20/01/2013
Alouette, gentille Alouette
Fuyons le ciel bas et lourd qui plombe nos week-ends…
En ce dimanche d’humeur grise, je me suis essayé à un petit clin d’œil louchant vers la comédie conjugale ordinaire, histoire de chasser quelques scories atmosphériques. J’espère que cette innocente saynète, taquinerie anodine, fera naître quelques sourires.
Alouette, gentille alouette,
Alouette, je te plumerais
Elle : Bonsoir mon chéri ! Tu rentres bien tard, heureusement que je n’ai rien mis à cuire. C’était encore très embouteillé ?
Lui : Oh comme d’habitude, les travaux, la pluie, trop de voitures… Et puis, je suis parti tard, Mercier nous a appelé d’Australie, juste quand j’allais partir, il a encore failli oublier le décalage horaire, quel étourdi celui-là !
Elle : Je vois. Bon oublie le boulot maintenant. Tu n’aurais pas envie qu’on s’offre une petite sortie, nous deux ? Comme ça en amoureux ?
Lui : Ce soir ? C’est un peu tard …
Elle : Non, pas ce soir, tu arrives à peine. En fait, je pensais plutôt à une sortie programmée, un événement qui sortirait de l’ordinaire…
Lui : Ben tu sais, le soir, moi, ce qui me fait plaisir, c’est de me délasser, lâcher un peu prise, comme on dit… Ce qui serait chouette, tu vois, c’est que tu m’attendes avec un bon petit verre, qu’on discute un peu tous les deux, qu’on prenne le temps de souffler au lieu de passer à table immédiatement quand j’arrive.
Elle : Mmouiii, tu as raison, on faisait toujours ça, avant… Bon si tu veux, assieds-toi, que veux-tu que je te serve ? Whisky, bière, cocktail ?
Lui : Cocktail ? Pourquoi pas ? C’est drôle que tu proposes un cocktail… Tu as encore le shaker sous la main ? J’ai l’impression qu’on ne s’en est pas servi depuis …Ouh, des années
Elle : Des années en effet…
Lui : Ah ! Ça me fait plaisir que tu aies cette idée, j’apprécie, je t’assure, vraiment…
Elle : Vraiment ? Tant mieux…
Tu sais en fait, je voulais te dire, hem… Oui, tiens, reprenons mon idée de sortie…
Lui : Hein, quelle sortie ?
Elle : Je te disais tout à l’heure que j’aimerais bien que nous allions un peu au théâtre…
Lui : Tu as dit ça ? Au théâtre, quelle drôle d’idée ? Il faut ressortir, s’habiller, reprendre la voiture… Trouver une place, oh la galère !
Elle : Mais non, il suffit de programmer à l’avance, tu n’es pas obligé de revenir me chercher, on se donne rendez-vous sur place, ce serait marrant, non,
Lui…
Elle : En tout cas, ça changerait un peu, tu disais toi-même tout à l’heure qu’on ne se parlait plus comme avant…
Lui : Justement, si on s’enferme dans une salle de cinéma ou de théâtre, on ne va pas se parler…
Elle : Évidemment, on ne parle pas pendant le spectacle! Mais au moins, avant et après, on a un nouveau sujet de conversation … Écoute, j’ai trouvé un site où on peut acheter des places pas chères du tout… Et tu sais finalement, on y a l’embarras du choix, des dates, des comédiens… Tiens regarde, j’ai mis le site en favori sur la tablette…Tu vois, là, sur la page d’accueil, Fabrice Luchini au théâtre Antoine …
Lui : Ouh à te voir excitée comme ça, toi, tu as une idée derrière la tête… Je vais encore me faire avoir, moi… Bon, écoute, je ne te dis pas non, mais là ce soir, je suis crevé, je n’ai pas envie de me fatiguer les yeux sur des écrans, j’ai eu ma part aujourd’hui. On en reparlera demain.
Elle : Demain, encore demain… Mais ce sera la même chose, demain ! tu seras encore fatigué, énervé, en retard, ou préoccupé, que sais-je ? Et moi, je passerai une soirée de plus à t’écouter te plaindre, à te servir à table sans que tu t’inquiètes de ce qu’a été la mienne de journée…
Lui : Oh non, ne commence pas avec ça ce soir, s’il te plaît ! On en a parlé des centaines de fois, ce n’est quand même pas ma faute si ton job ne te passionne pas ! Parce qu’au fond, tu veux que je te dise, tu m’en veux de m’investir et de tout faire pour réussir dans la boîte. J’en ai assez d’entendre tes reproches, alors que tu pourrais profiter du confort de notre situation !
Elle : Mais justement, qu’est-ce que tu appelles profiter ? Rentrer du boulot des heures avant toi, faire les courses, préparer le dîner, ranger, m’occuper des problèmes d’entretien et des factures, parce que tu n’as plus de temps pour nous, la maison et nos amis ? Mais j’ai envie de vivre comme tout le monde, moi, de me changer les idées, de profiter des spectacles qui existent, de me cultiver autrement qu’en lisant les critiques de Télérama ! Je veux être dedans, dans la vraie vie, j’en ai marre de camper à la marge depuis mon salon et ma télé…
Lui : Tiens, à propos de télé, t’as regardé les infos ? Ils en sont où de la prise d’otages ?
Elle : L’otage ici, c’est moi ! Tiens, regarde-là ta fichue télé, je vais mettre le rôti au four, puisque tu as encore réussi à cramer la soirée…
Alouette, gentille Alouette,
Qui sera qui plumé ce soir ?
12:32 Publié dans Blog, Conte-gouttes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, saynète, dialogue, vie conjugale | | del.icio.us | Facebook | | Imprimer
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