28/03/2016
Fragments - 1
Vide-poche en couleurs
Fragment bleu
Insouciant comme un adieu à l'enfance
— Paul, tu viens m’aider ? Je ne sais pas ce qu’il te faut, moi. Qu’est-ce que je te prépare ? Tu as une idée au moins de ce que tu veux emporter? Tu ne peux pas partir comme ça les poches vides…
— Mais si Mm’an, y’a pas de problème ! J’ai besoin de rien, je t’assure. C’est pas la peine de se charger. On peut toujours se débrouiller sur place.
— Enfin, Paul, il te faut bien quelques médicaments ! De l’aspirine, des pansements, du désinfectant… Et tiens, ta Ventoline, si tu refaisais une crise comme il y a trois ans !
— Mais il y a trois ans ! Et grâce à toi, nous avions passé trois semaines de camping dans un brouillard épais à côté d’un parking pour camions déglingués qui puaient… Il n’y a strictement aucune raison pour qu’une situation pareille se reproduise. Demain, je serai en montagne, à l’air pur, en train de compter les marmottes qui se réveillent ! Ta Ventoline d’ailleurs, je te conseille de la rendre au pharmacien, elle doit être périmée depuis un moment.
— Et pour l’argent, Paul, qu’est-ce qu’on fait ? Tu as des espèces sur toi ?
— C’est réglé tout ça, pas de souci ! Tout est prévu au refuge, je te l’ai dit cent fois.
— Et tes frais de voyage, ton billet, ton appareil photo ? Tu as de quoi m’écrire au moins ?
— Maman, j’ai vingt-huit ans, je suis majeur, vacciné, je ne vais pas t’écrire tous les jours comme à l’époque des colonies de vacances ! Tiens, je vais te dire ce que j’emporte : une lampe de poche, un jeu de manilles déjà mis de côté, quelques slips et chaussettes de rechange en plus des vêtements que je porterai et voilà ! Comme Rimbaud, je m’en irai les poings dans mes poches crevées … et mon unique culotte avec un large trou… Ah ah.
Alors, sois sympa, garde la valise avec l’album photos complet de mon enfance, le dossier médical où sont notés mes vaccins et la date de ma première dent, les outils inutiles comme des ampoules de rechange et autres porte-clefs pour fermer une maison où je n’habite pas !
À mon retour, je sais que tu auras veillé sur ces précieux viatiques. Mais fais-moi grâce d’une chose, ma petite Maman, une seule chose mais j’y tiens : jette mes vieux doudous rapiécés. Si, un jour, j’ai un enfant, je ne veux pas encombrer ses bronches avec la poussière de vieux souvenirs !
18:41 Publié dans Conte-gouttes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, nouvelles, saynètes, couleurs des sentiments, acl | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
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