09/11/2007
Lumière du matin sur Porquerolles
Le clapot léger troue doucement la voie royale de mon sommeil, sans rompre immédiatement mon rêve.
À ma gauche, je perçois sa place vide et fraîche. Il est déjà levé. Un mouvement, déplacement imperceptible de son poids sur le pont au- dessus de ma tête impulse une brusque envie de le rejoindre, d’autant que le soleil darde brusquement un jet de lumière sur mes paupières, à travers la vitre embuée du hublot. Il n’est pas encore six heures, mais en ce samedi de mai, l’astre du jour a déjà surmonté la colline qui garde la petite cité insulaire.
M’emparant du mug de café qu’il a préparé, je traverse à pas de plume le carré, évitant tout bruit susceptible de réveiller nos invitées, et je grimpe à mon tour sur le cockpit. Comme je l’avais pressenti, il se tient à l’avant du bateau, le Fuji dans la main droite… De l’autre main libre, il m’accueille d’un geste ample pour m’amener à embrasser la tranquillité de la baie. Pas besoin de mots, en effet, devant ce royal lever …
Les navigateurs alentour sont enfin rendus au silence de leur tardif endormissement et ne goûteront pas la lumière dorée qui nous enveloppe et irradie notre bonheur. Ni nos demoiselles qui dorment encore d’un juste sommeil, nous l’espérons, après ces harassants mois d’hiver dans les brumes urbaines. Elles nous sont arrivées exténuées, agacées, vampirisées par toutes les exigences de leurs vies professionnelles, leurs espoirs toujours repoussés, l’exacerbation d’un avenir qui tarde à éclater… Leur bonheur fuit le quotidien, à force de formatage et d’urgences.
Ma joie de ce matin, c’est de les savoir là, dans l’étroite cabine, abandonnées à la vacance du week-end, isolées des tracas, leurs consciences flottant peut-être sur les effluves mêlées d’eucalyptus et du champagne de la veille. Ma joie de ce matin, c’est de me réveiller avide de partager ce petit moment où nous sommes seuls debout sur ce pont suintant encore l’humidité nocturne, café matinal SUR la mer. Tandis que la baie s’illumine doucement sous la lumière translucide et crue, l’eau se ride à peine au passage d’un pointu glissant vers le large. Pendant cette demi-heure cadeau, nous sommes seuls éveillés sur ces pannes, jusqu’à l’envol d’une mouette qui ébroue le paysage. Suivant des yeux son parcours, nous découvrons la silhouette d’un promeneur solitaire quittant la jetée. Fin du Moment Magique.
Dans un instant sans doute, nos filles vont se lever, la parole nous reviendra, les gestes habituels s’enchaîneront et la journée sera belle. Un léger tangage indique que quelqu’un a bougé en bas, dans le carré.
- Tiens, dit-il, il est presque sept heures, je vais voir si je nous trouve des croissants chauds …
18:35 Publié dans O de joie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : nouvelles, récits, poésie | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
Commentaires
/Users/odilecholletgrillet/Desktop/FH000022.JPG
Une nouvelle aube sur Porquerolles, adressée en ce début décembre par un internaute ( jp-lathuile, car il faut bien citer ses sources)amoureux comme nous des Grands Moments. C'est vrai qu'être à bord confère un rapport sublimant à la nature.
je cite donc
"Une goutte de bonheur et de serenité
on y est;
ce n'est meme plus imaginaire et en plein hiver ....
on vous souhaite la meme au mouillage à l'anse "notre dame" et la ca debute à 4 heures ...."
Écrit par : jp-lathuile | 07/12/2007
Quel beau souvenir que ce WE là.
Merci encore pour ce voyage au fil de l'eau.
Bisous
Écrit par : Nouchette | 09/12/2007
Chers Oldile et Gérard...
Quelle joie de lire ce merveilleux texte sur notre séjour à Porquerolles... quelle joie de me souvenir des délicieux flottement du bateau lorsque assoupie dans la cabine je me réveillais tout doucement.... ces lignes déclenchent une miriade de souvenirs, du "café-à-la-bougie" au "bateau-cassé-avant-même-de-quitter-le-port" puis 'bateau-réparé-grâce-à-Gérard"!!!
Mille merci pour m'avoir si généreusement accueillie pendant ces quelques jours, et re-merci pour me faire revivre à travers ces lignes ces instants inoubliables. Je vous embrasse fort tous les deux. Stéphanie
Écrit par : Stéphanie | 10/12/2007
Merci Stéphanie pour tes remerciements, mais si on continue, ça ne finira jamais. C'est vrai qu'il était chouette à vivre ce week-end et rien n'empêche de recommencer; Ah le dîner sous les Eucalyptus!…
Par contre je n'ai pas souvenir du café à la chandelle, ça mérite un petit rappel…Pour les réparations électriques avant départ, c'est vrai que c'était chaud, mais pour le shopping maillots de bain, timing impeccable! il fait bien les choses, GéO, pas peu fier d'être mon Héros!
Écrit par : Odile | 10/12/2007
Explication du "café à la bougie" donc.... :
Qui dit moment du café, dit tasse à café...
Scepticisme marqué de ma part, avec ma tête de "y'a un truc qui cloche" lorsque j'annonce - quelque peu dubitative- : "Tiens... il a figé le sucre....."
La tasse entre mes mains ce matin là était celle qui habituellement servait de bougeoire !
Écrit par : Stéphanie | 10/12/2007
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