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30/05/2008

Speedy (dé)confiture.…

Cette semaine, j’ai donc tenu ma première réunion pour Wonderkitch’ en solo !

Voilà un bon moment que je préparais mentalement ce passage à l’acte et m’impatientais de le VIVRE, exactement comme dans ma vie précédente j’anticipais dès le 20 août, nuits et jours, les rentrées scolaires et le moment où je me tiendrai au milieu du nouveau groupe d’élèves le matin de la rentrée. …
Ma nouvelle rentrée a eu lieu ce dernier mercredi de Mai, au milieu d’un groupe d’ « instit’ » justement, clin d’œil malicieux du cours des choses, qui montre une fois encore comment se créent des ponts reliant une page à l’autre de notre vie.

Évidemment, tout pont s’érige sur une structure, et le pilier qui tient la construction, c’est l’Amitié, qui porte aujourd’hui le prénom de Marie-b, amitié en sauts de puce d’une page de vie à une autre, d’épisodes en chapitres clos, nous nous sommes retrouvées l’année dernière à plus de huit cents kilomètres de notre point de départ. Je vous parlais de pont, celui-ci ressemble à un viaduc traversant la géographie physique et sentimentale de nos existences.

Me voici donc à Hyères, dans un quartier tranquille de la ville, accueillie à bras ouverts par la maîtresse de maison, organisatrice de la réunion par amitié pour sa collègue, qui le lui a demandé par amitié pour moi… Les piles du pont, les jambages à l’infini que nos petits dessinent…

J’ai préparé pour cet atelier deux recettes à réaliser ensemble afin de permettre à l’assistance de manipuler les ustensiles, en pensant au matériel intéressant à acheter pour mes clientes potentielles, aux recettes faciles et rapides pour femmes actives, aux outils fonctionnels et séduisants… Parmi ceux-ci, un mixer mécanique , baptisé Speedy par la multinationale, tient habituellement ses promesses de rapidité et de fiabilité… J’ai monté moi-même plusieurs crèmes chantilly à la maison en un tour de main, grâce à l’engin, d’un usage simplissime. Je suis donc certaine de mon effet, dans le déroulé de ma leçon, c’est le passage le plus probant et, sans aucun doute, petite Perrette débutante, je me réjouis à l’avance du régal offert à mon public, je prévois les conséquences concrètes de la dégustation sur les ventes…

Las, comme Perrette justement, c’est bien dans ma certitude sereine que se niche le caillou qui fait trébucher !
Ce jour-là, il règne sur toute la région un ciel orageux, bas, chaud, humide. La maîtresse de maison nous a installées sur la terrasse qui jouxte la cuisine. Par commodité, elle a sorti tous les ingrédients requis pour la recette du moelleux au chocolat, y compris la crème fleurette entière, à réserver pour la seconde phase de l’opération dégustation, dès que le gâteau sera cuit dans le four à micro-onde. J’ai bien repéré au cours de la démonstration ce petit pot suant sur la table, et tout en poursuivant la conversation, je me suis glissée dans la pièce attenante pour le remiser dans le réfrigérateur. Mais de fait, la cuisson du biscuit ne demandant que six minutes, nous passons rapidement à la phase sauce Chantilly …Et le flacon de fleurette est ressorti aussitôt…
Plusieurs convives se portent volontaires pour exécuter les rotations de la manivelle sur le fameux speedy, j’ai prévenu qu’une soixantaine de tours suffisait pour obtenir une crème fouettée ferme et aérée . Nous comptons allègrement la minute d’efforts accomplis, mais en soulevant le couvercle, les mines gourmandes se mâtinent de déception : la crème est encore liquide, onctueuse concédons-nous, mais son ruissellement sur les pales interdit de la considérer comme Vraie Chantilly.

Il en faut plus que ça pour désorienter des enseignantes, habituées à considérer que l’échec nourrit l’apprentissage ! Une seconde volontaire prend le relais sans plus de succès. Nous élaborons alors une stratégie de recherche, retenant l’hypothèse que le climat orageux et la chaleur lourde ont modifié la réaction des produits. Une première fois, nous introduisons le bol du Speedy dans le congélateur, cinq minutes, le temps de s’extasier sur le moule en silicone qui permet un démoulage parfait à chaud, sans usage de matières grasses : ah, la bonne conscience des gourmandes !
Le délai de congélation se révèle insuffisant pour rattraper la consistance désirée, malgré le redoublement d’énergie sur la manivelle, que je reprends à mon tour, après notre hôtesse… Cette fois, le chœur des profs décide une sanction de quinze minutes, que nous mettons à profit pour éplucher les légumes destinés à l’estouffade de concombre aux crevettes… Hum, à l’énoncé de la recette, notre imagination titillent nos papilles… Françoise, une des assistantes, manifestement connaisseuse et fan des produits Wonderkitch’, entonne la démonstration des qualités de la cocotte, du coupant inaltérable des couteaux, de l’efficacité du tranchoir à légumes… Je me reposerais presque, si mon petit ego ne se tourmentait du coulant de la sauce blanche !
Les légumes enfournés dans la cocotte-miracle, nous nous résignons à déguster notre excellent moelleux au chocolat sous son lit de crème couvrante…
C’est savoureux, délicieux, onctueux, crémeux, mais pas moussant, pas aérien, alors que nos palais étaient en droit d’accéder à la sensation du moelleux de la pâte fondant dans le nuage délicat de la crème, les deux matières s’enchevêtrant sous la pression combinée de la langue et du palais.
Me voilà fort déconfite, malgré l’intérêt que mes compagnes accordent aux catalogues et aux différents ustensiles que j’ai exposés dans le séjour.… L’après-midi tire à sa fin, chacune a fait son profit de l’expérience, j’empoche mes commandes, grandement satisfaite du succès de l’entreprise et de l’émulation dynamique dont je me suis abreuvée, mais derrière l’euphorie de la performance persiste la vision d’un nuage floconneux s’écrasant mollement dans l’assiette, dégoulinant sans la moindre élégance sur ma renommée culinaire à peine constituée…

08/02/2008

Chandeleur

C’est un dimanche d’arrache –cœur, sombre et triste, vide comme une journée sans âme, comme tous les dimanches depuis le départ d’Hervé.

Sabine range la vaisselle du déjeuner, remaniant en tous sens le moyen d’enjoliver la journée. Emmener Léa et Adrien au Parc de Sceaux, pour s’aérer et ne pas passer la journée entre télé et ordinateur, voir du monde, empêcher les enfants de lui poser encore et encore les éternelles questions sur un retour éventuel de Papa. Ce retour, elle n’y croit plus déjà, elle n’est même pas certaine d’en avoir envie, d’être capable d’accueillir ce mari prodigue et père déserteur…
Les mains sous le jet d’eau chaude, son regard plane par la fenêtre de la cuisine vers les frondaisons du parc, qui se devinent deux pâtés de maison au-delà du boulevard. Sous le gris de lourds nuages qui s’accumulent lentement, quelques ramures dénudées semblent vouloir griffer l’implacable ciel pluvieux de tous ces dimanches d’hiver. Sabine sent monter du fond d’elle-même la même rébellion contre la pluie, les pleurs, la lourdeur de cette solitude injuste sous laquelle elle ne veut plus ployer.
- Et si je leur préparais des crêpes ?
Ce n’est rien qu’un banal geste maternel, vite et bien malaxé dans le saladier, mais cette petite décision de rien du tout allège son coeur et enlève un poids considérable au fond de sa poitrine…
Sur le chemin du retour de promenade, Adrien est ravi de l’entendre chantonner et lui en fait la remarque.
- Ça fait longtemps que tu ne chantes plus, maman…

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Sur le gaz, Sabine a installé d’abord une casserole d’eau surmontée d’une assiette pour conserver les premières crêpes au chaud, puis elle huile la crêpière avant de la disposer sous les feux. Du haut de ses sept ans, Adrien ne la quitte pas d’une semelle, tellement content de participer aux opérations, il babille de tout et de rien, de sa petite voix encore aiguë. C’est lui qui pense aux bougies, relatant la tradition des chandelles, telle qu’elle a été racontée en classe. À l’acquiescement de sa mère, il se charge de ramener dans la cuisine toutes les chandelles, qu’il peut trouver dans l’appartement. Ce déménagement s’opère dans une discrétion telle que Léa sort de sa chambre, attirée par le chamboulement.

En très peu de temps, la cuisine est transformée en salle de fête. Les enfants installent leur lot de bougies partout, sur la table, le buffet, le rebord de la fenêtre, le haut du réfrigérateur. Léa profite de ses deux années et quelques centimètres d’avance pour essayer de prendre la direction des opérations, surtout pour allumer les chandelles à l’aide des grandes allumettes retrouvées on ne sait par quel hasard.
- Waouh ! c’est vachement beau, on se croirait à Noël !!!
Sabine se sent fondre, Noël a été tellement horrible à supporter, premier Noël de femme abandonnée, chagrin mêlé d’angoisse, incertitude absolue et obligation de faire semblant d’être bien… Pour les enfants, pour sa mère, qui les avait invités d’office, les inondant de bonnes paroles maladroites.
- Ah non, c’est mieux que Noël, tu vas voir, on va dîner ici, dans la cuisine…
Derechef, Léa installe un Cd dans l’appareil de la cuisine et monte le son au maximum afin d’accompagner les mélodies de leur chœur.
Par jeux, profitant de cette joie toute fraîche qu’elle retrouve, Sabine abandonne la spatule avec laquelle elle retourne habituellement ses crêpes et donne une petite impulsion sèche au manche de la crêpière… Des yeux, elle suit la galette fine qui se décolle de la poêle et s’envole vers le plafond, monte à l’assaut des meubles comme une feuille d’arbre entreprend sa chute, se contorsionne en spirale pour amorcer la descente rapide vers la surface plane de l’ustensile. Les enfants, surpris et ravis, hurlent ensemble
- Oh dis m’man, j’peux l’faire aussi ?
- D’accord, mais chacun son tour…
Intérieurement, Sabine calcule :Heureusement qu’il y en a déjà une bonne dizaine, si on en gâche trois ou quatre, ça n’ira pas loin.…
- Moi d’abord, moi d’abord !
Léa se voit attribuer le premier essai. Alors qu’elle s’apprête à imiter le petit geste sec que Sabine lui montre, Adrien s’écrie :
- Stop, arrêtez tout ! Ça va pas, y faut une pièce en or pour faire ça.
À sa mère et à sa soeur, il explique aussi, tout fier de sa science de la semaine, que la légende veut que le crêpier tienne serrée au creux de sa main une pièce d’or pendant l’opération de retournement en vol.
- Comme ça, si on réussit, on sera riche dans l’année… Tu te rends compte, Maman, si on devient riche avec plein de pièces d’or, Papa sera tellement surpris et content, il reviendra c’est sûr !

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