18/07/2010
Doigts de pieds en éventail
Allez savoir pourquoi mes pensées estivales imposent l’image d’orteils largement écartés, frémissant doucement sous la caresse de l’air brûlant, au bout de la chaise longue, s’émoustillant de plaisir dans les reflets étincelants de la piscine…
Cette partie de notre corps que sa fonction enserre habituellement dans les chausses contemporaines, bottes, souliers ou pantoufles, profitons, profitons des ardeurs de saison pour la réhabiliter, la soigner, la pomponner, l’exposer à nos regards et notre sollicitude.
C’est qu’il en faut des soins pour entretenir et ménager nos appuis.
Avec le temps, nos tendres arpions ont souffert mille tortures, hauts talons, formes étroites ou trop larges, bouts pointus, frottements du talon… Ah comme les pieds féminins portent plus que tout autre membre les marques ostensibles du diktat de la mode. Et quand se manifestent les stigmates des souffrances infligées, il est trop tard, les élégantes de jadis doivent considérer comme biens acquis les bosses disgracieuses qui déforment la ligne du coup de pied…
Résignation de la maturité, le prix à payer pour tant de petits pas pressés, des trottoirs urbains aux planchers des magasins et des bureaux, des bitumes de cours de récréation au parquet des musées, des chaussons de danse aux chaussures de ski et les kyrielles de traitements négligents au fil des années à l'égard de si petits fragments d’os et de muscles.
Pensée du jour : Apprendre à s’aimer comme on est, et comme on devient.
Considération estivale qui ne saurait nous distraire de l’admiration inconditionnelle pour les éclats du monde alentour captés au fil des balades. La semaine dernière, excursion gastronomique et qualitative avec Marie-Geneviève sur le plateau de Valensole où les lavandes n’étaient pas encore coupées… Chatoiement des couleurs, ce sont de véritables tableaux que recueille notre regard: une mer mauve qui se noie au rivage des frondaisons.
L’été allonge les soirées à peine rafraîchies succédant à l’incandescence de la journée, scandée de haltes autour des refuges ombragés. Quand arrive enfin le ravissement de la voûte étoilée clignotant sur les bains de nuit d’avant sommeil, nous attendons avidement les courants d’air nocturnes peinant à caresser nos corps fatigués. Nous sommes entrés brutalement dans l’ère des mouvements ralentis, des efforts comptés, des bouffées humides qui transforment nos visages en fontaines éplorées. Alors, nos yeux cherchent les promesses de fraîcheur et nous nous plongeons dans les couleurs du lac, la turquoise des eaux de Sainte Croix, la transparence de l’onde chargée d’espoir de sensation comme d’une renaissance…
Sa majesté l’Été est de retour et nos orteils libérés se parent de couleurs …
Pourquoi donc ne pas entamer une collection de pieds ?
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