03/12/2011
Le solitaire du jardin désert…
Fanchette en visite chez mes enfants, je n'étais pas alors familière de cette banlieue sud-ouest, accrochée à ses coteaux plus abrupts que nos collines provençales. En ce vendredi d’octobre, quand le refus de sieste de Mathis m’est apparu définitif, j’ai pris le parti de nous offrir une exploration au cœur de la cité aussi pentue que cossue. Les promenades de début d’après-midi sont agréables, les rues sont désertes et silencieuses. Nez au doux soleil de ce vendredi d’octobre, nous nous sommes aventurés aux abords du Parc de Saint Cloud, charmés de nos découvertes, que Mathis commente de quelques modulations sibyllines et mélodieuses. Des rues aux trottoirs inégaux et au dessin tortueux recèlent des villas somptueuses cachées derrière des grilles impressionnantes qui délimitent autant de jardins luxuriants. Dans la même rue parallèle aux limites du Parc, trois plaques ornent les entrées de trois maisons contiguës : ici vécurent Yéhudi Menhuin, Boris Vian, et Jean Rostand. Pas moins : un musicien magicien, un savant biologiste, un touche-à-tout de génie qui fit rêver sa grand-mère, si Mathis imite ses glorieux prédécesseurs, son avenir sera brillant. Modeste, mon petit-fils opine dans sa poussette.
Pour varier les plaisirs, nous nous engageons ensuite dans la descente en pente vive depuis ces hauteurs, la rue Gambetta offre une piste qui plairait aux skieurs sur macadam !
À mi-parcours, je découvre à gauche la maison des Jardies, où vécut et mourut Léon Gambetta. Superbe maison blanche, à l’aspect sobre et retenu, comme il sied à l’image du grand homme. En face, quelques pas plus bas s’ouvre un chemin fermé par un portillon. Au milieu de bambous et de rosiers, nous descendons vers un plan d’eau, avant d’aboutir à l’aire de jeux…
Il est encore tôt, les autres nounous veillent au sommeil de leurs nourrissons, et le jardin s’offre tout à nous. Mathis profite à loisir du toboggan et des installations ludiques. Mais il est encore petit et se lasse un tantinet. Pour faire diversion, je l’emmène jusqu’au plan d’eau en contrebas.
Tout à coup, nous sortons du monde réel. L’endroit est idyllique. Il règne ici un calme inouï, alors que la ville n’est qu’à deux pas derrière le mur. Mais cette roselière aménagée par un paysagiste inspiré me ravit. Nous sommes entrés dans une dimension féerique, baignant dans la magie de l’automne …
Au détour d’un bosquet de roseaux, je réalise que nous ne sommes pas seuls. Au bout de la rivière aménagée, dans cet îlot de nature reconstituée, l’hôte du jardin nous regarde venir à lui.
Mathis est toujours assis dans sa poussette, et semble pour le moment indifférent. Il n’a pas repéré l’échassier qui nous observe avec une attention inquiète. Aussi surprise que lui sans doute par cette apparition, je m’efforce de ne plus bouger, essayant d’attirer discrètement son attention par des gestes lents et discrets. Au bout d’un moment, comme le héron ne bouge pas, je reprends notre progression le long de l’allée. Notre hôte se tient toujours immobile, et cette fois, Mathis l’a bien repéré sous les frondaisons du saule.
Un moment d’observation réciproque se prolonge ; Mathis reste très calme, il pointe juste son petit doigt vers notre nouvel ami, en geste d’amitié qui ne semble pas intimider outre mesure l’échassier :
Puis comme à regret, l’oiseau prend à nouveau ses distances. Lentement, il contourne la pelouse et gagne la roselière. Je ne peux accélérer notre avancée, de peur de l’effrayer. Au pied des gigantesques plantes aquatiques, il nous attend encore l’espace d’un instant, comme pour un adieu silencieux.
Puis il disparaît si vite que le temps d’un battement de cils, la barrière végétale s’est refermée sur notre compagnon, comme un charme envolé.
Notre ami a disparu et le charme s’est rompu. Enchantés néanmoins par cette rencontre, nous sommes retournés le lendemain en famille dans ce jardin extraordinaire. La petite foule du week-end a alors envahi l’aire de jeux, les allées le long du plan d’eau accueillent les promeneurs en quête de rêveries aquatiques, des amoureux dans leur bulle. Mais de notre Héron, pas la moindre trace, pas la plus petite rémige volant dans la brise. Notre solitaire s’est évaporé, il nous reste le souvenir d’une rencontre insolite, cadeau dans notre besace à souvenirs.
19:12 Publié dans Blog, goutte à goutte, O de joie | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
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