bitume disparaît,   la terre ravinée par les  récentes pluies a redessiné le relief, creusé de profondes ornières, ménagé des nids d'autruches qui pourraient y vivre en colonies. Force est de reconnaître l'utilité qu'aurait ici un véhicule tout terrain. Un dernier virage démasque le bout du chemin, marqué en son centre par une barrière ajourée, manifestement symbolique puisqu'elle n'est entourée d'aucune clôture. Nous sommes arrivés au bout du monde.

Le bout du monde est habité.
Une femme nous attend devant sa porte virtuelle ouverte sur la nature.
Le visage avenant aux traits fermes, le sourire ouvert et le regard droit, elle se présente avec une simplicité naturelle dès que Simone se fait reconnaître.
Cette femme est habitée d'une passion : elle voue son énergie au bien-être des chats, et entreprend la visite de son royaume, tout en contant  sobrement son parcours. Après une vie professionnelle animée dans le secteur des voyages, elle confie avoir choisi de renoncer  aux bruits et à l'agitation vaine de la société. Elle a  cherché longuement avant de dénicher son terrain étagé qui plonge vers un val perdu, camouflé derrière les chêneraies truffières, où les habitations voisines dressent encore quelques pans de mur pierreux enserrant des ronces impénétrables. À moins d'investir un îlot perdu en plein Pacifique, et encore... Je me demande s'il peut exister en Provence un autre lieu plus secret, plus en marge de la société...
Serait-elle misanthrope, notre interlocutrice ?

Je ne peux m'empêcher de détailler son visage fort et harmonieux, dénué de tous fards... En quoi d'ailleurs sa beauté intérieure en aurait-elle besoin ?
Au cours de la conversation, qu'elle anime sans effort,   peu curieuse manifestement de nous cerner, notre hôtesse dévoile ses motivations et ses ambitions : offrir à ses pensionnaires un lieu d'accueil provisoire chaleureux, sécurisant, bénéfique. Que ses hôtes  félidés récupèrent en ses terres le bienfait que nous autres, les pédibus migrants, recherchons dans les centres thalassos et autres clubs dévolus à notre vacance.

L'aménagement des lieux est explicite sur le site référencé :http://www.chatterie-du-louquier.fr , je me garderais donc de redondance, mais vous engage fortement à le visiter si par hasard votre Félix adoré vous plonge dans des affres similaires à ceux auxquels  Simone vient d'échapper. En effet, les lots réservés aux chats sont tellement sécurisés, soignés, pensés en termes d'accueil... La chatterie a un an et demi d'existence, et son premier été a été bien rempli. Je souhaite à notre pasionaria es chats le succès de son entreprise, car ce n'est manifestement pas l'appât du gain qui sous-tend son entreprise, mais plutôt une philosophie de vie qui me touche.

Après la visite guidée des « chambres d'hôtes », 40m2 par lot,   dont un chalet de 6 m2, aménagé et chauffé en hiver,   arboré et grillagé même en plafond  par sécurité, Gabriella poursuit son exposé en nous invitant à prendre place sur sa terrasse dominant le fond du vallon et son poulailler. Elle  nous explique comment elle a rénové la ruine qui résistait encore sur son terrain  et est devenue une fermette accotée au versant, prolongée par une immense véranda en demi-cercle, véritable QG de l'exploitation, car confie-t-elle avec gourmandise, « dès que je peux m'arrêter pour reprendre ma lecture, tous les animaux de la maison peuvent me voir et savoir que je suis prête à intervenir s'il en est besoin. » 
Gabriella, se reconnaît la maîtresse d'une bonne douzaine de chats,   qui vaquent à leurs occupations librement  et  nous reconnaissent manifestement comme amies, porteuses indiscrètes des odeurs et phéromones de notre petit peuple évidemment. Mais le pendant de sa passion féline est la lecture assidue, jouissance volée au temps, intériorité creusée en son intimité, compensation assumée à l'isolement. À l'écoute de la confidence, je tressaille et mon amie éclate de son joyeux rire en m'adressant un clin d'œil lumineux. Et nous nous découvrons encore un autre point commun : Si les besoins d'un vétérinaire deviennent évidents, Gabriella quitte son domaine perdu et descend jusqu'à Saint Max pour confier son protégé aux soins attentifs de Lydie Pinori, notre vétérinaire, dont je n'ai pas encore eu l'occasion de vous conter les mérites! À mi-chemin, la clinique vétérinaire de Barjols, ou les praticiens de Rians, pourraient faire l'affaire en lui épargnant un kilométrage considérable. Gabriella se reconnaît plus d'affinité et de confiance dans le charisme animalier de Lydie, dont la réputation a dépassé les limites du canton depuis lurette.

GéO a profité de tout ce temps pour lier amitié avec les  deux chiennes du logis, outre les douze chats déjà cités, dont Colette, aux yeux verts jade et robe lustrée de jais. J'ai droit aux courtoisies de Tibby, aux charmes siamois, regard lavande et truffe rose, silhouette élancée, membres déliés, articulations fines ...

Au delà du périmètre immédiat, les canards s'ébattent dans le pré où réside sans nul doute le Bonheur, et les oies montent la garde. Combien d'autres représentants de l'Arche de Noé sont-ils encore éparpillés dans cet Eden?

L'après-midi s'avance, Gabriella demeure intarissable, même en nous raccompagnant à la voiture. Simone est totalement rassurée, Chimène coulera sûrement une semaine de rêve, bichonnée par une bonne fée.

19:32 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : récit, écriture, chat, lecture, affinité | |  del.icio.us |  Facebook | |  Imprimer