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27/05/2016

Le goût de la lecture

 Ça n'est pas pour me vanter, comme disait autrefois Philippe Meyer en préambule de ses chroniques matinales, mais demain, je descends passer la journée au Jardin des Lettres, où mon amie Catherine reçoit des auteurs jeunesse pour une rencontre mémorable entre jeunes lecteurs et  pourvoyeurs de mots, d'histoires, de BD, de rêves…

Et je réalise qu'une de mes plus grandes joies grand-maternantes, c'est le partage des câlins lecture avec mes petitous. Voilà une activité que je n'échangerai pour aucune autre…

 

 

lecture, lecture jeunesse, gout de lire, partage, transmission

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N'allez pas croire qu'Ève ignore qu'elle tient le livre à l'envers… En bonne conteuse, elle tourne les illustrations vers son public!

Le goût de lire vient en effet dès le plus jeune âge, et n'a rien de solitaire alors. Objet familier, le livre appartient au quotidien et à ses découvertes . 

Je suis tranquille, la génération de mes "petitous" fera vivre encore bien  des libraires…

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30/03/2013

La couleur des pages

Au livre ouvert de nos vies, nous tournons des pages blanches, feuilles vierges couvertes de caractères inattendus, à l’écriture sombre,  noyée dans la couleur boueuse des crues.  Avec l’âge, vient l’heure d’écrire des pages sages, ordonnées, où les mots se rangent sans frissons, lignes justifiées garantes de nos désirs pondérés. Éclaircies anarchiques,  au fil du catalogue s’incrustent les paragraphes où s’ancre la mémoire du cœur, la plus belle  et la plus indispensable de toutes nos  fonctions vitales.

Il advient que Hasard, dieu malicieux,  s’avise de bousculer  nos certitudes engourdies.  Il joue de vents contraires, bise d’hiver en plein juillet ou zéphyr langoureux sur nos mornes plaines, et tout à coup,  nos horizons basculent, nos nuits s’éveillent, nos tracas baissent la garde.  Ce sont alors des feuillets bleus, jaunes, roses , l’arc en ciel de nos amours, la palette irisée des moments heureux. Ces pages-là  détiennent un pouvoir. Elles sont  les piliers sur lesquels s’étaie le quotidien, elles préservent le capital émotionnel,  elles cadencent la complainte des vieilles douleurs qui rythme dorénavant  l’étrange état de ceux qui ont été.

écriture, rêverie, grand-mère, transmission, joie du sourire de mathis


 Dans ma bulle affective, le dispensateur de ces bienfaits s’appelle Mathis. Son âge tendre déverse à tous moments une énergie sans faille, à l’instant d’ouvrir ses paupières jusqu’au moment de choisir l’histoire qui précède le coucher, cérémonie royale et sans façon qui mène à tour de rôle chacun de nous à son chevet.

Être Grand-mère ne saurait se résoudre à un  statut, il faut encore rester à la hauteur de l’enjeu et courir ce marathon de longue haleine. La petite silhouette cahotante court sur le trottoir pentu de la ville. Le spectacle  me réjouit autant qu’il mène au défi  mon rythme cardiaque. Il ne s’agit pas de le laisser filer sur la chaussée ou d’attendre l’inévitable chute sur le bitume qui  abîmerait sa dentition perlée. Pressé par mes appels, le fripon se retourne sans ralentir et la malice de son regard, hélas, n’a pas encore anticipé le trou entre les pavés. De ma besace , j’extirpe la panoplie du métier : mouchoir et consolation, ô bisous magiques. 

 À ce jour, Mathis est  engagé dans la conquête du langage. Quelles merveilles partagées se nouent maintenant grâce à l’évocation des mots. La puissance du vocable, la vitalité du verbe, la volonté expressive des sons : «  c’est moi qui fait… je suis le promier… attends je choisis… » sont désormais nos phrases clé, augurant toutes activités ou étapes de la journée.. Certes, certaines approximations fleurissent ici ou là, on n’attrape pas si facilement la complexités des consonnes  qui se cognent dans le tunnel du larynx. Mais qui ne serait touché par sa volonté pour attraper au vol les distorsions incroyables de notre langage si bien formaté ? Et puis il y a le rire. Le rire tonitruant ou grelottant qui trahit le joyeux luron caché derrière le rideau ou sous un fauteuil. La joie à fleur de peau qui habille d’insouciance son tout jeune être. Comme on voudrait  que la vie ne lui écrive que des pages multicolores! 

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16/01/2008

Éric Emmanuel Schmitt

J’ai achevé hier soir l'ÉVANGILE SELON PILATE, d’Éric Emmanuel Schmitt.

C’est une gourmandise que j’essaie de savourer encore un petit peu, laissant s’évanouir lentement le plaisir de cette lecture.
J’ai abordé pour la première fois les rivages de cet auteur à travers deux petits bijoux apportés par ma fille. Comme nous ne nous voyons pas très fréquemment, éloignement géographique oblige, nos échanges de musique et de lecture prennent toujours une valeur particulière, nous nous réservons l’une pour l’autre nos morceaux de choix. J’ai découvert ainsi Corinne Bailey Rae, il y a plus de deux ans grâce à elle, elle a repiqué mon téléchargement d’Ayo, mais elle est aussi venue chercher de vieux standards comme mes enregistrements historiques de Billy Holiday ou de Samson François. Bref, nos échanges culturels sont aussi des découvertes affectives, ou l’inverse, et ce n’est pas anodin car l’amitié, l’affection, ou même l’estime que l’on porte à celui ou celle qui ouvre devant nous une porte nouvelle conditionne en partie notre adhésion.

En partie seulement, reste ensuite ce face à face, en huis clos, que nous développons, ou non, avec l’artiste, écrivain, poète, musicien…
Un huis clos en effet, une intimité réelle quand il s’agit d’un auteur que les lectures d’ouvrages différents régalent également. Des préférences naissent effectivement, et elles varient parfois dans le temps ou la discussion qui s’instaure. En l’occurrence, cet effet se confirme pour moi avec les différents ouvrages de EE Schmitt, sans que j’éprouve pour autant l’envie de sacraliser son art… Non, justement, ce qui me plaît dans ses oeuvres, c’est cette facilité apparente du verbe, ces phrases simples, qui coulent sans accroc, ces mots familiers et justes. Il n’y a pas d’apparat, et pourtant la prose rutile dans des descriptions percutantes. Je reviens un instant sur la description de Jérusalem qui ouvre la première lettre de Pilate dans l’ouvrage cité. Ce tableau fondé sur le ressenti de l’odorat associé à l’ouïe, construit d’entrée de jeu l’inadéquation du narrateur au lieu de l’intrigue, lieu qui devient alors un personnage « antipathique »…et conditionne le point de vue adopté pour dérouler l’intrigue.( cf L'ÉVANGILE SELON PILATE , note sources vives)

J’ai abordé mon premier Schmitt en ouvrant OSCAR ET LA DAME ROSE, il y a deux ans. Enthousiasmée ! Malgré la dureté du thème, l' accompagnement à la mort d’enfants malades, le livre ne conduit pas à une profonde dépression empathique. L’ouvrage semble bref, et c’est tant mieux car il fonctionne évidemment à l’émotion, mais sans voyeurisme. E E Schmitt excelle dans l’art de la suggestion par la légèreté de sa plume, les phrases courtes, la délicatesse du vocabulaire, l’angle adopté pour développer son intrigue. L’intrigue justement qui n’est rien d’autre que… Le fil des jours qu’Oscar apprend à savourer d’autant mieux qu’ils lui sont comptés. Dire que je n’avais pas la gorge serrée serait mentir, mais l’émotion suscitée est génératrice de réaction, elle pousse à la générosité, ce qui n’est pas le cas de toutes les larmes qui nous échappent parfois…

Quand un livre m’emballe, je ménage toujours un intermède avant d’aborder son frère… J’ai donc attendu la fin de ma lecture suivante pour ouvrir enfin MONSIEUR IBRAHIM ET LES FLEURS DU CORAN, qui me hélait du haut de la pile sur le coin du chevet. Enfin, je m’emparai du bouquin, une édition physiquement réussie, sobriété du cartonnage beige à peine rosé, au mince double filet rouge… La classe sans le poids du luxe !!!
Je ne fus pas déçue, l’intrigue s’y déroulait plus légère, presque insouciante jusqu’au dénouement poignant, servie toujours par un poétique recours aux images colorées, pleines, gourmandes, sensuelles en un mot.

Ces deux ouvrages furent mes hors-d’œuvre, mais on l’a compris, plutôt menu gastronomique que cantine.
Au printemps dernier, toujours grâce à Nouchette, je me lançai dans LA PART DE L’AUTRE, édition de Poche. L’œuvre est plus importante, tant par son développement que par la thématique. Il s’agit pour EE Schmitt de confronter deux options du destin d’un personnage historique, en imaginant les développements parallèles de deux chemins de vie d’un même homme, grâce au postulat « et si… »
Et si… Adolf Hitler avait été reçu à l'Académie des Beaux-Arts de Vienne …
Moins facile d’accès que les deux ouvrages cités plus haut, le roman expose, à l’image du double escalier à spirale de Chambord, les différentes étapes de la formation et de l’évolution de ses deux personnages. Le destin documenté de Hitler et la vie potentielle d’Adolf H, s’enroulent autour d’un même axe temporel, des galères estudiantines et vagabondes aux frimas d’une famille handicapée d’amour, des misères et petites gloires du front pendant la grande guerre à l’apprentissage politique de l’Un à Munich, les découvertes de la vie de bohème dans le Paris mythique des années trente pour l’Autre. Petit à petit, on le voit bien, la double spirale perd son parfait parallélisme, distordue par les influences des éléments du possible.
L’exercice peut paraître un peu périlleux, le temps de s’immerger dans les premières pages, puis les deux personnages se répondant fait pour fait, surtout dans les deux premiers tiers du récit, le lecteur trouve rapidement ses repères. Le questionnement est saisissant et fécond, une manière de revisiter aussi le montage historique d’une période troublée. Si le destin de l’Europe et du monde n’avait tenu qu’à un non événement.…

Reste que… Le postulat de départ permet l’évolution comparée des possibles d’un individu, et la manière dont Éric Emmanuel Schmitt tire les ficelles développe la vision philosophique du rapport entre l’homme et son époque. On observe la formation d’un monstre schizophrénique, on frémit de constater l’effet de ses frustrations sur la marche du monde, et on se prend à penser que les Maîtres des Beaux Arts de Vienne auraient pu faire un effort…
Plus sérieusement, le regret du lecteur pourrait plutôt reposer sur la légèreté du développement psychologique des personnalités considérées. Certes, les frustrations de toutes natures, les ambitions tronquées, les difficultés de communication, les inhibitions sexuelles sont soigneusement décrites et constituent les différents axes du développement de la démonstration. Le point de vue de l’auteur nous conduit à observer un cas d’étude, il y manque les palpitations psychologiques des personnages d’un « vrai roman ». Sans doute, l’auteur n’a pas souhaité alourdir son sujet, déjà ambitieux et rigoureusement documenté…
Je ne crois cependant pas être seule à regretter ce manque de chair pour habiller l’Un et l’Autre , et l'inconsistance du dénouement en ce qui concerne le destin d’Adolf H. Bons sentiments, notion de sacrifice, tout cela est amené un peu à l’emporte-pièce, comme si l’auteur n’avait plus eu la vision claire et lucide de son personnage à partir du moment où l’intrigue doit se poursuivre dans un contexte historique virtuel… l’Allemagne des années de guerre sans la guerre, c’est en soit un autre sujet, difficile d’en dresser un tableau en dix pages .

Et si Éric Emmanuel Schmitt devait lire tout ce que ses lecteurs, admirateurs ou détracteurs, écrivent à leur tour sur ses livres… , je vous laisse, au gré de votre humeur, projeter ce qui arriverait à notre bonne République des Lettres. Heureusement que notre doux pays tolère encore le pluralisme des idées et l’arc-en-ciel de nos opinions.