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16/03/2009

la photo

La photo  s' est affichée sur l’écran de l’ordinateur portable.

Elle occupe le centre de la fenêtre scintillante, mais ses dimensions plus restreintes libèrent des pixels inutilisés qui constituent un écrin noir. Comme un bijou, le cliché est mis en valeur grâce à cet effet de contraste. Impossible de déterminer si l’effet est volontaire ou si ce sont des contraintes techniques qui participent à la mise en écran, similaire à une mise en scène préméditée.

La tonalité majeure de l'image est émise par une nuance verdâtre, couleur d’algue, et  un léger  flou, que l' on pourrait qualifier « d’artistique ». Il n’est pas certain cependant que l’opérateur ait  réellement voulu créer un effet. Ce sont plutôt les rideaux de la fenêtre qui sont restés fermés, formant un écran contre la lumière de ce  début de matinée. Ils n’ont pas eu l’idée ou l’envie de convier la clarté dans l’intimité de la scène.

Les dimensions réduites de la photographie, l’écran noir encadrant largement le cliché, la touche aqueuse de l’image, confèrent à la reproduction un aspect de tableau ancien, plutôt école flamande du XVIIe, Vermeer ou Van Dyck.…Pourtant, à l’inverse d’un portrait de commande, où le sujet est en représentation, les personnages qui composent le centre du tableau ne semblent pas préoccupés par l’impression qu’ils offrent d’eux-mêmes. Ils ne posent pas, même s’ils regardent tous deux l’objectif. Ils se tiennent très proches l’un de l’autre, leurs bustes manifestement dévêtus chastement  cadrés au-dessus du renflement   de la poitrine de la jeune femme. Ses longs cheveux noirs cèleraient de toute façon son anatomie aux regards irrespectueux, dans le cas inenvisageable où leur portrait tomberait sous  des yeux intrus. Leurs proportions sont parfaites, harmonieuses, une impression de perfection instantanée émane de leurs sourires juvéniles et de la détente abandonnée de leurs regards.

Lui se tient à gauche, de face mais  très légèrement ouvert vers elle, par une légère torsion qui montre l’attache robuste et délicate du cou et de la tête. Une ombre de sommeil traîne encore dans ses iris dorés, son sourire ouvert à demi laisse deviner une plénitude accomplie, un bonheur intérieur accepté, résolu.  Elle a incliné un peu la tête vers lui, mais pointe son menton volontaire vers l’objectif et sa petite bouche aux lèvres rondes et charnues exprime dans la retenue de son sourire une pointe  de malice. Ses yeux étirés  brillent d’un éclat provocant, elle n’a plus sommeil, elle revendique l'aboutissement du moment … Son visage tout entier dit qu’elle est heureuse, de ce sentiment profond et viscéral ressenti par la communion de deux corps, de deux êtres, de deux âmes.  Ces deux-là viennent de  se trouver, de vivre un grand moment, ils ont voulu fixer pour eux seuls la réalité de leur émerveillement amoureux avant que l’appel du jour  ne le disperse.

La photo pourrait être indiscrète.
Elle traduit la chaleur de leurs peaux qui se touchent et ne veulent pas rompre ce contact.
Elle transmet la sensualité et la force du désir qui les a fait vibrer et rouler entre leurs draps comme des galets sous le ressac.
Elle conserve pour les jours à venir, pour les années à traverser, pour étayer leurs joies et balayer leurs peines, la marque indélébile de cette tempête sensuelle qui vient de les révéler l’un à l’autre.
Elle sera peut-être leur phare dans le brouillard des avatars, leur lumière dans la succession des tourbillons qui vont fondre sur leurs vies.
Qui d’elle ou de lui a pensé en premier à fixer le cliché ?
Ils sont si jeunes encore, mais savent déjà que les moments sublimes sont volatiles et qu’il faut bien s’arrimer à leurs reflets pour durer.
Car on vit mieux dans son corps et sa tête, quand le bonheur s’incarne en une image…Avec la grâce et la beauté de leur certitude intime, de celle que les médisants et les pervers, ceux qui n’aiment pas voir leurs semblables épanouis, ne  pourront ni  abîmer, ni voler .
Pris ainsi sur le vif, ils sont  si beaux dans leur bonheur tout neuf !

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