26/04/2014
Accordailles
Désir brûlant des regards fixés sur mes formes élégantes. Dérangeant et excitant, serais-je à la hauteur? Je me sens si fébrile parfois, consumée par l’envie ardente de sentir vos appétits fondre sur moi, et me glisser jusqu’au confluent de vos mains enlacées, d’y butiner l’éclat des feux qui vous dévorent. Dangereuse convoitise, balancier infernal des battements du cœur.
Éternelle énergie, prodiguée sans même bouger un doigt. J’aurais préféré, n’en doutez pas, rester cachée dans mon antre, à l’abri de la contamination concupiscente: dès lors qu’ils pensent à moi, Eux me considèrent suffisante, Elles me voudraient plus conséquente. Une stratégie éprouvée me pousse à leur opposer une indifférence de marbre. Je tente alors d’arborer une mine de plomb, je fais semblant d’avoir un cœur de pierre. Pourtant, une fierté sans pareille coule dans mes veines et je mets en valeur la finesse de ma taille et tous mes atours.
Séduction éphémère, hélas, une seconde de gloire, c’est toute la satisfaction au regard de ma réputation. Ma présence devrait suffire à apaiser tant de soupirs. Ensemble, ils m’affichent mutuelle reddition à l’hymen éternel. Le secret de mon exposition repose sur les facettes de mes talents, réanimateurs habiles d’ardeurs chancelantes.
Immanquablement, vient le temps de l’ambivalence. J’étais irrésistible, je deviens infirmière d’amours exsangues puis geôlière. Les pulsions initiales dont j’étais si brillamment parée sont désormais banales, puis ordinaires, elles deviennent chaînes. Ternie par un usage quotidien, je me rends accessoire quand sonne le glas de la passion. Le désir comblé s’éteint à petit feu, et la magie distillée jadis se dissout dans la monotonie des libidos éteintes.
Rageur est le geste qui me jette au tapis. Ne reste que les regrets des promesses non tenues, le pénible ratage d’un rêve inachevé. Reléguée loin des regards que la haine allume Elle me contemple un moment, avant de me ranger dans l’écrin des souvenirs douloureux, recel ultime des amours renoncées.
À tout prendre cependant, que suis-je d’autre qu’une pépite de planète, débris minéral arraché à la matière stratifiée ? Que de temps, de peines, de travail forcené se sont conjugués jusqu’aux outils du joaillier pour forger mon destin, incarner sur les doigts d’une main les cinq étapes du Désir. Diamant solitaire, alliance aux mille feux, chef d’œuvre voué à la célébration des accordailles, je flétris aux désaccord’aïe.
18:37 Publié dans Conte-gouttes, Sources | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Écriture, nouvelle, acl, chutes enigmes | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
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