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10/02/2016

Cuisine conjugale

 

Cuisine conjugale

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Prends ce fusil, mon cher amant et aiguise ce couteau qui me fait défaut. En attendant ton retour après une journée de dur labeur, j’aime à dorer, braiser, rôtir cuissots et gigots. Je préfère les bons morceaux savamment découpés pour garnir le fond de mes poêlons.

Avant de dresser la table pour ton réconfort,  j’aurai eu plaisir à établir un menu solide et consistant. Mélanger les saveurs et les textures, ajouter un peu d’épices et une pointe de liant pour adoucir sans alourdir,  rechercher le juste équilibre et chasser les calories inutiles, mais respecter le mariage des fumets et le parfum des aromates,    dénicher enfin le bon cru, breuvage idéal qui laissera éclater le bouquet de ses arômes lentement maturés.

 

Quand tu monteras d’un pas las la volée d’escaliers qui mène au logis, quand tu pousseras la porte en laissant derrière toi la fatigue des besognes accomplies, que mille effluves mijotés t’accueillent d’abord et te mènent par le nez jusqu’à mon antre et mes casseroles.

Sous tes paupières,  une étincelle pétillera, tes narines frémiront, ta langue inventera le goût du plaisir à venir, tu lèveras vers la lumière les reflets ambrés ou dorés du vin tournoyant.

Silencieuse,  je t’observerai tandis que tes forces renaîtront par la grâce de ce baptême culinaire. Tu accueilleras mon offrande sans dire un mot. Nous nous attablerons, nous dégusterons, nous donnerons à chaque bouchée du temps et de l’attention pour que dure ce repas, comme s’il était le dernier.

L’amour est curieux, le plaisir est jaloux, m’auras-tu alors pardonné mes erreurs et mes sautes d’humeur? Ce couteau aiguisé par tes soins, dissimulé maintenant sous ton oreiller, pourra-t-il rompre notre pacte avant que ne t’endorme pour l’éternité le poison versé au fond du caquelon ?

 

Voilà notre dernière nuit. Je le sais, tu le sais. Comme notre  première fois, aime-moi.

écriture, nouvelle, texte bref, chute inattendue

 

 

 

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