10/11/2011
Décrue
Une semaine de tempête sur nos têtes.
Une semaine de pluie et de vent, bourrasques et orages, nous n’en demandions pas tant pour accepter la ronde des saisons.
Une longue semaine grise et humide, un ciel de plomb pour tout horizon.
Et dessous nos pas, la terre enflée.
Habituellement lézardée par l’absence d’eau, la terre d’ici est sèche, durcie par le manque, comme un cœur en souffrance.
Au deuxième jour, cette terre est déjà malade. Elle refuse d’avaler la potion.
- C’est trop, dit-elle, trop pour moi. Mon régime est chamboulé, j’ai besoin de m’habituer, de prendre l’humidité à petites goulées, sans me presser.
Au troisième jour, la tourmente redouble. Obstinément, de son réservoir percé, l’eau se déverse sans cesse sur le sol saturé.
Sous les torrents improvisés, les chemins se perdent. La pente des sentes accentue l’ardeur du flot, la terre diluée dévale, chargée de pierrailles, comme si la colline décidait de couler vers la plaine.
En bas, les champs disparaissent à leur tour. Plus de racines, plus de vignes, plus de limites entre routes et fossés, un vaste lac s’étale.
On pense à Noé.
Des histoires de naufragés remontent, on imagine la colline émergeant lentement des rives d’une mer primitive, ponctuée d’oiseaux abasourdis ébouriffant leurs plumes aux rivages boueux… L’homme des crêtes se terre en attendant l’éclaircie.
Ceux du bas sont moins heureux. Eux n’ont plus d’abri. L’eau s’est invité dans leurs demeures, leurs chambres et leurs salons. Mais elle n’arrive pas claire comme la pluie. La crue qui envahit les maisons s’est gorgée de boue, de pierres, de poussières. L’onde pure s’est ruée en fange hostile, bourbier glacé qui anéantit tant d’efforts passés, tant de rêves chèrement réalisés.
Enfin, le ciel a épuisé ses réserves ; lentement, la pluie a reflué.
Sous la lumière engourdie d’une aube renouvelée, la pluie a fini par cesser.
Un soleil jouvenceau balaie les nuages, sa clarté timide se penche sur les marécages.
Les pieds dans l’eau encore, mais la tête au soleil, les ceps de vigne attendent des jours meilleurs. Les routes de la plaine retrouvent le tracé du macadam, la terre déglutit les dernières gorgées de sa tisane automnale.
Demain, il faudra nettoyer. Demain il suffira d’ébrouer les résidus de boue, de balayer les amas de vase, de repousser le limon dans le lit des rivières… Demain, le soleil luira sur les terres de Provence rendues à leur vraie Nature.
19:28 Publié dans Blog, goutte à goutte | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inondation, décrue, provence, écriture, journal, poésie | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
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